Titre : Le Petit Christian, T2
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Octobre 2008
Après avoir relaté son enfance dans le premier tome de « Le Petit Christian », Blutch remet le couvert pour aborder le thème de l’adolescence. Plus précisément, on démarre ici avec l’entrée en 6ème de Christian jusqu’à son passage en 3ème. On a va ainsi le voir évoluer du petit garçon qu’il était jusqu’à un grand ado ténébreux et râleur. Comme il part dans un collège privé de Strasbourg, on ne retrouvera pas les personnages récurrents du premier tome.
Le fil rouge de cette BD s’appelle Catie Borie. C’est la fille d’amis de la famille et elle a le même âge que Christian. Il en est fou amoureux, mais 1000 km les sépare. En s’intéressant à une fille, Christian renie certains principes de son enfance (« quand on est un desperado, on se garde des femmes.») et glisse inexorablement vers d’autres préoccupations bien légitimes.
Inventivité et sensibilité
Ce nouveau tome aborde avec beaucoup de sensibilité et d’inventivité le thème d’un amour a mi-chemin entre les amours d’enfance (Christian restant très naïf) et des amours plus adultes. L’éveil des sens du narrateur est bien sûr présent, lié à un romantisme extrême qui le torture jusqu’au dénouement imprévisible. Témoin, cette scène de traversée du désert où le narrateur se voit pris dans une tempête de sable représentant les autres filles du collège qui essaient de le détourner de sa Catie… Et Christian ne vit que pour les lettres qu’il reçoit de sa bien-aimée…
Une nouvelle fois, l’intervention de personnages de fiction apporte beaucoup à l’ensemble. Christian a un dieu : Steve Mac Queen, qu’il prie avant les contrôles… De même, les références à la BD ou au cinéma sont légions. La traversée du désert est une référence évidente à « Tintin au pays de l’or noir ». De même les stars du cinéma ont encore une place importante et toujours en situation (« Oh ! Marlon Brando dans un tango à Paris.»). Petite nouveauté, Christian parle aussi à son double enfant, déguisé en cowboy. Le dialogue avec son double montre la première mutation de Christian, de par l’apparition de son amour pour Catie Borie. Son dialogue avec Marlon Brando en fin d’ouvrage montre sa deuxième mutation (je vous laisse découvrir pourquoi). Les apparitions de ces personnages et les références constantes aux mondes du cinéma et de la bande-dessinée sont clairement le pivot de cet ouvrage. Il montre combien ils ont une influence majeure sur l’imagination des enfants et des adolescents et combien ils forgent la personnalité par leurs propos.
On retrouve le dessin de Blutch tout en hachures. Petite nouveauté : de la couleur a été ajoutée. En effet, l’auteur ajoute des touches de rouge et de rose afin de densifier son dessin. Le tout est assez réussi, même si ça a un coût : le deuxième tome de « Le Petit Christian » est 4 euros plus cher.
Sous un aspect faussement naïf (le personnage de Christian a un dessin assez simple), Blutch marque une fois de plus de son talent cet ouvrage. Ainsi, le dessin très réaliste des personnages célèbres marque un contraste toujours intéressant avec le reste des personnages. De même, la scène où Christian part pour la première fois au collège est saisissante. S’imaginant dans une prison, l’auteur applique un style noir et inquiétant qui tranche avec le reste de l’ouvrage.
J’ai une nouvelle fois été saisi par le talent de Blutch dans la suite de son autobiographie. Son inventivité pour raconter ces moments de la jeunesse est incroyable. En utilisant de nombreuses références extérieures, il parvient à créer une connivence avec le lecteur. La scène du désert est simplement à mourir de rire, mais est également pleine de vérité sur l’adolescence. En détournant les codes propres à ce genre de récit (les premiers amours, les débuts au collège…), Blutch parvient à nous surprendre sur un sujet pourtant maintes fois abordés. Une référence !
Note : 19/20