La favorite

LaFavorite


Titre : La favorite
Scénariste : Matthias Lehmann
Dessinateur : Matthias Lehmann
Parution : Avril 2015


À force d’entendre du bien de « La favorite », j’ai fini par arriver Ă  me le procurer. La bande dessinĂ©e de Matthias Lehmann proposait un parti pris graphique intĂ©ressant couplĂ© Ă  une histoire intrigante. Mais les promesses Ă©taient-elles tenues ? Le livre est paru chez Actes Sud BD et pĂšse pas moins de 150 pages. Continuer la lecture de « La favorite »

Le guide du mauvais pĂšre, T3

LeGuideDuMauvaisPere3


Titre : Le guide du mauvais pÚre, T3
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Janvier 2015


AprĂšs avoir obtenu le fauve d’or pour ses carnets de voyage (l’aboutissement Ă©tant Les Chroniques de JĂ©rusalem), Guy Delisle s’est lancĂ© dans une sĂ©rie bien moins sĂ©rieuse retraçant son quotidien d’homme au foyer qui s’occupe de ses deux enfants. Le tout est publiĂ© chez Shampooing, au format manga noir et blanc.

Le livre reprend des saynĂštes entre le pĂšre et son fils ou le pĂšre et sa fille. Le tout est essentiellement basĂ© sur des dialogues oĂč Guy Delisle est en dĂ©calage avec la personne qu’il a en face. Soit il tente des techniques d’éducation fumeuse, soit il traite ses enfants comme des adultes. La plupart du temps, il fait preuve de beaucoup mauvaise foi, d’oĂč le titre de l’ouvrage !

On attend avec impatience une intégrale.

LeGuideDuMauvaisPere3aDans ce troisiĂšme tome, Guy Delisle ne faiblit pas. Les scĂšnes sont drĂŽles, toutes rĂ©ussies et les dialogues truculents. MĂȘme si la mĂ©canique est bien huilĂ©e, c’est un vĂ©ritable plaisir de lecture. HĂ©las, le fait que seulement deux dessins (voire un seul) soient imprimĂ©s par page fait que l’ouvrage se lit trĂšs vite et on reste immanquablement sur sa faim. Comme pour les prĂ©cĂ©dents, c’est le format choisi par l’éditeur pour ces recueils de blog qui est Ă  blĂąmer. Tout ça se lit trop vite. À 10 euros le livre, on prĂ©fĂ©rerait une intĂ©grale plutĂŽt que trois petits bouquins, quitte Ă  avoir un livre plus grand ou plus Ă©pais.

Du coup, le dessin de Guy Delisle, plutĂŽt agrĂ©able dans ses carnets de voyage, paraĂźt ici plus limitĂ©, presque flemmard. TrĂšs peu de dĂ©cors, des personnages statiques
 C’est trĂšs limitĂ©, mĂȘme si c’est efficace. Alors ce qui passe sur Ă©cran passe beaucoup moins sur papier. Clairement, des petites scĂšnes animĂ©es et dialoguĂ©es seraient l’idĂ©al. Le passĂ© de Guy Delisle dans l’animation peut-il nous faire rĂȘver ?

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Comme pour beaucoup d’ouvrages de cette collection, on ne peut qu’ĂȘtre rebutĂ© devant la rapiditĂ© de lecture et l’aspect des dessins vite faits, en copier-coller. MalgrĂ© tout, il ne faut pas que cela cache l’humour percutant de l’auteur et la qualitĂ© constante de ses saynĂštes. Bref, un livre parfait Ă  prendre en bibliothĂšque ou Ă  se faire prĂȘter. Pour l’acheter, c’est Ă  vous de voir.

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note3

Le reste du monde

LeResteDuMonde


Titre : Le reste du monde
Scénariste : Jean-Christophe Chauzy
Dessinateur : Jean-Christophe Chauzy
Parution : Mars 2015


La mode du post-apocalyptique actuelle est plutĂŽt basĂ©e sur les zombies. Jean-Christophe Chauzy dĂ©cide de l’orienter sur une catastrophe naturelle, Ă  savoir une sĂ©rie de sĂ©ismes. Comment une famille, coincĂ©e dans une vallĂ©e, va-t-elle survivre dans cet environnement oĂč tout commence Ă  manquer ? Ce one-shot d’une centaine de pages est publiĂ© chez Casterman.

Marie, enseignante, termine ses vacances avec ses deux fils. Pendant ce temps-lĂ , son mari la trompe, l’ayant quittĂ© quelques semaines auparavant. C’est donc aigri qu’elle s’apprĂȘte Ă  quitter le chalet. Mais voilĂ  que des sĂ©ries de sĂ©ismes viennent tout bouleverser, coupant la vallĂ©e du reste du monde. Commence alors la difficile tentative de survie en attendant d’hypothĂ©tiques secours.

Un survival franchouillard.

LeResteDuMonde1b« Le reste du monde » a tout du rĂ©cit catastrophe classique. Des individus ordinaires se retrouvent perdus face Ă  une situation inconnue et doivent se dĂ©brouiller. Certains dĂ©pĂ©rissent, d’autres s’aguerrissent. Jean-Christophe Chauzy, en prenant pour personnage principal une femme, fait preuve d’originalitĂ©. Ce n’est pas une pin-up, elle est mĂšre de famille trompĂ©e et n’est pas prĂ©parĂ©e Ă  ce qu’elle va vivre. HĂ©las, c’est la seule vĂ©ritable originalitĂ© du livre. Les Ă©tapes qui s’enchaĂźnent sont trĂšs classiques et on devine sans peine ce qu’il va se passer pour les pages suivantes. AprĂšs un premier intĂ©rĂȘt en dĂ©but de lecture, le soufflet retombe un peu dans la deuxiĂšme partie.

La grande catastrophe touchant un petit village montagnard, « Le reste du monde » prend un aspect « survival franchouillard ». En soit, ce n’est pas forcĂ©ment dĂ©sagrĂ©able, mais pas passionnant non plus. L’auteur ancre fortement son rĂ©cit dans un lieu donnĂ©, oĂč chaque non de ville parle aux protagonistes, chacun connaissant parfaitement la rĂ©gion. La fin, ouverte, laisse un goĂ»t amer au lecteur. PrĂ©sentĂ© comme un one-shot, « Le reste du monde » se laisse clairement la possibilitĂ© d’une suite. Or, aprĂšs un constat assez moyen en premiĂšre lecture (et globalement sans rĂ©ponse), difficile d’ĂȘtre catĂ©gorique. Car s’il y a une suite, cela pourrait donner (un peu) plus de matiĂšre Ă  ce premier tome. VoilĂ  qui laisse un peu perplexe.

Le dessin de Jean-Christophe Chauzy est des plus convaincants. Optant pour une absence de noir Ă  l’encrage, son trait fait preuve de dynamisme, dans un rĂ©alisme expressif. Il prend plaisir Ă  rĂ©aliser de grandes cases et les scĂšnes de sĂ©ismes sont trĂšs rĂ©ussies. Les couleurs se veulent tantĂŽt vives, tantĂŽt beaucoup plus dĂ©saturĂ©es, renforçant efficacement les ambiances. Un bilan des plus positifs concernant le dessin.

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Optant pour un rĂ©cit classique sans grandes surprises ni rĂ©ponses, Jean-Christophe Chauzy laisse son lecteur sur sa faim. « Le reste du monde », comme one-shot, manque d’originalitĂ© pour sĂ©duire. Et sa fin ouverte, prĂ©sageant une suite, laisse un peu dubitatif devant la dĂ©marche. Bref, il faudra attendre de voir si suite il y a pour avoir un avis dĂ©finitif. Et c’est un peu dommage


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note3

L’enfant cachĂ©e

LEnfantCachee


Titre : L’enfant cachĂ©e
Scénariste : Loïc Dauvillier
Dessinateur : Marc Lizano
Parution : Janvier 2012

Relater l’occupation française n’est pas un sujet Ă©vident. Beaucoup traitĂ©, il est dans « L’enfant cachĂ©e » abordĂ© du point de vue d’une enfant, Dounia. Cette derniĂšre, grand-mĂšre, raconte Ă  sa petite-fille cette pĂ©riode de sa vie, sous forme de devoir de mĂ©moire. Le tout est paru au Lombard.

Tout commence par l’occupation. Dounia sait que la France a perdu, mais elle s’en moque : la guerre est terminĂ©e et son pĂšre est rentrĂ© vivant, c’est le principal pour elle. HĂ©las, la petite juive va vite dĂ©chanter. Les mesures contre les siens vont se multiplier, provoquant l’incomprĂ©hension totale de Dounia.

L’occupation vue par une enfant juive.

LEnfantCachee2L’originalitĂ© de « L’enfant cachĂ©e » est de tout raconter du point de vue de l’enfant. Ainsi, Dounia subit comme les juifs les mesures de coercition, mais Ă©galement les choix de ses parents, sans jamais saisir rĂ©ellement ce qui se passe. Cet aspect est trĂšs rĂ©ussi, renforcĂ© par une narration volontairement naĂŻve, sans analyse autre que factuel ou enfantine. L’injustice paraĂźt d’autant plus forte que Dounia nous est forcĂ©ment trĂšs sympathique, petite fille innocente et joyeuse en dĂ©but de livre.

La narration prend le temps de traiter tous les sujets : la mise de cĂŽtĂ© Ă  l’école, l’étoile juive, la perte des parents, la fuite de Paris
 La gradation dans les difficultĂ©s est bien mise en scĂšne. Ainsi, Dounia n’est pas forcĂ©ment trĂšs affectĂ©e au dĂ©part en tant qu’enfant. Aussi bien rester chez elle ne la dĂ©range pas, mais ĂȘtre mise de cĂŽtĂ© Ă  l’école est trĂšs difficile.

Le propos est renforcĂ© par un dessin parfaitement adaptĂ© rĂ©alisĂ© par Marc Lizano. Son trait typĂ© jeunesse, fait de personnages aux grosses tĂȘtes, ancre d’autant plus l’histoire vers un point de vue d’enfant. Le tout est enrichi par une colorisation tout aussi rĂ©ussie. On retrouve un belle synergie dans cet album, une vraie cohĂ©rence entre le texte et l’image.

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« L’enfant cachĂ©e » remplit parfaitement son rĂŽle de devoir de mĂ©moire. En adoptant le point de vue d’un enfant et en ne montrant et n’expliquant que ce que Dounia peut comprendre, les auteurs produisent un album jeunesse d’une grande qualitĂ©, qui peut ĂȘtre lu et apprĂ©ciĂ© par tout le monde. ForcĂ©ment touchant, « L’enfant cachĂ©e » est une Ɠuvre d’une grande justesse et d’une vraie dĂ©licatesse.

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note4

Shenzhen

shenzhen


Titre : Shenzhen
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Avril 2000


Avec ses quatre carnets de voyage, Guy Delisle a fini par obtenir un prix Ă  AngoulĂȘme pour « Chroniques de JĂ©rusalem ». Mais tout a commencĂ© Ă  2000 avec Shenzhen, oĂč il relate son expĂ©rience en Chine, dans la ville de Shenzhen. Si Guy Delisle a visitĂ© des pays trĂšs diffĂ©rents (Chine, CorĂ©e du Nord, Birmanie, IsraĂ«l), il en rĂ©cupĂšre Ă  chaque fois tout ce qui en fait le dĂ©calage culturel. En passant plusieurs mois sur place, il s’approprie rĂ©ellement la vie locale. Le tout est publiĂ© Ă  L’Association pour 150 pages de dĂ©calage culturel.

À l’époque, Guy Delisle travaille dans l’animation. Cette derniĂšre Ă©tant dĂ©localisĂ©e en Asie (en Chine donc, puis en CorĂ©e du Nord), il part superviser les Ă©quipes locales et vĂ©rifier que les plans sont correctement faits. C’est l’occasion d’un premier choc culturel sur la façon de travailler des Chinois


Le Lost in translation de la bande-dessinée

shenzhen1L’autre partie est bien Ă©videmment le choc culturel avec le pays. La Chine n’est pas le pays le plus ouvert du monde et les problĂšmes de passages dans certaines zones le montre bien. Mais surtout, la langue est un vrai souci. Peu de chinois parlent anglais et beaucoup le parlent trĂšs mal. Guy Delisle est donc souvent dans l’incapacitĂ© de communiquer et passent des week-ends seuls
 Sur ce point, on ressent parfaitement le cĂŽtĂ© « Lost in translation ». Seul membre occidental Ă  ĂȘtre venu sur place, il est trĂšs isolĂ©. De plus, la Chine ne propose pas rĂ©ellement de moyen de se rĂ©unir entre expats.

La force des carnets de voyage de Guy Delisle est de ne pas chercher Ă  Ă©crire un documentaire dĂ©taillĂ© sur son expĂ©rience. Il dit ce qu’il voit, ce qui le choque, sans chercher Ă  appuyer sur l’aspect politique des choses. C’est le lecteur qui, guide subtilement, se fait son opinion. L’auteur exprime un ressenti et ne cherche pas Ă  nous le prĂ©senter comme une vĂ©ritĂ© objective.

Concernant le dessin, l’auteur opte pour un dessin plus fouillĂ© que ce qu’il produira par la suite. Le trait reste simple, mais la colorisation en niveaux de gris apporte de la matiĂšre. C’est expressif et plutĂŽt rĂ©ussi comme choix graphique. Et plutĂŽt adaptĂ© Ă  la saletĂ© de la Chine dĂ©crite par le livre.

« Shenzhen » est une rĂ©ussite. Guy Delisle trouve vite son ton. Son carnet de voyage, sous forme d’anecdotes, passionne. On s’intĂ©resse autant aux pĂ©ripĂ©ties de Guy qu’au pays en lui-mĂȘme. Un subtil Ă©quilibre que l’auteur saura garder Ă  chacun de ses bouquins.

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note4

Trois ombres

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Titre : Trois Ombres
Scénariste : Cyril Pedrosa
Dessinateur : Cyril Pedrosa
Parution : Septembre 2007


AprĂšs avoir dĂ©couvert Cyril Pedrosa avec son autobiographique Ă©colo « Autobio » (Ă  laquelle je n’avais pas du tout accrochĂ©), je me devais de dĂ©couvrir d’autres ouvrages de cet auteur afin d’infirmer (ou pas) cette premiĂšre mauvaise impression. « Trois Ombres » est un roman graphique de 268 pages. Loin de l’humour de son autobiographie, on a affaire ici Ă  un drame familial sur fond de fantastique.

Le livre dĂ©marre sur la prĂ©sentation d’une petite famille parfaite : Louis et Lise ont un fils, Joachim. Tout va bien dans leur petite ferme isolĂ©e, rien ne semble pouvoir gĂȘner la vie des trois personnages. Jusqu’au jour oĂč trois ombres apparaissent au loin, des cavaliers. S’ensuit un stress liĂ© Ă  ces spectres. Que sont-ils ? Que veulent-ils ? Pourquoi rĂŽdent-ils autour de la maison ?

Une fuite sans espoir sous fond de lien pĂšre-fils.

AprĂšs un dĂ©but sous forme d’utopie familiale, la peur et la colĂšre s’immiscent pour culminer jusqu’à la fuite du pĂšre et du fils. Une fuite sans rĂ©el espoir comme on le comprend tout de suite. Ainsi, « Trois Ombres » abordent avant tout le lien pĂšre-fils. Jusqu’oĂč le pĂšre peut-il aller pour sauver son fils ? Jusqu’à son propre sacrifice ?

« Trois Ombres » est avant tout un conte. En effet, on ne croit pas une seconde Ă  l’univers crĂ©Ă© par Pedrosa. La famille vit ainsi dans une ferme isolĂ©e de tout dans un bonheur parfait et insouciant. De mĂȘme, les aspects fantastiques sont Ă©videmment totalement inexpliquĂ©s. Les derniĂšres pages viennent appuyer d’autant plus la thĂšse d’une fable. On ne sait trop si l’histoire est une grande mĂ©taphore (sur la maladie ?) ou pas. En cela, le scĂ©nario manque un peu d’appui, hĂ©sitant entre rĂ©alisme (lors de la traversĂ©e) ou fantastique pur (notamment sur la fin). Cette indĂ©cision m’a quelque peu gĂȘnĂ© quand j’ai refermĂ© l’ouvrage, ne sachant trop qu’en penser.

Cependant, Pedrosa parvient avant tout Ă  distiller un vrai charme dans « Trois Ombres ». Les ambiances, quelles qu’elles soient, sont remarquablement rendues. Tristesse, joie, colĂšre, dĂ©sespoir
 Cependant, je n’ai pas Ă©tĂ© Ă©mu plus que ça. J’ai Ă©tĂ© happĂ© par les Ă©vĂ©nements, pris dans le pĂ©riple des personnages. Mais les parties Ă©motionnelles m’ont laissĂ© un peu froid. Cela vient des procĂ©dĂ©s narratifs parfois un peu appuyĂ©s de l’ouvrage. Cyril Pedrosa en fait parfois un tout petit trop. Je chipote un peu, mais par moment, dans la lecture, je me suis fait la rĂ©flexion.

Au niveau du dessin, c’est particuliĂšrement rĂ©ussi. Le noir et blanc est bien maĂźtrisĂ©, il y a une vraie texture et du volume qui se dĂ©gage des planches. Le style sait se modifier et s’adapter aux situations. TrĂšs noir pour certains passages, plus flou pour d’autres. Le travail sur les planches est rĂ©ellement remarquable et vaut le coup d’Ɠil. En revanche, je ne suis pas fan du trait que Pedrosa donne Ă  ses personnages. C’est une question de goĂ»t.

Au final, cet ouvrage est Ă  dĂ©couvrir. Certes, il y a plusieurs Ă©lĂ©ments qui m’ont gĂȘnĂ© ou fait tiquer pendant la lecture, mais il possĂšde d’indĂ©niables qualitĂ©s, tant dans le dessin que dans l’ambiance particuliĂšre qu’il dĂ©gage. Il m’a rĂ©conciliĂ© avec Cyril Pedrosa. Et c’est dĂ©jĂ  pas mal !

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note3

Portugal

Portugal


Titre : Portugal
Scénariste : Cyril Pedrosa
Dessinateur : Cyril Pedrosa
Parution : Septembre 2011


J’ai une relation compliquĂ©e avec Cyril Pedrosa. L’homme a une cĂŽte Ă©norme et pourtant, je n’accroche pas. Il faut dire que « Autobio » m’avait laissĂ© dubitatif et que « Trois ombres » m’avait laissĂ© sur ma faim. Mais vu le succĂšs critique de « Portugal », un roman graphique de 264 pages, il m’était difficile de ne pas tenter une nouvelle fois ma chance. Surtout que j’avais eu la chance d’aller Ă  une exposition de planches originales du livre Ă  la galerie 9e Art Ă  Paris et que j’avais pu admirer les magnifiques couleurs de ses pages. Le tout est publiĂ© dans la bien nommĂ©e collection Aire Libre de chez Dupuis.

Simon Muchat est un auteur de bande-dessinĂ©e en panne d’inspiration. Il accumule alors des boulots d’animateur scolaire et sa copine s’impatiente. Il faut acheter une maison, grandir en quelque sorte. Mais Simon existe. De lĂ  Ă  y voir une touche autobiographique, il n’y a qu’un pas ! Et c’est Ă  l’occasion d’un festival de BD au Portugal que l’auteur va se redĂ©couvrir ses origines et retrouver un bien-ĂȘtre.

Retour au pays

Grand classique dans l’art, Cyril Pedrosa nous concocte donc une bande-dessinĂ©e sur un auteur de bande-dessinĂ©e en plein doute. Ce dernier va alors creuser le passĂ© de sa famille et dĂ©passer les silences et les non-dits avant de partir quelques temps au pays. La premiĂšre partie est donc consacrĂ©e Ă  Simon en France. Sa vie est d’une grande fadeur. Il s’ennuie, ne veut pas faire un bouquin, ne veut pas acheter de maison, est vaguement dĂ©pressif
 Bref, ça ne va pas du tout. Ce quotidien morne est rendu par des couleurs grisĂątres pleine d’à propos. Mais dĂ©jĂ , l’ennui pointe Ă©galement chez le lecteur. Il ne se passe rien, il n’y a aucune originalitĂ© dans les situations et tout est plutĂŽt prĂ©visible. On sent que l’auteur se fait plaisir. Il prend son temps, accumule les silences, mais sans rĂ©ellement nous toucher. Il faut dire que les ouvrages sur le trentenaire qui a du mal Ă  grandir sont lĂ©gion depuis quelques annĂ©es et qu’il n’y a pas beaucoup d’originalitĂ© de ce cĂŽtĂ©-lĂ .

C’est donc sur la partie familiale que l’on se rabat en espĂ©rant plus d’action. Mais encore une fois, c’est un pĂ©tard mouillĂ©. Beaucoup de discussions, de dialogues qui se veulent drĂŽles ou Ă©mouvants. Mais je ne suis vraiment pas sensible aux univers de Cyril Pedrosa. Je trouve que tout sonne creux. Je ne suis jamais Ă©mu ou touchĂ©, je ne souris pas. Je sens bien que l’intention est lĂ , mais j’ai l’impression d’avancer dans l’ouvrage en Ă©tant totalement extĂ©rieur Ă  ce qui s’y passe. Quant au personnage de Simon, il ne me touche pas du tout. Je le trouve finalement trĂšs passif et Ă  la personnalitĂ© peu intĂ©ressante. Certes, il a un problĂšme de crĂ©ativitĂ©. Mais quel manque de charisme !

CĂŽtĂ© dessin, c’est trĂšs beau et dynamique et les choix de couleurs sont plein de pertinence. Personnellement, je ne suis pas fan du style de Cyril Pedrosa, notamment des expressions de ses personnages mais c’est une question de goĂ»t. Force est de constater que l’auteur a abattu un travail colossal. Et pour avoir vu ses planches originales, l’édition papier Ă©crase sacrĂ©ment ses couleurs
 Bref, difficile de ne pas ĂȘtre admiratif devant le dessin de ce « Portugal ».

Il est toujours compliquĂ© de ne pas aimer un ouvrage qui a tant Ă©tĂ© encensĂ©. Pour ma part, j’ai refermĂ© ce livre en me disant « tout ça pour ça ? » MalgrĂ© toutes les qualitĂ©s objectives de « Portugal », je me suis ennuyĂ© du dĂ©but Ă  la fin, sans jamais arriver Ă  ĂȘtre touchĂ© par l’histoire ou les personnages. Une grande dĂ©ception.

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note2

Le maĂźtre d’armes

LeMaitreDArmes


Titre : Le maĂźtre d’armes
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Joël Parnotte
Parution : Octobre 2015


« Le MaĂźtre d’armes » est un album Ă©ditĂ© chez Dargaud dont la sortie date du mois d’octobre dernier. La couverture avait attirĂ© mon regard. On y dĂ©couvre un homme Ă  la chevelure blanche. Muni d’une Ă©pĂ©e, on le devine en train de se battre dans une forĂȘt enneigĂ©e. La seule touche de couleur est Ă©carlate. Il s’agit de celle du sang qui se trouve sur ses vĂȘtements et son Ă©pĂ©e. Il se dĂ©gage du personnage un charisme certain. Le titre de l’ouvrage amplifie ce sentiment. Dans un second temps, j’ai remarquĂ© que le scĂ©nariste de cette aventure Ă©tait Xavier Dorison qui fait partie du PanthĂ©on du neuviĂšme art Ă  mes yeux. Cela a fini de me dĂ©cider de m’offrir ce bouquin et de m’y plonger au plus vite.

LeMaitreDArmes1Une prĂ©face introduit la narration. Elle dĂ©crit le contexte historique et les enjeux de la trame. Elle se dĂ©roule au dĂ©but du seiziĂšme siĂšcle durant l’opposition fratricide des chrĂ©tiens. D’un cĂŽtĂ©, se trouvent les partisans de la RĂ©forme favorables Ă  une traduction en français de la Bible afin qu’elle soit comprise par le plus grand nombre. De l’autre, les catholiques papistes refusent cette Ă©volution et souhaitent maintenir les clĂ©s de la parole divine dans les mains d’une minoritĂ©. Je dois dire que cette courte prĂ©sentation a Ă©veillĂ© ma curiositĂ©.  J’étais intriguĂ© par la place qu’allait occuper ce maĂźtre d’armes dans cette guerre qui embrase la chrĂ©tientĂ© et l’Europe.

Un duel, une rivalitĂ©, une chasse Ă  l’homme.

Les premiĂšres pages nous offrent en spectacle un duel entre deux fines lames du Royaume. L’une est Hans Stalhoffer. L’autre est le comte Maleztraza. L’enjeu pour le second et la place du premier : maĂźtre d’armes du roi François Premier. Cette scĂšne est la genĂšse de la rivalitĂ© entre les deux hommes. Ce conflit servira de fil conducteur Ă  l’intrigue. Ce combat Ă  l’épĂ©e permet Ă  JoĂ«l Parnotte de mettre en valeur ses talents de dessinateur et de coloriste. L’atmosphĂšre grise et humide transpire des planches. Quant Ă  la dynamique du combat, elle est remarquablement transcrite par le trait de l’auteur.

LeMaitreDArmes2Nous retrouvons ensuite Hans quelques annĂ©es plus tard. Sa dĂ©chĂ©ance est Ă©vidente. Mais un Ă©vĂ©nement va redonner un sens Ă  sa vie. Un ami fidĂšle s’est enfuit de Paris avec un exemplaire de la Bible traduit en français. Sa mission est de l’amener en suite oĂč il sera imprimĂ© puis diffusĂ©. Mais le pĂ©riple n’est pas sans risque. Au rude climat hivernal des montagnes s’ajoute la poursuite effrĂ©nĂ©e de Maleztraza et ses sbires couplĂ©e Ă  la chasse menĂ©e par une communautĂ© de chrĂ©tiens peu favorables Ă  la RĂ©forme. Bref, l’issue de cette quĂȘte est bien incertaine. Hans arrivera-t-il Ă  redonner un sens Ă  sa vie en protĂ©geant cet ouvrage si prĂ©cieux et rĂ©volutionnaire ?

Le scĂ©nario utilise tous les codes de la chasse Ă  l’homme. Ils  sont d’ailleurs exploitĂ©s avec talent. Tout au long des soixante-dix pages, le suspense est constant. L’inquiĂ©tude nous habite au fur et Ă  mesure que le pĂ©riple des hĂ©ros se complexifie. Dorison arrive Ă  gĂ©nĂ©rer une tension rendant ainsi passionnante la lecture. Le fait que tout cela se dĂ©roule dans l’univers hostile qu’est la montagne en hiver ajoute un attrait certain Ă  l’atmosphĂšre de l’ensemble. Le fait que Hans et son acolyte soient poursuivis par deux groupes distincts densifie le propos. Le comte Maleztraza est incontestablement antipathique. Par contre, le groupe menĂ© par ThimolĂ©on de VĂšdres fait naitre des sentiments plus ambigus.

Les enjeux historiques accompagnent les hĂ©ros sont intĂ©ressants. Les auteurs arrivent Ă  faire transpirer des pages l’importance de ce manuscrit. Le dĂ©nouement est en ce sens rĂ©ussi. Cet ouvrage a Ă©veillĂ© pour moi de la curiositĂ© Ă  l’égard de cette pĂ©riode. Il m’a fait comprendre que François premier ne peut pas se rĂ©sumer Ă  Marignan, la Joconde et Chambord. Xavier Dorison a ce talent commun avec Fabien Nury pour ancrer leurs intrigues dans la grande Histoire.

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Pour conclure, « Le MaĂźtre d’armes » est un album que j’ai Ă©normĂ©ment apprĂ©ciĂ©. Je le conseille vivement Ă  tout le monde. Xavier Dorison confirme qu’il s’agit d’un maestro du scĂ©nario. Quant Ă  JoĂ«l Parnotte, j’ai apprĂ©ciĂ© de dĂ©couvrir son travail. Mon seul regret est que c’est un « one shot » et que la derniĂšre page marque la fin du temps passĂ© en compagnie de ce charismatique Hans


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note5

Le banc de touche

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Titre : Le banc de touche
Scénariste : Martin Page
Dessinateur : Clément C. Fabre
Parution : Juillet 2012


Quand je vais Ă  un festival de BD, je prends toujours le temps de m’arrĂȘter au stand Vraoum/Warum. Cette jeune maison d’édition propose des livres de qualitĂ© et regroupe des auteurs que j’apprĂ©cie. J’ai pu ainsi acquĂ©rir « Le banc de touche », une bande-dessinĂ©e scĂ©narisĂ©e par Martin Page et dessinĂ©e par ClĂ©ment C. Fabre. J’ai Ă©tĂ© attirĂ© avant tout par le dessin de ClĂ©ment Fabre, que je connaissais par son blog. La lecture de quelques pages m’a convaincu d’acheter l’ouvrage (avec la belle dĂ©dicace qui va avec).

Le pitch n’est pas des plus rĂ©jouissants : Louis, Charlotte et Darius sont trois adolescents/jeunes adultes dĂ©pressifs. Ils passent leur temps Ă  broyer du noir et ils transpirent la dĂ©sillusion par tous les pores de leur peau. Le tout est organise en strips, majoritairement de quatre cases. Ponctuellement, une planche ou une illustration viennent s’immiscer entre les strips, amenant une mĂ©canique lĂ©gĂšrement diffĂ©rente.

Mais pourquoi tant de désespoir ?

C’est donc de l’humour noir qui nous est servi ici. Et honnĂȘtement, si ça ne va pas trop dans votre vie, je ne suis pas sĂ»r que la lecture de cet ouvrage soit avisĂ©e. Car en dehors des jeux de mots sur la mort et des remarques morbides, c’est une vraie dĂ©sillusion sur la vie et les rapports humains qui est mise en lumiĂšre. Louis passe son temps Ă  se faire larguer. Il passe plus de temps en chagrin d’amour qu’en couple, se demandant si tout cela vaut le coup. L’humour cynique et dĂ©sespĂ©rĂ© de l’ouvrage fait mouche heureusement et les trouvailles sont nombreuses. Alors que l’on pourrait croire que ces adulescents dĂ©sespĂ©rĂ©s tourneraient en rond, les auteurs parviennent Ă  nous surprendre jusqu’au bout. Il y a quand mĂȘme dans cette dĂ©sillusion un petit cĂŽtĂ© « Peanuts ».

L’ouvrage est bien rythmĂ©, alternant strips et illustrations et variant les situations. On regrettera juste que le postulat de dĂ©part, trois jeunes gens dĂ©sespĂ©rĂ©s, reste un peu inexpliquĂ©. A la fermeture de l’ouvrage, on ne peut s’empĂȘcher de se demander « mais pourquoi tant de dĂ©sespoir ?! » 

Le tout est servi par le dessin de ClĂ©ment Fabre. Son trait est simple et reconnaissable. Bien que souvent il ne se passe pas grand-chose, il parvient Ă  varier les situations pour que le lecteur n’ait pas l’impression de revoir sans cesse la mĂȘme scĂšne. Quand il possĂšde un peu plus d’espace pour s’exprimer, il montre toute l’étendue de son talent. Sans jamais ĂȘtre tape-Ă -Ɠil, son dessin est efficace et parfaitement mis en valeur par des couleurs Ă  l’aquarelle magnifiques. Je suis trĂšs fan du graphisme de Fabre, Ă  la fois simple et maĂźtrisĂ© parfaitement.

Au final, j’ai vraiment Ă©tĂ© sĂ©duit par cet ouvrage. L’humour noir m’a parlĂ© et un vĂ©ritable univers se dĂ©gage des discussions des trois personnages. Le graphisme est Ă  la hauteur et renforce d’autant plus les textes. Une belle dĂ©couverte qui ne me donne qu’une envie : continuer Ă  suivre ces deux auteurs dans leurs prochains ouvrages.

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note4

Salade, tomate, oignon

SaladeTomateOignon


Titre : Salade, tomate, oignon
Scénariste : Joseph Safieddine
Dessinateur : Clément Fabre
Parution : Novembre 2015


Lors du festival Quai des Bulles de Saint Malo, j’en ai profitĂ© pour obtenir ma troisiĂšme dĂ©dicace de ClĂ©ment Fabre. Le dessinateur officiait avec un troisiĂšme scĂ©nariste diffĂ©rent, ici en la personne de Joseph Saffieddine. « Salade, tomate, oignon » est un recueil de saynĂštes faisant intervenir deux personnages (parfois plus) en plein dialogue. Les situations sont souvent absurdes et touchent Ă  toutes les couches de notre sociĂ©tĂ©. Le tout est publiĂ© chez Vide Cocagne.

L’humour de Safieddine touche Ă  l’absurde et peut se faire trash. Àmes sensibles s’abstenir ! Ainsi, l’une des premiĂšres scĂšnes est un modĂšle du genre. Une nana est invitĂ©e chez un mec et elle se retrouve dans un immeuble complĂštement glauque avec des gitans qui attaquent la porte
 La plupart du temps, c’est plutĂŽt rĂ©ussi, mĂȘme si l’inĂ©galitĂ© de qualitĂ© est de mise ici. Globalement, on lit avec plaisir les diffĂ©rentes histoires et on sourit devant les rĂ©parties des personnages. Mais comme tout ouvrage d’absurde, on reste parfois Ă  cĂŽtĂ© du chemin devant certains passages.

Un livre tout en dialogues.

Si les chutes ont souvent un intĂ©rĂȘt, ce sont les dialogues qui sont mis en avant. Les grandes gueules sont lĂ©gions, des collĂšgues de bureau en passant par les mecs de banlieue, sans oublier les petites vieilles bien sĂ»r ! Clairement, c’est dans les passages les plus trash que « Salade, tomate, oignon » touche Ă  la grĂące. Racisme et misĂšre humaine sont portĂ©s Ă  leur paroxysme dans certaines scĂšnes, et c’est lĂ  que le livre se dĂ©guste pleinement. HĂ©las, Ă  la lecture des histoires les unes aprĂšs les autres, une lassitude s’installe devant certaines rĂ©pĂ©titions. On est moins surpris. Typiquement, « Salade, tomate, oignon » est fait pour ĂȘtre lu aux toilettes, une scĂšne aprĂšs l’autre.

Concernant le dessin, le trait simple de ClĂ©ment Fabre est parfaitement adaptĂ© aux histoires, essentiellement dialoguĂ©es. Il sait donner suffisamment d’expression Ă  ses personnages pour que cela fonctionne. J’étais surpris de ne pas le voir aquareller le tout, mais il a densifiĂ© son encrage pour proposer un dessin en noir et blanc trĂšs rĂ©ussi.

De nombreux guests interviennent dans le livre, offrant des personnages aux strips. HonnĂȘtement, j’ai trouvĂ© ça sans intĂ©rĂȘt, voir contre-productif. À de rares exceptions prĂšs, les styles des dessinateurs ne sont pas du tout adaptĂ©s au style de ClĂ©ment Fabre et se voient comme le nez au milieu de la figure. PlutĂŽt que de transcender les strips, cela gĂȘne la lecture. Dommage.

« Salade, tomate, oignon », comme beaucoup de livres du genre, propose des scĂšnes plus ou moins rĂ©ussies. L’inĂ©gale qualitĂ© de l’ensemble n’enlĂšve rien Ă  la puissance de certaines histoires. Un livre qui se lit rapidement, sans prĂ©tention.

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