Titre : Le siĂšcle des ombres, T5 : La trahison
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Michel Suro
Parution : Mars 2014
« Le chant des stryges » est un univers crĂ©Ă© par Eric Corbeyran. Ce thriller fantastique sâĂ©tale sur une quinzaine dâalbums dĂ©composĂ©s en trois saisons. Je suis un grand fan de cette aventure aux arcanes complexes. Mais ce projet ne sâarrĂȘte pas Ă cette sĂ©rie. Des sagas cousines sont nĂ©es telles que « Le clan des chimĂšres » ou « Le MaĂźtre de jeu ». De qualitĂ©, elles ont dĂ©veloppĂ© lâunivers de ses grands monstres ailĂ©s que sont les stryges. La derniĂšre-nĂ©e sâintitule « Le SiĂšcle des ombres ». Elle aussi scĂ©narisĂ©e par Eric Corbeyran, elle est dessinĂ©e par Michel Suro dĂ©jĂ Ă lâĆuvre dans « Le clan des chimĂšres ». Cette histoire vient de voir paraĂźtre son cinquiĂšme Ă©pisode il y a quelques mois. Cet album, Ă©ditĂ© chez Delcourt, sâintitule « La trahison ».
« 1751. Quelques dĂ©cennies avant la RĂ©volution française, un vent dâidĂ©es nouvelles souffle Ă travers lâEurope. Un vent de progrĂšs et de liberté⊠Mais au cĆur de ce SiĂšcle des lumiĂšres, la dĂ©couverte dâune Ă©trange mĂ©tĂ©orite Ă lâautre bout du monde ravive de vieux antagonismes. Au service du cardinal dâOrciĂšres, Cylinia et Abeau de Roquebrune se lancent alors aux trousses du baron dâHolbach, philosophe et encyclopĂ©diste Ă©clairĂ©, quâils soupçonnent dâĂȘtre insaisissable Sandor G. Weltman. Cette traque se double dâune lutte acharnĂ©e pour la possession de cette pierre aux mystĂ©rieux pouvoirsâŠÂ »
Prioritairement, « Le siĂšcle des ombres » sâadresse aux lecteurs assidus de « Le chant des stryges ». Lâhistoire sâinsĂšre chronologiquement entre « Le clan des chimĂšres » et la sĂ©rie mĂšre. Elle permet de retrouver des personnages connus tels que Weltman, Cylinia et Abeau. MalgrĂ©, un lecteur qui dĂ©couvrirait lâunivers des Stryges Ă travers cette sĂ©rie ne sera pas totalement perdu. En effet, lâintrigue sâavĂšre finalement assez indĂ©pendante.
La trame se dĂ©roule au dix-huitiĂšme siĂšcle durant le siĂšcle des LumiĂšres. Les premiĂšres avaient bien exploitĂ©es la dimension historique et philosophique de lâĂ©poque. DâHolbach est un proche de Diderot ou Rousseau. Il participe Ă la rĂ©daction de lâEncyclopĂ©die. Son opposition idĂ©ologique avec les instances religieuses de lâEglise est exploitĂ©e par le scĂ©nario. Je trouvais cet aspect trĂšs intĂ©ressant. Lâimmersion dans la pĂ©riode historique ne se rĂ©duit pas Ă sa dimension politique. Il est dommage que cette richesse soit moins prĂ©sente dans ce dernier opus. La narration sây centre exclusivement sur lâopposition entre Cylinia et dâHolbach. Le choix de ne pas laisser de place importante aux philosophes et aux pontes chrĂ©tiens est regrettable de mon point de vue. Leur prĂ©sence et leurs Ă©changes participaient au rĂ©alisme du voyage temporel que nous offrait « Le siĂšcle des ombres ».
« Le déroulé des événements apparaßt dilué. »
Concernant lâavancĂ©e de la trame, jâavais notĂ© un ralentissement du rythme dans le tome prĂ©cĂ©dent. JâespĂ©rais donc que ce nouvel acte reprenne la vitesse de croisiĂšre qui habitait les trois opus initiaux. HĂ©las, je dois dire que lâheure Ă©tait plus Ă la dĂ©cĂ©lĂ©ration quâĂ lâaccĂ©lĂ©ration. Le dĂ©roulĂ© des Ă©vĂ©nements mâapparaĂźt diluĂ©. Certaines planches auraient gagnĂ© Ă ĂȘtre raccourcies. Elles nâapportent pas grand-chose Ă lâatmosphĂšre de la narration et ne font pas du tout avancer le propos. En poussant Ă lâextrĂȘme mon sentiment, jâai tendance Ă croire que les deux derniers tomes nâauraient pu en faire quâun sans que lâhistoire soit Ă©dulcorĂ©e. Cela aurait densifiĂ© le scĂ©nario et aurait ainsi maintenu mon attention plus concentrĂ©e sur la durĂ©e.
En lisant une critique sur le site www.planetebd.com, jâai appris que ce cycle doit se composer de six tomes. Jâen dĂ©duis logiquement que « La trahison » en est donc lâavant-dernier. Cela peut expliquer le ton de cet opus. A dĂ©faut de faire vivre une succession de rebondissements et de rĂ©vĂ©lations, il a tendance Ă remettre toutes les piĂšces de lâintrigue en place. Les objectifs des uns et des autres sont clarifiĂ©s et tout ce beau monde semble se prĂ©parer pour la lutte finale. Ce choix est cohĂ©rent et classique. Mon regret est quâil y ait eu besoin de quarante-huit planches pour que la situation sâĂ©claire.
Les dessins sont lâĆuvre de Michel Suro. Comme je lâai dit prĂ©cĂ©demment, il avait dĂ©jĂ illustrĂ© « Le clan des chimĂšres ». A lâĂ©poque, je nâĂ©tais pas tombĂ© sous le charme de son trait auquel jâĂ©tais peu sensible. Ce sentiment peut sâexpliquer par la rupture graphique quâil offrait Ă lâunivers par rapport au style de Richard GuĂ©rineau en charge des planches de « Le chant des stryges ». A priori, mes goĂ»ts artistiques ont Ă©voluĂ© car son travail sur « Le siĂšcle des ombres » et particuliĂšrement « La trahison » ne mâa pas dĂ©rangĂ©. Au contraire, je trouve quâil accompagne agrĂ©ablement la lecture. Je ne peux pas dire que je sois tombĂ© sous le charme de certaines de son Ćuvre mais je lui reconnais un vrai talent pour crĂ©er des dĂ©cors et des personnages. De plus, il est autant Ă lâaise dans des scĂšnes de dialogues que dâaction. Câest apprĂ©ciable car cette sĂ©rie alterne les deux de maniĂšre Ă©quivalente.
Au final, mon sentiment en refermant lâouvrage est mitigĂ©. Jâai pris plaisir Ă retrouver les personnages et Ă voir avancer la trame. NĂ©anmoins, je suis frustrĂ© par la sensation de statu quo de la situation et par la mise en retrait des aspects philosophiques et religieux des dĂ©bats. MalgrĂ© tout, cela ne mâempĂȘchera pas de guetter la sortie du prochain et dernier tome qui devrait rĂ©pondre Ă bon nombre de questions et Ă©clairer les zones dâombre qui accompagnent les Stryges. Mais cela est une autre histoireâŠ
Note : 11/20