Un ver dans le fruit – Pascal RabatĂ©

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Titre : Un ver dans le fruit
Scénariste : Pascal Rabaté
Dessinateur : Pascal Rabaté
Parution : Avril 1997


Je n’ai jamais rien lu de RabatĂ©. Il Ă©tait temps de m’y mettre. C’est pourquoi, de passage Ă  la bibliothĂšque, j’ai embarquĂ© « Un ver dans le fruit », paru en 1997 (prĂšs de 20 ans dĂ©jà !). Ce roman graphique de 150 pages se situe dans un petit village entourĂ© de vignobles dans les annĂ©es 60. Le tout est publiĂ© chez Vents d’Ouest.

Tout dĂ©marre par un conflit entre deux vignerons. Ce dernier tourne au drame lorsque l’un des deux meure dans l’explosion d’une cabane, du aux agents chimiques utilisĂ©s pour traiter la vigne. Quelques jours plus tard arrivent en ville le nouveau prĂȘtre de la paroisse et l’inspecteur chargĂ© de l’enquĂȘte. Contrairement Ă  ce que la couverture de la rĂ©Ă©dition peut laisser penser (et qui met en avant l’inspecteur), c’est bien le curĂ© qui a le rĂŽle central ici (ce que la premiĂšre couverture montrait explicitement). Ce jeune prĂȘtre va essayer de comprendre cet univers viticole qui lui est inconnu tout en tentant de garder Ă  distance son envahissante mĂšre.

Sale ambiance au village

Un_ver_dans_le_fruit1HonnĂȘtement, l’histoire ici prĂ©sente peu de suspense. MĂȘme si le tout est prĂ©sentĂ© comme un polar, c’est bien de l’ambiance au village viticole qui est le nƓud central de l’intrigue. Non-dits, vieilles histoires, ragots
 Tout cela pollue et pourrit les relations du coin. Et lorsque l’on n’est pas du coin comme ce pauvre curĂ©, il est bien difficile de s’y retrouver. Mais ce dernier, bien dĂ©cidĂ© Ă  faire changer les choses, va mettre son nez lĂ  oĂč il ne devrait pas.

L’ensemble se rĂ©vĂšle des plus intĂ©ressants. La lecture se fait rapidement, RabatĂ© sachant aussi gĂ©rer le silence et les regards avec talent. A aucun moment on ne s’ennuie malgrĂ© la relative tranquillitĂ© de l’ensemble. Le jeune curĂ© est attachant, car plein de bonne volontĂ©. Et les personnages qui gravitent autour de lui sont marquants sans forcĂ©ment ĂȘtre trop caricaturaux.

Le dessin de RabatĂ© donne beaucoup de force Ă  l’ouvrage. Le tout est maĂźtrisĂ© de bout en bout dans un noir et blanc splendide. Outre les trognes des personnages, la force des contrastes lui permet d’asseoir les ambiances avec brio. Pour mon premier contact avec RabatĂ©, j’ai Ă©tĂ© franchement Ă©bloui.

Sans ĂȘtre particuliĂšrement transcendant, « Un ver dans le fruit » est l’Ɠuvre d’un auteur qui maĂźtrise son sujet, tant dans la narration que dans le graphisme. En prenant le point de vue du jeune curĂ©, l’auteur nous met dans la peau de quelqu’un qui dĂ©couvrirait un village entourĂ© de vignes dans les annĂ©es 60. Un village oĂč il y aurait un ver dans le fruit.

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Note : 14/20

La Capote qui Tue – Ralf König

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Titre : La Capote qui Tue
Scénariste : Ralf König
Dessinateur : Ralf König
Parution : Mai 1999


Ralf König est un auteur de bandes-dessinĂ©es humoristiques allemand dont les protagonistes sont pour la plupart homosexuels. Dans le recueil « La capote qui tue », on trouve deux histoires : « La capote qui tue » et « le retour de la capote qui tue ». Tout de suite on comprend combien il va falloir faire preuve de second degrĂ© pour avaler la pilule ! Je connaissais dĂ©jĂ  Ralf König par « Les nouveaux mecs » qui tenait plus de l’analyse sociologique des rapports hĂ©tĂ©ro/homo.

Car ici, c’est de sĂ©rie B qu’il s’agit (voire de sĂ©rie Z). C’est complĂštement barrĂ© mais parfaitement assumĂ©. Le tout est prĂ©sentĂ© comme un film, avec nom d’acteurs, de rĂ©alisateur
 Rapidement, on voit que c’est les milieux les plus mal famĂ©s de l’homosexualitĂ© que l’on va explorer. HĂŽtels de passe avec travestis, milieu du cuir
 König ne fait pas dans la dentelle.

On suit l’histoire de MĂ©caroni, un inspecteur homosexuel et un peu rustre sur les bords. Sa particularitĂ© est d’avoir un sexe Ă©norme (40 cm) et d’arriver Ă  se taper Ă  chaque histoire un bel Ă©talon. Son cĂŽtĂ© blasĂ© et homo le met en complet dĂ©calage avec ses collĂšgues qui lui reprochent sa vie de dĂ©bauche. Essentiellement, MĂ©caroni est l’homme qui permet de montrer la vision du monde consensuel sur l’homosexualitĂ©.

Concernant l’histoire, cette capote tueuse apporte un vrai suspense : MĂ©caroni va-t-il se faire manger le sexe aprĂšs s’ĂȘtre fait mangĂ© une premiĂšre couille ? La tension est palpable de bout en bout. La premiĂšre histoire fait appel aux hĂŽtels de passe, la seconde (qui voit le retour de la capote) est encore plus barrĂ©e et part dans des histoires de savants fous. Elle a le mĂ©rite d’expliquer l’existence de cette fameuse capote.

Homo refoulĂ©, bars gay et vie d’hĂ©tĂ©ro chiante Ă  mourir

Remise dans le contexte, il faut signaler que ces histoires sont parues en pleine campagne de prĂ©vention contre le SIDA (premiĂšre publication en 1988 et 1990). C’est donc en pleine peur du sexe et apprentissage du prĂ©servatif que se situe l’intrigue. Il y a donc une forme de message dans cette histoire. Ainsi, un flic dĂ©clare : « Cette putain de campagne anti-SIDA coĂ»te au gouvernement des millions de dollars, rien que pour que les gens mettent des capotes avant de baiser. Maintenant, ils ont tous peur que ces trucs les bouffent !!! » Cela n’est Ă©videmment pas anodin et permet de voir plus loin que la simple sĂ©rie B dans cet ouvrage. On retrouve Ă©galement des thĂšmes rĂ©currents dans les ouvrages de König : l’homosexuel refoulĂ©, les bars gay, la vie de l’hĂ©tĂ©ro chiante Ă  mourir


Le graphisme de König, trĂšs reconnaissable avec ses gros nez, fait mouche. Un soin particulier a Ă©tĂ© apportĂ© aux ambiances pour coller Ă  l’esprit cinĂ©matographique. Les premiĂšres pages sont simplement magnifiques. Les scĂšnes de nuit et de bars sont Ă©galement trĂšs rĂ©ussies. Le tout est dessinĂ© dans un noir et blanc trĂšs maĂźtrisĂ©.

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Je prĂ©fĂšre prĂ©venir que König n’hĂ©site pas Ă  montrer des scĂšnes d’accouplement entre hommes Ă  de multiples reprises. Si certains sont gĂȘnĂ©s par ce genre de choses, mieux vaut Ă©viter « La capote qui tue »qui a tendance Ă  ĂȘtre bien plus explicite que dans d’autres des ouvrages de l’auteur. Si je ne trouve pas ça particuliĂšrement choquant (ce n’est pas trash en soit), cela dĂ©pend de la sensibilitĂ© de chacun.

« La capote qui tue » est donc une BD complĂštement dĂ©jantĂ©e et menĂ©e avec brio. Il y a un vrai suspense, des personnages secondaires rĂ©ussis, un humour omniprĂ©sent
 Le tout se lit avec plaisir, mĂȘme s’il vaut mieux ne pas lire les deux histoires Ă  la suite, Ă  cause d’une certaine redondance entre elles. A lire d’urgence pour les moins coincĂ©s d’entre vous !

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Note : 15/20

Ma rĂ©vĂ©rence – Wilfrid Lupano & Rodguen

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Titre : Ma révérence
Scénariste : Wilfrid Lupano
Dessinateur : Rodguen
Parution : Septembre 2013


Ma rĂ©vĂ©rence est un album que j’ai dĂ©couvert en lisant une critique Ă  son propos dans une revue. J’avais Ă©galement l’occasion d’y dĂ©couvrir les premiĂšres planches. Sans savoir exactement oĂč je me plongeais, j’ai dĂ©cidĂ© de partir Ă  la dĂ©couverte de cet ouvrage nĂ© de la collaboration de Wilfrid Lupano et de Rodguen. Le premier se charge du scĂ©nario et le second du dessin. L’histoire se dĂ©roule sur prĂšs de cent trente pages. Il est Ă©ditĂ© chez Delcourt et son prix avoisine dix-sept euros. La couverture nous prĂ©sente deux personnages. L’un est jeune et tient une immense peluche Ă  la main. L’autre, plus ĂągĂ©,  a le style de Dick Rivers et tient un flingue. On y voit aussi un fourgon blindĂ© amenĂ© Ă  ĂȘtre central dans l’intrigue.

La quatriĂšme de couverture offre la mise en bouche suivante : « Depuis maintenant un mois, je bois mon cafĂ© tous les matins Ă  la brasserie des Sports, Ă  cĂŽtĂ© de Bernard. Il est convoyeur de fonds
 Bernard, c’est mon ticket pour les tropiques. Un beau jour, j’ai pris la dĂ©cision ferme et dĂ©finitive de m’emparer de tout l’argent que contient son camion et de tirer ma rĂ©vĂ©rence
 et ce jour-lĂ , ma vie a changĂ©. »

MaReverence2Ce bouquin est un « one shot ». Je ne connaissais donc pas ses personnages et ne devraient pas ĂȘtre amenĂ© les croiser dans une autre aventure bĂ©dĂ©phile. Je supposais donc que l’histoire nous offrirait un dĂ©part et un dĂ©nouement, ce qui n’est pas dĂ©sagrĂ©able. Son grand nombre de pages me laissait espĂ©rer une intrigue dense et des protagonistes travaillĂ©s. Bref, c’est plein d’optimisme que je partais Ă  la rencontre de Vincent et de Gaby.

La narration est subjective. Les Ă©vĂ©nements nous sont contĂ©s Ă  travers le regard de Vincent. Il est un jeune trentenaire dont la vie a subi quelques sorties de route. Il s’est dĂ©cidĂ© Ă  braquer un fourgon. Les raisons qui l’ont amenĂ© Ă  cette extrĂ©mitĂ© sont distillĂ©es tout au long de l’histoire. Il possĂšde un cĂŽtĂ© looser qui rend son projet peu rĂ©aliste. Ce sentiment s’intensifie au moment oĂč j’ai dĂ©couvert son complice alcoolique Ă  la fiabilitĂ© peu convaincante. La trame se construit autour de ce duo assez rĂ©ussi de prime abord. Je me suis rapidement attachĂ© Ă  Vincent. Ses cicatrices sont touchantes et font que je n’arrivais jamais vraiment Ă  le voir comme un dĂ©linquant. NĂ©anmoins, il est Ă©vident que le personnage le plus haut en couleur est Gaby. Il fait partie de ces copains auxquels on s’attache autant qu’on ne supporte pas l’immaturitĂ©. Il est de ces personnes qui sont des boulets qu’on se traĂźne sans jamais vouloir s’en sĂ©parer. Il est trĂšs rĂ©ussi et je regrette qu’il ne prenne pas une place moins secondaire dans l’intrigue. Cela aurait permis Ă  l’ensemble d’ĂȘtre plus drĂŽle et Ă©galement plus intĂ©ressant. En effet, Gaby possĂšde des zones d’ombre que les autres choisissent de ne pas rĂ©ellement explorer. C’est un choix qui se respecte mais que je regrette.

“Une rĂ©ussite inĂ©gale.”

L’enjeu est donc le braquage d’un fourgon. Les pages nous rapprochent donc inĂ©luctablement du moment oĂč Vincent et Gaby devront assumer un acte qui les mettra au ban de la vie qu’il connaissait jusque-lĂ . A l’aide de flashbacks, les auteurs nous font vivre le terreau qui a fait germer cette idĂ©e folle. Ces ruptures chronologiques sont rĂ©guliĂšrement rĂ©parties et ont pour but apparent de relancer l’intĂ©rĂȘt du lecteur. C’est une rĂ©ussite inĂ©gale. En effet, certaines rĂ©vĂ©lations influent profondĂ©ment le regard portĂ© sur les personnages. D’autres sont davantage des clichĂ©s sur la misĂšre sociale et sont moins intĂ©ressants en n’apportant aucune dimension supplĂ©mentaire Ă  l’histoire.

En dĂ©butant ma lecture, je l’ai trouvĂ©e originale. Les personnages, l’intrigue et l’univers me paraissaient ĂȘtre une base solide Ă  un album de qualitĂ©. HĂ©las, je trouve que tous ces arguments se diluent au fur et Ă  mesure que les pages dĂ©filent. Notre curiositĂ© n’est pas relancĂ©e, notre intĂ©rĂȘt n’est pas alimentĂ©. Le ton devient plus lisse. Les rebondissements sont plus prĂ©visibles. Bref, tout ne va pas dans le bon sens. Alors que le dĂ©but m’avait vraiment sĂ©duit, j’avais un sentiment bien plus mitigĂ© en refermant l’ouvrage.

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Concernant les dessins, j’ai du mal Ă  me faire un avis dĂ©finitif sur le trait de Rodguen. Certaines cases sont trĂšs rĂ©ussies. Certains visages sont d’une rĂ©alitĂ© forte. Ils dĂ©gagent une intensitĂ© qui ne laisse pas indiffĂ©rent. Par contre, Ă  l’opposĂ©, je trouve d’autres planches plus banales sans rĂ©elle identitĂ© graphique. Je dirai donc que la qualitĂ© des illustrations est inĂ©gale. Pour rĂ©sumer, je ne suis pas tombĂ© sous le charme mais serait curieux de dĂ©couvrir un autre travail de ce dessinateur pour me faire une idĂ©e plus prĂ©cise de son style.

En conclusion, Ma rĂ©vĂ©rence ne m’a totalement conquis. L’album n’est pas dĂ©nuĂ© d’intĂ©rĂȘt et d’idĂ©es. Mais la qualitĂ© inĂ©gale et irrĂ©guliĂšre du propos fait que j’ai eu du mal Ă  m’immerger dans l’histoire sur la durĂ©e. Je suis donc envieux d’une certaine maniĂšre des nombreux lecteurs enthousiastes Ă  l’égard de cet ouvrage. En effet, cet opus possĂšde des Ă©chos trĂšs favorables sur la toile. Comme quoi, les goĂ»ts et les couleurs


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Note : 10/20

Maggy Garrison, T1 : Fais un sourire, Maggy – Lewis Trondheim & StĂ©phane Oiry

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Titre : Maggy Garrison, T1 : Fais un sourire, Maggy
Scénariste : Lewis Trondheim
Dessinateur : Stéphane Oiry
Parution : Mars 2014


« Maggy Garrisson » a attisĂ© la curiositĂ© des adeptes du neuviĂšme art lors de sa sortie le six mars dernier. En effet, c’était l’occasion de voir Lewis Trondheim scĂ©nariser une histoire dans un monde dĂ©nuĂ© de fantastique et qui n’utilisait graphiquement aucun mĂ©canisme anthropomorphe. D’ailleurs, il confie les dessins Ă  StĂ©phane Oiry que je dĂ©couvre Ă  l’occasion de cet album. « Maggy Garrisson » semble vouĂ©e Ă  devenir une sĂ©rie. En effet, cet ouvrage intitulĂ© « Fais un sourire, Maggy » est numĂ©rotĂ©e. Il s’agit donc du tome initial des aventures d’une nouvelle hĂ©roĂŻne. Le bouquin de format classique est Ă©ditĂ© chez Dupuis dans la collection Grand Public. La couverture nous fait dĂ©couvrir Maggy sous un parapluie en train de s’allumer une cigarette dans une rue pluvieuse londonienne.

La quatriĂšme de couverture nous prĂ©sente la porte d’entrĂ©e suivante : « C’est son premier job depuis deux ans
 Il faudrait qu’elle fasse un effort. Sauf que son patron a l’air d’un parfait incapable. Et qu’il n’y a pas mal de fric Ă  gratter en parallĂšle. » Le ton posĂ©. Il n’y avait plus qu’à espĂ©rer que la rĂ©alitĂ© soit Ă  la hauteur des attentes suscitĂ©es.

Bien que m’étant offert ce bouquin peu de temps aprĂšs son apparition dans les rayons de librairie, j’ai attendu quelques semaines avant de m’y plonger. J’ai donc eu l’occasion de lire sur le net ou dans la presse spĂ©cialisĂ©e bon nombre de critiques et d’avis Ă  propos de cette nouvelle hĂ©roĂŻne. Elles Ă©taient dans leur grande majoritĂ© Ă©logieuses et enthousiastes. Elles tressaient des louanges Ă  ce personnage fĂ©minin Ă  la personnalitĂ© marquĂ©e et au caractĂšre fort. Elles louaient les auteurs d’avoir immergĂ© leur intrigue dans la capitale britannique.

DĂ©couvrir le Londres contemporain

Je dois avouer que ce dernier aspect m’attirait. En effet, j’ai rarement eu l’occasion de dĂ©couvrir le Londres contemporain dans un album de bandes dessinĂ©es. Bien souvent, les relations entre le neuviĂšme art et « Smoke » se dĂ©roulent Ă  la fin du dix-neuviĂšme siĂšcle, Ă©poque ayant vu naĂźtre Jack l’éventreur ou Sherlock Holmes. Les calĂšches dans les rues sombres bravant le brouillard lĂ©gendaire permettait de gĂ©nĂ©rer des atmosphĂšres envoutantes. NĂ©anmoins, la richesse naĂźt de la diversitĂ© et j’étais curieux de savoir comment les auteurs allaient exploiter les lieux et l’ambiance de la ville anglaise. Certaines scĂšnes extĂ©rieures n’ont aucun Ă  nous persuader que nous sommes outre-Manche. De plus, la mĂ©tĂ©o grise ou les pubs locaux participent Ă  cette immersion. MalgrĂ© tout, les Ă©vĂ©nements, les personnages et le fait que les Ă©changes soient en français ont tendance parfois Ă  nous faire penser que les personnages pourraient se trouver dans n’importe quelle autre grande ville europĂ©enne. Peut-ĂȘtre qu’en intĂ©grant quelques expressions anglaises dans les dialogues Ă  la maniĂšre de « Blake et Mortimer » cela aurait facilitĂ© la crĂ©dibilitĂ© gĂ©ographique de l’ensemble.

maggygarrison1aMaggy nous est jusqu’alors inconnue. Les auteurs doivent donc nous la prĂ©senter. La premiĂšre impression est toujours importante. Les premiers mots sont en voix off. Ils permettent de se faire une idĂ©e de cette femme. Elle donne le sentiment de ne pas aimer ĂȘtre embĂȘtĂ©e. En peu de termes, Trondheim nous offre l’identitĂ© de son hĂ©roĂŻne. Les pages suivantes confirment notre perception. Elle apparaĂźt dĂ©brouillarde. Son sens de l’éthique atteint rapidement ses limites quand quelques menus billets sont disponibles. Mais on ne lui en veut pas. Son cĂŽtĂ© futĂ© semble l’emporter sur son cĂŽtĂ© magouilleur.

La neuviĂšme planche marque le vrai dĂ©but de l’intrigue. Les prĂ©sentations sont faites. Il s’agit de rentrer dans le vif du sujet. La trame pose des jalons intĂ©ressants et sollicitent activement notre curiositĂ©. Les zones d’ombre sont nombreuses et on ne demande qu’à suivre les pĂ©rĂ©grinations de Maggy pour dĂ©nouer la pelote emberlificotĂ©e autour de son peu charismatique patron. HĂ©las, l’intensitĂ© narrative a tendance Ă  diminuer au fur et Ă  mesure que les pages dĂ©filent. Il se passe davantage de choses dans le premier tiers de l’album que dans les deux autres rĂ©unis. L’histoire donne lieu Ă  des moments sympathiques et bien Ă©crits mais le fil conducteur est faiblard et n’a pas arrivĂ© Ă  rĂ©ellement m’intĂ©resser. Au final, je me suis dĂ©tournĂ© de l’enquĂȘte menĂ©e par l’hĂ©roĂŻne. Son dĂ©nouement m’a laissĂ© quasiment insensible.

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Ce sentiment est regrettable car Maggy possĂšde un vrai potentiel scĂ©naristique. De plus, les auteurs font exister des personnages secondaires intĂ©ressants qui auraient pu donner une autre ampleur Ă  l’ensemble s’ils avaient Ă©tĂ© mieux ou plus exploitĂ©s. Je me demande mĂȘme si la lecture n’aurait pas Ă©tĂ© plus agrĂ©able si le fil conducteur des recherches de la jeune femme avait Ă©tĂ© plus en retrait. Cela aurait laissĂ© davantage de place aux diffĂ©rents Ă©changes de Maggy avec ses rencontres. En effet, ces moments sont les meilleurs de l’album. Ce premier tome a donc ses qualitĂ©s et ses dĂ©fauts. Les premiĂšres m’inciteront Ă  jeter un coup d’Ɠil sur le prochain opus lors de sa future sortie. Mais cela est une autre histoire


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Note : 11/20

Blast, T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Mars 2014


« Blast » est un OVNI du neuviĂšme art. Depuis la sortie de son premier tome il y a presque quatre ans, cette sĂ©rie est amenĂ©e Ă  marquer profondĂ©ment ses lecteurs. Ce roman graphique nĂ© de l’imagination et de la plume de Manu Larcenet est un uppercut permanent. Cette saga est une tĂ©tralogie. Le sept mars dernier est apparu l’épisode ultime du parcours de Polza Mancini, ce personnage pas comme les autres. Ce dernier opus s’intitule « Pourvu que les bouddhistes se trompent ». EditĂ© chez Dargaud, cet ouvrage se compose de cent quatre-vingt-quinze pages. Il coĂ»te vingt-trois euros. La couverture se partage en deux plans. Le premier nous prĂ©sente Polza, revenu Ă  l’état sauvage. Le second nous prĂ©sente Carole assise un rĂ©volver dans la main. Le dĂ©nouement approche et nous pouvons lĂ©gitimement l’apprĂ©hender.

La quatriĂšme de couverture fait parler Mancini qui s’adresse Ă  nous : « Un vent lourd, puant suie et cadavre, gronde sur la route et me glace. L’orage approche. Je ne cherche aucun abri, il n’en existe pas Ă  ma taille. Je claudique au bord du chemin, ivre comme toujours, dans l’espoir que la distance entre nous se rĂ©duise que nos peaux se touchent enfin. Sali, battu, hagard, je repousse le moment oĂč, le souffle court et les pieds meurtris par de mauvaises chaussures, je devrai m’arrĂȘter. Serai-je encore assez vivant pour repartir ? »

Tour Ă  tour Ă©mu, touchĂ©, Ă©nervĂ©, choquĂ©, compatissant, dĂ©goĂ»tĂ©, horrifiĂ©…

Polza Mancini est un personnage riche qui ne peut pas laisser indiffĂ©rent. Pire que cela, il arrive Ă  gĂ©nĂ©rer tous les spectres des sentiments possibles. Tour Ă  tour j’ai Ă©tĂ© Ă©mu, touchĂ©, Ă©nervĂ©, choquĂ©, compatissant, dĂ©goĂ»tĂ©, horrifiĂ© et j’en passe. D’une page Ă  l’autre, nos Ă©motions sont chamboulĂ©es. La vie de Polza est celle d’un clochard comme il l’affirme. Elle alterne donc entre des moments de poĂ©sie dans la forĂȘt ou prĂšs d’une riviĂšre avec des moments durs inhĂ©rents Ă  la vie dehors. Tous les marginaux ne sont pas stables et bienveillants, loin s’en faut. D’ailleurs le Mancini n’est pas dĂ©nuĂ© de dĂ©faut : il est alcoolique, droguĂ©, instable, sale. A cela s’ajoute un physique difforme qui incite Ă  dĂ©tourner le regard. Bref, il fait partie des gens qu’on n’oublie mais qu’on ne souhaite pas croiser Ă  nouveau.

Mais Polza ne nous conte pas son histoire au coin du feu. Il est en garde Ă  vue. Il est accusĂ© du meurtre de Carole, une jeune femme que les premiers tomes ont petit Ă  petit fait apparaĂźtre dans la vie de Mancini. L’album prĂ©cĂ©dent se concluait par une rude rĂ©vĂ©lation : Carole aurait tuĂ© son propre pĂšre. C’est donc ici que reprend la trame pour ce dernier acte.

A la suite de son Ă©vasion de l’hĂŽpital, Polza est hĂ©bergĂ© chez un des anciens pensionnaires prĂ©nommĂ© Roland. Ce dernier vit dans une ferme reculĂ©e avec sa fille Carole. Mancini ne quittera plus cette ferme jusqu’à son interpellation par la police. Pour la premiĂšre fois, Polza est sĂ©dentaire. Bien qu’il affirme ĂȘtre irrĂ©mĂ©diablement attirĂ© par un dĂ©part dans la forĂȘt, il ne franchit jamais le pas. Il semble attachĂ© Ă  sa nouvelle famille. L’équilibre qui rĂ©git la vie de cette petite communautĂ© est remarquable dĂ©crit par Larcenet. Alors qu’on pourrait y voir une fille aimante et dĂ©vouĂ©e qui s’occupe de son pĂšre malade et qui accueille un sans-abri en quĂȘte d’affection. Mais tout cela est bien plus compliquĂ©, malsain et inquiĂ©tant. Chaque rayon de soleil prĂ©cĂšde une longue pĂ©riode sombre sans lumiĂšre. L’issue nous est connue. Elle est triste et fatale. Le moins que nous puissions dire est que le chemin qui y mĂšne n’est pas plus joyeux.

CĂŽtĂ© dessin, le voyage est intense. Le travail graphique de Larcenet est impressionnant. Son Ɠuvre est quasiment entiĂšrement en noir et blanc. Il fait naĂźtre une grande galerie d’atmosphĂšre. Que les scĂšnes soient intimes ou que ce soient des paysages, que les moments soient lĂ©gers ou horribles, tout nous pĂ©nĂštre profondĂ©ment. Je n’ai pas le vocabulaire suffisamment riche pour vous transcrire les sentiments ressentis devant les planches ou les termes prĂ©cis et techniques qui permettraient d’expliquer la qualitĂ© du travail. Je ne peux donc que vous inciter Ă  ouvrir aux hasards ce tome et en lire quelques pages. Ce sera la meilleure maniĂšre de vous imprĂ©gner et de savourer les remarquables illustrations qui accompagnent cette histoire qui l’est tout autant.

« Pourvu que les bouddhistes se trompent » conclue avec maestria cette grande saga. La derniĂšre partie de l’ouvrage est une invitation Ă  la redĂ©couvrir avec un regard neuf. Cette sĂ©rie est une Ɠuvre majeure de ma bibliothĂšque. Je pense que je m’y plongerai rĂ©guliĂšrement quitte Ă  prendre du plaisir de lecteur Ă  souffrir. « Blast », c’est une expĂ©rience qui ne laisse pas indemne


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Note : 19/20

Blast, T3 : La tĂȘte la premiĂšre – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T3 : La tĂȘte la premiĂšre
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Octobre 2012


« Blast » est incontestablement un OVNI dans la bibliographie de Manu Larcenet. Sa cĂ©lĂ©britĂ© est nĂ©e du succĂšs de sĂ©ries telles que « Le retour Ă  la Terre », « Donjon Parade », « Le combat ordinaire » ou encore « Chez Francisque ». J’ai toujours suivi son travail. Il a su me faire rire souvent et m’émouvoir de temps Ă  autre. Bref, cet auteur est incontestablement un des Ă©crivains en vogue du neuviĂšme art. Son aura prend une toute autre ampleur lorsqu’apparait « Grasse carcasse » dans les librairies. Premier Ă©pisode de sa nouvelle saga, cet album se dĂ©marque. Le format est plus carrĂ©, il se compose de deux cents pages et l’identitĂ© graphique est noire et blanche. Une fois la lecture entamĂ©e, l’atmosphĂšre glauque, triste et dĂ©pressive nous envahit et ne nous laisse pas indemne une fois terminĂ©e. Bref, « Blast » organise un voyage unique qui ne peut pas laisser indiffĂ©rent. C’est donc avec un plaisir intense que j’ai dĂ©couvert la parution en octobre dernier du dernier acte des aventures de Polza Mancini.

Son hĂ©ros est accusĂ© d’avoir agressĂ© une femme. Il est en garde Ă  vue, Ă©coutĂ© par des policiers. Ces derniers cherchent Ă  savoir comment cet acte a pu avoir lieu. Mais Polza veut tout expliquer. Cela part de son enfance, de la mort de son frĂšre et de son pĂšre. Et surtout il Ă©voque son premier Blast, Ă©tat d’extase profonde qu’il obtient en abusant d’alcool ou de substances illicites. Sa vie de clochard, en dehors des sentiers battus, se rĂ©sument donc Ă  des rencontres hasardeuses et la quĂȘte du blast. Son physique ingrat fait de lui un paria volontaire de la sociĂ©tĂ©. Dans l’opus prĂ©cĂ©dent, il croisait Jacky qui s’avĂ©rait ĂȘtre un serial killer. Ce nouvel acte prĂ©sente de nouvelles rencontres qui ne laissent pas indemne Ă  la fois le hĂ©ros et ses lecteurs


Un hĂ©ros malade Ă  l’intelligence particuliĂšre et alambiquĂ©e.

Cet ouvrage se dĂ©marque des deux prĂ©cĂ©dents par la narration de l’internement de Polza. Suite Ă  une tentative de suicide difficile Ă  soutenir, Mancini se trouve enfermĂ© dans une structure hospitaliĂšre qui lui impose une thĂ©rapie psychanalytique. On n’a jamais doutĂ© du fait que le hĂ©ros est malade et nĂ©cessite des soins. Mais c’est la premiĂšre fois depuis le dĂ©but de l’histoire qu’on le dĂ©couvre dans les mains du corps mĂ©dical. Son intelligence particuliĂšre, inquiĂ©tante et alambiquĂ©e prend une autre ampleur quand elle se confronte Ă  la rĂ©alitĂ©. Son refus de se soigner, sa maniĂšre de manipuler et de mĂ©priser les codes font que tout espoir Ă  son Ă©gard disparaĂźt. Il ne veut pas saisir la main qu’on lui tend. On s’en doutait mais on souffre de voir cela se confirmer.

En dehors de la pĂ©riode mĂ©dicale de l’intrigue, Larcenet nous offre des scĂšnes particuliĂšrement dures qui mettent mal Ă  l’aise et qui font souffrir. L’auteur n’utilise aucun filtre pour dĂ©crire la vie de cet homme errant. On sent particuliĂšrement bien l’angoisse de la nuit. Toutes les bĂȘtes fĂ©roces sortent de leur taniĂšre et l’animalitĂ© de l’homme prend une toute autre ampleur qui est loin de laisser indiffĂ©rent. Le talent de l’auteur pour alterner des moments bavards et des moments complĂštement silencieux participe activement Ă  cette atmosphĂšre oppressante. La capacitĂ© que possĂšde l’écrivain Ă  dessiner des paysages nocturnes ou diurnes fait que nos Ă©motions sont en permanence sollicitĂ©es.

Je ne voudrais trop vous en dĂ©voiler. En effet, le plaisir rĂ©side Ă©galement dans les nombreuses interrogations qui se posent Ă  nous quant au devenir de Polza. Le suspense est stressant tant la descente aux enfers du hĂ©ros est permanente. Cet ouvrage est donc dans la lignĂ©e des deux premiers opus. Il s’agit lĂ  d’un vrai compliment tant je suis adepte de cette saga qui est unique dans son genre et qui ne laissera personne indemne une fois le bouquin refermĂ©. Mancini continue Ă  nous hanter


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Note : 17/20

Blast, T2 : L’apocalypse selon Saint Jacky – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T2 : L’Apocalypse selon Saint Jacky
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Avril 2011


« L’apocalypse selon Saint Jacky » est le titre du deuxiĂšme opus de la sĂ©rie de bandes dessinĂ©es « Blast ». Ecrit par Manu Larcenet, cet album est Ă©ditĂ© chez Dargaud depuis le mois d’avril dernier. Cet ouvrage est d’un format original. En effet, l’histoire s’étale sur environ deux cents pages. Le prix est Ă  peine supĂ©rieur Ă  vingt euros. La couverture est coupĂ©e en deux parties. La partie supĂ©rieure, en noir et blanc, nous prĂ©sente un homme obĂšse les yeux dans les yeux avec un Ă©lĂ©phant. L’infĂ©rieure est colorĂ©e et nous fait dĂ©couvrir un homme en train de lire, allongĂ© dans ce qui semble ĂȘtre un livre.

Ce bouquin est la suite du prĂ©cĂ©dent tome de « Blast » intitulĂ© « Grasse carcasse ». Cette nouvelle histoire reprend oĂč nous avait laissĂ©s la prĂ©cĂ©dente. C’est l’occasion de prĂ©ciser qu’il m’apparaĂźt indispensable d’avoir lu le prĂ©cĂ©dent pour profiter pleinement de cet ouvrage. On y avait rencontrĂ© Mancini. Ancien Ă©crivain, il se revendique clochard. On dĂ©couvre son choix de vie qui consiste Ă  errer et Ă  vivre oĂč le mĂšne la vie sans aucune contrainte. Il vit dans la forĂȘt, y rencontre des SDF. Et surtout il boit et se drogue. Tout cela a pour but de lui faire ressentir Ă  nouveau le blast, sensation extrĂȘme de nirvana qui lui fait quitter sa misĂ©rable existence et son horrible corps d’obĂšse dĂ©goutant. Mais le problĂšme est qu’on a dĂ©couvert Mancini en garde Ă  vue et qu’il est accusĂ© de tentative de meurtre sur une femme


« L’apocalypse selon Saint Jacky » commence par l’annonce du dĂ©cĂšs de la prĂ©sumĂ©e victime de Mancini. Les policiers refusent de l’annoncer Ă  leur suspect et continuent Ă  le faire parler. En effet, Mancini continue de leur conter le cheminement de sa vie qui l’a amenĂ© Ă  se trouver Ă  cet endroit Ă  ce moment. Le centre de sa narration va tourner autour d’un personnage prĂ©nommĂ© Jacky qui l’a accueilli un temps et qui a fait durant quelques temps de Mancini un sĂ©dentaire


Un personnage principal qui n’a rien de rĂ©ellement sympathique.

Cette sĂ©rie ne s’adresse pas Ă  tous les publics. Autant des sĂ©ries de Larcenet comme « Le retour Ă  la terre » ou « Nic Oumouk » utilisent un ton lĂ©ger et humoristique, autant « Blast » adopte une ambiance lourde et dure. Le personnage principal n’a rien de rĂ©ellement sympathique. Son statut de SDF devrait dĂ©clencher un sentiment d’empathie. Ce n’est pas vraiment le cas. Il a choisi sa situation et semble en revendiquer de la fiertĂ©. De plus, sa situation d’alcoolique et de droguĂ© assumĂ©e ne favorise pas la sympathie. La narration est rĂ©aliste. Elle prĂ©sente quelque part les codes du chemin initiatique. Mancini nous offre une rĂ©flexion sur sa vie.

Le scĂ©nario s’étale sur deux cents pages. C’est relativement rare dans la bande dessinĂ©e. Le risque Ă©tait que la trame souffre de quelques vides ou encore de quelques lenteurs. Ce n’est absolument pas le cas. La lecture est intense. J’ai dĂ©vorĂ© cet opus d’une seule traite. On est rĂ©ellement transportĂ© dans l’univers de Mancini. On est fascinĂ© par le parcours de cet homme qui se met sciemment Ă  l’écart de la sociĂ©tĂ© et de ses codes. Les diffĂ©rentes rencontres sont autant de rebondissements. Les moments d’introspection sont Ă©galement passionnants.

Le personnage principal possĂšde une emprise Ă©norme sur le rĂ©cit. D’une part, il en est le narrateur et d’autre part ils occupent quasiment toutes les cases de l’ouvrage. Les deux policiers qui l’interrogent ont un rĂŽle trĂšs secondaire et ont pour unique utilitĂ© de relancer la trame. Ce deuxiĂšme tome nous fait rencontrer un nouveau protagoniste qui prend une place trĂšs importante. PrĂ©nommĂ© Jacky, il s’agit d’un homme, dealer, vivant dehors et fanatique de littĂ©rature qui va hĂ©berger Mancini pendant quelques temps. On pourrait qu’ils deviennent amis. Leur cohabitation nous est contĂ©e durant une grande majoritĂ© des pages. J’ai trouvĂ© cet aspect passionnant et savamment narrĂ©. Cette rencontre entre deux auto-exclus de la sociĂ©tĂ© ne laisse pas indiffĂ©rent.

Mais la richesse de cet album ne rĂ©side uniquement dans sa narration. L’atmosphĂšre de la lecture est intense. De temps en temps touchant, trĂšs souvent mettant mal Ă  l’aise, l’ambiance ne nous laisse jamais indiffĂ©rent ni insensible. Et pour aboutir Ă  ce rĂ©sultat, les dessins jouent un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant. Manu Larcenet nous offre une Ɠuvre de grande qualitĂ© sur le plan graphique. Les dessins sont en noir et blanc. Il nous offre une grande variĂ©tĂ© de point de vue. D’une part, les paysages sont remarquables. Que ce soit la forĂȘt ou des immeubles de banlieue. D’autre les personnages sont Ă©galement trĂšs bien nĂ©s. Certains visages sont splendides. Ils possĂšdent une rĂ©elle profondeur.

Je ne peux donc que vous conseiller la lecture de cet album. Je le trouve trĂšs rĂ©ussi. De plus, il s’avĂšre ĂȘtre original, ce qui ne gĂąche rien. Pour ceux qui avaient dĂ©jĂ  dĂ©couvert le premier opus de la sĂ©rie, ce nouveau tome est Ă  la hauteur de son prĂ©dĂ©cesseur. Quant Ă  ceux pour qui « Blast » Ă©tait un univers inconnu, n’hĂ©sitez pas Ă  vous y plonger en commençant par « Grasse carcasse ». Bonne lecture


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Note : 17/20

Blast, T1 : Grasse carcasse – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T1 : Grasse Carcasse
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Novembre 2009


Manu Larcenet est un auteur que j’apprĂ©cie Ă©normĂ©ment. La principale qualitĂ© que je lui trouve est de ne pas s’enfermer dans une case scĂ©naristique. Autant son « Le retour Ă  la terre » est lĂ©ger et drĂŽle, autant son « Le combat ordinaire » est nostalgique et Ă©mouvant. Ses deux sĂ©ries dĂ©montrent plutĂŽt bien le grand spectre d’atmosphĂšre dans lequel peut nous plonger cet Ă©crivain. Mais ce n’est pas de ses sĂ©ries dont je veux vous parler. Je me contente de vous les conseiller vivement. L’album dont je veux vous parler aujourd’hui se nomme « Blast ». Il s’agit d’un ouvrage au format original. EditĂ© chez Dargaud, il est d’un format plus « carrĂ© » qu’un album de bandes dessinĂ©es classique. De plus, il est particuliĂšrement Ă©pais. En effet, l’histoire se dĂ©roule sur environ deux cents pages. Il est vendu au prix de vingt-deux euros. « Blast » est une nouvelle sĂ©rie nĂ©e de l’imagination de Larcenet. Il s’occupe Ă  la fois du scĂ©nario et des dessins. Le premier opus s’intitule « Grasse carcasse ». Il est apparu dans les librairies en novembre dernier.

Un homme obĂšse et sans domicile fixe

L’histoire est construite autour d’un personnage imposant nommĂ© Polza Mancini. On le dĂ©couvre en garde Ă  vue. AgĂ© de trente-huit ans et sans domicile connu, il est accusĂ© d’avoir agressĂ©e une femme maintenant plongĂ©e dans un coma artificiel. Deux policiers l’interrogent et cherchent Ă  connaĂźtre son mobil et Ă  savoir prĂ©cisĂ©ment d’oĂč vient un tel dĂ©chainement de violence. Mais pour Polza, tout n’est pas si simple. Sa quĂȘte consiste Ă  sentir Ă  nouveau le Blast, moment oĂč la vie atteint la perfection. Et cette recherche est permanente et vient de loin. Et pour cela, il faut en revenir au tout dĂ©but. Et voilĂ  cet homme obĂšse et sans domicile fixe qui commence Ă  nous raconter sa vie dans la petite salle d’un commissariat


Le hĂ©ros est particulier. Si on l’avait croisĂ© dans la rue, il ne nous aurait inspirĂ© aucune affection ou empathie particuliĂšre. Voir cet homme errer dans la rue ne nous aurait pas touchĂ©s. On aurait Ă©ventuellement ressenti de la pitiĂ© pour son physique difforme et sa vie apparemment pas facile. Mais Larcenet en a dĂ©cidĂ© d’en faire son personnage central. Pour arranger le tout, cet homme a agressĂ© violemment une femme et se trouve arrĂȘtĂ© dans un commissariat. Comment peut-on s’intĂ©resser Ă  lui ? Peut-ĂȘtre est-ce du au talent de son crĂ©ateur mais dĂšs les premiĂšres pages de lecture, Mancini nous devient sympathique. On s’attache Ă  lui trĂšs vite. On oublie la raison de sa prĂ©sence dans ces lieux. On s’immerge pleinement dans son univers et dans son histoire. Sa narration nous passionne.

L’intĂ©rĂȘt que j’ai ressenti pour cette histoire est d’autant plus surprenant qu’elle n’est a priori pas forcĂ©ment passionnante. Mancini est un Ă©crivain qui voit son pĂšre mourir Ă  l’hĂŽpital. Cet Ă©vĂ©nement marque une rupture. Il dĂ©cide de partir Ă  l’aventure. La rue devient son nouvel univers et sa nouvelle maison. On a donc l’impression de suivre un clochard dans son quotidien. Il ne tĂ©moigne pas de rĂ©elle volontĂ© d’amĂ©liorer sa situation, on ne ressent pas de quĂȘte particuliĂšre sortie de celle de ressentir le Blast. Bref, tout cela manque d’idĂ©al classique. Et pourtant malgrĂ© tout cela, on se prend d’affection pour cette personne et on a Ă©normĂ©ment de curiositĂ© pour son avenir.

Je pense que ce plaisir de lecture vient en grande partie de l’atmosphĂšre assez particuliĂšre dans laquelle navigue Mancini. L’ambiance est assez envahissante je trouve. On s’y immerge de maniĂšre assez intense. Larcenet nous offre des moments de silence et contemplatif qui apportent une dimension assez intense Ă  la narration. Peut-ĂȘtre que le fait que les dessins soient en noir et blancs participent Ă  tout cela. Ce qui est Ă©galement trĂšs particulier est le fait que malgrĂ© ce grand nombre de pages, on croise relativement peu de personnages. La narration est construite davantage sur l’introspection du hĂ©ros plutĂŽt que sur ses rencontres. De plus, le style de Larcenet, bien que particulier, me touche Ă©normĂ©ment. Je trouve les visages de ses personnages trĂšs expressifs.

Donc au final j’ai pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă  dĂ©couvrir ce nouvel univers. La lecture a Ă©tĂ© trĂšs agrĂ©able, le dĂ©paysement total. Par contre, je comprendrais aisĂ©ment que tout le monde n’y soit pas sensible. L’ambiance, le thĂšme ou encore le dessin sont particuliers. Je vous conseille donc de le feuilleter dans les rayons avant de vous l’offrir. Par contre, si vous y ĂȘtes sensibles, je vous garantis un moment assez intense et je ne doute pas que vous partagerez avec moi l’impatience de devoir attendre la parution du deuxiĂšme opus de « Blast ». Bonne lecture


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Note : 17/20