Undertaker, T1 : Le mangeur d’or

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Titre : Undertaker, T1 : Le mangeur d’or
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Ralph Meyer
Parution : Janvier 2015


« Blueberry » est une icône du neuvième art. Il est l’incarnation du western dans l’univers de la bande dessinée. J’ai donc souri en voyant une série se qualifier de « plus grand western depuis Blueberry ». Je trouvais bien présomptueux de se comparer à l’œuvre de Jean Giraud et Jean-Michel Charlier. Mais en découvrant le duo d’auteurs en charge de ce nouvel album, je me suis dit : « Pourquoi pas ? ». En effet, Undertaker est le fruit de la collaboration de Ralph Meyer et Xavier Dorison. J’ai particulièrement apprécié leur immersion dans la culture nordique en lisant le diptyque « Asgard ». J’ai donc décidé de partir sur les pas de ce curieux« Undertaker » dans l’Ouest sauvage.

Undertaker1bJonas est croque-mort. Son prochain contrat l’amène dans la demeure d’un curieux Monsieur Cusco. Sa richesse résulte de son exploitation d’une mine. Mais sa fortune ne l’a pas empêché d’être actuellement lourdement handicapé. Il a donc prévu de se donner la mort. Jonas est donc missionné pour enterrer le corps dans le filon « Red Chance ». Mais tout ne s’avérera pas si simple. En effet, que va devenir la fortune du défunt ? Est-il parti dans sa dernière demeure avec son secret ?

Moiteur, tension, poussière…

Personnellement, le western a toujours évoqué pour moi une atmosphère. La moiteur, la tension, la poussière… Tout cela doit transpirer de chaque page pour que l’immersion soit totale. Le trait de Ralph Meyer répond parfaitement à ce cahier des charges. Ses planches m’ont fait faire un plongeon immédiat et profond dans cet univers si particulier. Sur ce plan-là, la filiation avec « Blueberry » est cohérente. Si les styles ne sont pas identiques, ils mènent tous les deux à un dépaysement intense. Le travail sur les couleurs en association avec Caroline Delabie participent activement à l’aridité qui abrite les personnages.

Undertaker1aIl est important que ces décors soient habités par un héros charismatique. Sur ce plan-là, Jonas répond aux attentes. Je pourrais critiquer le classicisme du personnage. Mais que demander de mieux qu’un brun ténébreux solitaire dont le passé semble hanté par des cadavres ? La petite particularité qui le caractérise est qu’il est croque-mort. Le moins que je puisse dire est qu’il dénote de l’idée que nous pouvions nous faire de la profession en lisant un album de « Lucky Luke ». Les interrogations qui accompagnent son trajet alimentent la curiosité. Cela participe à l’impatience de découvrir le prochain tome.

Pour que cet album soit une totale réussite, il ne lui manque plus qu’à posséder un scénario dense et captivant. La présence de Xavier Dorison est un gage de réussite dans ce domaine. Une nouvelle fois, il écrit une histoire prenante. La situation de départ est à la fois simple et originale. La mort orchestrée de Cusco est un point de départ permettant d’emprunter de nombreux chemins. Les différents protagonistes trouvent leur place dans l’intrigue par leur lien avec le défunt. Le suspense monte crescendo et atteint un pic d’intensité au cours des dernières planches.

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La conclusion de cet opus n’éveille qu’une envie, celle de connaître la suite. Il faut attendre le vingt-sept novembre prochain la parution du prochain tome intitulé La danse des vautours. Mais cela est une autre histoire…

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note5

 

Le guide du mauvais père, T1

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Titre : Le guide du mauvais père, T1
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Janvier 2013


Guy Delisle est un auteur canadien qui s’est fait connaître dans le petit monde de la bande-dessinée par ses récits de voyage dans des pays tous plus intéressants les uns que les autres. Il a atteint la consécration avec « Chroniques de Jérusalem », auréolé d’un Fauve d’Or au Festival International de la Bande-Dessinée d’Angoulême en 2012. Fort de cette reconnaissance, il décide alors de mettre en pause ses récits de voyages pour proposer « Le guide du mauvais père », un ouvrage autobiographique bien plus léger. Le tout paraît chez Shampooing, dans un format manga. Cela pèse quand même 190 pages pour une dizaine d’euros.

Ce qui marque d’emblée est l’aspect bloguesque de l’ensemble. On est dans la pure anecdote père/enfant dessiné avec un trait simple et sans fioritures. Ainsi, les « cases » sont nombreuses, les blancs importants. Tout se passe donc essentiellement dans le dialogue (et les silences qui en font partie). Le tout en lien avec son fils (l’aîné) et sa fille (plus jeune).

Un auteur attendu au tournant

J’avoue que j’attendais un peu Delisle au tournant. Ses livres ayant une part d’intérêt non-négligeable liée au côté documentaire, j’étais un peu curieux de voir ce que pouvait donner un ouvrage purement humoristique. Force est de constater que c’est plutôt réussi. Même si le thème du père indigne et cynique n’est pas nouveau, l’auteur possède un vrai talent dans les réparties et les situations. Quant à savoir où est la part de vrai là-dedans… Les anecdotes font donc mouche, les chutes sont drôles et, chose à signaler, les dialogues aussi. Les situations sont souvent assez longues, même si le format du livre donne des impressions de longueur un peu biaisées.

Cependant, force est de constater que le livre se lit un peu vite, et ce malgré les 190 pages. Le dessin très simple, les nombreux silences, le fait qu’il n’y ait en moyenne que deux dessins par page donnent un rythme de lecture bien trop soutenu. Et la frustration guette à la fin de l’ouvrage. Pas étonnant qu’un tome deux soit sorti depuis. On atteint un peu la limite de ces livres typés blog. En recueil, ce n’est pas forcément toujours adapté. Le même sentiment m’avait touché lorsque j’avais découvert les recueils de Bastien Vivès dans la même collection. Certes, chaque livre n’est pas bien cher, mais l’ensemble est excessif.

Au final, ce « Guide du mauvais père » montre que Guy Delisle est tout à fait capable de séduire sans le background d’un pays exotique. Son humour fait mouche et la lecture est un vrai plaisir. Cependant, à 10 euros le bouquin, vous risquez de rester un peu sur votre faim à la fermeture de l’ouvrage. A vous de voir.

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Chroniques de Jérusalem

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Titre : Chroniques de Jérusalem
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Novembre 2011


Guy Delisle a imposé son style dans ses livres de voyage. Après la Chine, la Corée du Nord et la Birmanie, le voilà qui arrive en Israël, à Jérusalem. Publié comme le précédent aux éditions Delcourt, dans la collection Shampooing, l’auteur canadien a su bonifier son trait et sa narration au point que ce « Chroniques de Jérusalem » obtienne le prix du meilleur album au Festival International de Bande-Dessinée d’Angoulême en 2012 ! Alors, qu’en est-il ? Ce prix est-il mérité ?

Le terme de « chroniques » est parfaitement adapté car nous allons avoir droit ici à de nombreuses anecdotes et morceaux de vie. Pas question de créer une longue narration. Si bien que malgré le nombre de pages importants (plus de 300 !), le livre se lit très agréablement, la lecture pouvant s’arrêter à tout moment sans problème. Guy Delisle suit donc sa femme, qui travaille à Médecins Sans Frontières, en Israël. Ils s’installent à Jérusalem Est (côté arabe) et l’auteur reprend son activité de père au foyer. Pendant que sa femme s’active, il s’occupe de son enfant. L’idée est de trouver de quoi tromper l’ennui. Le jardin d’enfant est, entre autres, une des grandes quêtes du canadien.

Un regard plus affûté

Évidemment, l’aspect touristique est vite présent. Guy Delisle visite le pays (ou du moins les environs) avec sa candeur habituelle. Il évite tout jugement (même si celui-ci transparaît) et note avant tous les incohérences et ce qui le choque de visu. Ainsi, voir des fusils d’assaut régulièrement le laisse perplexe… L’appel à la prière le fait sursauter…  Tout est raconté de façon chronologique. Ainsi, dans la seconde moitié, la surprise est moins présente chez l’auteur. Le regard se fait plus affûté, bien que toujours sans présenter ses opinions.

Si Delisle avait l’habitude des pays assez fermés, ce n’est pas le cas ici. Israël est une démocratie et il est donc beaucoup plus libre de ses mouvements. Du coup, il pénètre bien plus dans l’esprit du pays que dans les autres livres. Son autonomie lui permet de toucher du doigt plus d’incohérences. Car c’est le véritable sujet du livre : Israël est présenté comme un pays complètement absurde. C’en est souvent risible, mais malheureusement aussi inquiétant. L’auteur met le doigt sur des comportements et des usages complètement improbables. Il y présente un pays où des populations vivent ensemble sans se croiser ou se parler. C’est un véritable apartheid en pleine démocratie. A cela s’ajoute les communautés religieuses les plus orthodoxes du monde… On devine alors une Jérusalem multiple, mais surtout divisée.

Au niveau du dessin, Guy Delisle a affiné son trait. C’est simple mais efficace et la narration se fait avec beaucoup de fluidité. Cette fois-ci, la couleur a plus d’importance. Le tout est souvent colorisé de façon monochrome, mais chaque couleur a un sens. Cela facilite la lecture. Quelques touches de couleurs sont ajoutés afin d’enrichir le tout (souvent en renforçant un effet, comme une explosion par exemple). Clairement, graphiquement, l’auteur progresse et propose un résultat de plus en plus abouti. 

« Chroniques de Jérusalem » est une grande réussite. Difficile d’être indifférent à ce qui y est raconté. Et en présentant le tout de façon factuel, Guy Delisle donne à son ouvrage une certaine universalité, si bien que l’on dévore le livre, allant de surprise en surprise. Un must du carnet de voyage !

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note5

Chroniques birmanes

ChroniquesBirmanes


Titre : Chroniques birmanes
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Octobre 2007


Après « Shenzen » et « Pyongyang », Guy Delisle s’attaque à la Birmanie (ou le Myanmar) dans ces « Chroniques Birmanes ». Voilà donc le troisième opus des reportages si particuliers de l’auteur canadien. Alors qu’il s’était retrouvé en Asie pour superviser des studios d’animation, le voilà désormais dans l’une des pires dictatures du monde afin de suivre sa femme qui travaille chez Médecins Sans Frontières. Exit l’animateur, voilà le père au foyer ! Delisle passe sa journée à faire de la bande-dessinée et, surtout, à s’occuper de Louis, son fils. Nouveau pavé à dévorer, ce livre pèse 263 pages et est publié chez Delcourt, dans la collection Shampooing (et non plus chez L’Association).

Si ses précédents opus possédaient une continuité relative de la narration, ce n’est pas le cas ici. Le titre prend tout son sens. C’est bien de chroniques dont il s’agit, les anecdotes étant empilées les unes aux autres. Alors bien sûr, il y a quand même une certaine chronologie, mais la lecture est ainsi un peu différente. Vu le pavé représenté, cela permet de faire des pauses plus facilement et de picorer dans l’ouvrage. Le fait que l’auteur ait passé un an et demi dans le pays justifie évidemment ce choix.

Ce que l’on pouvait regretter dans « Pyongyang », c’est que Guy Delisle ne pouvait pas atteindre l’envers du décor de la société nord-coréenne. C’est un peu la même chose ici puisque les zones les plus sensibles lui sont interdites. D’ailleurs, il n’hésite pas à le rappeler régulièrement. Cependant, la population est ici plus disserte et ses conversations avec les Birmans lui permettent de mieux saisir leur façon de vivre. On découvre ainsi la vie dans son quartier et les inévitables rencontres d’ONG.

Un rôle de candide

La force de Guy Delisle est de se donner un rôle de candide. Faussement naïf, il aborde un ton léger qui permet à l’ouvrage de se lire avec plaisir. Pas de cynisme, de propos sombres, l’auteur ne cherche pas à politiser son livre. Seuls les passages didactiques (assez rares finalement) apportent un peu sur ce plan-là. Et quand le personnage Guy Delisle décide de devenir militant pour la Dame de Rangoon, c’est pour mieux oublier ses engagements dans la case d’après… Mais derrière ce vernis non-politisé, les messages passent à foison de part les faits.

Beaucoup de personnes n’arrivent pas à se lancer dans un livre de Guy Delisle à cause du dessin. Ce serait une erreur tant le contenu vaut le coup. Surtout que le trait est simple, mais très efficace. Il est parfaitement adapté au propos et lisible. Le tout est rehaussé de gris de façon pertinente. L’auteur utilise un gaufrier de six cases, réservant la première pour le titre de l’anecdote. Il y a une certaine routine qui s’installe, plutôt confortable pour le coup. Bref, si vous n’aimez pas le trait de Guy Delisle, cela vaut le coup d’essayer de passer le cap.

Ces « Chroniques Birmanes » confirment le talent de Guy Delisle pour des récits de voyage tout en légèreté. Même si ses observations sont évidemment limitées par sa vie et qu’il n’est pas au plus près des exactions, on apprend beaucoup de choses dans cet ouvrage et l’on sourit à de multiples reprises. A lire !

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note4

Pyongyang

Pyongyang


Titre : Pyongyang
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Mai 2003


Guy Delisle s’est spécialisé dans la bande-dessinée façon carnet de voyage. En 2003, après avoir décrit Shenzen, il s’attaque à la Corée du Nord dans « Pyongyang ». Son travail d’animateur d’alors le pousse à aller superviser la production sur place. C’est donc parti pour plusieurs mois dans l’un des pays les plus fermés du monde. Son livre « 1984 » d’Orwell en poche, Delisle va découvrir la vie dans la capitale de la Corée du Nord. Le tout est publié en noir et blanc à l’Association et pèse pas moins de 176 pages.

Cela faisait longtemps que je voulais me lancer dans la lecture des ouvrages de Guy Delisle tant on m’en a dit du bien. Et son prix à Angoulême pour « Chroniques de Jérusalem » m’avait d’autant plus incité à m’y intéresser. J’ai donc choisi de démarrer avec le pays qui me fascine le plus, la Corée du Nord. A cette époque-là, Guy Delisle est célibataire et ne part donc que quelques mois. Il arrive seul en Corée du Nord où les activités ne sont pas légion… On découvre alors son quotidien avec les autres travailleurs de l’animation et les ONG.

Un ton léger, un sujet grave

Si l’auteur nous fait découvrir la Corée du Nord, c’est par son œil averti. Ainsi, les analyses profondes du régime ne sont pas d’actualité. Ce que vit et voit Delisle suffit amplement à nous renseigner sur ce régime. On découvre une population asservie, presque robotisée et de grands espaces vides (à l’image des hôtels). Le régime est à l’agonie. Il tente de le cacher, mais c’est beaucoup trop flagrant pour passer inaperçu. Surtout que l’auteur est quelqu’un de curieux qui ne ménage pas son guide (qui l’accompagne en permanence). Il aime rentrer à pied et visiter… Et en adoptant un ton léger, Delisle parvient à nous distraire en parlant d’un pays ultra-répressif… 

Au fond, en lisant l’ouvrage, on a l’impression de revivre l’expérience de Delisle. On découvre ce pays comme il l’a lui-même découvert : les incohérences, les violences, la peur, etc. Delisle n’est pas un idéologue. A aucun moment, il ne cherche à nous asséner un message politique. Bien sûr, cela transparait quand même au fur et à mesurer de la lecture, mais l’ensemble reste très factuel.

Concernant le dessin, Delisle a un trait simple, façon « nouvelle bande-dessinée ». C’est parfaitement adapté à l’ouvrage. Le tout est rehaussé d’une colorisation en niveaux de gris qui densifie un peu l’ensemble. C’est lisible et très efficace.

Au final, on ressort un peu sonné de « Pyongyang ». Devant tant d’absurdité, on ne peut qu’être révolté. Mais en choisissant un ton léger, Guy Delisle évite l’écueil d’un ouvrage trop politisé et orienté. Du coup, on sourit souvent avec un thème bien grave pourtant. Du beau travail !

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note4

 

Réalités obliques

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Titre : Réalités obliques
Scénariste : Clarke
Dessinateur : Clarke
Parution : Octobre 2015


Je n’ai jamais rien lu de Clarke. Et pourtant, il est le dessinateur de la bien connue « Mélusine ». C’est ainsi un changement de style radical que le dessinateur effectue en proposant « Réalités obliques », un one-shot en noir et blanc dérangeant, où fantastique et onirisme se côtoient. Paru au Lombard, l’ouvrage titille les 160 pages.

Clarke nous propose plus d’une vingtaine de petites histoires de 4 pages carrées, chaque page contenant elle-même quatre cases carrées. Chaque scène possède une composante plus ou moins fantastique (on est souvent dans l’idée du cauchemar, à la frontière du réel). Le tout se veut dérangeant et c’est plutôt réussi. Difficile de ne pas faire le rapprochement avec la démarche de Franquin et de ses « Idées noires ». Même si le contenu reste différent, on reste sur un auteur qui change de style vers des histoires plus glauques et avec un noir et blanc poussés dans ses retranchements.

4 pages carrées par histoire. 4 cases carrées par planche.

Si toutes les histoires sont loin d’atteindre le même niveau, la qualité est de mise. Clarke maîtrise son rythme de 16 cases pour faire monter la tension et aboutir sur une dernière case qui, souvent, donne le sens au reste. En cela, les histoires de Clarke ne coulent pas toujours de source et nous surprennent. Une lecture trop rapide ou en diagonal amène parfois l’incompréhension. Tout est pesé, tant dans les textes que dans le dessin. Et le résultat est réussi : on est mal à l’aise face à ces histoires qui touchent à nos phobies les plus primitives.

Concernant le dessin, difficile de ne pas penser au « Sin City » de Frank Miller. Il semble que ce soit l’influence majeure de Clarke sur cet album. Malgré tout, les cadrages, les clairs-obscurs forcent le respect et on sent un auteur en pleine possession de son art. Surtout que beaucoup de scènes possèdent peu d’action, le dessinateur change les points et angles de vue intelligemment.

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« Réalités obliques » est une œuvre qui permet à Clarke de présenter une autre palette de son talent. Si on pense beaucoup à Franquin et Miller pendant la lecture, difficile de ne pas adhérer à l’ouvrage, dont l’ambition initiale est atteinte. Un beau livre, simplement.

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note4

Okko, T7 : Le cycle du feu, première partie

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Titre : Okko, T7 : Le Cycle du Feu, première partie
Scénario : Hub
Dessin : Hub
Parution : Octobre 2011


« Okko » est une série basé sur des cycles élémentaires composés de deux tomes chacun, scénarisée et dessinée par Hub. Après le cycle de l’eau, le cycle de la terre et le cycle de l’air, voici venir le cycle du feu. Premier tome de ce cycle et donc septième de la série, celui-ci démarre sur un mariage entre deux familles très puissantes. Devant l’ampleur du phénomène (qui pourrait amener un nouvel empereur), les familles font appel à la garde blanche, composée des cent samouraïs les plus valeureux. Auquel s’ajoute un cent-unième bien connu : Okko. Bien qu’étant déshonoré et diminué (il a perdu une main lors du cycle précédent), ce qui fait de lui un ronin, ses faits d’armes le rendent indispensables. Cependant, notre héros sait prendre du recul et évite de se mélanger avec des pairs qui le renient.

La réussite d’ « Okko » tient à plusieurs facteurs. Le japon médiéval, teinté de fantastique, est à la fois terriblement exotique et sombre. Hub crée un monde d’héroïc-fantasy japonais avec ses guerriers, ses nobles, ses monstres et ses sorciers. La balance entre l’aspect historique (et documenté) et fantastique est parfaitement dosée et accouche d’un univers crédible et cohérent.

Un Japon médiéval, exotique et sombre.

Autre facteur de réussite : les personnages. Comme dans toute saga de fantasy, « Okko » est avant tout l’histoire d’un groupe. On y trouve Okko, samouraï déchu, Noburo, guerrier géant caché derrière un masque, Noshin, moine alcoolique et Tikku, jeune apprenti du moine. La galerie est pittoresque mais moins caricaturale qu’elle n’y paraît. Les relations entre les personnages sont souvent conflictuelles et les problèmes viennent souvent de l’une des personnes du groupe. Le vrai lien est Okko, qui n’hésite pas à se mettre en danger (voire à se sacrifier) pour défendre l’un de ses compagnons. C’est une vraie force dans cette BD car Okko est parfois à la limite de l’antipathique. Aigri et agressif avec le moine, Hub ne lui fait pas non plus de cadeau. Mais son personnage préfère ses amis à son honneur. L’auteur en fait donc une version nouvelle du samouraï, très intéressante.

Comme d’habitude, l’histoire se passe sur une île. Cycle du feu oblige, elle est volcanique ! Dans ce premier tome du cycle, Hub distille son atmosphère lentement sans dévoiler les vrais tenants de l’intrigue. Et à la fin du tome, un évènement avive un suspense insoutenable. L’auteur maîtrise réellement la construction en deux tomes et c’est sans doute ce qui fait tout le charme de cette œuvre. Plutôt que d’écrire une longue épopée de 8 tomes, Hub écrit des histoires denses à l’identité fortement marquée. Résultat : on a l’impression que « Okko » s’améliore de tomes en tomes.

A force de passer les tomes, on en apprend un peu plus sur les personnages. Hub nous présente un Okko en apparence vieilli et affaibli. Bien que pouvant être lu indépendamment des autres tomes, je conseille tout de même une lecture préalable des ouvrages précédents. De même, le jeune Tikku, si timide et effrayé au départ, vieillit et prend de plus en plus d’initiatives. On a vraiment l’impression de voir évoluer les personnages. Mais comme toujours, c’est très léger et subtil. Hub ménage ses informations, ses évolutions afin de créer une œuvre des plus intéressantes.

Et que dire du dessin ? Il est simplement magnifique. Détaillé et expressif, il sait se faire dynamique dans les combats. La faune et la flore sont parfaitement retranscrits et donnent de la chaleur à ce cycle ardent. De même, tous les apparats du japon médiéval donnent vraiment l’impression d’y être, facilitant notre plongée dans l’univers. Sans en faire trop, Hub sait créer des moments forts dans ses planches. Une grande réussite comme toujours ! De plus, chaque cycle a une vraie identité, que ce soit dans les tons, les couleurs et les ambiances.

« Okko » est une vraiment une œuvre majeure de la bande-dessinée. Construite selon des cycles de deux tomes, tout y est réussi. Un dessin virtuose reconnaissable immédiatement, des intrigues teintées de fantastique, un univers original et cohérent, des personnages complexes et attachants… Je ne peux que vivement la conseiller à ceux qui ne l’auraient pas encore découverte. Chaque tome est un grand moment, simplement.

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Okko, T9 : Le cycle du vide, première partie

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Titre : Okko, T9 : Le cycle du vide, première partie
Scénariste : Hub
Dessinateur : Hub
Parution : Mai 2014


« Okko » est certainement l’une de mes séries préférées. Je la suis depuis le premier tome. Or, fait rare, cette série a eu tendance à se bonifier au fur et à mesure des tomes. Et des tomes, il y en a puisque c’est le neuvième qui sort en cette année 2014. Scindés par cycle de deux, voilà donc l’ultime cycle : le cycle du vide. C’est donc l’avant-dernier opus des aventures d’Okko qui paraît chez Delcourt. Alors, que nous propose donc ce nouveau cycle ?

Okko est un ronin qui arpente l’Empire du Pajan accompagné par de curieux acolytes. Ils sont chasseurs de démons. On retrouve Noshin le moine alcoolique, Noburo le géant masqué et Tikku, apprenti moine. Or, depuis le début, nous ne savons toujours pas qui est Noburo ni même comment le moine a pu se retrouver embarqué dans ce groupe. Quant à Okko, son passé reste trouble. Le groupe est actuellement chassé et fuit perpétuellement. Okko, usé, décidé qu’il est temps pour lui de prendre sa retraite. Et voilà l’occasion de présenter un flashback sur l’histoire du ronin.

Beaucoup d’informations restent en suspens

La force de l’univers de « Okko » est de savoir distiller les informations au compte-goutte. Hub maîtrise parfaitement son univers et ne nous laisse entrevoir les liens du passé qu’avec parcimonie. Et, enfin, avec ce dernier cycle, l’auteur va avoir les réponses à ses questions ! Et il faut bien avouer que l’on est gâté ! Sans trop s’attarder sur la narration, Hub déclenche très vite un flashback qui tiendra jusqu’à la fin du livre. Certains personnages passés apparaissent donc et le passé est révélé. L’auteur nous livre beaucoup d’informations, si bien qu’à la fin de l’ouvrage on n’a qu’une envie : relire les huit premiers tomes pour voir si certains aspects étaient déjà visibles à l’époque… Cependant, beaucoup de questions restent en suspens et l’idée d’attendre encore de longs mois pour lire l’épilogue est une véritable souffrance.

« Okko » tient sa force de l’univers nippon médiéval fantastique qu’il propose. Hub lui donne toute sa force par des dessins expressifs et des décors splendides. Les couleurs rendent hommage au trait du dessinateur sans peine et aident à la narration, utilisant de différents camaïeus pour les flashbacks. Les nombreux combats (au katana bien sûr !) sont admirablement rendus avec beaucoup de dynamisme. Bref, c’est parfaitement adapté au propos !

Si on pourra regretter l’absence de certains personnages (Noburo notamment !), cette bande-dessinée se dévore d’une traite et donne suffisamment d’informations pour rassasier lecteur. Malgré tout, on ne peut qu’attendre l’épilogue de cette série. L’une des plus passionnantes de ces dernières années.

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Zaï zaï zaï zaï

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Titre : Zaï zaï zaï zaï
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Mai 2015


Je suis un grand fan de Fabcaro. Capable d’apprécier autant ses livres d’autodérision que ses strips ou encore ses ouvrages expérimentaux, je fus en joie en voyant un nouveau bouquin sortir, intitulé « Zaï zaï zaï zaï ». Un road-movie paraît-il… Devant les bonnes critiques unanimes et son prix au festival Quai des Bulles, je me le suis procuré, prêt à apprécier cet ouvrage. Le tout est paru chez 6 pieds sous terre pour une soixantaine de pages.

« Zaï zaï zaï zaï » est une auto-fiction. On retrouve Fabcaro au supermarché. Au moment de payer, il s’aperçoit qu’il n’a pas sa carte de fidélité. Commence alors une cavale rocambolesque…

Une cavale d’un nouveau genre.

ZaiZaiZaiZai3Si ce livre est assez différent formellement des autres ouvrages de Fabcaro, il en reprend pourtant toutes les caractéristiques : l’obsession du supermarché, le fonctionnement en strips, l’absurde, l’auto-dérision, le comique de répétition… Fabcaro fusionne le tout dans une aventure complètement absurde. Ainsi, chaque page propose un gag qui fait avancer l’histoire. Le côté extrêmement absurde ferait presque pencher la balance vers l’idée d’un ouvrage expérimental. Mais l’humour développé est grand public, pour peu qu’on soit ouvert aux incohérences voulues du récit. Si voir quelqu’un menacer un vigile avec un poireau ne vous fait pas sourire, vous pouvez passer votre chemin.

La cavale est bien évidemment un prétexte pour parler de tout et de rien. On retrouve  des gags sur l’auteur en lui-même, sur les supermarchés, sur la police, sur les journalistes… L’histoire est ainsi aussi décousue qu’elle est absurde. Et ce, jusqu’à un épilogue réussi. Et si, vu l’humour proposé, on accroche plus ou moins aux situations, on sourit souvent et on rit même de bon cœur devant certains gags.

Au-delà de la qualité intrinsèque de l’ouvrage (et de savoir s’il est drôle ou non), force est de constater que Fabcaro est un auteur qui possède une véritable patte en tant que scénariste. Quand on accroche à son humour, difficile de s’en détacher. On est loin d’un humour formaté et déjà entendu.

Concernant le dessin, Fabcaro délaisse son dessin humoristique pour un trait à la fois plus réaliste et encore plus relâché. Cela donne à son road movie une apparence de sérieux qui tranche encore plus avec l’absurde de l’histoire. Le choix est clairement payant. Fabcaro fait la part belle aux répétitions dans ses pages, mettant l’accent sur les dialogues. Le trait est relevé par une bichromie à la teinte jaune/verte un peu déstabilisante (et honnêtement assez moche). La teinte mise à part, la colorisation donne du volume au trait et reste pertinente.

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« Zaï zaï zaï zaï » est un beau condensé du savoir faire de Fabcaro. Il n’est pas rare de rire devant les péripéties de ce héros du quotidien. Rien que pour cela, l’ouvrage est réussi. Mais quand il faut parler d’autodérision et tacler les angoisses du quotidien franchouillard (karaoké et carte de fidélité de supermarché en tête), il reste l’un des auteurs les plus performants.

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Z comme Don Diego, T2 : La loi du marché

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Titre : Z comme Don Diego
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabrice Erre
Parution : Octobre 2012


Zorro est le héros de mon enfance. Je me rappelle des bons moments passés avec mes parents à regarder les aventures du célèbre justicier masqué. J’avais donc jaugé avec curiosité l’apparition du premier tome d’une nouvelle série intitulée « Z comme don Diego ». La découverte s’était avérée drôle et sympathique. C’est donc en confiance que je me suis offert l’opus suivant paru au mois d’octobre. Il s’intitule « La loi du marché » et nous présente un Zorro bardé de sponsors tel un pilote de Formule 1. Son père, le sergent Garcia, la señorita Sexoualidad ou encore Bernardo l’accompagnent au second plan.

Au-delà de la présence du célèbre Zorro, cet ouvrage possédait un autre atout évident lors de notre première rencontre. Cet aspect était la présence de Fabcaro sur la couverture. J’ai découvert ce scénariste par « Jean-Louis et son encyclopédie » et « Steve Lumour ». Il faisait ici état de son talent à tourner en dérision des personnages de « loser ». Il était donc curieux de voir exploiter le mythe de Zorro dans cet esprit-là. Le premier épisode avait répondu aux attentes, j’en espérais autant du second.

Un Don Diego opposé au héros télévisuel qu’il représente.

On retrouvait donc avec plaisir ce Don Diego maladroit et à l’opposé du charismatique héros télévisuel qu’il représente. On a du mal l’imaginer sauver qui que ce soit tant il a déjà du mal à garder son identité secrète. Nombre sont les gags à se construire sur cette dimension-là. Le justicier pourrait être démasqué des dizaines de fois. Mais ce cher sergent Garcia ne vaut pas mieux que lui. On rit avec bon cœur de la bêtise de tout ce beau monde. Il va sans dire que Don Diego ne se révèle dans ses tentatives de séduction. Son amour et sa bonne volonté ne sont pas reconnus par la señorita Sexoualidad qui pourtant ne brille ni par ses charmes ni par sa classe. Les auteurs arrivent à offrir de nombreux gags sur ce thème sans pour autant se répéter.

Afin d’éviter le côté routinier de ce type de série, Fabcaro décide d’intégrer un nouveau personnage qui apparaît anachronique avec l’univers de Zorro. Il s’agit de Wolverino. La parenté de ce dernier avec le héros des X-Men est évidente. Apparait donc un combat digne des geeks : Zorro contre Wolverino. Rapidement, le choc apparait déséquilibré tant la maladresse de Don Diego est battue à plate couture par l’efficacité de son concurrent aux lames acérées. On découvre donc le héros chercher un emploi plus classique tant sa dimension de justicier a pris du plomb dans l’aile. Cet aspect génère une nouvelle corde l’arc du scénariste et génère ainsi d’autres gags qui pour la plupart nous ravissent. L’album nous présente environ quatre-vingts strips dont la grande majorité fait mouche. On sourit souvent, on rigole de temps à autre. Bref, cet album est un condensé de bonne humeur qui chatouille sans effort nos zygomatiques.

Les dessins de Fabrice Erre collent parfaitement à l’esprit déluré du propos. Les traits tout en rondeur se prêtent au côté « cartoon » des situations. Les expressions graphiques des personnages sont caricaturales et excessives et participent ainsi au plaisir de la lecture. Les pages dégagent une bonne humeur évidente. On apprécie de suivre les courses effrénées du justicier dans ce village du Nouveau Mexique. Les décors sont suffisamment travaillés pour que le dépaysement soit réussi.

En conclusion, « La loi du marché » est un ouvrage des plus honnêtes. Rares sont les albums humoristiques à s’approprier de manière aussi réussie un univers existant. Rien n’est bâclé. Les auteurs montrent une affection certaine pour Zorro et lui rendent un bel hommage en le parodiant ainsi. Les rumeurs laissent entendre que cette série ne connaitra pas de troisième opus par la faute de nombre de ventes décevant. J’en suis triste. Mais cela ne m’empêche d’espérer que ce cher don Diego aura d’autres occasions de nous faire rire. Mais cela est une autre histoire… 

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