Le grand rouge – Wouzit

LeGrandRouge


Titre : Le grand rouge
Scénariste : Wouzit
Dessinateur : Wouzit
Parution : Mars 2011


Créé en 2009, le site web Manolosanctis avait donnĂ© plein d’espoirs aux dessinateurs de BD amateurs, heureux de trouver une plateforme de publication en ligne d’une rare efficacitĂ©. Mais surtout, Manolosanctis s’est muĂ© l’espace de quelques temps en Ă©diteur, ce qui causa sa perte. L’éditeur ferma, le site web avec. Si tous les livres de l’éditeur ne sont pas mĂ©morables, force est de constater que quelques auteurs atypiques avaient Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©s par l’éphĂ©mĂšre maison d’édition, que ce soit par des albums personnels ou collectifs. Parmi eux, Wouzit, qui publia « Le grand mort » chez Manolosanctis, un one-shot de 120 pages.

LeGrandRouge1Tout commence alors qu’Ivan Ă©choue sur une Ăźle qui se rĂ©vĂšle des plus Ă©tranges. Il va alors tenter de survivre dans cet environnement peu hospitalier, tel un Robinson. Le livre nous dĂ©voile alors comme ce petit malfrat s’est retrouvĂ© dans cette situation, capturĂ© et condamnĂ© pour avec son compagnon William.

Construite sous forme de chapitres comme autant de flashbacks, la narration saute donc d’un univers Ă  l’autre. D’un cĂŽtĂ©, Ivan est perdu seul sur une Ăźle et on essaie de comprendre ce qu’est cette Ăźle. De l’autre, Ivan fuit et on se demande s’il va s’en sortir, prĂ©sageant que cette histoire passĂ©e expliquera l’histoire future. Cette narration montre sa pertinence en mĂ©nageant le suspense. Car Wouzit prend son temps et les rĂ©vĂ©lations qu’attend le lecteur seront bien tardives.

Une narration et un rythme parfaitement maßtrisés.

Sans ĂȘtre forcĂ©ment des plus impressionnants, le scĂ©nario est donc parfaitement servi par un procĂ©dĂ© de flashbacks bien menĂ©. Le rythme fait ici toute la diffĂ©rence. Surtout que les parties sur l’üle sont souvent muettes, contrairement aux parties en ville. C’est d’ailleurs une des forces de l’ouvrage : Wouzit parvient Ă  raconter les choses en muet. Il n’use quasiment jamais des onomatopĂ©es, si bien que les scĂšnes d’action sont trĂšs silencieuses !

Au niveau du dessin, le style de Wouzit est particulier et assez simple. On oscille entre un dessin qui se veut moderne et une ligne claire plus classique. MalgrĂ© tout, les cases sont fouillĂ©es et sa construction de l’üle force le respect par sa crĂ©ativitĂ©. Cette Ăźle nous paraĂźt terriblement Ă©trange alors qu’elle n’est pas finalement si Ă©loignĂ©e de nos codes. L’utilisation des couleurs en aplats simples renforce l’aspect ligne claire, mĂȘme si le travail est vraiment abouti. La colorisation, simple au premier abord, est trĂšs rĂ©ussie, donnant des ambiances avec beaucoup de subtilitĂ©, que ce soit pour les scĂšnes sur l’üle ou les scĂšnes de nuit.

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C’est un livre des plus sympathiques qui nous est donc proposĂ©. Sans ĂȘtre transcendant au niveau du dessin ou du scĂ©nario, toute la rĂ©alisation permet Ă  l’ouvrage de passer un cap. La narration et le rythme sont bien menĂ©s, le style de dessin et les choix de couleurs sont pertinents. Du beau travail.

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Note : 14/20

Le loup des mers – Riff Reb’s

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Titre : Le loup des mers
ScĂ©nariste : Riff Reb’s
Dessinateur : Riff Reb’s
Parution : Novembre 2012


Les rĂ©cits de piraterie ont toujours exercĂ© une forme de fascination auprĂšs du lectorat. La rudesse des hommes, la nature impitoyable et la mer, Ă  perte de vue. Ainsi, alors que le sujet avait poussĂ© Jack London Ă  Ă©crire un roman sur le sujet, Riff Reb’s s’empare de l’histoire de ce dernier pour la mettre en images. N’ayant pas lu le roman dont il est question, je me garderai de toute comparaison. Le livre, prĂ©sentĂ© sous un format comics, pĂšse pas moins de 130 pages et est publiĂ©e dans la collection Noctambule aux Ă©ditions Soleil.

L’histoire commence alors que Humphrey Van Weyden prend le bateau pour rejoindre l’un des ses amis. L’homme est un gentleman, critique littĂ©raire de mĂ©tier. Seulement, le voyage tourne court suite Ă  une mauvais grain entraĂźnant un naufrage dramatique pour l’homme. Ce dernier est recueilli alors par Loup Larsen, un pirate qui enrĂŽle l’homme de force comme mousse.

Un lien fait de haine et de fascination.

On suit alors la survie d’Humphrey Ă  bord du navire. LĂ -dessus, rien de nouveau sous les tropiques. D’abord trop fragile, il va finir par s’aguerrir, se faire des alliĂ©s et monter dans la hiĂ©rarchie. Son cĂŽtĂ© intellectuel plaĂźt Ă  Loup Larsen qui, sous ses dehors cruels, possĂšde une culture des plus impressionnantes. Un lien se crĂ©e entre les deux hommes, fait de haine et de fascination. Clairement, c’est lĂ -dessus que le livre propose toute sa force. Le sujet est traitĂ© avec subtilitĂ©. Les changements d’attitude des personnages entre eux sont finement amenĂ©s, jusqu’au bout de l’aventure.

LeLoupDesMers2Cependant, outre les relations humaines, on est pris d’empathie pour Humphrey et le vĂ©ritable suspense de l’ouvrage est ici : pourra-t-il se soustraire de Loup Larsen ? Une quĂȘte qui paraĂźt impossible tant le capitaine possĂšde un cĂŽtĂ© surnaturel exacerbĂ© par son charisme. Si bien que le lecteur tombe aussi sous le charme de ce personnage fort et atypique.

La construction de l’ouvrage est basĂ© essentiellement sur une narration omniprĂ©sente qui cite, je le suppose, des passages du livre. On lit donc l’histoire racontĂ©e par Humphrey. Le livre est constituĂ© de dix-sept chapitres agencĂ©s chronologiquement.

Graphiquement, Riff Reb’s frappe trĂšs fort. MĂ©lange de diffĂ©rentes techniques, son graphisme est simplement splendide. Outre ses personnages, aux attitudes fortes, c’est dans la reprĂ©sentation de la mer qu’il explose littĂ©ralement. Plus les scĂšnes semblent difficiles Ă  dessiner, plus elles sont rĂ©ussies. Les tempĂȘtes sont ainsi magistralement rendues. Le tout est colorisĂ© de façon monochrome, chaque chapitre possĂ©dant sa propre couleur. Un choix payant tant l’ouvrage est fort sur ce point-lĂ . Outre la duretĂ© du propos, Riff Reb’s accentue le tout avec un dessin Ă  la fois personnel et puissant. Du grand art.

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Si le sujet du « Loup des mers » n’est pas vraiment original, il faut avouer qu’il est traitĂ© ici avec beaucoup d’intensitĂ©. DotĂ© d’une narration fluide et d’un graphisme splendide, on dĂ©vore ce livre de la premiĂšre Ă  la derniĂšre page, se prenant rĂ©guliĂšrement des claques devant le talent de l’auteur. A lire absolument !

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Note : 18/20

Templiers, T1 : La chute – Jordan Mechner & LuUyen Pham

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Titre : Templiers, T1 : La chute
Scénariste : Jordan Mechner
Dessinateur : LuUyen Pham
Parution : Janvier 2014


Les Templiers m’ont toujours intriguĂ©. Toute histoire les mettant en jeu m’attire. Ils cumulent un bon nombre d’arguments Ă  mes yeux : le Moyen-Âge est une Ă©poque qui me plaĂźt, la dimension religieuse est toujours intĂ©ressante, le mystĂšre qui les entoure attise la curiosité  Enfin, il est aisĂ© de greffer une petite dose d’ésotĂ©risme pour finaliser la recette.

C’est pourquoi, au hasard de mes pĂ©rĂ©grinations dans les rayons de librairie, j’ai Ă©tĂ© appĂątĂ© par un ouvrage Ă  la couverture sobre. D’un format davantage proche de celui d’un roman que d’un album de bandes dessinĂ©es, il s’intitule « Templiers ». Ce seul titre a Ă©veillĂ© mon attrait. En le feuilletant, je suis tombĂ© sous le charme des dessins. En quelques pages, j’avais commencĂ© Ă  voyager dans le temps et avait plaisir Ă  me retrouver dans les pas de ces cĂ©lĂšbres chevaliers.

templiers1aLa quatriĂšme de couverture prĂ©sente les mots suivants : « Les Chevaliers du Temple. VĂ©nĂ©rĂ©s pour leur noblesse, leur fĂ©rocitĂ© dans la bataille, et leur dĂ©votion religieuse, les Templiers Ă©taient des chevaliers de Dieu, exempts de tout pĂ©chĂ© et Ă  l’ñme pure. Du moins la plupart d’entre eux. Martin n’est pas exactement la plus opiniĂątre ou le plus pieux des chevaliers, mais il parvient Ă  s’échapper quand le roi de France dĂ©cide d’abattre l’Ordre des Templiers afin de mettre la main sur leur lĂ©gendaire trĂ©sor. AprĂšs un temps de souffrance et d’errance, il retrouve d’anciens compagnons et met au point un plan des plus audacieux
 voler le plus grand trĂ©sor du monde au nez du roi. »

Le bouquin est le premier tome de l’histoire. Il s’intitule « La chute ». EditĂ© chez Akileos, il se compose de deux cents quarante pages. J’ai souvent du mal avec une telle structure. Il est en effet rare qu’un album arrive Ă  conserver une qualitĂ© constante sur une telle longueur. En tout cas, sorti de « Blast », je ne vois pas parmi mes lectures rĂ©centes un autre exemple d’opus aussi long Ă  m’avoir conquis. Ce livre se dĂ©coupe en chapitres qui offrent des repĂšres intĂ©ressants dans la lecture.

L’avantage d’allonger l’intrigue sur plus de deux cents pages est de permettre la construction de beaucoup de personnages qu’ils soient centraux ou secondaires. La trame est relativement dense et fait exister un grand nombre de protagonistes. Le travail graphique de LeUyem Pham que je dĂ©couvre ici fait exister chaque membre de l’aventure et implique ainsi fortement le lecteur. La sympathie dĂ©gagĂ©e par Martin et ses amis apporte un Ă©cot certain au plaisir de la dĂ©couverte de leurs pĂ©rĂ©grinations.

On entre vite dans le vif du sujet.

L’intrigue ne se rĂ©sume pas Ă  suivre les pas de personnages auxquels on s’est attachĂ©. La trame ne perd pas de temps Ă  se mettre en place. Le scĂ©nariste Jordan Mechner ne s’autorise pas Ă  un long round d’observation. MalgrĂ© le grand nombre de pages, il ne perd pas de temps Ă  plonger ses hĂ©ros dans le vif du sujet. La consĂ©quence est que l’immersion du lecteur est rapidement profonde. Les Ă©vĂ©nements s’enchaĂźnent Ă  un rythme soutenu. Martin est un fugitif. Il est donc en permanence sur le qui-vive. L’histoire ne s’autorise donc aucun temps mort pour notre plus grand plaisir. Le suspense, sans ĂȘtre insoutenable, est toujours prĂ©sent. La narration est agrĂ©able et les pages dĂ©filent sans qu’on s’en rende compte.

Le travail graphique qui m’avait conquis lors de ma premiĂšre rencontre avec l’ouvrage a enchantĂ© ma dĂ©couverte du tome. Je trouve que le trait de Pham accompagne parfaitement le cĂŽtĂ© rythmĂ© des scĂšnes et l’aventure qui transpire de chaque page. L’identitĂ© des personnages s’accordent aussi parfaitement avec l’atmosphĂšre gĂ©nĂ©rale. Les dĂ©cors suggĂšrent aisĂ©ment le dĂ©paysement autour temporel que gĂ©ographique.

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Au final, « Templiers » est un premier opus intĂ©ressant. Je me suis laissĂ© prendre par l’intrigue et suis curieux de lire la suite. La bonne nouvelle est que le deuxiĂšme Ă©pisode est sorti en avril dernier. Il ne me reste donc plus qu’à me le procurer. Mais cela est une autre histoire


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Note : 15/20

 

Les aventures de Lucky Luke, T6 : Les tontons Dalton – Laurent Gerra, Jacques Pessis & AchdĂ©

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Titre : Les aventures de Lucky Luke, T6 : Les tontons Dalton
Scénaristes : Laurent Gerra & Jacques Pessis
Dessinateur : Achdé
Parution : Octobre 2014


Il aura fallu les fĂȘtes de fin d’annĂ©e pour que je me replonge dans un Lucky Luke. Si le cow-boy solitaire a bercĂ© mon enfance, cela fait bien longtemps que je suis passĂ© Ă  des bande-dessinĂ©es plus adultes et ambitieuses. Ici, le scĂ©nario est gĂ©rĂ© par Laurent Gerra et Jacques Pessis, soit un humoriste et un journaliste/Ă©crivain. C’est vrai qu’il serait dommage de considĂ©rer que le scĂ©nario de bande-dessinĂ©e est un mĂ©tier Ă  part entiĂšre
 Ce scĂ©nario est mis en scĂšne et dessinĂ© par AchdĂ©.

Everett Dalton, l’un des cousins Dalton (un des tous premiers Lucky Luke) a survĂ©cu Ă  27 balles de revolver. Il a eu un enfant qui devra ĂȘtre Ă©levĂ© par
 les quatre Dalton dans une ville appelĂ©e Rupin City. Et Lucky Luke devra bien Ă©videmment les surveiller, en compagnie de Rantanplan


Le scĂ©nario est dĂšs le dĂ©part bancal au possible. Il n’y a pas d’aventure possible ici. Et si les tentatives de rĂ©demption des Dalton ont dĂ©jĂ  existĂ©es dans la sĂ©rie, elles Ă©taient bien plus subtiles. Dans « Les tonton Dalton », on s’ennuie ferme. Il ne se passe rien et les Ă©volutions des personnages sont, au choix, proches du nĂ©ant ou soudaines. Ainsi, le petit neveu cumule les tares de Joe et Averell, puis devient super gentil et adore Lucky Luke d’une page Ă  l’autre !

Un vide scénaristique.

Ce vide scĂ©naristique est comblĂ© par des allusions omniprĂ©sentes au film « Les tontons flingueurs ». On retrouve ainsi de nombreux acteurs caricaturĂ©s et les rĂ©pliques cultes. Sans aucun intĂ©rĂȘt ! Se baser sur un film aux rĂ©pliques aussi inspirĂ©es pour Ă©crire des dialogues plats, c’est montrer d’autant plus ses propres difficultĂ©s Ă  accoucher d’un scĂ©nario correct ! Car au-delĂ  du scĂ©nario, c’est la fluiditĂ© de l’ensemble qui ne va pas du tout. Certains jeux de mots sont amenĂ©s Ă  la truelle et cassent le rythme.

Je sais que le dessin d’AchdĂ© est souvent citĂ© comme seul point positif de cet album. Je ne suis pas du tout de cet avis. AchdĂ© singe Morris au point qu’on a l’impression de voir une sombre copie. RĂ©sultat, l’ensemble manque cruellement de personnalitĂ©. C’est voulu, mais Ă  trop vouloir coller Ă  l’auteur original, on perd plus qu’on y gagne. On retrouve mĂȘme les codes couleurs de Morris, qu’il avait dĂ©veloppĂ© pour compenser les problĂšmes d’impression de l’époque (on parle des annĂ©es 40 pour les dĂ©buts
)


« Les tonton Dalton » manque totalement d’inspiration. Il ne se passe rien, les allusions aux « Tontons flingueurs » n’apportent rien et le dessin est aujourd’hui datĂ© et sans intĂ©rĂȘt. Il serait peut-ĂȘtre temps que certains Ă©diteurs comprennent qu’une sĂ©rie n’a d’intĂ©rĂȘt Ă  continuer si longtemps que si elle se renouvelle. Sinon, ils tueront leur poule aux Ɠufs d’or. Lamentable.

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Note : 2/20

Le journal de Jules Renard lu par Fred – Fred

LeJournalDeJulesRenard


Titre : Le journal de Jules Renard lu par Fred
Scénariste : Fred
Dessinateur : Fred
Parution originale : Avril 1988
Réédition : Janvier 2014


Jules Renard est un Ă©crivain français dĂ©cĂ©dĂ© il y a un petit peu plus d’un siĂšcle. Son Journal est un de ses Ɠuvres majeures. RĂ©digĂ© entre 1887 et 1910, il a Ă©tĂ© Ă©ditĂ© Ă  titre posthume en 1925. Je ne l’ai jamais lu. Il n’est donc pas directement le sujet de ma critique d’aujourd’hui. En effet, l’album que j’évoque aujourd’hui m’a attirĂ© par le nom de son auteur, Fred. Cet Ă©crivain est le crĂ©ateur de PhilĂ©mon, Ɠuvre majeure Ă  mes yeux du neuviĂšme art. Le brillant crĂ©ateur est dĂ©cĂ©dĂ© l’annĂ©e derniĂšre. Sa disparition a donnĂ© lieu Ă  bon nombre de rééditions d’Ɠuvres anciennes nĂ©es de sa plume.

LeJournalDeJulesRenard1« Le Journal de Jules Renard lu par Fred » date de 1988. L’opus que je me suis procurĂ© est paru en janvier dernier chez Dargaud. Il se dĂ©marque de son prĂ©dĂ©cesseur par le fait qu’il ait Ă©tĂ© mise en couleur par Isabelle Cochet. Il s’agit d’un trĂšs bel objet. La texture de la couverture ou l’épaisseur des pages participent pleinement au plaisir de la lecture et incite fortement Ă  s’y plonger. Il se compose de cinquante-quatre planches. François Morel prĂ©face cet ouvrage.

Chaque planche peut se lire indépendamment.

La trame se construit Ă  travers le dialogue de Jules Renard avec un corbeau. Ils Ă©changent au cours d’une balade qui dĂ©bute Ă  la premiĂšre page et se clĂŽt Ă  la derniĂšre. MalgrĂ© cette continuitĂ© narrative, chaque planche peut se lire indĂ©pendamment. Elle se conclut toute de la mĂȘme maniĂšre : Renard et le corbeau s’éloignent vers l’horizon en offrant une morale ou une vĂ©ritĂ©. La force de cette construction est d’offrir une densitĂ© de lecture importante. Il n’y a aucun temps mort. Les pĂ©riodes de transition sont proscrites. Ce bouquin peut se dĂ©vorer d’une traite ou au contraire se dĂ©guster par petites bouchĂ©es au hasard des pages et des moments.

LeJournalDeJulesRenard2Le texte est issu du Journal de Jules Renard. Si je ne le savais pas, je n’aurais eu aucun mal Ă  imaginer que ces mots sont nĂ©s dans l’esprit de Fred. En effet, le ton et la profondeur des propos coĂŻncident parfaitement avec ceux qui habitent habituellement les productions du talentueux auteur de bandes dessinĂ©es. L’heure n’est pas Ă  la rigolade. La dĂ©pression et le fatalisme sont davantage de sortie. MalgrĂ© cela, la lecture est agrĂ©able et prenante. Je suis totalement conquis par l’atmosphĂšre qui transpire de cette balade champĂȘtre au milieu de nulle part. Le travail graphique permet un dĂ©paysement qui place le lecteur dans les conditions optimales pour savourer le contenu des bavardages entre cet homme et ce corbeau. Les planches sont un plaisir pour les yeux. S’immerger Ă  nouveau dans l’univers pictural de Fred est un vrai bonheur.

Quasiment l’intĂ©gralitĂ© de l’espace est occupĂ©e par les deux protagonistes principaux. Ils ne croisent presque personne au cours de leurs pĂ©rĂ©grinations Ă  la campagne. Ce sentiment d’ĂȘtre coupĂ© du monde ou de voir la rĂ©alitĂ© en suspens intensifie leurs propos. La force des mots attise alors la curiositĂ© et incite le lecteur Ă  s’investir complĂštement dans sa lecture. De plus, la densitĂ© des dĂ©clarations faites par l’homme ou le volatile fait qu’une relecture est presque aussi riche qu’une premiĂšre dĂ©couverte.

Au final, cet opus est une belle rĂ©ussite. J’ai pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă  le lire et n’hĂ©siterai pas Ă  m’y plonger Ă  nouveau Ă  l’occasion. MalgrĂ© le cĂŽtĂ© linĂ©aire de sa narration, il ne manque pas d’aspĂ©ritĂ©s et ne laisse pas indiffĂ©rent bon nombre de fois. Je suis ravi qu’il trouve sa place dans ma bibliothĂšque et ne peut que vous inciter Ă  partir Ă  sa rencontre


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Note 15/20

Kraa, T2 : L’Ombre de l’Aigle – BenoĂźt Sokal

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Titre : Kraa, T2 : L’Ombre de l’Aigle
Scénariste : Benoßt Sokal
Dessinateur : BenoĂźt Sokal
Parution : Janvier 2012


BenoĂźt Sokal, auteur de la sĂ©rie « Canardo », avait surpris son monde avec la sortie du premier tome de « Kraa » oĂč son talent de dessinateur explosait dans une histoire totalement dĂ©nuĂ©e d’humour et froide comme la lame d’un couteau. La sortie du deuxiĂšme tome de ce triptyque, « L’ombre de l’aigle » confirme la grande qualitĂ© de cette sĂ©rie.

Dans un coin reculĂ© de la planĂšte, entre Alaska et SibĂ©rie, un territoire devient la source de convoitises. Un relatif rĂ©chauffement local et des minerais prĂ©cieux dans le sous-sol attirent tous les aventuriers avides de richesses rapidement gagnĂ©es. Mais ce n’est pas si simple. Dans la ville nouvelle, tout va trop vite. L’hiver est rude, rendant le travail impossible. Et la nature reste incontrĂŽlĂ©e. DĂ©marrent alors de grands travaux destinĂ©s Ă  Ă©riger un barrage Ă  la sortie d’une vallĂ©e encaissĂ©e. Ainsi, les inondations issues du dĂ©gel seront contrĂŽlĂ©es et de l’électricitĂ© sera produite en grosse quantitĂ©. Dans cette vallĂ©e perdue vivait une tribu indienne, massacrĂ©e depuis. Et surtout, il y a cet aigle gĂ©ant, vĂ©nĂ©rĂ© auparavant comme un dieu, que la civilisation veut faire disparaĂźtre


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Le premier tome de « Kraa » Ă©tait avant tout basĂ© sur la relation entre le garçon et l’aigle. Ici, l’hiver a continuĂ© son processus d’assimilation et le jeune autochtone est devenu complĂštement sauvage. Ainsi, le couple fondateur de la sĂ©rie est trĂšs en retrait, laissant la place Ă  la jeune infirmiĂšre Ă  peine entrevue dans le premier tome. Celle-ci va devoir se rendre dans la vallĂ©e, sur les lieux des travaux, Ă  ses risques et pĂ©rils


Plus que l’aigle, ce sont les vautours qui sont Ă  l’honneur.

Curieux choix de Sokal de mettre de cĂŽtĂ© son aigle dans cette partie. Cependant, cette dĂ©cision n’en est pas mauvaise pour autant. La galerie des personnages s’étoffe et se fait plus pertinente. Car plus que l’aigle, ce sont les vautours qui sont Ă  l’honneur. Le vĂ©ritable sujet est cette ruĂ©e vers l’or et ses consĂ©quences. Et c’est remarquablement traitĂ©. Les dĂ©sillusions, la pauvretĂ©, la misĂšre, les prises de risques
 On s’en bien que ce monde en devenir ne peut que s’écrouler. La duretĂ© de cet univers est omniprĂ©sente. La violence est partout, tout le temps. Le fait de dĂ©marrer ce tome dans la ville donne d’autant plus l’impression que la vallĂ©e est tout sauf accueillante. Et pourtant, cette ville est dĂ©jĂ  sacrĂ©ment dĂ©sagrĂ©able pour ses habitants


La narration reste efficace mais plus classique. Les parties narratives, donnĂ©es par l’aigle, sont plus rares alors qu’elles Ă©taient vraiment la pierre angulaire du premier tome. Tout passe par l’action et le dialogue dĂ©sormais.

Le dessin de Sokal, en couleur directe, est une nouvelle fois splendide. Outre les paysages magnifiques qui sont une vĂ©ritable invitation au voyage, les personnages ont de vraies trognes, donnant beaucoup de personnalitĂ© Ă  l’ensemble. L’auteur semble trĂšs Ă  l’aise pour tout et produit Ă  coup sĂ»r l’une des bande-dessinĂ©es les plus belles de l’annĂ©e.

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Avec « Kraa », Sokal a créé un monde original, dur et implacable. Passionnant de bout en bout, dotĂ© d’un vrai suspense, il prend le temps de bĂątir toute une sĂ©rie de personnages et de problĂ©matiques avant le troisiĂšme tome qui clora la sĂ©rie. Difficile encore de savoir oĂč il veut vraiment en venir, mais « Kraa » s’annonce d’ors et dĂ©jĂ  comme un chef d’Ɠuvre.

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Note : 18/20

Kraa, T1 : La VallĂ©e Perdue – BenoĂźt Sokal

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Titre : Kraa, T1 : La Vallée Perdue
Dessinateur : Benoßt Sokal
Scénariste : Benoßt Sokal
Parution : Septembre 2010


 J’ai dĂ©couvert par hasard le dernier album de BenoĂźt Sokal, intitulĂ© « Kraa » et sous-titrĂ©e « La vallĂ©e perdue ». Sokal s’est fait connaĂźtre notamment par la sĂ©rie Canardo. TrĂšs typĂ©e franco-belge (tout en rondeur, en traits noirs et en couleurs vives), cette sĂ©rie vaut surtout pour son humour. Avec « Kraa », on change complĂštement d’univers.

L’histoire de « Kraa » se situe entre la SibĂ©rieet l’Alaska, dans une vallĂ©e encaissĂ©e. Suite Ă  un rĂ©chauffement climatique, cette vallĂ©e devient Ă©conomiquement exploitable. L’homme moderne vient alors s’y installer, rĂȘvant de richesses. Or, la vallĂ©e est habitĂ©e par une tribu indienne, oĂč dĂ©jĂ  l’influence du colonisateur se fait sentir. Cependant, les indiens vivent en harmonie avec la nature qui les entoure. Pour l’instant


kraa1bKraa est le nom d’un aigle. Il est l’un des deux hĂ©ros de l’album. En effet, il crĂ©era un lien particulier avec Yuma, un jeune indien. Ensemble, ils reprĂ©sentent ce que le nouveau monde ne veut plus : la nature sauvage et les autochtones, freins Ă  l’expansion Ă©conomique et industrielle.

De véritables tableaux.

Ce qui marque dĂšs les premiĂšres pages, c’est le dessin. Il est simplement magnifique d’un bout Ă  l’autre. On ne retrouve pas du tout le dessinateur de Canardo ! Les traits sont moins appuyĂ©s, les couleurs moins vives et le tout est simplement superbe. Mention spĂ©cial aux paysages vides et au personnage de l’aigle, plus vrai que nature. On retrouve un peu les ambiances et les teintes d’albums de Sokal plus anciens comme « L’Amerzone » ou « La Mort Douce ». Rien que pour son dessin, cet album vaut le coup. Certaines cases sont de vĂ©ritables tableaux.

Heureusement, l’histoire n’est pas en reste. La relation entre Kraa et Yuma est remarquablement rendu par une narration diffĂ©rente. Ainsi, Kraa est le point de vue du narrateur, la « voix-off » de l’album. Ses discours de dĂ©part sont particuliĂšrement cruels, mĂ©lange d’instinct et de cruautĂ©. En cela, il n’est pas particuliĂšrement sympathique. Bien sĂ»r, son lien avec Yuma le rendra beaucoup plus « humain ». Cette Ă©volution est loin d’ĂȘtre immĂ©diate. En cela, elle est rĂ©ussie. Yuma est l’opposĂ© de Kraa. TrĂšs attachĂ© aux valeurs traditionnelles indiennes, il est trĂšs gĂ©nĂ©reux. Une perle d’humanitĂ© dans un monde qui ne l’est pas du tout.

Sokal prend le temps de poser son sujet. Ainsi, ce tome qui introduit les protagonistes fait 94 pages. Cela permet aux personnages d’évoluer Ă  un rythme cohĂ©rent. De plus, les cases sont souvent grandes pour permettre Ă  son dessin de s’exprimer pleinement.

Au final, cet album est une excellente surprise. J’ai eu le plaisir de retrouver les ambiances malsaines de fin du monde de l’Amerzone traitĂ©es avec un dessin magnifique. Je ne peux Ă©videmment que vous le conseiller et attendre avec impatience le prochain tome !

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Note 17/20

De cape et de crocs, T11 : Vingt mois avant – Alain Ayroles & Jean-Luc Masbou

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Titre : De cape et de crocs, T11 : Vingt mois avant
Scénariste : Alain Ayroles
Dessinateur : Jean-Luc Masbou
Parution : Novembre 2014


« De cape et de crocs » est une sĂ©rie exceptionnelle. DotĂ©e d’un univers original, les tomes s’enchaĂźnaient tout en gardant une qualitĂ© scĂ©naristique et graphique incroyable. AprĂšs dix opus, Ayroles (au scĂ©nario) et Masbou (au dessin), avait clĂŽt leur Ă©popĂ©e au grand dam des fans. Mais dĂ©jĂ  ils annonçaient un spin-off sur le personnage d’EusĂšbe. Croyant voir venir un one shot, quelle ne fut ma surprise de voir que ce nouveau livre est considĂ©rĂ© comme le onziĂšme de la sĂ©rie. Bien nommĂ© « vingt mois avant », il revient sur les raisons qui menĂšrent EusĂšbe aux galĂšres oĂč l’on le retrouvait dans l’histoire. Le tout est publiĂ© chez Delcourt.

EusĂšbe est de loin le personnage le plus attachant de la sĂ©rie. Petit lapin blanc dont la naĂŻvetĂ© n’a d’égal que le courage, il est le spĂ©cialiste des petites bĂȘtises. Son histoire Ă©tait devenue un running-gag de la sĂ©rie. On apprenait par bribes son passĂ©. Et quand il avait commencĂ© Ă  s’exprimer, apprenant qu’il avait Ă©tĂ© garde du cardinal, Lope ne pouvait s’empĂȘcher de lui rĂ©pliquer un cinglant « EusĂšbe, ce n’est pas bien de mentir ! » Il y Ă©tait question Ă©galement d’un jumeau malĂ©fique qui l’avait fait condamnĂ© Ă  sa place
 VoilĂ  dĂ©sormais l’occasion de savoir comment EusĂšbe va se retrouver aux galĂšres !

Nouveaux enjeux, de nouveaux personnages et nouveaux lieux.

DeCapeEtDeCrocs11bContinuer la sĂ©rie en ne rĂ©cupĂ©rant qu’un seul personnage est un dĂ©fi Ă  la hauteur d’Ayroles et Masbou. En effet, « De cape et de crocs » dĂ©veloppaient de nombreux personnages attachant qui Ă©voluaient beaucoup dans leurs relations au fil des pages. MalgrĂ© la dĂ©nomination de onziĂšme tome, on a bien le dĂ©but d’une nouvelle sĂ©rie ici. On dĂ©couvre de nouveaux enjeux, de nouveaux personnages et de nouveaux lieux. C’est donc en chemin pour Paris que nous retrouvons EusĂšbe qui part se faire engager chez les gardes du cardinal.

MalgrĂ© tout, on reste connecté ! On retrouve quelques allusions au premier tome de « De cape et de crocs ». On y voit EusĂšbe apprendre Ă  faire le rat ou on croise Ă©galement Montmorency, le fameux basset que Lope dit avoir occis dans les premiĂšres pages de la sĂ©rie
 Sentant ces rĂ©fĂ©rences, je me suis empressĂ© de relire les dix tomes pour profiter pleinement de l’ouvrage. Clairement, l’indĂ©pendance de ce spin-off envers la sĂ©rie originelle est toute relative.

DeCapeEtDeCrocs11cConcernant le scĂ©nario, on retrouve la mĂȘme ambiance. EusĂšbe est naĂŻf et il lui arrive plein de malheurs. Mais il rebondit toujours et sait s’en sortir car, aprĂšs tout, il est tellement mignon
 Le scĂ©nario est dense et vise avant tout Ă  nous prĂ©senter une galerie de personnages qui seront, on l’imagine, dĂ©veloppĂ©s par la suite. On sourit beaucoup, on rit parfois. Ayroles et Masbou n’ont rien perdu de leur superbe.

Le dessin est toujours splendide. Masbou est en pleine possession de ses moyens et prĂ©sente un Paris crĂ©dible et vivant. Son travail sur les couleurs lui permet d’asseoir diffĂ©rentes ambiances sans problĂšme. « De cape et de crocs » tient clairement son rang de sĂ©rie culte Ă©galement grĂące Ă  son dessin personnel et virtuose. Les dĂ©tails s’accumulent et une deuxiĂšme lecture est nĂ©cessaire pour pleinement profiter de tous.

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Ce onziĂšme tome relance une nouvelle intrigue avec talent. MĂȘme si on se retrouve bien devant un livre d’introduction, les qualitĂ©s de la sĂ©rie sont bien lĂ . C’est avec un bonheur Ă©vident que j’ai parcouru ce tome, avant de le relire au plus vite pour profiter de toutes ses subtilitĂ©s. Et on n’attend qu’une seule chose : la suite !

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Note : 17/20

 

De capes et de crocs, T10 : De la Lune Ă  la Terre – Alain Ayroles & Jean-Luc Masbou

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Titre : De cape et de crocs, T10 : De la Lune Ă  la Terre
Scénariste : Alain Ayroles
Dessinateur : Jean-Luc Masbou
Parution : Avril 2012


« De la Lune Ă  la Terre » est un album particulier Ă  mes yeux. Il clĂŽt la dĂ©sormais mythique sĂ©rie « De Cape et de Crocs » nĂ©e de la collaboration d’Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou. Avant de partir Ă  la dĂ©couverte de ce dernier Ă©pisode, je m’étais imposĂ© de lire une nouvelle fois l’intĂ©gralitĂ© des opus prĂ©cĂ©dents. Cela m’apparaissait indispensable pour profiter pleinement des derniĂšres aventures de nos hĂ©ros. Ce n’est donc que rĂ©cemment que je me suis plongĂ© dans cet ouvrage apparu dans les rayons en avril dernier. Toujours Ă©ditĂ© chez Delcourt, le bouquin nous offrait une couverture pleine de rĂȘve. On y voit un navire flotter dans l’espace pour le voyage final de notre cĂ©lĂšbre trio dont on devine le portrait dans le ciel Ă©toilĂ©. VoilĂ  qui ne faisait qu’attiser ma curiositĂ© dĂ©jĂ  pas loin d’avoir atteint son paroxysme.

Le synopsis proposĂ© par la quatriĂšme de couverture est le suivant : « Le prince Jean vaincu, la Lune sauvĂ©e, l’heure est venue pour messieurs de Villalobos et Maupertuis de songer au retour. Mais l’ignoble Mendoza n’a pas dit son dernier mot, et quand amour, honneur et amitiĂ© s’opposent, la comĂ©die peut tourner au tragique. Avant de tirer leur rĂ©vĂ©rence, nos gentilshommes devront encore essuyer de terribles coups de théùtre. Arriveront-ils tous Ă  bon port ? »

Réussir son dénouement est rare.

En littĂ©rature ou en bandes dessinĂ©es, une des plus grandes difficultĂ©s est d’arriver Ă  conclure. RĂ©ussir son dĂ©nouement est rare. Il est pourtant important de ne pas nĂ©gliger sa sortie. En effet, c’est souvent ce dernier sentiment qui laissera le dernier goĂ»t Ă  la dĂ©gustation qu’est notre lecture. Une fin trop rapide ou trop abracadabrantesque frustrera ou dĂ©cevra le lecteur. « De Cape et de Crocs » est apparu dans l’univers de ses adeptes il y a plus de quinze ans. Il Ă©tait Ă©vident qu’il fallait sublimer leur sĂ©paration. L’opus prĂ©cĂ©dent se concluait par la mise en Ă©chec du coup d’état contre le roi de la Lune. Il est donc temps de retourner sur Terre. C’est essentiellement autour de ce projet que se construit la trame. Evidemment, les intrigues secondaires vont densifier le propos et nous offrir une lecture des plus passionnantes.

decapeetdecrocs10b« De la Lune Ă  la Terre » a pour mission, entre autre, de fermer un certain nombre de portes qui avaient Ă©tĂ© prĂ©cĂ©demment ouvertes. Certaines rĂ©vĂ©lations Ă©taient prĂ©visibles, d’autres restent obscures. Les auteurs ne nous offrent pas une rĂ©ponse Ă  chacune de nos interrogations. Ce n’était pas pour autant gĂȘnant car chaque page nous fait sentir qu’il faut profiter des derniers moments passĂ©s avec les diffĂ©rents personnages qui sont pour la plupart trĂšs sympathiques. D’ailleurs la derniĂšre page nous offre un sourire enthousiaste qui nous fait fermer l’album accompagnĂ© d’une Ă©motion prenante. L’avancĂ©e vers le dĂ©nouement est subtilement dosĂ©e. On n’est pas dans la brutalitĂ© de certaines sĂ©ries qui offrent deux pages de monologue contenant toutes les rĂ©vĂ©lations accumulĂ©es. Ce n’est ici pas le cas. On est accompagnĂ© par notre lecture vers la fin en douceur.

Il faut nĂ©anmoins rassurer les lecteurs. « De la Lune Ă  la Terre » n’est pas un album pantouflard. L’aventure est encore de sortie. On dĂ©couvre un combat spatial homĂ©rique entre des adversaires historiques. L’amour est au centre de l’intrigue Ă©galement. Les sentiments sont intenses et pas toujours rĂ©ciproques. La tragĂ©die cohabite avec le romantisme. L’amitiĂ© offre Ă©galement des moments touchants. Le cĂŽtĂ© théùtral est Ă©videmment une nouvelle fois au centre de la narration. On profite une nouvelle fois de tirades cultes qui raviront les adeptes du genre. Le travail d’écriture d’Alain Ayroles est un monument du genre qui ne peut laisser personne de marbre.

Le travail de Jean-Luc Masbou sur les illustrations est une nouvelle fois remarquable. Sa capacitĂ© Ă  faire naitre des Ă©motions par ses personnages est une performance. Son souci du dĂ©tail donne une profondeur Ă  ses dĂ©cors et chacune des cases dont on se dĂ©lecte avec appĂ©tit. De plus, il utilise les couleurs avec un vrai talent. Certaines planches quasi monochromatiques sont habitĂ©es d’une atmosphĂšre qui nous emporte complĂštement. Je suis curieux de savoir si Masbou et Ayroles sont amenĂ©s Ă  travailler Ă  nouveau ensemble que ce soit sur un spin off de « De Cape et de Crocs » soit dans un tout autre univers. Par contre, une chose est certaine, je l’espĂšre


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En conclusion, « De la Lune Ă  la Terre » offre Ă  cette sĂ©rie un dĂ©nouement Ă  son ampleur. J’ai terminĂ© ma lecture avec le sourire. Le plaisir de voir cette saga se conclure avec talent l’emporte sur la triste nostalgie de voir que l’histoire est terminĂ©e. La qualitĂ© de cette Ă©popĂ©e m’incite Ă  m’y replonger rĂ©guliĂšrement. L’aventure n’a jamais fait de mal ! Pour ceux qui n’ont pas encore rencontrĂ© Messieurs de Villalobos et de Maupertuis, il est temps de rĂ©parer cette erreur et de combler ce manque


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Note : 17/20

De cape et de crocs, T9 : Revers de fortune – Alain Ayroles & Jean-Luc Masbou

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Titre : De cape et de crocs, T9 : Revers de fortune
Scénariste : Alain Ayroles
Dessinateur : Jean-Luc Masbou
Parution : Novembre 2009


« Revers de fortune » est le neuviĂšme et avant-dernier acte de « De Cape et de Crocs ». On se rapproche ainsi du dĂ©nouement de la grande saga nĂ©e de l’imagination d’Alain Ayroles et de Jean-Luc Masbou. Le scĂ©nario du premier et les dessins du second nous enchantent depuis plus de quinze ans. Cet ouvrage est paru en 2009 chez Delcourt dans la collection « Terres de LĂ©gendes ». Il se compose d’une grosse quarantaine de pages et a un prix proche de quatorze euros. La couverture est dans des tons verts et sombres. On y dĂ©couvre un de nos hĂ©ros, l’arme Ă  la main et le regard haut. Au second plan, on trouve trois de ses amis l’air apparemment abattus. Au fond, apparait un moulin. Est-ce Ă  dire que la quĂȘte des hĂ©ros s’apparente Ă  celle perdue de Don Quichotte ? Il ne reste plus qu’à se plonger dans la lecture pour le savoir.

decapeetdecrocs9aLe synopsis de ce nouvel Ă©pisode proposĂ© par la quatriĂšme de couverture est le suivant : « Les lĂ©gions du sinistres Mendoza ont investi la capitale sĂ©lĂ©nite. L’infĂąme prince Jean est dĂ©sormais le maĂźtre absolu de la Lune. Pour les rares rescapĂ©s de l’armĂ©e royale, tout espoir semble anĂ©anti. Tout espoir ? Voire. Car il est une chose que Monsieur de Maupertuis et ses amis ont su conserver intacte dans le dĂ©sastre : leur panache. »

Avant d’entrer davantage dans le cƓur du sujet de cet album, je me dois de prĂ©ciser que « Revers de fortune » s’inscrit dans une grande Ă©popĂ©e. Il est indispensable d’avoir lu les huit actes prĂ©cĂ©dents pour pouvoir y plonger sans risquer de se noyer. Au moment, de commencer ma lecture, j’avais laissĂ© les hĂ©ros dans une situation bien dĂ©licate. Le combat pour protĂ©ger le roi de la Lune de son terrible frĂšre et de son horrible bras droit avait Ă©tĂ© perdu. Certains des protagonistes apparaissaient touchĂ©s au plus profond de leur chair. Tout semble perdu. En ce sens, on a avait fini notre lecture touchĂ©. J’étais donc plein d’espoir Ă  l’idĂ©e de dĂ©couvrir la suite. Il devait s’agit de la remontĂ©e. Nos hĂ©ros devaient se relever et mener un dernier combat pour sauver la Lune. Ce n’était pas rien !

Cet album est donc plein d’espoir. On voit l’obscuritĂ© dans laquelle s’était clos l’opus prĂ©cĂ©dent s’éclairer quelque peu. Les hĂ©ros construisent leur Ă©lan sur le panache qui les caractĂ©rise tant. Ainsi, ils se relĂšvent et dĂ©cident de tenter l’impossible. Cette reprise en main nous prend les tripes. On est Ă©mu de vivre ces moments. Cet instant est toujours trĂšs agrĂ©able que ce soit au cinĂ©ma ou dans la littĂ©rature. On a touchĂ© le fond, on dĂ©cide de rebondir. C’est cet aspect qui habite « Revers de fortune ». Son atmosphĂšre diffĂšre donc de celle qui envahissait le prĂ©cĂ©dent acte. L’enthousiasme nait rapidement, tout semble possible. Cela gĂ©nĂšre une ambiance enivrante et pleine de vie. L’empathie qu’on ressent Ă  l’encontre des protagonistes prend toute son ampleur et offre une lecture particuliĂšrement prenante.

Chaque scÚne est mémorable.

decapeetdecrocs9bConcernant le scĂ©nario, il est une nouvelle fois dense et habilement construit. Le premier tiers nous prĂ©sente un Ă©tat des lieux assez piteux de nos hĂ©ros. On y dĂ©couvre l’essence qui fera naitre la rĂ©bellion. Dans un second temps, plus optimiste, on voit la marche en avant de ceux qu’on croyait vaincu. La derniĂšre partie marque la bataille irrĂ©mĂ©diable pour la fin de l’oppression. Tout cela est classique dans les grandes lignes. Mais le talent d’écriture d’Ayroles fait que chaque scĂšne est mĂ©morable et que nombre de rĂ©pliques sont amenĂ©s Ă  ĂȘtre cultes. La capacitĂ© de l’auteur Ă  Ă©crire des dialogues de cette qualitĂ© est un vĂ©ritable hommage au théùtre qui habite chaque page de la sĂ©rie. De plus, le cĂŽtĂ© Ă©pique que gĂ©nĂšre le panache permanent des hĂ©ros font de notre voyage littĂ©raire une vĂ©ritable Ă©popĂ©e mythologique !

Les dessins de Jean-Luc Masbou accompagnent toujours aussi parfaitement les aventures de tout ce beau monde. Son style participe pleinement aux variations d’ambiance qui naissent de notre lecture. Les dĂ©buts habitĂ©s par le dĂ©sespoir sont bien transcrits par le trait de Masbou. Les pĂ©rĂ©grinations du maitre d’armes dans des forĂȘts vierges sont Ă©galement criantes de rĂ©alisme malgrĂ© la dimension fantastique de l’histoire. Je ne vous listerai pas tous les moments et les caractĂ©ristiques de chacun. Cela a peu d’intĂ©rĂȘt et vous gĂącherait la dĂ©couverte. Mais sachez que le voyage vaut le dĂ©tour.

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En conclusion, « Revers de fortune » offre une derniĂšre marche avant le dĂ©nouement des plus rĂ©ussies. Les derniĂšres pages nous font comprendre que la fin est proche. MalgrĂ© cette issue Ă  venir, les auteurs persistent Ă  offrir un ouvrage d’une rare qualitĂ© qui participera au fait que « De Cape et de Crocs » marquera l’histoire du neuviĂšme art des vingt derniĂšres annĂ©es. Je ne peux donc que vous conseiller de vous y plonger. De mon cĂŽtĂ©, il me reste Ă  dĂ©couvrir « De la Lune Ă  la Terre ». Mais cela est une autre histoire
 

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Note : 17/20