Gisèle & Béatrice – Benoît Feroumont

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Titre : Gisèle & Béatrice
Scénariste : Benoît Feroumont
Dessinateur : Benoît Feroumont
Parution : Septembre 2013


Actuellement, je suis très attiré par la bande-dessinée érotique. Cela tombe bien, « Gisèle & Béatrice », autoproclamé « contenu coquin pour adultes coquins » a reçu de nombreuses éloges chez les critiques de BD ce mois-ci. Du coup, une fois acquis, je me plongeais dans la bête réalisée par Benoît Feroumont. Le tout, publié chez Dupuis dans la collection Aire Libre (assez logiquement), pèse pas moins de 112 pages.

Le pitch de départ est posé dès les premières pages. Béatrice est mal considérée dans son boulot et harcelée sexuellement par son boss. Excédée, elle finit par céder à ses avances. Mais au moment de passer à l’acte, voilà que son patron se transforme en femme… La nouvelle Gisèle, immigrée et sans papier, devient le jouet sexuel de Béatrice et, accessoirement, sa femme de ménage…

Un conte érotique et féministe

C’est un conte érotique et féministe que nous propose là Benoît Feroumont. En renversant les rôles, il permet au personnage de Gisèle de comprendre ce qu’endurent les femmes. Passé de patron macho à immigré harcelé par… un peu tout le monde, elle vit le quotidien de certaines femmes. Ainsi, elle se plaint que Béatrice veuille des rapports sexuels tous les soirs…

L’histoire de « Gisèle & Béatrice » est pourtant pleine de subtilité malgré un pitch qui peut paraître excessif. Car si l’auteur n’hésite pas à faire dans l’excès, avec beaucoup d’humour, le traitement des personnages est particulièrement réussi. Son évolution d’homme à femme se fait difficilement, de même que sa découverte du plaisir féminin. Et que dire de sa relation avec son bourreau Béatrice ?

Benoît Feroumont trouve ici un très bel équilibre entre l’histoire et son suspense réel, l’humour et le sexe. Ce dernier est explicite, mais pas vulgaire. L’auteur prend soin de ne pas être exhibitionniste. Ce qui est représenté a toujours un intérêt et on nage plus en terre d’érotisme que de pornographie. Le tout émoustille quand même le lecteur, pour son plus grand plaisir !

Au niveau du dessin, l’aspect cartoon est très agréable à lire, convenant parfaitement aux nombreux passages décalés et humoristiques. Ce graphisme sait aussi être affriolant, Benoît Feroumont sachant parfaitement jouer des courbes de ses deux personnages. Le tout est expressif et parfaitement mis en valeur par une colorisation adaptée. Un vrai plaisir pour les yeux. Voilà typiquement un trait qui est au service de son scénario.

Au final, j’ai été particulièrement séduit par « Gisèle & Béatrice ». L’histoire ne lit avec plaisir, l’humour est réussi et l’aspect coquin donne un sel supplémentaire à l’ensemble Comme quoi, le marketing avait bien raison : si vous êtes un adulte coquin, nul doute que ce livre saura vous conquérir !

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Note : 16/20

Les chroniques d’un maladroit sentimental, T1 : Petit béguin & gros pépins – Vincent Zabus & Daniel Casanave

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Titre : Les chroniques d’un maladroit sentimental, T1 : Petit béguin & gros pépins
Scénariste : Vincent Zabus
Dessinateur : Daniel Casanave
Parution : Janvier 2013


Le profil du célibataire trentenaire soumis à des crises d’angoisse et à une timidité maladive est devenu ces dernières années un grand classique. Lorsque Vincent Zabus (au scénario) et Daniel Casanave (au dessin) s’attaque au sujet dans « Les chroniques d’un maladroit sentimental », il va falloir qu’ils sortent du lot. Mais comment, sur un sujet aussi banal et récurrent, se démarquer ? Publié chez Vent d’ouest, ce premier tome intitulé « Petit béguin & gros pépins », est présenté sous le format album classique. C’est la présence de Casanave au dessin qui m’a convaincu de m’approprier le livre.

Tout commence par un rendez-vous. Gérard Latuile a rencard avec une certaine Florence. Il nous explique alors que d’habitude il est très maladroit, qu’il a raté ses autres relations. Gérard n’hésite pas à parler directement au lecteur, donnant le ton de la BD. De même, de nombreux personnages n’hésitent pas à intervenir dans l’histoire de façon complètement absurde comme la mère dans la salle de bain pendant une crise d’angoisse ou alors Gérard plus vieux. Ce mélange entre l’histoire en elle-même et toutes ces apparitions/interventions qui la « parasitent » donnent un ensemble original, un peu bordélique, mais surtout très attachant. Et c’est là que se trouve tout l’intérêt de l’ouvrage.

Une comédie romantique.

« Les chroniques d’un maladroit sentimental » est avant tout une comédie romantique. Le ton est toujours léger, Gérard étant une sorte d’ingénu sacrément romantique. Ainsi, l’humour distillé est très réussi. On verra Gérard très étonné d’être attiré par Florence car elle a une petite poitrine alors qu’il a toujours été attiré par les femmes à forte poitrine. « Elle me plaît quand même, c’est dingue » se dit-il ! Mais surtout, l’homme fantasme énormément son idylle, se projetant beaucoup trop. Clairement, il n’a pas les pieds sur terre, comme le montre parfaitement la couverture !

Je tiens à préciser que ce premier tome pourrait presque être un one-shot. Même s’il reste des pistes à explorer, il se suffit à lui-même. C’est assez rare pour être signalé !

Concernant le dessin, une fois encore Daniel Casanave m’a séduit. Son trait dynamique, à la fois simple et expressif est parfaitement adapté au propos. Il possède toute la légèreté nécessaire à l’ouvrage, tout en étant capable de faire passer les émotions quand il le faut. La mise en couleur, par Patrice Larcenet, est toute en simplicité. Elle met en valeur le trait de Casanave tout en proposant des ambiances bien différenciées. Un travail discret mais efficace.

Ces « Chroniques d’un maladroit sentimental » portent très bien leur nom. Plein de romantisme et de légèreté, cet ouvrage nous propose un personnage de Gérard Latuile très attachant. La narration est bien menée, évitant l’écueil d’une trop grande simplicité. On espère finalement une suite, histoire de voir si Gérard va enfin arriver à passer un repas sans faire une crise d’angoisse aux toilettes.

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Note : 15/20

Ekhö, monde miroir, T3 : Hollywood boulevard – Christophe Arleston & Alessandro Barbucci

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Titre : Ekhö, monde miroir, T3 : Hollywood boulevard
Scénariste : Arleston
Dessinateur : Alessandro Barbucci
Parution : Novembre 2014


 La publication du premier tome de « Ekhö » avait redonné un peu des lettres de noblesse à Christophe Arleston. Le scénariste, qui s’était essoufflé depuis bien longtemps, avait créé un monde parallèle au nôtre, mais où l’électricité n’existait pas et où les dragons servaient de transport en commun. Aidé par le dessin virtuose d’Alessandro Barbucci, les critiques avaient été très positives (peut-être un peu excessives d’ailleurs). Maintenant que le tome 3 est de sortie, où en est cette série de fantasy si proche de notre propre univers ?

ekho3aA chaque tome sa ville et son intrigue. Après New York et Paris, voilà Hollywood. Malgré tout, mieux vaut avoir lu les précédents tomes pour profiter pleinement de l’ouvrage. Mais le parallèle entre les deux univers est surtout construit autour des personnages de Fourmille et Yuri, qui sont obligés de rester groupé après avoir perturbé l’équilibre entre les deux mondes. Force est de constater qu’au troisième tome, ils sont déjà intégré au monde et rien ne semble plus les étonner. Le décalage entre notre univers et celui de fantasy est digéré. Dommage.

Un tome, une ville.

Un peu comme un cheveu sur la soupe, il arrive que Fourmille soit habitée par des fantômes et elle doit résoudre leurs problèmes afin de ne plus être habitée. Quand c’est le cas, sa coiffure change. Ce système est un peu étrange et semble conçu avant tout pour créer des scènes cocasses où Fourmille ne réagit plus normalement, mais comme d’autres personnes, souvent hautes en couleur.

ekho3bLe principe du monde miroir permet à Arleston de s’adonner à son jeu préféré : jouer avec les références. Hélas, tout est très appuyé. Alors que dans les tomes précédents, il détournait certains lieux (le central park sauvage, la tour Eiffel comme palais…), ici on a surtout l’impression de revoir l’histoire entre Marilyn et JFK. Et au final, le fil rouge général disparaît complètement. On n’avance pas du tout sur les mystérieux Preshauns par exemple. Après trois tomes, c’est un peu inquiétant. Arleston a trouvé un bac à sable où il peut donner libre cours à ses envies, mais il manque du coup du fond pour pouvoir nous emballer pleinement. Surtout que l’aspect « fantasy » et monde parallèle est peu fourni dans ce tome, comme si tout avait déjà été épuisé.

Au niveau du dessin, Barbucci fait des merveilles. On sent un dessinateur au sommet de son art, tant dans le dessin des personnages (surtout des femmes !), des décors, du dynamisme, de la mise en scène… Bref, c’est du très lourd. Hélas, sa Marilyn (enfin, Norma Jean) ressemble beaucoup à Fourmille et les changements de coiffure ne rendent pas ça très flagrant. De même, sa propension à tout dessiner pour faire des femmes nues ou des décolletés plongeants en permanence finit par lasser. Mais force est de constater que c’est un formidable dessinateur de pin-ups.

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J’ai été déçu par cet ouvrage. Malgré une belle idée de départ et un dessin de haute volée, difficile de se passionner par cet amoncellement de références sans réelle histoire, ni dans le tome, ni dans la série. Le système « un tome, une ville » semble atteindre ses limites ici. Dommage.

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Note : 10/20

Ekhö, monde miroir, T2 : Paris Empire – Christophe Arleston & Alessandro Barbucci

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Titre : Ekhö, monde miroir, T2 : Paris Empire
Scénariste : Christophe Arleston
Dessinateur : Alessandro Barbucci
Parution : Novembre 2013


Christophe Arleston est un scénariste que j’avais tendance à ignorer ces dernières années. Pourtant, il a accompagné mon adolescence avec Lanfeust de Troy, Les Maîtres Cartographes,Leo Loden ou encore Le chant d’Excalibur. Mais Lanfeust des Etoiles a marqué pour moi la chute du piédestal sur lequel je l’avais placé.  Les albums qu’il a écrits ses dernières années apparaissent bien moins travaillés et chiadés. Il suffit de voir les derniers épisodes de Les Forêts d’Opale ou Les naufragés d’Ythaqpour s’en persuader aisément. Je m’étais quasiment résigné quant au fait de trouver à nouveau la magie qui pouvait naître de l’imagination d’Arleston.

C’est en découvrant par hasard une critique élogieuse sur le premier tome d’une nouvelle série début d’année que j’ai décidé de lui donner une nouvelle chance. Cette saga s’intitulait Ekhö monde miroir. J’avais apprécié le concept et trouvé les personnages très sympathiques. Je n’ai donc pas hésité très longtemps avant de m’offrir le deuxième opus de la série intitulée Paris empire et sorti chez Soleil le treize novembre dernier.

La quatrième de couverture pose les jalons de l’univers de la saga : « Ekhö est un monde miroir de la Terre. On y retrouve nos villes, nos pays, mais légèrement différents : l’électricité n’existe pas, les dragons remplacent les avions de ligne, les wagons du métro sont sur le dos d’étranges mille-pattes… »

Réécrire le monde en répondant aux codes de la fantasy

L’idée est intéressante. Réécrire le monde dans une dimension parallèle répondant aux codes de la fantasy m’attirait. Le premier tome avait été plutôt bon dans le domaine. Ce nouvel épisode est également réussi. Je trouve que le Paris créé par Arleston et mis en image par Barbucci possède une identité propre tout en respectant les codes classiques et touristiques de la capitale française. La tour Eiffel, les bateaux mouche, Notre Dame… Rien n’est négligé. Ce support scénaristique permet à Arleston d’exploiter son sens de la vanne et de la répartie.

L’histoire se construit autour d’un duo de personnages assez réussi. Il s’agit de Fourmille et Yuri transférés de notre réalité à Ekhö au début du premier tome. Leur couple fonctionne bien. Ils ne se supportent pas et pourtant ils ne doivent pas se quitter. Cela donne lieu à des dialogues très drôles et bien écrits. Je regrette d’ailleurs qu’ils soient moins fréquents dans cet album. Les auteurs laissent davantage de place à l’intrigue et à ses rebondissements au détriment du comique construit autour des héros. C’est un choix qui se défend mais je trouve dommage de ne pas plus privilégier l’humour dans un tel univers. Le comique de situation que peut générer le changement de monde est un des arguments de la série. Il ne faut pas le négliger.

L’histoire connaît davantage de rebondissements que dans le premier tome. En effet, les codes sont maintenant connus et les auteurs peuvent nous faire entrer plus rapidement dans l’intrigue. Cette dernière est plutôt bien construite. Il y a de nombreux rebondissements. Certes l’ensemble n’est pas un monument d’originalité et certains moments sont un petit peu brouillons. Néanmoins, la bonne ambiance générale fait occulter sans trop d’efforts ces quelques défauts. L’humeur chaleureuse résulte aussi des dessins de Barbucci dont le trait participe pleinement au plaisir de la lecture. Son style dynamique est à l’origine de la qualité graphique des personnages et des lieux.

Pour conclure, Paris empire est un épisode honnête qui offre une suite honorable au précédent opus. Ekhö ne fera jamais partie des séries cultes du neuvième art mais en gardant cette qualité, chaque nouveau tome sera pour moi l’occasion de passer un agréable moment et ce n’est déjà pas si mal…

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Note : 12/20

Ekhö, monde miroir, T1 : New York – Christophe Arleston & Alessandro Barbucci

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Titre : Ekhö, monde miroir, T1 : New York
Scénariste : Christophe Arleston
Dessinateur : Alessandro Barbucci
Parution : Mars 2013


Ekhö est une série née de la collaboration de Christophe Arleston et d’Alessandro Barbucci. Le premier, scénariste, est le premier auteur dont j’ai été fan. Lanfeust de Troy était vraiment une révélation vécue durant mon adolescence. J’ai également beaucoup aimé des séries comme Le chant d’Excalibur, Léo Lodenou Les Maîtres cartographes. Hélas, sa production très dense a débouché sur une grande baisse de qualité à mes yeux. Cela fait que je m’étais éloigné de ses ouvrages. C’est une critique élogieuse lue dans un magazine qui m’a incité à m’offrir New York, premier opus de cette nouvelle saga. J’espérais que cette nouvelle chance me réconcilierait avec l’écrivain de mes tendres années…

La quatrième de couverture s’avère très pédagogique : « Ekhö est un monde miroir de la Terre. On y retrouve nos villes, nos pays, mais légèrement différents : l’électricité n’existe pas, les dragons remplacent les avions de ligne, les wagons du métro sont sur le dos d’étranges mille-pattes… Mais les plus étonnants sont les Preshauns qui, sous leurs airs de peluches formalistes, semblent tenir les rênes de ce monde… Une étudiante, Fourmille, et Yuri, son voisin de siège dans le 747 qui les amène à New York se trouvent prospulsés sur Ekhö et doivent apprendre à y trouver leur place. Ce qui se complique lorsque Fourmille se retrouve habitée par l’esprit d’une vieille tante morte… »

Un New York au croisement du Moyen-Age et du vingt-et-unième siècle

L’auteur nous annonce « une aventure fantastique, drôle et décalée, qui nous entraîne dans un étrange reflet de notre société ». Le programme est ambitieux mais je ne demandais qu’à partager ce point de vue une fois l’album refermé. Le principe de ces réalités parallèles est souvent usité dans la littérature, la bande dessinée ou le cinéma. Son attrait humoristique réside souvent dans la réinterprétation des codes et des habitudes de notre société dans un contexte légèrement différent. Il s’agit d’un des fondements scénaristiques de Ekhö. Arleston a souvent su jouer avec ce type de détournements dans ses séries précédentes. Il y arrive également ici. J’ai vraiment pris beaucoup de plaisir à naviguer dans ce New York au croisement du Moyen-Age et du vingt et unième siècle. L’auteur arrive à rendre crédible et drôle beaucoup de détails par des textes et des anecdotes bien choisis. Le travail graphique de Barbucci met bien l’ensemble en valeur et fait en sorte qu’une vraie bonne humeur se dégage de la lecture.

L’intrigue en elle-même est classique. Des personnages se trouvent projeter dans un monde inconnu dont ils maitrisent très partiellement les us et coutumes. Leur présence n’étant pas aléatoire, ils doivent donc s’adapter à une société nouvelle tout en menant à bien une mission dont ils connaissent bien peu de choses. L’évolution de la trame est assez linéaire. Elle n’est pas particulièrement dense mais est se déroule de manière régulière et solide. L’histoire ne souffre d’aucun temps mort et le dénouement n’est pas particulièrement abracadabrant. Aucune planche n’est inutile ou bâclée. Bref, Ekhö offre une lecture intéressante dont on n’attend la fin avec une réelle curiosité.

La belle réussite de ce tome est la qualité de ces personnages. Graphiquement tout d’abord, ils sont très réussis. Chaque nouveau protagoniste ne nous laisse pas indifférent grâce son apparence créée par le trait de Barbucci. Il possède un style assez réussi qui ravira tous les publics. Ensuite, l’histoire laisse une grande part à ses héros. Que ce soit Fourmille ou Yuri, ils sont très attachants et drôles. Leur binôme fonctionne bien. Ils sont très différents, ne s’apprécient pas mais sont indispensables à l’autre pour s’en sortir. La recette n’est pas originale mais elle est bien exécutée.

En conclusion, Ekhö m’a réconcilié avec le travail d’Arleston. Je n’ai plus besoin de me plonger dans ses vieux albums pour retrouver sa capacité à écrire des histoires dynamiques, drôle et prenantes. Je suis donc curieux de savoir comment évoluera cette série. Restera-t-on dans ce monde miroir ou voyagera-t-on ailleurs ? Les personnages principaux resteront-ils les mêmes ou non ? Pour cela il faut attendre la suite. Mais cela est une autre histoire…

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Note : 13/20

États dame – Zelba

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Titre : États dame
Scénariste : Zelba
Dessinatrice : Zelba
Parution : Octobre 2013


Zelba est une auteure de bande-dessinée allemande. Son blog BD est régulièrement adapté au format papier aux éditions Jarjille, le tout étant assorti pour moitié d’inédits. « États dame » est donc une série d’histoires autobiographiques, le troisième paru à ce jour. Le tout pèse près de 130 pages pour le prix de 15€.

La particularité des récits autobiographiques de Zelba, c’est qu’ils sont constitués à la fois d’anecdotes contemporaines comme de souvenirs d’enfance. Ils peuvent durer une seule page ou plus d’une dizaine de pages. Souvent, les récits très courts concernent ses deux enfants qui, comme tous enfants qui se respectent, sortent parfois des remarques très drôles. Les souvenirs d’enfance sont souvent plus tristes, faisant appel à ses rapports avec sa mère et sa grand-mère notamment, qui sont décédées. L’aspect nostalgique y est bien plus fort et le rire moins fréquent.

Un équilibre entre humour et nostalgie.

La particularité de l’autobiographie version Zelba est donc un équilibre entre tendresse, humour, nostalgie et tristesse. Le tout est parfaitement illustré par la couverture, montrant son personnage divisé en trois. Cet équilibre est bien géré. En première lecture, il m’a semblé que l’ouvrage était moins drôle que les précédents et bien plus nostalgique. En relecture, ce n’est pas le cas finalement. Il faut dire que les enfants vieillissent et leurs petites phrases décalées se font plus rares !

EtatsDame2Les récits longs se basent aussi sur des périodes plus longues (plusieurs mois ou plusieurs semaines). Ce sont aussi les plus intéressants. Il est étonnant de voir que Zelba a encore des choses incroyables à raconter et on se demande comment elle a pu ne pas en parler avant ! Je pense notamment à cette histoire de fracture de la mâchoire qui ne laissera personne indifférent. Ou encore la naissance de l’un de ses enfants.

La grande capacité de Zelba, c’est qu’elle présente un personnage attachant, avec ses défauts et ses qualités. L’autodérision est bien présente, mais contrairement à d’autres récits, mais elle n’est pas au centre des histoires, loin de là. Ce côté « vrai » fait que l’on est d’autant plus touché par les récits qu’elle nous propose.

Au niveau du dessin, Zelba adopte des planches construites façon blog. Pas de délimitations de case et un trait relâché parfaitement adapté. Le tout est maîtrisé et n’est pas avare en décors lorsque c’est nécessaire. Mais l’ouvrage est beaucoup centré sur l’humain, et cela se retrouve dans les planches. Les dialogues sont écrits en noir et la narration en gris, facilitant la lecture sans alourdir les pages. Enfin, la colorisation en niveaux de gris est très réussi et donne de la matière à l’ouvrage.

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Si beaucoup de dessinateurs (et notamment blogueurs BD) font des autobiographies sans vraiment s’ouvrir, on ne pourra pas reprocher ça à Zelba. Ses histoires nous touchent, car elles savent aborder des sujets graves, voire tabous, comme la maladie et la mort. Sans sentimentalisme excessif, sachant apporter des touches d’humour qui équilibrent toujours parfaitement le tout, on dévore le tout et à la fermeture du livre, on ne peut qu’avoir de la sympathie pour l’auteure. Un beau travail qui continue à toucher le lecteur au fur et à mesure des ouvrages.

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Note : 15/20

Jeanne et le jouet formidable – Zelba

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Titre : Jeanne et le jouet formidable
Scénariste : Zelba
Dessinatrice : Zelba
Parution : Mai 2010


Zelba est une jeune auteure de bande-dessinée. Publiant des livres pour enfants, je l’ai connu par l’intermédiaire de son blog. Aux éditions de « L’atelier du poisson soluble », elle publie « Jeanne et le jouet formidable », dans la collection « poisson dissolu » réservée aux adultes. Le titre laisse présager la suite : Jeanne va découvrir les joies du sex toy ! Cet ouvrage fait une trentaine de pages et est publié sous un format à l’italienne. C’est donc une histoire relativement courte à laquelle on a affaire.

Un sex toy qui parle !

Jeanne est jeune, célibataire et tout le monde l’embête là-dessus, que ce soit sa mère ou ses amies. Buvant son verre de vin seule chez elle, casanière, tout le monde désespère à la voir se caser. Elle le dit elle-même : « les mecs, ça ne me réussit pas. » Finalement, elle se traînera à une soirée sex toy et repartira avec un objet, sans grand enthousiasme. Evidemment, maintenant qu’il est là, autant le tester… Et surprise : le sex toy parle !

Cet ouvrage ne se prend pas du tout au sérieux et c’est tant mieux. Les personnages sont excessifs, les situations vues et revues… Mais « Jeanne et le jouet formidable » ressemble avant tout à un conte, mais pas vraiment pour les enfants… L’aspect coquin est parfaitement assumé jusqu’au bout. Alors certes, étant donné le format du livre, l’histoire est relativement simple, question de place. Il ne faut pas attendre de miracle pour ça. Mais il faut bien avouer qu’on sourit souvent dans cette bande-dessinée. Et une fois n’est pas coutume, la fin est réussie. C’est toujours bon à signaler.

Le format à l’italienne n’est pas le moyen le plus évident à exploiter pour l’auteur de BD. Zelba s’en sort très bien, variant le découpage constamment. L’histoire alterne pages muettes et pages dialoguées avec rythme, évitant à l’ouvrage de devenir trop bavard.

Au niveau du dessin, Zelba alterne les cases fermées et ouvertes. De façon générale, le tout est très libre et dense, mais la lecture est toujours aisée. C’est du beau travail. Zelba possède un trait personnel et c’est tant mieux. Les couleurs sont particulièrement réussies. C’est clairement un des points forts du livre.

Au final, « Jeanne et le jouet formidable » est un ouvrage sympathique et coquin, sans prétention. S’il y aurait à redire sur certains détails, il serait dommage de bouder son plaisir. Force est de constater qu’après la lecture, on garde le sourire aux lèvres. N’est-ce pas l’essentiel après tout ? 

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Note : 13/20

C’est du propre ! – Zelba

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Titre : C’est du propre !
Scénariste : Zelba
Dessinatrice : Zelba
Parution : Juin 2011


Zelba est une illustratrice allemande qui s’est lancée dans la bande-dessinée. « C’est du propre » est un ouvrage autobiographique narrant de multiples anecdotes de l’auteure, qu’elles soient actuelles ou passées. Le tout est publié aux Editions Jarjilles et pèse 160 pages.

Ce qui marque tout de suite à la lecture de l’ouvrage, c’est la part très importante donnée à la narration. La quantité de texte est importante, expliquant les faits dans les détails, l’image servant avant tout à l’illustrer le propos et à intégrer les dialogues. Ainsi, on a parfois l’impression de lire une histoire dessinée, ce qui n’est pas désagréable en soit. On se rapproche donc du roman graphique.

Dans l’intimité de l’auteure.

Les anecdotes sont très souvent fouillées et s’étalent sur plusieurs mois. Zelba ne laisse rien au hasard dans sa narration, comme si elle avait peur que le lecteur n’ait pas tous les éléments en mains pour comprendre. Cela densifie le propos et implique d’autant le lecteur qui a l’impression de vraiment toucher à l’intimité de l’auteure. En effet, Zelba parvient à créer un lien spécial avec son lectorat, avec à la fois des histoires émouvantes et pleines de sensibilité, comme avec des traits d’humour. Cet équilibré, peu évident à trouver, est le gros point fort du livre.

Outre les histoires plus longues et détaillées, riches en narration, on retrouve des anecdotes plus rapides, basées avant tout sur l’humour et sur les enfants de l’auteure. Leurs remarques drôles, leurs comportements étranges suffisent à nous faire sourire.

Le trait de Zelba se reconnaît très vite. Il est axé essentiellement sur les personnages. Les attitudes sont variées et toujours bien rendues. Le tout est rehaussé de gris au crayon, ce qui va très bien avec le trait de l’auteure. Les cases ici ne sont pas fermées, une liberté que Zelba exploite, variant les constructions de planches plus souvent qu’il n’y parait.

En conclusion, j’ai été séduit par cet ouvrage. L’équilibre en émotion et rires est parfaitement maîtrisé. L’auteure possède une capacité à créer un lien avec son lecteur qui, s’il vous prend, ne vous lâchera plus.

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Note : 16/20

Punk rock Jesus – Sean Murphy

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Titre : Punk rock Jesus
Scénariste : Sean Murphy
Dessinateur : Sean Murphy
Parution : Septembre 2013


J’avais lu beaucoup de bien de « Punk rock Jesus » et c’est avec joie que j’ai pu me le procurer dans ma bibliothèque. Il faut dire que le titre est particulièrement accrocheur (voir racoleur, puisqu’il ne correspond que peu au contenu de l’album) et la couverture, toute en noir et blanc, puissante. Le tout est dessiné et scénarisé par Sean Murphy, dans la tradition du comics indépendant. Le tout est publié chez Urban Comics pour plus de deux cents pages de lecture.

Le pitch de cet ouvrage est le suivant : une société de production télévisuelle crée un (supposé ?) clone de Jesus Christ à partir d’ADN prélevé sur le Saint Suaire. Elle construit une émission de téléréalité, baptisé J2, autour de cette naissance et de ce nouveau messie. Ce dernier est isolé sur une île en compagnie de sa mère, de la scientifique qui a permis sa naissance et d’un garde du corps ancien de l’IRA.

Religion, puritanisme & punk rock

PunkRockJesus2Sean Murphy s’attaque essentiellement à trois sujets : le premier est une critique de la religion et du fondamentalisme. Plus précisément, il attaque les évangélistes américains. Sa deuxième victime est donc le puritanisme américain, que Chris (et pas Jesus !) fera exploser en chantant dans un groupe de punk rock. Enfin, le dernier thème est bien évidemment la téléréalité en tant que tel, avec isolement des personnes et toute puissance de la production sur leurs vies.

Si les sujets de ce comics sont des plus intéressants, le traitement laisse à désirer. Le tout est souvent manichéen (seul le personnage Thomas possède une vraie profondeur) et excessif. Ainsi, la société de production est isolée sur une île où elle contrôle tout, les fondamentalistes chrétiens font des actions commandos… Bref, c’est une analyse proche de la crise d’adolescence que fait Chris pendant la BD. Il se rebelle et rejette tout, sans analyse vraiment poussée. Si bien qu’on est un peu déçu devant le traitement de l’histoire. Surtout, le passage de Chris dans le punk rock paraît complètement forcé et est amené par : « Thomas a laissé des disques de punk, tiens je vais les écouter. »

Ainsi, le message est trop appuyé, soit par les discours, soit par une violence excessive. De même, la durée du bouquin est inutile. On finit par s’ennuyer un peu devant les multiples tentatives d’évasion de la prison. Une impression de redondance s’installe et, au final, en fermant l’ouvrage, on reste sur un goût d’inachevé. Malgré tout, le livre réserve son lot de surprise et de coups de théâtre. Dommage que cela ne soit pas amené de façon plus subtil, encore une fois. Finalement, l’ouvrage vaut pour son personne de Thomas, le garde du corps. On ouvrait d’ailleurs le livre sur lui. Son histoire nous est pleinement racontée, en commençant par son enfance et sa jeunesse à l’IRA. Du coup, ses réactions sont moins prévisibles et ses ressentis bien plus intéressants. Spectateur avant tout de l’expérience, il en deviendra un acteur essentiel par la force des choses.

Au niveau graphique, Sean Murphy impressionne par son dessin en noir et blanc magnifique. C’est expressif, bourré d’influences diverses et variées et c’est maîtrisé de bout en bout. C’est vraiment le gros point fort du bouquin. Les cases sont souvent chargées, mais dans les scènes d’action, les planches font preuve d’un dynamisme incroyable. Bref, c’est beau et stylisé !

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« Punk rock Jesus » m’a vraiment laissé sur ma faim. Le pitch de démarre en fait immanquablement un ouvrage intéressant, mais le traitement ne m’a pas paru à la hauteur. Trop centré sur les Etats-Unis d’Amérique (présenté comme LE pays chrétien par excellence), il se perd un peu à enlever le caractère éminemment universel d’un nouveau Messie. Dommage.

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Note : 11/20

 

L’atelier mastodonte, T2 : Alfred, Guillaume Bianco, Benoît Feroumont, Keramidas, Julien Neel, Nob, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann

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Titre : L’atelier Mastodonte, T2
Scénaristes : Alfred, Guillaume Bianco, Benoît Feroumont, Keramidas, Julien Neel, Nob, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Dessinateurs : Alfred, Guillaume Bianco, Benoît Feroumont, Keramidas, Julien Neel, Nob, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Parution : Juin 2014


« L’atelier Mastodonte » est un projet original né dans les pages de Spirou. Il est l’œuvre conjointe de neuf auteurs : Alfred, Bianco, Feroumont, Keramidas, Neel, Nob, Tebo, Trondheim et Yoann. Certains me sont familiers depuis longtemps, d’autres sont entrés récemment dans mon univers. Chaque planche de cet ouvrage au format à l’italienne est dessiné avec un trait différent, le tout format un ensemble cohérent et drôle.

Une diversité des personnalités.

L'atelierMastodonte2bLe bouquin se compose de cent vingt-six planches. Chacune peut être lue indépendamment tout en étant liée à la précédente ou à la suivante. L’originalité de la structure du propos possède un réel potentiel. La diversité des personnalités doit relancer en permanence l’attrait du lecteur. De plus, le principe du strip booste l’intensité de la lecture. A l’opposé, il faut veiller à ne pas diffuser une impression de fouillis brouillon.

Le point de départ de l’histoire est le suivant : Trondheim crée un atelier regroupant ses collègues précédemment cités. Cet album nous plonge dans le quotidien créatif de cette troupe de joyeux lurons. La dimension despotique de Lewis est moins mise en avant que dans le premier tome. Malgré tout, cela reste un fil conducteur efficace sur le plan humoristique. Chaque apparition du chef  fait sourire sans difficulté ! Certains lecteurs reprochaient à l’opus précédent les blagues trop systématiquement scatologiques mettant en scène Tebo. Cet aspect est toujours présent mais peut-être disséminé avec davantage de parcimonie.

Mais cette suite ne se résume pas à une redondance des mécanismes comiques déjà utilisés. Les protagonistes décident de déplacer leur lieu de travail dans un superbe château. Cela donne lieu à des histoires de chevaliers, de fantômes et de siestes en forêt. Cela offre un second souffle intéressant à l’histoire et chatouille aisément les zygomatiques. Les auteurs alternent ces vacances studieuses à la campagne avec d’autres scènes dans l’atelier parisien. Elles mettent en scène deux auteurs qui se font passer pour Trondheim. Cela permet à la narration de ne pas ronronner.

La grande diversité d’auteurs est une force narrative importante. Chacun possède son trait, son ton et sa corde humoristique. L’ensemble s’harmonise plutôt bien et offre une lecture pleine de surprises et de rebondissements. Je connaissais la majorité d’entre eux de noms mais j’ai pris plaisir à découvrir leur style et une petite partie de leur univers. Tous réunis opèrent sur un spectre suffisamment large pour attiser notre curiosité de manière constante.

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Le bilan est très positif. Ce second opus donne la banane. Il peut se lire d’une traite dans son lit ou se feuilleter dans les transports en commun. Sa construction scénaristique couplée à sa petite taille en fait un compagnon en toute circonstance. Le dénouement laisse croire qu’il n’y aura pas de suite. J’espère l’avoir mal compris et m’être trompé car je regretterai de ne pas suivre les nouvelles aventures de ces joyeux lurons…

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Note : 14/20