Titre : Astérix, T36 : Le papyrus de César
Scénariste : Jean-Yves Ferri
Dessinateur : Didier Conrad
Parution : Octobre 2015
MĂȘme si aucun de ses deux crĂ©ateurs nâest Ă lâorigine de son Ă©criture, le nouveau tome des aventures dâAstĂ©rix reste un Ă©vĂ©nement majeur du neuviĂšme art. Le dernier date du mois dernier et sâintitule Le Papyrus de CĂ©sar. Le binĂŽme formĂ© de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad a Ă©tĂ© une nouvelle fois missionnĂ© pour faire naĂźtre de leur imagination les nouvelles aventures des gaulois les plus cĂ©lĂšbres du monde. Les deux auteurs avaient su offrir une suite correcte et respectueuse Ă lâĆuvre de RenĂ© Goscinny et Albert Uderzo avec lâĂ©pisode prĂ©cĂ©dent AstĂ©rix chez les Pictes. Je fais partie des lecteurs ayant trouvĂ© plutĂŽt apprĂ©ciĂ© cet album historique. Sans atteindre la qualitĂ© des premiers opus, il marquait un progrĂšs Ă©norme par rapport aux derniers ouvrages nĂ©s de la seule plume dâUderzo. JâespĂ©rais donc que ce trente-sixiĂšme acte prolonge cette Ă©volution positive.
Le papyrus qui donne son titre au livre nâest pas le moindre des Ă©crits : il sâagit dâun chapitre de la cĂ©lĂšbre Guerre des Gaules contĂ©e par CĂ©sar. Ce chapitre nâest pas nâimporte lequel : il sâagit de celui qui Ă©voque les irrĂ©ductibles gaulois et la partie de la Gaule qui nâest pas dominĂ©e par Rome. Le conseiller de lâempereur lui propose de faire disparaĂźtre ces pages permettant ainsi Ă lâHistoire de retenir que CĂ©sar a conquis toute la Gaule. Le souci apparait lorsquâun colporteur gaulois met la main sur une mouture complĂšte du papyrus et dĂ©cide de rendre publique cette manipulation de la rĂ©alitĂ©âŠ
Le journalisme version Jules César
Jâai trouvĂ© lâidĂ©e de dĂ©part originale et intĂ©ressante. Les enjeux apparaissent rĂ©els et crĂ©ent un lien Ă©vident avec notre Ă©poque contemporaine. Ne dit-on pas que lâHistoire est toujours Ă©crite par les vainqueurs ? De plus, cela permet aux auteurs dâintĂ©grer le concept de libertĂ© de la presse dans leur histoire. Tous ces thĂšmes sont plutĂŽt bien exploitĂ©s tout au long de la narration. Sans jamais tomber dans un excĂšs regrettable, Jean-Yves Ferri arrive Ă faire rire avec ses vannes Ă©voquant lâunivers du journalisme.
Concernant le mĂ©chant, il prend ici les traits de Bonus Promoplus, conseiller et Ă©diteur de lâempereur. LâĂ©thique nâest pas sa qualitĂ© premiĂšre et il se trouve bien embĂȘtĂ© lorsquâil apprend la disparition du papyrus. Il doit mettre la main dessus tout en empĂȘchant CĂ©sar dâĂȘtre informĂ© de la situation. Il reprend beaucoup de caractĂ©ristiques des traditionnels adversaires des hĂ©ros irrĂ©ductibles. Sa personnalitĂ© sâinscrit dans la tradition de la sĂ©rie et ce nâest pas dĂ©sagrĂ©able pour le lecteur. Jâai pris beaucoup de plaisir Ă rire de ses mĂ©saventures et sa nervositĂ© permanente. Son travail avec les lĂ©gionnaires de Babaorum. DĂ©couvrir les soldats blasĂ©s par les irrĂ©ductibles gaulois devant ce petit excitĂ© fait aisĂ©ment sourire.
Evidemment, lâattrait rĂ©side aussi de retrouver nos gaulois adorĂ©s. Les auteurs sâen approprient les codes avec talent. CĂ©tautomatix, Ordralphabetix, Agecanonix, Abraracourcix, Bonemine ou Assurancetourix jouent leur rĂŽle Ă merveille. Ils ont chacun leur petit fil conducteur personnel qui densifie la trame gĂ©nĂ©ral. Concernant ObĂ©lix, il est nouvelle fois la grande star de lâalbum avec sa volontĂ© ponctuelle dâĂ©viter les conflits et les sangliers. Bref, les auteurs offrent un album qui respecte les codes de la sĂ©rie avec talent. Les dessins de Didier Conrad sont dans une lignĂ©e parfait dâAlbert Uderzo.
Pour conclure, je trouve que Le Papyrus de CĂ©sar est un cru honnĂȘte. Il nâa aucun mal Ă accompagner les prĂ©cĂ©dents Ă©pisodes de la saga. Je le trouve plus rĂ©ussi quâAstĂ©rix chez les Pictes. Cela me rend optimiste. Les auteurs semblent plus Ă lâaise dans ce costume prestigieux. Surtout, jâai bon espoir que AstĂ©rix retrouve les lettres de noblesse que certains Ă©pisodes rĂ©cents avaient tendance Ă effriter sĂ©rieusementâŠ