Canardo, T22 : PiĂšge de miel

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Titre : Canardo, T22 : PiĂšge de miel
Scénariste : Benoßt Sokal
Dessinateurs : BenoĂźt Sokal & Pascal Regnauld
Parution : Octobre 2012


« Canardo » est une sĂ©rie que j’apprĂ©cie Ă©normĂ©ment. Suivre les enquĂȘtes de ce dĂ©tective au physique de palmipĂšde et Ă  l’allure de Colombo procure un plaisir certain. Je suis assez admiratif de la capacitĂ© de son auteur, Sokal, Ă  conserver une qualitĂ© d’écriture toujours Ă©levĂ©e plus de trente ans aprĂšs les premiĂšres aventures de son hĂ©ros. J’étais donc confiant et impatient de me plonger dans cette nouvelle Ă©popĂ©e intitulĂ©e « PiĂšge de miel ». Sa parution date du mois de septembre dernier. Le pĂšre historique de la saga s’associe une nouvelle fois Ă  Pascal Regnauld pour faire naitre cet opus.

Comme dans une grande partie de ses histoires rĂ©centes, Canardo se trouve proche du plat pays. La Belgique est le nouveau lieu star des pĂ©rĂ©grinations du cĂ©lĂšbre enquĂȘteur. Cela permet de faire apparaitre une ambiance grise et triste. On a le sentiment que le soleil n’est jamais de sortie. On ne peut pas dire que Sokal milite pour l’office de tourisme belge. Je me garderais de toute comparaison avec la rĂ©alitĂ© sur les plans gĂ©ographiques et mĂ©tĂ©orologiques mais je tiens Ă  prĂ©ciser que j’apprĂ©cie toujours d’ĂȘtre envoutĂ© par cette atmosphĂšre. Le travail sur les couleurs participe activement Ă  la force de cette derniĂšre. Le dĂ©paysement est immĂ©diat. On ressent un vrai plaisir Ă  retrouver cet univers qui nous est familier et qui ne nous laisse pas insensible.

Une partie de Cluedo des plus passionnantes.

Le hĂ©ros Ă©tant dĂ©tective, il lui faut donc trouver une affaire pour expliquer sa charismatique prĂ©sence sur les lieux. Il est ici en mission. On apprend rapidement qu’il surveille de prĂšs un ministre au physique peu avenant. Une parentĂ© avec notre cher ancien-futur prĂ©sident de la France ne serait qu’un hasard malencontreux. Canardo arrange une rencontre entre ce ponte et une femme splendide qui s’avĂšre ĂȘtre une prostituĂ©e de luxe. Tout cela sent le guet-apens. Mais l’intrigue prend vite une tournure diffĂ©rente quand tout ce beau monde est pris par une tempĂȘte de neige. La solution de repli pour passer la nuit est une curieuse rĂ©sidence isolĂ©e et habitĂ©e par une famille noble Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre riche.

Tout est donc rĂ©uni pour nous plonger dans une partie de Cluedo des plus passionnantes. Il n’y a pas de crime mais tous les autres ingrĂ©dients sont prĂ©sents. L’unitĂ© de lieu est imposĂ©e par la mĂ©tĂ©o. De plus, ce lieu possĂšde un charme certain. C’est un chĂąteau perdu au milieu de la forĂȘt. On retrouve une galerie de personnages importante. Chacun donne lieu Ă  des interrogations. Les secrets semblent nombreux et les cadavres doivent inonder les placards. Notre ami palmipĂšde semble vouer Ă  arbitrer tout ce petit monde et les diffĂ©rentes interactions qui vont lier les uns avec les autres. Cet Ă©tat des lieux attise donc notre curiositĂ© et fait que notre immersion est immĂ©diate. DĂšs les premiĂšres pages, par les dĂ©cors, les personnages et l’atmosphĂšre, on est conquis.

Notre plaisir ne diminuera jamais au fur et Ă  mesure que les pages dĂ©filent. A aucun moment, notre attention et notre attrait ne s’attĂ©nuera. La narration ne souffre d’aucun temps mort. Bien au contraire, l’intensitĂ© ne cesse d’augmenter. Chaque personnage, par son apparition dans l’intrigue, relance la trame. Le dĂ©nouement est Ă  la hauteur du chemin qui y mĂšne. Il n’y a aucune dĂ©ception. La derniĂšre page est un modĂšle de conclusion tant sur le plan graphique que du texte. Ce nouvel opus ravira les adeptes du cĂ©lĂšbre dĂ©tective. Ils y retrouveront tous les ingrĂ©dients qu’ils ont l’habitude de savourer. Pour ceux qui n’ont encore jamais rencontrĂ© Canardo, je ne peux que vous conseiller de dĂ©couvrir « PiĂšge de miel ». Il s’agit d’un excellent cru pour un premier rendez-vous avec le cĂ©lĂšbre palmipĂšde


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note5

Canardo, T23 : Le vieux canard et la mer – BenoĂźt Sokal, Pascal Regnauld & Hugo Sokal

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Titre : Canardo, T23 : Le vieux canard et la mer
Scénariste : Hugo Sokal
Dessinateurs : BenoĂźt Sokal & Pascal Regnauld
Parution : Octobre 2013


Canardo et moi, c’est une grande et vieille histoire d’amour. J’ai d’abord dĂ©couvert les premiers ouvrages, noirs, sales et dĂ©sabusĂ©s
 Une vraie rĂ©vĂ©lation ! Le tout a dĂ©sormais bien changĂ©, sans pour autant me dĂ©ranger. LassĂ© du dessin, Sokal a acquis l’aide de Pascal Regnauld afin de se concentrer sur le scĂ©nario. Car c’est avant tout les dialogues qui intĂ©ressent l’auteur. On a donc dĂ©sormais un Canardo trĂšs ancrĂ© dans la Belgique et une bande-dessinĂ©e qui est avant tout une satire sociale Ă  l’humour bien trempĂ©. Ici, c’est Hugo Sokal qui s’occupe du scĂ©nario. Il avait dĂ©jĂ  co-scĂ©narisĂ© les prĂ©cĂ©dents opus. Les rĂŽles sont un peu flou dans « Canardo », mĂȘme s’il semble acquis que Pascal Regnauld assure la majoritĂ© du dessin, bien que son nom ne soit crĂ©ditĂ© qu’en terme de « collaboration » dans l’ouvrage
 PassĂ©s ces considĂ©rations sur qui fait quoi, voyons si ce millĂ©sime, intitulĂ© « Le vieux canard et la mer », vaut la lecture. Le tout est toujours publiĂ© chez Casterman sous la forme d’un album tout ce qu’il y a de plus classique.

Dans cet ouvrage, l’inspecteur Canardo fait la nounou
 Sa sƓur est Ă  la clinique et il doit s’occuper de son petit neveu. Ce dernier, comme tous les petits de son Ăąge, est fan de Momo le MĂ©rou (dont le parallĂšle avec NĂ©mo est Ă©vident) dont le merchandising fonctionne Ă  plein tubes. Si bien que la pĂȘche au mĂ©rou Ă  pois rouges est dĂ©clarĂ©e interdite
 HĂ©las, le Koudouland a une Ă©conomie qui dĂ©pend entiĂšrement de cette pĂȘche. Et le Belgambourg, ancienne puissance coloniale, ne l’entend pas de cette oreille
 Elle missionne Canardo sur place.

Une grande densitĂ© de rĂ©flexions sociĂ©tales et d’humour.

Cette histoire fait la part belle au neveu de Canardo qui devient un personnage central de cette bande-dessinĂ©e. A travers lui, il critique vertement les nouvelles gĂ©nĂ©rations et les conflits inhĂ©rents Ă  la culture et consommation de masse. D’autres termes se mĂȘlent comme la cĂ©lĂ©britĂ© facile et factice dans notre univers mondialisé  La densitĂ© des rĂ©flexions et l’humour avec lequel tout cela est traitĂ© est la vraie force de l’ouvrage. J’ai trouvĂ© cette partie particuliĂšrement rĂ©ussie. On sourit beaucoup, il y a des idĂ©es Ă  foison
 Car Ă  cĂŽtĂ© de cela, on suit Ă©galement la grande duchesse, un des personnages les plus rĂ©ussis de la sĂ©rie, qui vient rendre visite Ă  son « ami » prĂ©sident. Bonjour le nĂ©ocolonialisme et tout ce qui va avec
 « Canardo » sait vraiment ici capter l’air du temps et mettre le doigt sur les dĂ©rives de nos sociĂ©tĂ©s.

Au niveau du dessin, Pascal Regnault fait le travail. On est en terrain connu. Je trouve cependant la gestion des phylactĂšres un peu hasardeuse. Ce n’est pas nouveau, mais l’aspect « photoshop » des bulles en est parfois gĂȘnant. Je trouve aussi les couleurs un peu trop criardes. Clairement, le passage Ă  l’informatique de certains aspects de la sĂ©rie n’a pas Ă©tĂ© une franche rĂ©ussite. Cependant, cela ne gĂȘne pas la lecture pour autant, loin de lĂ . L’univers animalier de Canardo est un modĂšle du genre.

J’ai Ă©tĂ© trĂšs enthousiaste Ă  la lecture de ce « Canardo ». Le cru 2013 est un bon cru, avec beaucoup d’humour et d’allusion Ă  notre monde. C’est toujours Ă©tonnant de voir qu’aprĂšs tant d’annĂ©es et d’évolutions, je puisse ĂȘtre autant heureux de lire cette sĂ©rie qui, clairement, ne se repose par sur ses lauriers. Un exemple Ă  suivre !

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note4

Canardo, T24 : Mort sur le lac – BenoĂźt Sokal, Hugo Sokal & Pascal Regnauld

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Titre : Canardo, T24 : Mort sur le lac
Scénaristes : Benoßt Sokal & Hugo Sokal
Dessinateur : Pascal Regnauld
Parution : Mars 2015


« Canardo » est un hĂ©ros lĂ©gendaire de la bibliothĂšque de mes parents. Son physique de canard attirait mon regard d’enfant mais la nature du contenu me disait d’attendre d’ĂȘtre plus grand pour en savourer la lecture. Quand j’ai Ă©tĂ© en Ăąge de dĂ©couvrir des enquĂȘtes du palmipĂšde dĂ©tective, j’ai immĂ©diatement succombĂ© aux charmes de l’atmosphĂšre unique et envoutante qui accompagnait le quotidien de ce Columbo aux pieds palmĂ©s. Les annĂ©es sont passĂ©es et je n’ai jamais cessĂ© de guetter chaque nouvelle parution de ses pĂ©rĂ©grinations. Le dernier s’intitule « Mort sur le lac ». La couverture sombre et crasseuse est un petit bijou. EditĂ© chez Casterman, cet ouvrage est l’Ɠuvre conjointe de BenoĂźt et Hugo Sokal pour le scĂ©nario et de Pascal Regnauld pour les dessins.

Une disparue amnésique.

Un dĂ©tective privĂ© vit essentiellement de deux types d’affaire : l’adultĂšre et la recherche de personne disparue. C’est Ă  la seconde thĂ©matique qu’appartient ici la requĂȘte faite Ă  ce cher Canardo. La particularitĂ© de la mission qui lui est confiĂ©e est que la disparue est assise en face de lui et que ce qu’elle souhaite retrouver est sa mĂ©moire


Avant d’entrer de plein pied dans le ressenti de ma lecture, je me dois de prĂ©senter rapidement les caractĂ©ristiques de ce hĂ©ros atypique qu’est Canardo. L’univers anthropomorphiste de la sĂ©rie lui donne les traits d’un canard. Mais le premier contact l’associe immĂ©diatement Ă  Columbo. L’impermĂ©able, le regard peu expressif, la cigarette
 MalgrĂ© son cĂŽtĂ© peu attirant, le lecteur ne peut que tomber sous le charme du personnage.

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Comme souvent ces derniers temps, l’enquĂȘte de Canardo lui fait croiser les hautes sphĂšres du duchĂ© de Belgambourg. Ce dernier se veut ĂȘtre un repĂšre pour fortunĂ© frontalier de la Belgique. Cet album Ă©voque les contrariĂ©tĂ©s ressentis par les dirigeants locaux du fait d’une immigration wallonne incontrĂŽlĂ©e. Les propos tenus par cette Ă©lite mettent mal Ă  l’aise au premier degrĂ© mais font bien rire au second. C’est une des forces de la sĂ©rie : son humour noir. Les auteurs ne se fixent aucune limite dans leurs propos et je les remercie pour cela. La thĂ©matique de la protection des frontiĂšres Ă  tout prix n’échappe pas Ă  cette rĂšgle.

Canardo23bDe son cĂŽtĂ©, Canardo a d’autres soucis. Cette ravissante demoiselle amnĂ©sique lui occupe tout son temps. Elle a Ă©tĂ© retrouvĂ©e au milieu d’un lac par un pĂȘcheur d’anguilles qui depuis l’a recueillie. L’essentiel des Ă©changes entre le palmipĂšde et sa cliente se dĂ©roule donc dans un bouiboui spĂ©cialisĂ© dans la cuisson de l’anguille. Cela permet aux auteurs de crĂ©er quelque chose qu’ils adorent et pour lesquels ils sont particuliĂšrement talentueux : une petite communautĂ© vivant quasiment en autarcie au milieu de nulle part. Chacune de ces immersions dans ces lieux gris oĂč grouille cette faune particuliĂšre est un vĂ©ritable bonheur. Le sĂ©jour chez Harry confirme ce postulat.

Concernant les recherches de Canardo, elles ne sont pas inintĂ©ressantes. Les pistes sont nombreuses. Les liens entre elles sont en train d’apparaĂźtre. La surprise est de voir que le dĂ©nouement n’arrive pas au bout de la quarante-huitiĂšme page. Il faudra attendre la parution du prochain tome pour connaĂźtre le fin mot de l’histoire. Je dois vous avouer que j’ai Ă©tĂ© un petit peu frustrĂ©. Les auteurs m’avaient habituĂ© Ă  offrir un Ă©pilogue Ă  chacun de leurs opus. Ce n’est ici pas le cas. Il faudra faire avec mais je dois dire que je suis un petit peu déçu de cette dĂ©cision scĂ©naristique. Cela explique d’ailleurs que les diffĂ©rentes piĂšces du jeu d’échec narratif mettent plus de temps que d’habitude Ă  se dĂ©placer et Ă  se dĂ©voiler.Canardo23c

« Mort sur le lac » est un bon cru de « Canardo ». Il ne fait pas partie des meilleurs mais est incontestablement bourrĂ© de qualitĂ©s. Le dessin de RĂ©gnauld fait une nouvelle fois mouche pour nous prĂ©senter des personnages hauts en couleurs dans des dĂ©cors qui le sont tout autant. Les couleurs d’Hugo Sokal habillent la lecture d’une atmosphĂšre caractĂ©ristique qui ravira les fidĂšles de la sĂ©rie. Je ne peux donc que conseiller Ă  tout adepte du neuviĂšme art de suivre les pas du cĂ©lĂšbre canard en gabardine. Ceux qui le connaissent dĂ©jĂ  seront ravis de le retrouver. Quant aux autres, la rencontre ne les laissera pas indiffĂ©rents


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note4

Tyler Cross, T2 : Angola – Fabien Nury & BrĂŒno

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Titre : Tyler Cross, T2 : Angola
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂŒno
Parution : Août 2015


Avec deux one shots exceptionnels (« Tyler Cross » et « Atar Gull »), Fabien Nury et BrĂŒno se sont imposĂ©s comme une des doublettes les plus talentueuses de la bande-dessinĂ©e. Et c’est avec plaisir que l’on les voit rempiler avec un deuxiĂšme tome de « Tyler Cross », intitulĂ© « Angola ». Le tout pĂšse 100 pages et est publiĂ© c’est Dargaud. MĂȘme s’il serait dommage de ne pas avoir lu le premier tome, ils sont parfaitement indĂ©pendants.

« Angola » est le nom d’une prison. Tyler Cross y est enfermĂ© suite Ă  un coup foireux. Évidemment, il va tenter d’en sortir. Le premier tome Ă©tait un polar teintĂ© de western. Ici, on prend les rĂ©fĂ©rences en plein univers carcĂ©ral des annĂ©es 50 : mafia sicilienne, esclavage des prisonniers, chasse Ă  l’homme, corruption… Du petit lait pour Tyler !

Un hĂ©ros froid, violent et dotĂ© d’une morale minimale.

TylerCross2bLa force de cette sĂ©rie est de prĂ©senter un hĂ©ros particuliĂšrement froid et violent, dotĂ© d’une morale minimale. Pourtant, notre empathie pour lui est bien rĂ©elle puisqu’on espĂšre qu’il s’en sortira. La violence est omniprĂ©sente, portĂ©e par une narration parfaitement maĂźtrisĂ©e. C’était dĂ©jĂ  un des points forts du premier album, on le retrouve ici. Les textes sont un vĂ©ritable plaisir de lecture, sublimĂ©s par la mise en image. Les cases longues et grandes donnent une vraie dimension cinĂ©matographique Ă  l’ensemble. Mais qu’on ne s’y trompe pas : « Tyler Cross » s’inspire du cinĂ©ma, mais utilise au mieux les codes de la bande-dessinĂ©e.

Les cent pages de l’ouvrage permettent aux auteurs de dĂ©velopper leur propos. Car l’histoire n’est pas uniquement centrĂ©e sur Tyler Cross. Les autres personnages ont droit aussi Ă  leurs chapitres qui dĂ©veloppent leur histoire. Et Ă  la fin, Tyler est souvent lĂ  pour les accueillir
 Cette narration multiple, parfaitement maĂźtrisĂ©e, est au cƓur du plaisir de lecture.

Le trait de BrĂŒno, tout en noirs, et sa mise en scĂšne sont assez incroyables. Non seulement il possĂšde un dessin assez unique, mais il est parfaitement au service de l’histoire. Les deux auteurs sont au diapason. Les couleurs enrichissent les ambiances, jouant sur les teintes avec beaucoup d’intelligence. La pluie, la nuit, la douleur, la violence
 BrĂŒno parvient Ă  tout exprimer avec beaucoup d’économie dans son trait et c’est assez remarquable. Quant au dĂ©coupage, il est un vĂ©ritable modĂšle du genre. Quelle maĂźtrise !

« Tyler Cross » s’impose une nouvelle fois comme une bande-dessinĂ©e majeure. En quittant les atmosphĂšres western du premier tome, les auteurs proposent un ouvrage Ă  l’ambiance diffĂ©rente. Le fond reste le mĂȘme : violence, immoralitĂ© et rĂ©fĂ©rences cinĂ©matographiques. Mais dans sa narration et son dessin, « Tyler Cross » reste une sĂ©rie assez unique, autant dans son genre que par sa qualitĂ© exceptionnelle.

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note5

Tyler Cross – Fabien Nury & BrĂŒno

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Titre : Tyler Cross
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂŒno
Parution : Août 2013


Tyler Cross est, Ă  mes yeux, un des Ă©vĂ©nements de cette annĂ©e bĂ©dĂ©phile. Le simple fait d’ĂȘtre le fruit d’une nouvelle collaboration de Fabien Nury et de BrĂŒno est suffisant pour attirer tout afficionado du neuviĂšme art. Leur prĂ©cĂ©dent travail, Atar Gull ou le destin d’un esclave modĂšle, est un vĂ©ritable bijou. Ce nouvel opus est un grand format Ă©ditĂ© chez Dargaud. Sa couverture fascine. Elle est dĂ©coupĂ©e et nous prĂ©sente un homme un fusil  la main, une voiture qui file dans le dĂ©sert, un inquiĂ©tant serpent et une femme qui crie. Tout cela est accompagnĂ© des mots suivants : « Un jour, Tyler Cross paiera pour ses crimes. En attendant, il en commet d’autres. » Le programme est allĂ©chant


La quatriĂšme de couverture voit un homme marchĂ© dans le dĂ©sert. Le ciel rouge sang dĂ©coupe sa silhouette. Il est accompagnĂ© des mots suivants : « Tyler Cross transporte 17 kilos de came, d’une valeur d’un demi-million Ă  la revente au dĂ©tail. Et il a exactement 21 dollars et 81 cents en poche. Il note l’ironie de la chose et se met en marche. »

Un polar aride…

Cet ouvrage de quatre-vingt-dix pages est un polar aride. Son Ă©poque pourrait ĂȘtre celle des annĂ©es cinquante. Il s’adresse incontestablement aux adeptes du genre. Le propos est dur. Certaines scĂšnes sont rudes. Les lecteurs sensibles Ă  l’immoralitĂ© risquent de vivre quelques moments difficiles. NĂ©anmoins, certaines apprĂ©hensions ne doivent empĂȘcher personne de se plonger dans cette histoire Ă  l’atmosphĂšre envoutante, Ă  l’intrigue dense et aux personnages qui ne laissent pas indiffĂ©rents.

Tyler Cross est avant tout une ambiance. Elle m’a envahi dĂšs que j’ai tenu l’objet dans les mains. La couverture et la quatriĂšme de couverture transpire le thriller noir haut de gamme. Je ressentais quasiment la sueur qui habite les zones dĂ©sertiques du continent amĂ©ricain. DĂšs les premiĂšres pages, le voyage dans cet univers est immĂ©diat et intense. J’ai eu le sentiment d’avoir Ă©tĂ© tirĂ© par le col et plongĂ© au cĂŽtĂ© de ce braqueur au sang froid. Je n’ai pu reprendre mon souffle qu’une fois l’album refermĂ© et posĂ© sur ma table de nuit. L’action se centre autour d’une ville perdue au milieu de nulle part rĂ©gie par une famille tyrannisant la population locale. Le dessin de BrĂŒno gĂ©nĂšre une atmosphĂšre malsaine et oppressante qui m’a procurĂ© un vrai plaisir de lecteur. Je ne vous en dĂ©voilerai pas davantage sur ce plan mais sachez que la tension ne diminue jamais.

Cet univers habite une intrigue haut de gamme. Initialement Tyler est embauchĂ© pour faire foirer un deal de drogue. Il doit rĂ©cupĂ©rer la came. L’opĂ©ration Ă©choue et amĂšne donc Tyler Ă  se retrouver dans un trou du Texas avec la dope et pas un sou en poche. Il n’a plus de voiture et les autochtones n’aiment pas trop les Ă©trangers. Les jalons sont posĂ©s pour un enchainement d’évĂ©nements tous liĂ©s plus ou moins directement au tueur. Je n’ai pas l’intention de vous rĂ©vĂ©ler les nombreux rebondissements qui agrĂ©mentent l’histoire. A la maniĂšre de Tyler, le lecteur n’a jamais le temps de se reposer. A chaque que tout semble s’arranger, un grain de sable enraye la machine fragile qu’est le quotidien de Cross. Le sang, la mort, la drogue, le sexe
 Tous les ingrĂ©dients sont de sortie pour offrir un polar prenant.

Une ambiance ensorcelante et une trame captivante Ă©taient dĂ©jĂ  deux arguments de poids pour vous inciter Ă  dĂ©couvrir Tyler Cross. Mais les Ă©loges ne s’arrĂȘtent pas ici. Le scĂ©nario met en scĂšne une galerie de personnages aux personnalitĂ©s variĂ©es et travaillĂ©es. Tout d’abord le personnage principal est splendide. C’est un braqueur qui tue de sang froid. Il apparaĂźt amoral. Et malgrĂ© cela, il m’a fascinĂ©. A tout moment, j’étais Ă  ses cĂŽtĂ©s souhaitant de tout cƓur qu’il s’en sorte. Le cĂŽtĂ© monolithique du hĂ©ros participe Ă  son aura. Le travail graphique de BrĂŒno fait de chacune de ses apparitions un moment fort. Toutes les rencontres qu’il fait au cours de ses pĂ©rĂ©grinations sont Ă©galement hautes en couleur. Il me semble inutile de vous en faire le listing. Par contre, je peux vous dire que j’ai Ă©tĂ© tour Ă  tour touchĂ©, apeurĂ©, dĂ©goutĂ©. Certains protagonistes m’ont fait pitiĂ© d’autres m’ont fait froid dans le dos. Le spectre des Ă©motions est large et cela rend la lecture particuliĂšrement intense.

Au final, Tyler Cross est le chef d’Ɠuvre que j’espĂ©rai. Le travail d’écriture des dialogues de Nury ajoute la cerise sur un gĂąteau dĂ©jĂ  bien appĂ©tissant. Je ne peux que le conseiller Ă  tous les lecteurs adeptes du genre ou plus gĂ©nĂ©ralement sensibles Ă  l’univers du neuviĂšme art. Vous ne regretterez pas le voyage !

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note5

Le chant des stryges, T16 : Exécutions

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Titre : Le chant des stryges, T16 : Exécutions
ScĂ©nariste : Éric Corbeyran
Dessinateur : Richard Guérineau
Parution : DĂ©cembre 2014


Le chant des stryges est une des plus anciennes sĂ©ries que je lis. Le dernier Ă©pisode en date, le seiziĂšme, est apparu en librairie Ă  la fin de l’annĂ©e derniĂšre. Il s’intitule Executions. La couverture dĂ©gage une atmosphĂšre guerriĂšre en parfaite adĂ©quation avec le titre. On dĂ©couvre l’hĂ©roĂŻne se diriger vers nous une arme Ă  la main. Au second plan une maison brĂ»le et le ciel est habitĂ© par le visage d’un monstre hurlant. Les tons chauds accentuent cette sensation de fin du monde. Cette saga est l’Ɠuvre conjointe du scĂ©nariste Eric Corbeyran et du dessinateur Richard GuĂ©rineau. Les couleurs sont le fruit du travail de Dimitri Fogolin.

Le site BDGest’ online (online.bdgest.com) propose le rĂ©sumĂ© suivant : « AprĂšs avoir dĂ©couvert le remĂšde imaginĂ© par Sandor G. Weltman pour remĂ©dier Ă  la stĂ©rilitĂ© des Stryges, Debrah a dĂ©cidĂ© de tenter sa chance. Alors que le fƓtus, sous haute surveillance, grandit dans le corps de sa mĂšre, les tensions au sein de l’équipe se multiplient. Il semblerait qu’un traĂźtre se cache parmi eux
 Mais qui est-il et quelles sont ses vĂ©ritables intentions ? »

Un mélange entre un monde réel et dimension fantastique.

LeChantDesStryges16aVous l’aurez compris aisĂ©ment, il est difficile de s’immerger dans cette lecture sans avoir quelques prĂ©requis solides. Je vais vous offrir les grandes lignes de l’intrigue. Les Stryges sont des crĂ©atures ailĂ©es qui accompagnent dans l’ombre l’humanitĂ© depuis toujours. Leurs destins sont intimement liĂ©s sans qu’on arrive rĂ©ellement Ă  maĂźtriser la nature exacte de leur « association ». Weltman est un homme qui avait passĂ© une alliance avec ses monstres. En Ă©change d’une quasi-immortalitĂ©, il devait chercher Ă  soigner leur stĂ©rilitĂ©. Tout ne s’est pas passĂ© comme prĂ©vu. Cette lutte qui a durĂ© des siĂšcles s’est conclu lorsque Debrah, une mystĂ©rieuse femme aux talents nombreux a hĂ©ritĂ© de l’empire de Weltman aprĂšs l’avoir tuĂ©. Depuis, elle cherche Ă  mettre la main sur tous les hybrides dont elle fait partie pour choisir dĂ©finitivement son camps : avec ou contre les stryges ?

L’intrigue s’inscrit dans notre monde quotidien. La seule nuance de taille est la prĂ©sence dans l’ombre de ces crĂ©atures fantastiques. Le mĂ©lange entre un monde rĂ©el et cette dimension fantastique est habilement construit et ravira les adeptes du genre. La qualitĂ© de la sĂ©rie est constante et ne diminue pas avec les annĂ©es qui passent. L’univers global est dense et solide. Je suis tombĂ© rapidement sous les charmes nombreux de cette aventure et prend toujours beaucoup de plaisir Ă  m’y plonger.

LeChantDesStryges16bCe seiziĂšme tome nous prĂ©sente une bataille rangĂ©e entre Debrah et Carlson. La premiĂšre veut sauver les hybrides, le second veut les exterminer. Par les temps qui courent, le second est en train de prendre le dessus. La conclusion de cet album sur ce plan est une belle rĂ©ussite. ParallĂšlement, l’hĂ©roĂŻne et ses acolytes sont arrivĂ©s Ă  reproduire deux Stryges. Ils sont donc en passe de rĂ©soudre le problĂšme de stĂ©rilitĂ©. La question se pose donc de savoir que faire de ce nouveau pouvoir. Cette interrogation ne trouve pas vraiment de rĂ©ponse dans cet opus. D’ailleurs le fond de l’intrigue avance relativement peu dans cet acte. Les Ă©vĂ©nements s’enchainement mais aucun ne rĂ©volutionne vraiment l’ensemble. La lecture est donc agrĂ©able mais n’est pas aussi prenante qu’à l’habitude. En effet, elle est plus linĂ©aire que dans les albums prĂ©cĂ©dents. Il n’y a de rĂ©els rebondissements. Peut-ĂȘtre s’agit-il d’une transition avec la suite ? NĂ©anmoins, rien n’est bĂąclĂ© mais disons que l’ensemble manque lĂ©gĂšrement d’ampleur.

Concernant les dessins, ils arrivent toujours autant Ă  accompagner avec talent la trame. Le grand nombre de personnages et l’alternance entre scĂšnes extĂ©rieures et intĂ©rieures nĂ©cessitent des bases solides et aucune faiblesse. C’est le cas de Richard GuĂ©rineau. Il arrive sans difficultĂ© Ă  faire exister graphiquement chaque protagoniste qu’il soit central ou secondaire. De plus, les diffĂ©rents dĂ©cors sont Ă©galement bĂątis et permettent de s’y fondre aisĂ©ment.

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Pour conclure, « ExĂ©cutions » est une suite honnĂȘte aux pĂ©rĂ©grinations de Debrah et ses amis. Le suspense est maintenu Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre intensifiĂ©. J’attends donc avec impatience la suite. Quant aux nĂ©ophytes de cet univers, je vous incite Ă  vous plonger dans la lecture du premier tome. Vous risquez d’apprĂ©cier le voyage


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note3

Red Skin, T1 : Welcome to America – Xavier Dorison & Terry Dodson

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Titre : Red Skin, T1 : Welcome to America
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Terry Dodson
Parution : Septembre 2014


La premiĂšre immersion de Xavier Dorison dans l’univers des super hĂ©ros a eu lieu dans « Les Sentinelles ». Il crĂ©ait Ă  cette occasion des super-soldats durant la PremiĂšre Guerre Mondiale. Cette aventure est passionnante et les quatre premiers tomes sont autant de petits bonheurs de lecture. « Red Skin » est donc la deuxiĂšme entrĂ©e du cĂ©lĂšbre scĂ©nariste dans le monde magique des collĂšgues de Superman. Nous sommes ici trĂšs loin des tranchĂ©es. C’est en pleine Guerre Froide que gravite cette hĂ©roĂŻne qui oscille entre Moscou et Los Angeles.

Le premier tome de cette saga s’intitule « Welcome to America ». Paru en novembre dernier, il prĂ©sente une couverture attrayante. Une femme nue aux courbes parfaites nous regarde derriĂšre son Ă©paule. Elle ne laisse pas indiffĂ©rente, la faucille et le marteau qu’elle tient dans les mains non plus ! La quatriĂšme de couverture Ă©veille Ă©galement l’intĂ©rĂȘt : « Arme fatale le jour. Bombe atomique la nuit. Le plus grand super-hĂ©ros amĂ©ricain est une espionne russe. »

Un décalage entre culture soviétique et univers capitaliste.

RedSkin1aJ’ai une grande confiance en Dorison. Par consĂ©quent, c’est plein d’enthousiasme que j’ai dĂ©butĂ© ma lecture. La premiĂšre vingtaine de pages nous permet de dĂ©couvrir l’hĂ©roĂŻne. Elle est le soldat d’élite soviĂ©tique. Ses performances athlĂ©tiques couplĂ©es Ă  une plastique parfaite Ă  un sex-appeal d’une rare intensitĂ© font rapidement d’elle un personnage exceptionnel. Elle a tous les atouts pour nous faire vivre de grandes scĂšnes d’action. Mais elle possĂšde aussi un potentiel sexy et humoristique qui faisait naĂźtre de grands espoirs dans cette nouvelle aventure.

Dans un second temps, nous suivons les premiers pas de VĂ©ra Ă  Los Angeles. Le fait qu’elle travaille chez un rĂ©alisateur de films pour adultes crĂ©e une autre corde Ă  la fibre comique et lĂ©gĂšre de l’ensemble. Cela s’ajoute au dĂ©calage entre la culture soviĂ©tique de l’espionne et son inhabituel univers amĂ©ricain et capitaliste. Son nouveau quotidien s’installe. Ses nouvelles habitudes donnent lieu Ă  de nombreux gags et de scĂšnes d’action assez rythmĂ©es.

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Ce changement de braquet lors de son arrivĂ©e dans la CitĂ© des Anges marque la derniĂšre accĂ©lĂ©ration de la narration. En effet, un train-train s’installe. Les actions de justicier s’enchaĂźnent sans vraiment prendre d’ampleur particuliĂšre. L’album fait exister un grand mĂ©chant. Mais sa prĂ©sence reste au final secondaire. Son principal attrait est finalement de justifier la crĂ©ation de « Red Skin ». J’espĂšre que les tomes suivants lui offriront une place plus importante. J’ai le sentiment que ce premier Ă©pisode n’est qu’une sympathique introduction.

Cet album est l’occasion de dĂ©couvrir un nouveau dessinateur. Il est amĂ©ricain et se nomme Terry Dodson. Son trait issu du comic correspond parfaitement au style narratif. J’ai apprĂ©ciĂ© son trait. Il met facilement en valeur les courbes de l’hĂ©roĂŻne et met Ă©galement en Ɠuvre des scĂšnes d’action spectaculaires. Le travail sur les couleurs m’a beaucoup plu. Je trouve que le bouquin possĂšde une identitĂ© chromatique forte. J’ai Ă©normĂ©ment apprĂ©ciĂ© ce travail.

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Pour conclure, « Red Skin » possĂšde un potentiel divertissant certain. NĂ©anmoins, il n’est pas pleinement exploitĂ© pour l’instant. La personnalitĂ© de l’hĂ©roĂŻne est suffisamment intĂ©ressante et attrayante pour faire oublier les bĂ©mols d’un scĂ©nario auquel il manque un grand final. Je guetterai donc avec intĂ©rĂȘt la parution de la suite. J’espĂšre que cette originale Red Skin trouvera un adversaire Ă  sa taille


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Secrets, L’AngĂ©lus, T2 – Frank Giroud & JosĂ© Homs

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Titre : Secrets, L’AngĂ©lus, T2
Scénariste : Frank Giroud
Dessinateur : José Homs
Parution : Septembre 2011


Les diptyques se dĂ©veloppent en bande-dessinĂ©e. Et si parfois on ne comprend pas trop l’intĂ©rĂȘt de deux tomes, Ă  d’autres moments, ils prennent tout leur sens. Dans « L’angĂ©lus » (de la collection « Secrets » chez Dupuis), le premier tome se terminait sur une bascule. AprĂšs un livre avant tout destinĂ© Ă  percer le secret du tableau de l’AngĂ©lus, la suite se concentre sur le secret de famille de Clovis Ă  proprement parler. Ce deuxiĂšme opus de 56 pages clĂŽt donc l’enquĂȘte de ce quadra en pleine mutation.

À l’image de la couverture, Clovis change et s’épanouit en mĂȘme tant que son obsession grandit. Une fois l’histoire de l’AngĂ©lus et de Dali dĂ©voilĂ©e, reste Ă  savoir pourquoi Clovis y trouve une rĂ©sonance. Mais l’homme a dĂ©jĂ  beaucoup changĂ©. Physiquement d’abord : il a les cheveux hirsutes et la barbe qui foisonne. Il est bien loin de l’homme que l’on avait dĂ©couvert au dĂ©part
 D’ailleurs, il vit dans un camping car qu’il a repeint de couleurs vives. Clovis est en pleine crise identitaire, conjugale et existentielle !

Une crise identitaire, conjugale et existentielle.

LAngelus2bCette mutation de Clovis est particuliĂšrement rĂ©ussie, car elle se fait au fur et Ă  mesure des pages. Elle est remarquable de cohĂ©rence. Les rĂ©vĂ©lations familiales sont moins originales, mais leur parallĂšle avec le tableau de Millet leur donne un intĂ©rĂȘt certain. Mais au-delĂ  du secret, c’est bien de la renaissance d’un homme dont ce diptyque traite.

Le scĂ©nario de Giroud reste remarquablement maĂźtrisĂ©. Dans ce polar aux enjeux finalement assez limitĂ©s, il instille un suspense en tenant bien son rythme en main. Les rĂ©vĂ©lations s’égrĂšnent au fur et Ă  mesure, sans excĂšs de dĂ©ballage final.

Le dessin deHoms est toujours aussi impressionnant : personnel et puissant. Ses personnages sont redoutables d’expressivitĂ© sans tomber dans l’excĂšs. Les couleurs sont toujours autant au diapason, imposant les ambiances Ă  la force de palettes restreintes. Le dĂ©coupage est au mĂȘme niveau, parvenant Ă  diversifier les plans mĂȘme quand les personnages passent deux pages Ă  discuter. Du beau travail !

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Ce diptyque se lit avec plaisir, d’une traite, et le lecteur a du mal Ă  en sortir. DotĂ© d’un scĂ©nario bien menĂ© et bien rythmĂ©, l’histoire est sublimĂ©e par le trait de Homs. Ce deuxiĂšme tome confirme ainsi tout le bien que l’on pouvait penser du premier. Une belle dĂ©couverte !

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Note : 17/20

Secrets, L’AngĂ©lus, T1 : Frank Giroud & JosĂ© Homs

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Titre : Secrets, L’AngĂ©lus, T1
Scénariste : Frank Giroud
Dessinateur : José Homs
Parution : Novembre 2011


La collection (sĂ©rie ?) « Secrets » publiĂ©e chez Dupuis propose neuf histoire comportant « des secrets honteux ou redoutables, enfouis de gĂ©nĂ©ration en gĂ©nĂ©ration au sein de chaque famille. ». C’est au diptyque rĂ©alisĂ© par Homs (au dessin) et Giroud (au scĂ©nario) que l’on s’intĂ©resse aujourd’hui. IntitulĂ© « L’AngĂ©lus », il prend comme point de dĂ©part le cĂ©lĂšbre tableau de Millet. Clovis, le dĂ©couvrant au MusĂ©e d’Orsay, est bouleversĂ©. Mais pourquoi ? Commence alors une obsession qui va le sortir de son quotidien morne et triste. Chaque tome comporte 56 pages, ce qui fait un diptyque bien fourni.

LAngelus1cCe premier tome sert avant tout Ă  poser les jalons de l’histoire. Nous avons d’abord la vie de Clovis. Vivant dans le village qui l’a vu naĂźtre, il exerce un mĂ©tier qui ne le passionne guĂšre et supporte la vie de famille en se faisant marcher dessus par son aĂźnĂ© en pleine crise d’adolescence. PerturbĂ© par le tableau de Millet, il commence des recherches sur l’histoire de ce tableau. Le fait qu’il ne sache pas utiliser internet (une honte pour son fils), fait qu’il y perd beaucoup de temps. Au fur et Ă  mesure que l’obsession grandit, sa vie se dĂ©lite et Clovis tout autant.

Une obsession qui grandit, un homme qui change.

À cĂŽtĂ© de l’humain, l’histoire du tableau se dĂ©voile. Ce premier tome lui donne beaucoup d’importance, puisque c’est ce secret que l’on cherche avant tout Ă  dĂ©terrer. Le tout est distillĂ© avec parcimonie et si vous ne connaissiez pas l’histoire, le tout est plein de surprise. Le diptyque prend alors tout son sens : le premier tome s’attarde sur le tableau, le deuxiĂšme tome permettra d’expliquer la rĂ©sonance entre cette histoire et celle, plus personnelle, de Clovis. MĂȘme si le mystĂšre en soit n’est pas une grande rĂ©vĂ©lation, elle fait son effet. Clovis n’y connait rien Ă  l’art et on sourit parfois Ă  sa naĂŻvetĂ©.

LAngelus1bLes auteurs utilisent parfaitement les 56 pages pour poser l’intrigue. MĂȘme si les personnages sont un peu caricaturaux (la prof d’arts plastiques et le cĂŽtĂ© « village de province » en gĂ©nĂ©ral), le tout fonctionne trĂšs bien. Tout semble cohĂ©rent et naturel et les relations entre eux sont crĂ©dibles. Ainsi la professeur et Clovis semblent assez proches d’entamer une relation et l’ambiguĂŻtĂ© persiste sans que rien ne vienne vraiment.

Le suspense du livre est rĂ©el : on ne sait pas vraiment oĂč nous mĂšnent les auteurs. En cela, le scĂ©nario est remarquablement construit, tout en finesse et avec un rythme parfaitement maĂźtrisĂ©. Le dĂ©coupage n’est pas en reste avec une vraie densitĂ©. Ce premier tome ne se contente pas de poser l’intrigue, il la fait avancer.

Concernant le dessin, Homs dĂ©veloppe un trait entre rĂ©alisme et semi-rĂ©alisme de toute beautĂ©. Ses personnages sont remarquablement croquĂ©s (d’ailleurs, on croquerait bien la jolie prof d’arts plastiques), bien identifiĂ©s. On n’est pas loin de la caricature, mais les expressions sont pleine de justesse. La mise en couleur sublime d’autant plus l’ouvrage en posant des atmosphĂšres aux palettes rĂ©duites. Difficile de rester indiffĂ©rent ! Cela m’a donnĂ© plus qu’envie de dĂ©couvrir les autres ouvrages d’Homs tant son trait m’a sĂ©duit.

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Cet « AngĂ©lus » est une vĂ©ritable surprise pour moi. MĂȘme si les amateurs d’art tiqueront devant le « mystĂšre Millet » (dĂ©jĂ  bien Ă©ventĂ© quand mĂȘme), on ne peut qu’ĂȘtre admiratif devant une telle maĂźtrise de la bande-dessinĂ©e. Entre la gestion du rythme, des personnages, du dĂ©coupage, du dessin et de la couleur, c’est un sans faute. À lire sans plus tarder !

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Note : 17/20

Largo Winch, T19 : ChassĂ©-croisĂ© – Jean Van Hamme & Philippe Francq

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Titre : Largo Winch, T19 : Chassé-croisé
Scénariste : Jean Van Hamme
Dessinateur : Philippe Francq
Parution : Novembre 2014


« Largo Winch » est une des plus cĂ©lĂšbres sĂ©ries de bandes dessinĂ©es. En effet, bon nombre de lecteurs guettent la sortie annuelle de la nouvelle aventure du milliardaire en blue jeans. Je fais partie de ces adeptes qui prennent chaque fois plaisir Ă  dĂ©couvrir les pĂ©rĂ©grinations souvent dangereuses dans les arcanes du monde cruel du grand capital. Le dernier opus en date, le dix-neuviĂšme, s’intitule « ChassĂ©-croisé ». Sa sortie en librairie date du mois de novembre dernier.

La particularitĂ© de cette saga est de se composer de diptyques successifs. Cet album marque donc le dĂ©but d’une nouvelle intrigue qui se conclura l’an prochain avec la parution de « 20 secondes ». Celle-ci dĂ©bute Ă  Londres oĂč Largo se rend pour prĂ©sider le Big Board du groupe W. Comme souvent, rĂ©union de travail et moments plus dĂ©tendus se succĂšdent. Evidemment, la situation se complique avec l’apparition dans le jeu de terroristes djihadistes, d’agents troubles et d’espions vĂ©reux


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Le personnage de Largo Winch est assez unique dans son genre dans le monde du neuviĂšme art. Il est dĂ©crit avec les mots suivants sur la quatriĂšme de couverture : « Sans famille ni attaches, contestataire, coureur, vagabond, iconoclaste et bagarreur, il se retrouve, Ă  vingt-six ans Ă  la tĂȘte d’un empire de dix milliards de dollars  » Par les temps qui courent, il peut paraĂźtre de curieux de choisir comme hĂ©ros un patron milliardaire. Evidemment, le scĂ©nariste Jean Van Hamme, en a fait quelqu’un qui possĂšde une fibre sociale et humaniste plutĂŽt dĂ©veloppĂ©e. Cela Ă©vite de tomber dans la caricature du grand chef d’entreprise.

Le cÎté « superhéros » de Winch fait accepter le cÎté manichéen.

Largo est quelqu’un de sympathique. Le lecteur s’y attache rapidement et ne renie jamais l’affection ressentie Ă  l’égard de ce patron pas comme les autres. A aucun moment, on ne lui envie sa richesse ou son pouvoir. Au contraire, on se laisse fasciner par sa capacitĂ© Ă  dĂ©jouer les manipulations des mĂ©chants capitalistes qui l’entourent. L’ensemble est assez manichĂ©en mais le cĂŽtĂ© « superhĂ©ros » de Winch fait accepter cela sans mal. Comme Indiana Jones a du mal Ă  rester un professeur d’universitĂ©, le milliardaire a du mal Ă  rester dans sa tour et ses bureaux pour mener Ă  bien ses affaires.

LargoWinch19bBien souvent, la premiĂšre partie d’un diptyque a pour objectif de poser la situation, de prĂ©senter les enjeux et de mettre le hĂ©ros dans une situation complexe gĂ©nĂ©rant ainsi un suspense Ă  la fin de la lecture. « ChassĂ©-croisé » n’échappe pas Ă  cette rĂšgle. Les personnages principaux arrivent Ă  Londres, s’installent. Pendant ce temps, des inconnus font leur apparition. On les devine animĂ©s de mauvaises intentions mais les zones d’ombre restent nombreuses. Tout ce petit monde se rencontre et de ces interactions naissent des questions pour l’instant sans rĂ©ponse. La recette est efficace mais exĂ©cutĂ©e ici avec une sensation de paresse. Je n’ai pas retrouvĂ© dans cet album l’intensitĂ© dramatique habituelle. J’avais le souvenir que la lecture d’un tome de cette sĂ©rie Ă©tait toujours accompagnĂ©e du sentiment d’ĂȘtre au beau milieu d’un tourbillon d’évĂ©nements qui ne faisaient qu’aggraver la situation de Largo. Ici, le ton est plus lĂ©ger. Les amourettes des diffĂ©rents personnages tendent presque cette histoire d’espionnage vers le vaudeville.

Sur le plan graphique, j’ai retrouvĂ© avec plaisir le trait de Philippe Francq. Je trouve qu’il possĂšde un talent intĂ©ressant pour faire exister ces atmosphĂšres urbaines. Ses dĂ©cors participent au rĂ©alisme de l’ensemble. Cette sensation est indispensable au plaisir de la lecture. Son travail sur les personnages est de qualitĂ© mais plus classique. NĂ©anmoins, nous n’avons aucun mal Ă  s’approprier les personnages qu’ils nous soient familiers ou de nouvelles rencontres.

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Au final, « ChassĂ©-croisé » est un Ă©pisode honnĂȘte des aventures de Largo. J’ai retrouvĂ© cet univers et ce hĂ©ros avec plaisir et j’ai passĂ© un moment agrĂ©able Ă  dĂ©couvrir ses nouveaux soucis. MalgrĂ© tout, ce tome ne fait pas partie des meilleurs de la sĂ©rie. Le scĂ©nario est quelque peu fainĂ©ant en comparaison des meilleurs opus de la saga. Ces bĂ©mols ne m’empĂȘcheront pas de me jeter sur le vingtiĂšme acte pour connaĂźtre le dĂ©nouement de ce sĂ©jour londonien


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Note : 12/20