Le vent dans les saules, T1 : Le bois sauvage

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Titre : Le vent dans les saules, T1 : Le bois sauvage
Scénariste : Michel Plessix
Dessinateur : Michel Plessix
Parution : Octobre 1996


J’ai dĂ©couvert un jour « Le vent dans les saules » dans la demeure familiale. Depuis, ma vie en a Ă©tĂ© changĂ©e
 AdaptĂ©e du roman jeunesse Ă©ponyme de Kenneth Grahame (que je n’ai jamais lu), cette sĂ©rie scĂ©narisĂ©e et dessinĂ©e par Michel Plessix, dont je ne connaissais alors pas le travail. Parue chez Delcourt, cette sĂ©rie a vu quatre tomes sortir, plus cinq autres qui lui font suite. C’est avec « Le bois sauvage » que l’histoire commence.

« Le vent dans les saules » narre l’histoire d’animaux de la forĂȘt. Il y a Rat, le poĂšte, Taupe, l’ingĂ©nu, Crapaud le baron local, Blaireau le taciturne
 Tout cela se passe dans une ambiance paisible au bord de la riviĂšre. Paisible ? Non ! Crapaud et ses lubies entraĂźne ce monde dans des aventures pas piquĂ©es des vers !

La narration du « Vent dans les saules » est articulĂ©e selon des chapitres. C’est ici trois chapitres d’une dizaine de pages qui nous sont proposĂ©s, soit un total de seulement trente pages. Pourtant, Ă  la fermeture de l’ouvrage, l n’y a aucun risque de se sentir flouĂ© par la faible pagination ! Chaque chapitre raconte une anecdote, qui possĂšde sa propre indĂ©pendance. Mais Ă©vident, au fur et Ă  mesure, les personnages se dĂ©voilent. Mais quel plaisir de voir Rat dire qu’il prĂ©sentera Blaireau prochainement et de voir ce personnage apparaĂźtre au chapitre suivant.

Une atmosphÚre douce et poétique

La force du « Vent dans les saules » est de prĂ©senter une vĂ©ritable aventure tout en semblant ĂȘtre purement contemplatif. Ainsi, nombreuses sont les cases muettes, uniquement accompagnĂ©es par la narration complice de l’auteur. Pas question de plonger dans les pĂ©ripĂ©ties, tout cela se fait tranquillement et sereinement. On se sent happĂ© par l’atmosphĂšre de l’ouvrage ou personne ne va travailler et oĂč l’on Ă©crit des vers au bord de la riviĂšre


Cette atmosphĂšre douce et poĂ©tique est magnifiĂ©e par le dessin splendide (virtuose ?) de Michel Plessix. Ses animaux sont plus vrais que nature. Quant Ă  cette fameuse nature, elle est merveilleusement retranscrite, les couleurs Ă  l’aquarelle lui rendant particuliĂšrement honneur. De plus, l’auteur varie les vues, du plan large au gros plan avec le mĂȘme talent. Et malgrĂ© cette envie de contempler qui nous prend subitement, les personnages gardent un dynamisme certain. Plus qu’un coup de cƓur, le dessin de Plessix est ici une rĂ©vĂ©lation. Et si ce n’était pas suffisant, l’auteur s’amuse Ă  ajouter nombre de dĂ©tails dans ses cases. Invisibles au premier abord, il donne Ă  la seconde lecture un souffle d’autant plus fort, l’auteur crĂ©ant presque un jeu, du moins une complicitĂ©, avec le lecteur.

Ce premier tome du « Vent dans les saules » est dĂ©jĂ  une Ɠuvre majeure. Dessin, univers, narration et personnages forment un tout remarquablement cohĂ©rent et d’une poĂ©sie incroyable. Ne vous fiez pas Ă  l’esprit « petits animaux » qui donnent l’impression d’une bande-dessinĂ©e pour enfant. Mettre un pied au bord de la riviĂšre avec Michel Plessix, c’est ne plus vouloir la quitter. Un chef d’Ɠuvre !

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note5

Habibi – Craig Thomson

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Titre : Habibi
Scénariste : Craig Thomson
Dessinateur : Craig Thomson
Parution : Octobre 2011


Craig Thomson avait marquĂ© les esprits avec la sortie de « Blankets », un rĂ©cit autobiographique fleuve oĂč il abordait entre autres son enfance et le fondamentalisme religieux. Changement d’ambiance ici avec « Habibi » sorti en 2011. C’est toujours aussi long (plus de 600 pages), mais c’est une fiction se passant dans un pays imaginaire tirĂ© des mille et une nuits Ă  une Ă©poque Ă©galement indĂ©terminĂ©e. Les rĂ©fĂ©rences Ă  la Bible laissent place au Coran. Le tout est publiĂ© chez Casterman dans la collection Écritures.

« Habibi » est l’histoire d’un petit noir, Habibi (aussi appelĂ© Zam) et de Dodola, une jeune femme arabe. Cette derniĂšre recueille Zam alors qu’il est encore un petit garçon. Elle-mĂȘme n’est mĂȘme pas encore vraiment une jeune fille, bien qu’elle ait Ă©tĂ© mariĂ©e. Elle est surtout une esclave en fuite. « Habibi » raconte donc leur destinĂ©es, sous forme d’une grande fable oĂč le pire leur arrive mais oĂč l’Amour finit toujours par triompher.

Deux personnages au lien unique.

Habibi3L’intĂ©rĂȘt du livre est basĂ© sur une relation trĂšs particuliĂšre qui unit les deux ĂȘtres. Dodola est Ă  la fois une mĂšre, une grande sƓur, une amie
 Puis, elle devient une source d’excitation pour Zam qui a bien du mal Ă  supporter ses coupables pensĂ©es. La duretĂ© de l’histoire (prostitution, viol, mutilation et j’en passe) donne de la force au propos, sur tout qu’il n’y a rien de vraiment gratuit dans la violence, tout sert l’histoire. Le tout s’englobe dans un milieu oĂč le dĂ©sert est roi et oĂč l’eau vaut de l’or.

A cĂŽtĂ© de tout ça, Craig Thomson ajoute des passages sur le Coran, les carrĂ©s magiques, l’écriture arabe
 Ces passages servent Ă  faire des parallĂšles entre l’histoire des protagonistes et les lĂ©gendes du Coran et de l’Ancien Testament. Cela donne un aspect onirique Ă  l’ouvrage, mais pour ma part cela m’a profondĂ©ment gĂȘnĂ©. Cela coupe rĂ©guliĂšrement la lecture et la narration et on finit par les lire en diagonales pour revenir Ă  l’histoire. L’auteur veut montrer qu’il connaĂźt la culture musulmane visiblement, mais Ă  vouloir ĂȘtre Ă©rudit, on en devient pompeux. Surtout que ces pages sont des prĂ©textes Ă  une surenchĂšre graphique (souvent magnifique) qui ne sert guĂšre la narration. Et comme on est devant un pavĂ© de plusieurs centaines de pages, on aurait apprĂ©ciĂ© quelques coupes.

Concernant le graphisme, c’est simplement splendide. Le trait au pinceau est une merveille et la narration est maĂźtrisĂ©e au plus haut point. Certaines planches sont classiques, d’autres beaucoup plus dynamique. Craig Thomson a l’intelligence de ne pas surcharger en permanence mais avec parcimonie, rendant les passages les plus forts d’autant plus impressionnants. Une vraie rĂ©vĂ©lation graphique, dans un noir et blanc des plus remarquables.

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« Habibi » est clairement un ouvrage Ă  lire. Puissant par son texte, dotĂ© de personnages attachants aux liens si particuliers et parfaitement maĂźtrisĂ© graphiquement, il vous captivera Ă  coup sĂ»r. Il est dommage que les passages oniriques et les nombreuses digressions n’alourdissent l’ensemble dĂ©jĂ  bien fourni en pagination.

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Note : 16/20

Poulet aux prunes – Marjane Satrapi

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Titre : Poulet aux prunes
Scénariste : Marjane Satrapi
Dessinatrice : Marjane Satrapi
Parution : Octobre 2004


AprĂšs la lecture de PersĂ©polis, j’Ă©tais restĂ© un peu dubitatif. Si cette oeuvre possĂ©dait des qualitĂ©s indĂ©niables, je la trouvais un peu sur-cĂŽtĂ©e. Du coup, cela m’avait passĂ© l’envie de lire d’autres livres de Marjane Satrapi. Le temps passant, je dĂ©cidais de rĂ©viser mon jugement en lisant « Poulet aux prunes », son autre livre adaptĂ© (par l’auteure) sur le grand Ă©cran. Ce one-shot est paru dans la collection Ciboulette de l’Association.

TĂ©hĂ©ran, 1958. Nasser Ali cherche un tar. Son instrument a Ă©tĂ© cassĂ© et sans sa musique, il n’est plus rien. Mais malgrĂ© toutes ses tentatives, impossible de trouver un tar correct dans le pays, car il possĂ©dait le meilleur de tous. Incapable de jouer une quelconque mĂ©lodie, Nasser Ali perd sa raison de vivre et dĂ©cide de se laisser mourir.

Le portrait d’un homme dĂ©sespĂ©rĂ©

« Poulet au prunes » est construit sur une sĂ©rie de chapitres articulĂ©s sur les journĂ©es que Nasser Ali passe Ă  attendre la mort. Des flashbacks viennent complĂ©ter l’ensemble afin d’expliquer la vie de cet homme et ce qui l’a amenĂ© aujourd’hui Ă  de telles extrĂ©mitĂ©s. La narration est plaisante et facile Ă  suivre. Les zones d’ombres s’éclaircissent rĂ©guliĂšrement et tracent le portrait d’un homme. Comme pour « PersĂ©polis », Satrapi dĂ©crit quelque peu l’Iran, mĂȘme si ici la personne de Nasser Ali reste centrale. MalgrĂ© tout, le livre fait de multiples digressions sur la famille de l’homme. Parfois, on s’égare un peu, Satrapi s’inspirant avant tout une nouvelle fois de sa propre famille pour Ă©crire.

Beaucoup de lecteurs citent l’humour comme force de Marjane Satrapi. J’avoue ne pas y voir de quoi sourire. C’est avant tout la capacitĂ© de traiter de sujets graves sans pathos inutile et avec une sorte de lĂ©gĂšretĂ© qui fait la force de l’ouvrage. Il y a beaucoup de sensibilitĂ© dans ce « Poulet aux prunes ».

Au niveau du dessin, je ne suis pas vraiment fan du trait de Marjane Strapi. Son noir et blanc pur est un peu inĂ©gal, capable de trĂšs belles choses et parfois un peu lĂ©ger. MalgrĂ© tout, cela suffit Ă  faire passer les Ă©motions et c’est tout ce qui compte !

Marjane Satrapi nous propose ici un conte triste et sensible, oĂč la lĂ©gĂšretĂ© de la narration attĂ©nue quelque peu le drame. On s’attache beaucoup Ă  Nasser Ali et on le pleure comme la perte d’un vieil ami. Une belle histoire.

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Note : 15/20