Blast, T2 : L’apocalypse selon Saint Jacky – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T2 : L’Apocalypse selon Saint Jacky
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Avril 2011


« L’apocalypse selon Saint Jacky » est le titre du deuxiĂšme opus de la sĂ©rie de bandes dessinĂ©es « Blast ». Ecrit par Manu Larcenet, cet album est Ă©ditĂ© chez Dargaud depuis le mois d’avril dernier. Cet ouvrage est d’un format original. En effet, l’histoire s’étale sur environ deux cents pages. Le prix est Ă  peine supĂ©rieur Ă  vingt euros. La couverture est coupĂ©e en deux parties. La partie supĂ©rieure, en noir et blanc, nous prĂ©sente un homme obĂšse les yeux dans les yeux avec un Ă©lĂ©phant. L’infĂ©rieure est colorĂ©e et nous fait dĂ©couvrir un homme en train de lire, allongĂ© dans ce qui semble ĂȘtre un livre.

Ce bouquin est la suite du prĂ©cĂ©dent tome de « Blast » intitulĂ© « Grasse carcasse ». Cette nouvelle histoire reprend oĂč nous avait laissĂ©s la prĂ©cĂ©dente. C’est l’occasion de prĂ©ciser qu’il m’apparaĂźt indispensable d’avoir lu le prĂ©cĂ©dent pour profiter pleinement de cet ouvrage. On y avait rencontrĂ© Mancini. Ancien Ă©crivain, il se revendique clochard. On dĂ©couvre son choix de vie qui consiste Ă  errer et Ă  vivre oĂč le mĂšne la vie sans aucune contrainte. Il vit dans la forĂȘt, y rencontre des SDF. Et surtout il boit et se drogue. Tout cela a pour but de lui faire ressentir Ă  nouveau le blast, sensation extrĂȘme de nirvana qui lui fait quitter sa misĂ©rable existence et son horrible corps d’obĂšse dĂ©goutant. Mais le problĂšme est qu’on a dĂ©couvert Mancini en garde Ă  vue et qu’il est accusĂ© de tentative de meurtre sur une femme


« L’apocalypse selon Saint Jacky » commence par l’annonce du dĂ©cĂšs de la prĂ©sumĂ©e victime de Mancini. Les policiers refusent de l’annoncer Ă  leur suspect et continuent Ă  le faire parler. En effet, Mancini continue de leur conter le cheminement de sa vie qui l’a amenĂ© Ă  se trouver Ă  cet endroit Ă  ce moment. Le centre de sa narration va tourner autour d’un personnage prĂ©nommĂ© Jacky qui l’a accueilli un temps et qui a fait durant quelques temps de Mancini un sĂ©dentaire


Un personnage principal qui n’a rien de rĂ©ellement sympathique.

Cette sĂ©rie ne s’adresse pas Ă  tous les publics. Autant des sĂ©ries de Larcenet comme « Le retour Ă  la terre » ou « Nic Oumouk » utilisent un ton lĂ©ger et humoristique, autant « Blast » adopte une ambiance lourde et dure. Le personnage principal n’a rien de rĂ©ellement sympathique. Son statut de SDF devrait dĂ©clencher un sentiment d’empathie. Ce n’est pas vraiment le cas. Il a choisi sa situation et semble en revendiquer de la fiertĂ©. De plus, sa situation d’alcoolique et de droguĂ© assumĂ©e ne favorise pas la sympathie. La narration est rĂ©aliste. Elle prĂ©sente quelque part les codes du chemin initiatique. Mancini nous offre une rĂ©flexion sur sa vie.

Le scĂ©nario s’étale sur deux cents pages. C’est relativement rare dans la bande dessinĂ©e. Le risque Ă©tait que la trame souffre de quelques vides ou encore de quelques lenteurs. Ce n’est absolument pas le cas. La lecture est intense. J’ai dĂ©vorĂ© cet opus d’une seule traite. On est rĂ©ellement transportĂ© dans l’univers de Mancini. On est fascinĂ© par le parcours de cet homme qui se met sciemment Ă  l’écart de la sociĂ©tĂ© et de ses codes. Les diffĂ©rentes rencontres sont autant de rebondissements. Les moments d’introspection sont Ă©galement passionnants.

Le personnage principal possĂšde une emprise Ă©norme sur le rĂ©cit. D’une part, il en est le narrateur et d’autre part ils occupent quasiment toutes les cases de l’ouvrage. Les deux policiers qui l’interrogent ont un rĂŽle trĂšs secondaire et ont pour unique utilitĂ© de relancer la trame. Ce deuxiĂšme tome nous fait rencontrer un nouveau protagoniste qui prend une place trĂšs importante. PrĂ©nommĂ© Jacky, il s’agit d’un homme, dealer, vivant dehors et fanatique de littĂ©rature qui va hĂ©berger Mancini pendant quelques temps. On pourrait qu’ils deviennent amis. Leur cohabitation nous est contĂ©e durant une grande majoritĂ© des pages. J’ai trouvĂ© cet aspect passionnant et savamment narrĂ©. Cette rencontre entre deux auto-exclus de la sociĂ©tĂ© ne laisse pas indiffĂ©rent.

Mais la richesse de cet album ne rĂ©side uniquement dans sa narration. L’atmosphĂšre de la lecture est intense. De temps en temps touchant, trĂšs souvent mettant mal Ă  l’aise, l’ambiance ne nous laisse jamais indiffĂ©rent ni insensible. Et pour aboutir Ă  ce rĂ©sultat, les dessins jouent un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant. Manu Larcenet nous offre une Ɠuvre de grande qualitĂ© sur le plan graphique. Les dessins sont en noir et blanc. Il nous offre une grande variĂ©tĂ© de point de vue. D’une part, les paysages sont remarquables. Que ce soit la forĂȘt ou des immeubles de banlieue. D’autre les personnages sont Ă©galement trĂšs bien nĂ©s. Certains visages sont splendides. Ils possĂšdent une rĂ©elle profondeur.

Je ne peux donc que vous conseiller la lecture de cet album. Je le trouve trĂšs rĂ©ussi. De plus, il s’avĂšre ĂȘtre original, ce qui ne gĂąche rien. Pour ceux qui avaient dĂ©jĂ  dĂ©couvert le premier opus de la sĂ©rie, ce nouveau tome est Ă  la hauteur de son prĂ©dĂ©cesseur. Quant Ă  ceux pour qui « Blast » Ă©tait un univers inconnu, n’hĂ©sitez pas Ă  vous y plonger en commençant par « Grasse carcasse ». Bonne lecture


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Note : 17/20

Blast, T1 : Grasse carcasse – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T1 : Grasse Carcasse
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Novembre 2009


Manu Larcenet est un auteur que j’apprĂ©cie Ă©normĂ©ment. La principale qualitĂ© que je lui trouve est de ne pas s’enfermer dans une case scĂ©naristique. Autant son « Le retour Ă  la terre » est lĂ©ger et drĂŽle, autant son « Le combat ordinaire » est nostalgique et Ă©mouvant. Ses deux sĂ©ries dĂ©montrent plutĂŽt bien le grand spectre d’atmosphĂšre dans lequel peut nous plonger cet Ă©crivain. Mais ce n’est pas de ses sĂ©ries dont je veux vous parler. Je me contente de vous les conseiller vivement. L’album dont je veux vous parler aujourd’hui se nomme « Blast ». Il s’agit d’un ouvrage au format original. EditĂ© chez Dargaud, il est d’un format plus « carrĂ© » qu’un album de bandes dessinĂ©es classique. De plus, il est particuliĂšrement Ă©pais. En effet, l’histoire se dĂ©roule sur environ deux cents pages. Il est vendu au prix de vingt-deux euros. « Blast » est une nouvelle sĂ©rie nĂ©e de l’imagination de Larcenet. Il s’occupe Ă  la fois du scĂ©nario et des dessins. Le premier opus s’intitule « Grasse carcasse ». Il est apparu dans les librairies en novembre dernier.

Un homme obĂšse et sans domicile fixe

L’histoire est construite autour d’un personnage imposant nommĂ© Polza Mancini. On le dĂ©couvre en garde Ă  vue. AgĂ© de trente-huit ans et sans domicile connu, il est accusĂ© d’avoir agressĂ©e une femme maintenant plongĂ©e dans un coma artificiel. Deux policiers l’interrogent et cherchent Ă  connaĂźtre son mobil et Ă  savoir prĂ©cisĂ©ment d’oĂč vient un tel dĂ©chainement de violence. Mais pour Polza, tout n’est pas si simple. Sa quĂȘte consiste Ă  sentir Ă  nouveau le Blast, moment oĂč la vie atteint la perfection. Et cette recherche est permanente et vient de loin. Et pour cela, il faut en revenir au tout dĂ©but. Et voilĂ  cet homme obĂšse et sans domicile fixe qui commence Ă  nous raconter sa vie dans la petite salle d’un commissariat


Le hĂ©ros est particulier. Si on l’avait croisĂ© dans la rue, il ne nous aurait inspirĂ© aucune affection ou empathie particuliĂšre. Voir cet homme errer dans la rue ne nous aurait pas touchĂ©s. On aurait Ă©ventuellement ressenti de la pitiĂ© pour son physique difforme et sa vie apparemment pas facile. Mais Larcenet en a dĂ©cidĂ© d’en faire son personnage central. Pour arranger le tout, cet homme a agressĂ© violemment une femme et se trouve arrĂȘtĂ© dans un commissariat. Comment peut-on s’intĂ©resser Ă  lui ? Peut-ĂȘtre est-ce du au talent de son crĂ©ateur mais dĂšs les premiĂšres pages de lecture, Mancini nous devient sympathique. On s’attache Ă  lui trĂšs vite. On oublie la raison de sa prĂ©sence dans ces lieux. On s’immerge pleinement dans son univers et dans son histoire. Sa narration nous passionne.

L’intĂ©rĂȘt que j’ai ressenti pour cette histoire est d’autant plus surprenant qu’elle n’est a priori pas forcĂ©ment passionnante. Mancini est un Ă©crivain qui voit son pĂšre mourir Ă  l’hĂŽpital. Cet Ă©vĂ©nement marque une rupture. Il dĂ©cide de partir Ă  l’aventure. La rue devient son nouvel univers et sa nouvelle maison. On a donc l’impression de suivre un clochard dans son quotidien. Il ne tĂ©moigne pas de rĂ©elle volontĂ© d’amĂ©liorer sa situation, on ne ressent pas de quĂȘte particuliĂšre sortie de celle de ressentir le Blast. Bref, tout cela manque d’idĂ©al classique. Et pourtant malgrĂ© tout cela, on se prend d’affection pour cette personne et on a Ă©normĂ©ment de curiositĂ© pour son avenir.

Je pense que ce plaisir de lecture vient en grande partie de l’atmosphĂšre assez particuliĂšre dans laquelle navigue Mancini. L’ambiance est assez envahissante je trouve. On s’y immerge de maniĂšre assez intense. Larcenet nous offre des moments de silence et contemplatif qui apportent une dimension assez intense Ă  la narration. Peut-ĂȘtre que le fait que les dessins soient en noir et blancs participent Ă  tout cela. Ce qui est Ă©galement trĂšs particulier est le fait que malgrĂ© ce grand nombre de pages, on croise relativement peu de personnages. La narration est construite davantage sur l’introspection du hĂ©ros plutĂŽt que sur ses rencontres. De plus, le style de Larcenet, bien que particulier, me touche Ă©normĂ©ment. Je trouve les visages de ses personnages trĂšs expressifs.

Donc au final j’ai pris Ă©normĂ©ment de plaisir Ă  dĂ©couvrir ce nouvel univers. La lecture a Ă©tĂ© trĂšs agrĂ©able, le dĂ©paysement total. Par contre, je comprendrais aisĂ©ment que tout le monde n’y soit pas sensible. L’ambiance, le thĂšme ou encore le dessin sont particuliers. Je vous conseille donc de le feuilleter dans les rayons avant de vous l’offrir. Par contre, si vous y ĂȘtes sensibles, je vous garantis un moment assez intense et je ne doute pas que vous partagerez avec moi l’impatience de devoir attendre la parution du deuxiĂšme opus de « Blast ». Bonne lecture


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Note : 17/20