Le TroisiĂšme Testament, Julius, T1 : Livre I – Alex Alice, Xavier Dorison & Robin Recht

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Titre : Le TroisiĂšme Testament, Julius, T1 : Livre I
Scénaristes : Xavier Dorison & Alex Alice
Dessinateur : Robin Recht
Parution : Septembre 2010


Une sĂ©rie Ă  succĂšs est-t-elle condamnĂ©e Ă  accoucher d’un spin-off ? AprĂšs un succĂšs amplement mĂ©ritĂ©, « Le TroisiĂšme Testament » revient pour un nouveau cycle. Cette sĂ©rie racontait la quĂȘte de ce fameux troisiĂšme testament qui aurait Ă©tĂ© cachĂ© par un certain Julius de Samarie. Ce nouveau cycle doit donc nous raconter comment Julius s’est retrouvĂ© avec ce prĂ©sent divin et quelle a Ă©tĂ© son histoire. Quelques changements sont Ă  prĂ©voir cependant dans l’équipe : Xavier Dorison prend de la distance sur la sĂ©rie et Robin Recht prend les rĂȘnes au dessin Ă  la place d’Alex Alice qui reste au scĂ©nario, au storyboard et
 Ă  la couverture.

Une quĂȘte de rĂ©demption.

Grosse apprĂ©hension pour le lecteur fan de la sĂ©rie originelle que je suis. Mais « Julius » doit ĂȘtre pris avant tout comme une histoire Ă  part. En effet, la pĂ©riode historique n’est pas du tout la mĂȘme (l’AntiquitĂ© contre le Moyen-Âge), ainsi que le lieu (le Proche-Orient contre l’Europe). Julius est gĂ©nĂ©ral romain, portĂ© en triomphe au dĂ©but de l’ouvrage dont on va assister Ă  la chute brutale et immĂ©diate (tel Conrad). Comme dans la premiĂšre sĂ©rie, c’est donc une quĂȘte de rĂ©demption Ă  laquelle on va avoir affaire. Ainsi, Julius est cruel, ambitieux, cupide et athĂ©e. Son contact avec un rabbin juif/chrĂ©tien va bouleverser sa vision des choses et l’amener Ă  s’humaniser. Ceux qui connaissent le contenu des fameux rouleaux du voyage de Julius de Samarie savent dĂ©jĂ  comment l’histoire se terminera…

Il faut bien avouer que les 80 pages de l’ouvrage se lisent d’une traite. 60 ans aprĂšs la venue du Christ, les ChrĂ©tiens font peur Ă  Julius. Leur secte prĂŽne la non-violence et ils sont prĂȘts Ă  mourir pour leur foi. LĂ  oĂč « Le TroisiĂšme Testament » montrait un monde obscurantiste, « Julius » montre un monde avant tout spirituel. La mort et la souffrance sont partout. Les Romains font office de bourreaux dont la cruautĂ© est sans limite. L’empire qui traite les autres de barbare semble avoir inversĂ© les rĂŽles.

« Julius » est donc trĂšs mystique. Les citations de textes sacrĂ©s et de prophĂštes sont lĂ©gions. Cela donne un souffle Ă©pique Ă  l’histoire. Le tout est renforcĂ© par le dessin de Robin Recht, qui prend la suite d’Alex Alice. Le dessin est fort, dĂ©taillĂ©, expressif. Son trait parvient Ă  transcender l’histoire et en cela, c’est une vraie rĂ©ussite. Les couleurs sont Ă©galement trĂšs rĂ©ussies. Sur le plan graphique, il n’y a rien Ă  redire, c’est du trĂšs beau travail.

Une prĂ©cision cependant : le service marketing assure que cette sĂ©rie peut ĂȘtre lue indĂ©pendamment de la sĂ©rie originelle. Pour moi, ce serait une grave erreur que de le faire.

Le vrai problĂšme de « Julius » est sa comparaison avec le cycle original. Pris indĂ©pendamment, c’est une excellente bande-dessinĂ©e au scĂ©nario fouillĂ©, au souffle Ă©pique indĂ©niable et au dessin formidable. Une belle osmose entre tous ces auteurs. A lire Ă  tous les fans d’ésotĂ©risme et de religions naissantes.

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note4

Le combat ordinaire – Laurent Tuel

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Titre : Le combat ordinaire
RĂ©alisateur : Laurent Tuel
Parution : Juillet 2015


« Le combat ordinaire » est une Ɠuvre majeure de ces derniĂšres annĂ©es. Consacrant Manu Larcenet et inspirant toute une gĂ©nĂ©ration de dessinateurs, il est logique qu’elle soit aujourd’hui adaptĂ©e du grand Ă©cran. Les thĂ©matiques de questionnements existentiels sont parfaitement dans l’air du temps. Étant un grand fan de la bande-dessinĂ©e, c’est donc avant tout un critique comparative que je vais effectuer. Il m’est impossible de dĂ©cloisonner le film du livre, surtout que ces derniers sont trĂšs proches.

C’est Laurent Tuel qui dĂ©cide d’adapter le film en confiant le rĂŽle de Marco Ă  Nicolas Duvauchelle. Les trois premiers opus sont utilisĂ©s comme base de scĂ©nario, le quatriĂšme Ă©tant vaguement citĂ© par petits Ă©lĂ©ments. Ce choix d’adapter trois livres aboutit forcĂ©ment Ă  des coupes dans l’histoire. Celles-ci sont cohĂ©rentes, le rĂ©alisateur se concentrant sur les thĂšmes majeurs des ouvrages, dĂ©jĂ  nombreux (la filiation, la guerre d’AlgĂ©rie, les femmes, les ouvrier, la photographie, etc.).

Une adaptation (trop ?) fidÚle.

Si la force de la bande-dessinĂ©e rĂ©sidait dans un Ă©quilibre entre les moments graves et les moments d’humour, ce n’est pas le cas du film. Ce dernier se fait sombre et les moments de dĂ©tente sont quasiment inexistants. Les quelques rĂ©pliques humoristiques qui persistent sont dites avec gravitĂ© par les acteurs. Cela donne un manque de rythme au film. La bande-dessinĂ©e gĂ©rait parfaitement les cases muettes, donnant beaucoup de force aux silences. Mais Ă©videmment, dans un film, c’est un peu diffĂ©rent. Comme l’action est peu prĂ©sente, on se retrouve avec des scĂšnes de dialogues pleines de silences. Il faut dire que Laurent Tuel est restĂ© trĂšs fidĂšle Ă  la bande-dessinĂ©e. Les textes sont les mĂȘmes la plupart du temps, au mot prĂšs. Du coup, le fan aura bien du mal Ă  se dĂ©tacher de la bande-dessinĂ©e, tant il a imaginĂ© comment ces textes Ă©taient dits. Et il est clair que certains dialogues fonctionnent moins bien Ă  l’écran que sur la page. Une rĂ©Ă©criture n’aurait pas Ă©tĂ© forcĂ©ment un problĂšme.

Globalement, ce « Combat Ordinaire » manque de puissance. S’il est indĂ©niablement touchant, il est relativement pauvre en Ă©nergie. Les passages oĂč les personnages s’énervent sont fades. Personne ne crie, personne n’hurle, personne ne se bouscule. La violence est ici avant tout intĂ©rieure et contenue, et c’est bien dommage. Certaines scĂšnes auraient mĂ©ritĂ© une intensitĂ© plus forte.

Au niveau de la rĂ©alisation en tant que telle, c’est assez inĂ©gal. Certaines scĂšnes sont magnifiques, d’autres choix (notamment sur les gros plans) sont vraiment discutables.

« Le combat ordinaire » est une film honnĂȘte et touchant qui profite d’un scĂ©nario aux petits oignons. Peut-ĂȘtre trop fidĂšle Ă  la bande-dessinĂ©e (du moins aux dialogues), Laurent Tuel est quand bien mĂȘme arrivĂ© Ă  fusionner les trois premiers tomes dans un ensemble cohĂ©rent, gardant l’essence de ce qui fait l’Ɠuvre de Larcenet. Un peu de rythme aurait donnĂ© un vrai plus au film.

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note3

Happy parents – Zep

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Titre : Happy parents
Scénariste : Zep
Dessinateur : Zep
Parution : Octobre 2014


ParallĂšlement Ă  « Titeuf », Zep dĂ©veloppe une sĂ©rie « Happy » destinĂ©e Ă  un public plus adulte. AprĂšs les filles, les concerts et le sexe, voilĂ  « Happy parents ». Une planche, un gag, sur l’enfer que ferait vivre les enfants sur leurs gĂ©niteurs. On commence par des bĂ©bĂ©s et on finit sur les adolescents. Le tout est publiĂ© chez Delcourt pour une soixantaine de pages. On pourra remarquer qu’aprĂšs avoir unifiĂ© cette sĂ©rie (puisque « Happy Girls » s’appelait « Les filles Ă©lectriques » et « Happy rock » « L’enfer des concerts »), l’éditeur s’en Ă©loigne avec une couverture bien diffĂ©rente. Dommage.

Des gags convenus et gentillets

Imaginez-vous Ă©crire une bande-dessinĂ©e sur des parents. Vous voyez tout de suite le genre de gags qui va en dĂ©coudre. « Happy parents » ne fait guĂšre dans l’originalitĂ©. Tout est assez convenu et bon enfant. Ne cherchez rien de subversif, ce n’est pas le cas ici. En cela, « Happy parents » est certainement l’album le plus consensuel de la sĂ©rie.

MalgrĂ© tout, Zep possĂšde un mĂ©tier qui permet de faire passer la pilule. Sa gestion de la page pour aller jusqu’à sa chute est vraiment maĂźtrisĂ©e. Si bien que la lecture se fait agrĂ©able et on lit l’ensemble avec plaisir. On est quand mĂȘme loin des BDs de type « Guide du jeune parent ». Zep possĂšde un vrai sens du gag et de la façon de l’amener. Dommage que ses gags en lui-mĂȘme soient si convenus.

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Le dessin de Zep fonctionne parfaitement ici, avec son trait expressif et dynamique. Les dĂ©cors sont rares, mais l’auteur ne fait pas dans l’économie. On remarquera notamment les planches quasi-muettes oĂč il semble prendre beaucoup de plaisir Ă  dessiner diverses situations.

« Happy parents » est de la bonne bande-dessinĂ©e grand public. C’est bien dessinĂ©, avec un vrai sens du gag et de la chute. Mais cela reste consensuel et gentillet et les blagues et situations ne brillent pas par leur originalitĂ©. Un bilan mitigĂ© donc.

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note3

Seule pour toujours – Liz Prince

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Titre : Seule pour toujours
Scénariste : Liz Prince
Dessinateur : Liz Prince
Parution : FĂ©vrier 2015


Publier sous forme papier des blogs est devenu un flĂ©au dans l’édition. Les Ă©diteurs sans servent pour faire paraĂźtre des livres Ă  moindre frais puisque les pages sont dĂ©jĂ  dessinĂ©es. Et si certains blogs s’adaptent parfaitement Ă  l’exercice, la plupart rĂ©vĂšle leur mĂ©diocritĂ© une fois les notes alignĂ©es dans un mĂȘme livre. Liz Prince voit donc une sĂ©rie de notes de blog sortir chez Ça et LĂ , le tout pour douze euros.

Liz Prince n’a pas de chance. Elle est garçon manquĂ©, aime le punk et les hipsters et reste dĂ©sespĂ©rĂ©ment seule. Du coup, elle console avec ses chats. VoilĂ  le pitch de ces notes qui montre combien la jeune femme a du mal Ă  draguer ou, plus original, Ă  se laisser draguer. Il faut dire que son amour de la barbe tend Ă  l’obsession.

Un cÎté blog qui dessert le propos.

SeulePourToujours2Les notes varient de format. Beaucoup de pages uniques, mais Ă©galement des strips, voire mĂȘme trois/quatre pages de suite. Le tout est avant tout construit sur l’idĂ©e d’une chute, qui montre souvent Liz dĂ©sespĂ©rĂ©e et
 seule.

Si l’humour de Liz Prince nous fait sourire, le cĂŽtĂ© recueil de blog le dessert. En effet, les situations et effets comiques se rĂ©pĂštent, entraĂźnant forcĂ©ment une lassitude. Si une petite note publiĂ©e sur un blog fonctionne, sur papier c’est moins le cas. De plus, on Ă©vite mal le remplissage avec des anecdotes sans intĂ©rĂȘt ou dĂ©jĂ -vu. En soit, le livre nous fait dĂ©couvrir une auteure. Mais cela donne avant tout envie de lire son blog plus que de lire ses livres.

Niveau dessin, c’est underground. En noir et blanc, avec un trait trĂšs simple, Liz Prince joue tout sur l’expressivitĂ© des personnages. Cela fait le travail, mais c’est quand mĂȘme un peu lĂ©ger. Des trames sont parfois ajoutĂ©es donnant un peu de volume Ă  l’ensemble.

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« Seule pour toujours » ne fait pas une bonne publicitĂ© Ă  l’auteure. Le dessin n’est pas transcendant et l’aspect rĂ©pĂ©titif cache l’humour plutĂŽt rĂ©ussi. Et aprĂšs avoir lu le livre, je n’avais pas forcĂ©ment envie de me lancer dans les autres ouvrages de Liz Prince. IL faut arrĂȘter de publier pour publier, ça ne sert pas toujours les auteurs. Dommage.

note2

Billy Brouillard, T3 : Le chant des sirĂšnes – Guillaume Bianco

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Titre : Billy Brouillard, T3 : Le chant des sirĂšnes
Scénariste : Guillaume Bianco
Dessinateur : Guillaume Bianco
Parution : Novembre 2012


Billy Brouillard reprend du service dans ce troisiĂšme tome appelĂ© « Le chant des sirĂšnes ». Alors qu’il ne voit plus de monstres et peut ainsi vivre beaucoup plus tranquillement, Billy part en vacances Ă  la mer. Il va alors croiser des nymphes et replonger dans ce monde fantastique oĂč les bestioles en tout genre cohabitent au milieu des fantĂŽmes. Le tout est toujours publiĂ© dans la collection MĂ©tamorphose aux Ă©ditions Soleil. Cet univers sort tout droit de la plume de Guillaume Bianco.

« Billy Brouillard » est une sĂ©rie originale qui traite de l’imaginaire de l’enfance de façon glauque. Mais c’est surtout un melting-pot de la narration : bande-dessinĂ©es, illustrations, poĂšmes, textes illustrĂ©s, publications scientifiques
 Il y a de quoi faire dans ce livre. Du coup, le lecteur sera souvent dĂ©stabilisĂ©, voire gĂȘnĂ© par ce fouillis. Mais c’est justement avec ce genre d’ouvrage que l’objet livre prend tout son sens.

Billy Brouillard va donc rencontrer une sirĂšne qu’il va devoir aller sauver au plus profondĂ©ment de la mer. Car la petite dormeuse risque de se rĂ©veiller
 Si l’histoire dans « Billy Brouillard » Ă  une fĂącheuse tendance Ă  digresser, le fil rouge existe bel et bien. Il est dommage qu’en dĂ©but d’ouvrage, on mette si longtemps Ă  voir arriver l’intrigue principale. Clairement, Guillaume Bianco prend son temps et se fait plaisir le long des 128 pages de l’ouvrage. Ainsi, n’y cherchez pas une grande histoire, « Billy Brouillard » est avant un ensemble d’anecdotes qui construisent un univers loufoque, fantastique et malsain.

Une plongée en enfance.

La richesse de la narration se retrouve Ă©galement dans les Ă©motions qui nous traversent : tristesse, humour, aventure
 Il y en a pour tous les goĂ»ts ! C’est une vraie plongĂ©e en enfance que nous propose Guillaume Bianco. Cette richesse se retrouve aussi dans le graphisme. Ce dernier s’adapte et propose des variations sur le mĂȘme thĂšme : noir et blanc avec ou non des hachures, lavis
 Et c’est sans compter sur les gazettes du bizarre qui ajoutent encore une variĂ©tĂ© dans le graphisme. Je suis tombĂ© amoureux du dessin de Guillaume Bianco. Il retransmet parfaitement les deux facettes de son univers : l’enfance et le fantastique.

DerriĂšre l’originalitĂ© et la pertinence de l’objet, on tiquera un peu sur les nombreuses digressions qui gĂȘnent parfois la lecture. Lire cet ouvrage demande un vrai investissement tant il est rude Ă  assimiler, tant sur le fond que sur la forme. Cependant, si vous parvenez Ă  vous immerger dans ce monde, c’est un vĂ©ritable plaisir ! 

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Billy Brouillard, T2 : Le petit garçon qui ne croyait plus au PĂšre NoĂ«l – Guillaume Bianco

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Titre : Billy Brouillard, T2 : Le petit garçon qui ne croyait plus au PÚre Noël
Scénariste : Guillaume Bianco
Dessinateur : Guillaume Bianco
Parution : Novembre 2010


Avec « Le don de trouble vue », Guillaume Bianco avait frappĂ© fort. Son personnage Billy Brouillard, qui avait la capacitĂ© de voir au-delĂ  des choses, vivant dans un univers Ă  la fois sombre et enfantin parfaitement maĂźtrisĂ©. Le mĂ©lange des genres (livre illustrĂ©, encyclopĂ©die, bande-dessinĂ©e) pouvait certes dĂ©route, mais cela faisait la force de l’ouvrage. Ce tome 2 reprendre la mĂȘme formule dans la mĂȘme collection MĂ©tamorphoses des Ă©ditions Soleil. Le tout pĂšse une centaine pages.

Si la lecture de « Billy Brouillard » ne nĂ©cessite pas forcĂ©ment la lecture des tomes prĂ©cĂ©dents pour apprĂ©cier le tout, une lecture prĂ©alable du tome 1 est recommandĂ©e. En effet, on retrouve Billy qui demande au PĂšre NoĂ«l de ressusciter son chat, mort dans le prĂ©cĂ©dent opus. HĂ©las, son chat ne revenant pas parmi les vivants, Billy va cherche d’autres moyens de parvenir Ă  ses fins.

Mort et forces obscures

MalgrĂ© la couverture et le titre, NoĂ«l n’est pas rĂ©ellement le thĂšme central de l’ouvrage. Ici, on parle avant tout de la mort et des forces obscures. Le croque-mitaine, notamment, y tient une place non-nĂ©gligeable ! Ainsi, malgrĂ© son classement parfois en bande-dessinĂ©e jeunesse, « Billy Brouillard » me semble une sĂ©rie fondamentalement orientĂ©e vers les adultes. Ces derniers apprĂ©cieront plus facilement l’univers noir et blanc, ainsi que les thĂšmes sombres traitĂ©s. De mĂȘme, tel Bill Watterson avec certaines scĂšnes de « Calvin & Hobbes », Guillaume Bianco sait parfaitement capter l’essence de l’imaginaire des enfants. Et naviguant toujours entre rĂ©alitĂ© et monde fantasmĂ©, il sĂšme le doute dans l’esprit du lecteur.

Ainsi, Ă  cĂŽtĂ© des pages de bande-dessinĂ©e plus ou moins classiques (on a autant des planches avec des dessins et les textes au-dessous que des planches plus communes avec phylactĂšres), l’auteur intercale des extraits encyclopĂ©diques qui enrichissent l’univers. Toujours en rapport direct avec ce que l’on vient de lire, cela donne une originalitĂ© certaine Ă  ce qui est, au final, un trĂšs beau livre (en tant qu’objet Ă©galement). Et malgrĂ© l’exigence de lecture, le tout se dĂ©vore sans peine.

Le graphisme de l’auteur m’a conquis depuis longtemps. Son noir et blanc est maĂźtrisĂ©, avec un petit cĂŽtĂ© gravure parfaitement adaptĂ© Ă  ce qui ressemble parfois Ă  un livre illustrĂ©, trĂšs en vogues au XIXĂšmesiĂšcle. Le dessin est plein d’invention et d’imagination.

AprĂšs un premier tome trĂšs rĂ©ussi, Guillaume Bianco transforme l’essai ici avec un livre plein de personnalitĂ©. La suite (sur les sirĂšnes) est mĂȘme annoncĂ©e en fin de tome ! L’auteur a crĂ©e une belle Ɠuvre cohĂ©rente Ă  dĂ©couvrir d’urgence !

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Billy Brouillard, T1 : Le don de trouble-vue – Guillaume Bianco

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Titre : Billy Brouillard, T1 : Le don de trouble-vue
Scénariste : Guillaume Bianco
Dessinateur : Guillaume Bianco
Parution : Novembre 2008


Lorsque j’ai prĂ©sentĂ© mes travaux de dessinateur Ă  des professionnels, on m’a citĂ© Ă  deux reprises la sĂ©rie « Billy Brouillard » dessinĂ©e par Guillaume Bianco, comme rĂ©fĂ©rence en termes de dessin en noir et blanc et en hachures. Cela m’a suffisamment intriguĂ© pour que je m’intĂ©resse Ă  cet auteur que je ne connaissais absolument pas. La sĂ©rie « Billy Brouillard » est publiĂ©e aux Editions Soleil, dans la collection « MĂ©tamorphose ». Cette collection propose de trĂšs beaux livres qui explorent le cĂŽtĂ© sombre de l’enfance.

Billy Brouillard, comme le nom du premier tome l’indique, est dotĂ© du don de trouble vue. Ainsi, sans ses lunettes, il voit ce que les autres ne voient pas. Un ballon et quelques branches et voilĂ  que le petit garçon transforme cela en squelette. Mais au-delĂ  du flou, Billy parvient Ă  voir les crĂ©atures fantastiques : monstres, fantĂŽmes et tout ce qui traĂźne dans une forĂȘt lugubre.

La particularitĂ© de cet ouvrage est d’explorer la bande-dessinĂ©e dans plusieurs directions. Si certains passages sont sous forme de BDs « classiques », le livre est parsemĂ© de plein d’autres choses. On y trouvera notamment des bestiaires, des manuels de nĂ©cromancie, des faux journaux, des textes illustrĂ©s
 Il est Ă©vident que ce genre de narration perturbera nombre de lecteurs, mais cela fait partie intĂ©grante du charme de l’ouvrage. Au-delĂ  d’une histoire, c’est un vĂ©ritable univers que crĂ©e Guillaume Bianco autour d’un petit garçon obsĂ©dĂ© par le fantastique. Car l’ambiguĂŻtĂ© est toujours prĂ©sente : Billy imagine-t-il tout cela ou est-ce que c’est vrai ? C’est une ode Ă  l’enfance, mĂȘme si elle est bien glauque. L’auteur tape juste tout en Ă©tant original. Le monde de « Billy Brouillard » est sombre et fantastique et pourtant, cela nous rappelle notre enfance
 Une vraie performance !

Une lecture exigeante.

L’univers crĂ©Ă© pour l’occasion est magnifiĂ© par le graphisme somptueux de Guillaume Bianco. Le mĂ©lange entre un trait enfantin (pour les personnages notamment) et l’aspect trĂšs sombre du rendu en noir et blanc fonctionnent parfaitement. L’auteur est en pleine maĂźtrise de son art. Le tout est mis en valeur par la beautĂ© du livre et du papier. Parfois, la couleur s’invite, que ce soit dans le dessin ou dans le papier lui-mĂȘme.

L’impression Ă  la lecture de ce livre est d’une sorte de fouillis, un cahier d’écolier oĂč seraient griffonnĂ©es quantitĂ©s de choses sur les mystĂšres de la vie vus par un petit garçon. La mise en page est remarquable d’intelligence et le rythme bien menĂ©. Cependant, la lecture est exigeante et il est Ă©vident que certains lecteurs, dĂ©sarçonnĂ©s, auront du mal Ă  adhĂ©rer au concept.

Ce premier tome de « Billy Brouillard » ne peut pas laisser indiffĂ©rent. DotĂ© d’une personnalitĂ© affirmĂ©e, l’ouvrage dĂ©sempare autant qu’il fascine. Comme quoi, on peut sortir des schĂ©mas classiques et enthousiasmer. Une formidable dĂ©couverte qui montre, au grĂšs des pages, le talent incroyable de l’auteur pour nous faire rire, nous faire peur ou simplement nous emporter ailleurs.

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De pĂšre en FIV – William Roy

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Titre : De pĂšre en FIV
Scénariste : William Roy
Dessinateur : William Roy
Parution : Juin 2014


Le livre tĂ©moignage est une forme d’autobiographie de plus en plus utilisĂ©. Alors quand cela touche un sujet de sociĂ©tĂ©, difficile de ne pas ĂȘtre un tant soit peu intĂ©ressĂ©. William Roy se dĂ©couvre stĂ©rile et doit se lancer dans la difficile Ă©preuve de la fĂ©condation in vitro, ou FIV pour les intimes. Le tout est paru aux Ă©ditions de la BoĂźte Ă  Bulles, dans la collection Contre CƓur, pour un total de plus de 150 pages.

Lorsque l’on propose un tĂ©moignage sur un sujet difficile, il faut savoir se dĂ©couvrir. Ici, William Roy nous prĂ©sente sa stĂ©rilitĂ© (ou oligoasthĂ©notĂ©ratozoospermie), qui le touche dans sa virilitĂ©. De plus, ĂȘtre la personne de sa famille qui coupe la lignĂ©e le frappe durement. Mais pas de panique : de nos jours, la FIV existe et permet aux couples en difficultĂ© d’avoir un enfant quand bien mĂȘme.

Une autobiographique qui manque cruellement d’empathie.

DePereEnFIV2On dĂ©couvre donc toutes les Ă©tapes que l’on peut imaginer : comment William apprend la nouvelle, comment il la vit, comment il l’annonce Ă  ses proches, comment se passent les analyses, puis les FIV, etc. En cela, l’histoire manque un peu de surprise. Tout est trĂšs classique et on n’apprend finalement pas beaucoup de chose. Le tout se lit rapidement, entre passages intimes et passages didactiques. La narration hĂ©site d’ailleurs entre le documentaire et le rĂ©cit intimiste. À ne pas faire de choix, il perd en force.

Ce qui est le plus gĂȘnant est certainement le manque d’émotion qui se dĂ©gage de l’ensemble. Les moments difficiles existent, se veulent puissants, mais ça ne fonctionne pas vraiment (pour ceux qui ne l’ont pas vĂ©cu bien entendu. Pour les autres, cela doit ĂȘtre diffĂ©rent). Tout est trop convenu, cela manque de personnalitĂ© pour crĂ©er une empathie supplĂ©mentaire pour les personnages. Et quand au bout de 120 pages un mĂ©decin demande (enfin !) Ă  sa femme d’arrĂȘter de fumer pour enfanter, on croit rĂȘver. Le dĂ©tail est certainement « vrai », mais il a bien du ĂȘtre abordĂ© bien. Cela laisse le lecteur dubitatif.

Ce manque d’émotion vient certainement du dessin, un peu grossier. TrĂšs inĂ©gal, il manque d’expressivitĂ©. Il n’est pas Ă©vident de dessiner des gens qui passent leur temps devant des mĂ©decins, mais les personnages sont trop froids pour un sujet pareil. De mĂȘme, l’utilisation de la bichromie est trĂšs inĂ©gale. On est plus ou moins sur « une couleur = une scĂšne » mais parfois d’autres couleurs sont ajoutĂ©es sans que l’on comprenne pourquoi.

Le trait Ă©pais de William Roy serait moins gĂȘnant si l’auteur ne prenait pas le soin, par moments, de nous dessiner des dĂ©cors trĂšs prĂ©cis. Ces derniers tombent comme un cheveu sur la soupe, modifiant le graphisme gĂ©nĂ©ral d’une planche ou d’une case, sans que l’on comprenne pourquoi. Alors que les dĂ©cors sont habituellement suggĂ©rĂ©s ou Ă  peine esquissĂ© (ce qui est plutĂŽt adaptĂ©), certaines cases semblent avoir Ă©tĂ© dĂ©calquĂ©es. Un choix peu pertinent pour le coup.

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« De pĂšre en FIV » est un tĂ©moignage intĂ©ressant Ă  dĂ©faut d’ĂȘtre vraiment touchant. Si ce livre ne parlait pas d’un sujet fort (qui plus est sous forme d’autobiographie), son inconstance tant narrative que graphique sauterait aux yeux. Alors on lit le livre d’une traite, s’intĂ©ressant Ă  la vie de ce couple en se demandant s’ils parviendront Ă  avoir un enfant. Mais c’est tout.

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AbĂ©lard, T2 : Une BrĂšve Histoire de PoussiĂšre et de Cendre – RĂ©gis HautiĂšre & Renaud Dillies

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Titre : Abélard, T2 : Une brÚve histoire de poussiÚre et de cendre
Scénariste : Régis HautiÚre
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Septembre 2011


« AbĂ©lard » est un diptyque scĂ©narisĂ© par RĂ©gis HautiĂšre et dessinĂ© par Renaud Dillies. Trois mois seulement aprĂšs la sortie du premier tome, voilĂ  que se clĂŽt dĂ©jĂ  l’ensemble avec « Une brĂšve histoire de poussiĂšre et de cendre ». Nous avions laissĂ© AbĂ©lard le petit volatil en partance pour l’AmĂ©rique avec l’ours taciturne Gaston. Nous les retrouvons donc sur le chemin de la ville et du port, espĂ©rant se faire embarquer au plus vite. En effet, AbĂ©lard a entendu dire qu’il y a des machines volantes en AmĂ©rique. Il pourra ainsi dĂ©crocher la Lune pour Epilie, la jeune fille dont il est Ă©pris.

Dans le premier tome, AbĂ©lard faisait un peu office de personnage totalement innocent. N’ayant jamais connu autre chose que le marais, il en sort dĂ©sormais et va aller de surprises en surprises. La mer, la ville et surtout les gens
 Le petit volatil est totalement Ă©tranger Ă  tout. C’est une Ăąme pleine d’innocence lĂąchĂ©e dans un monde brutal. A la fin du premier tome dĂ©jĂ  se dessinait cette Ă©volution, on y entre ici de plein pied. La poĂ©sie fait rapidement place Ă  une noirceur terrible et finalement assez inattendue. En effet, le premier tome Ă©tait plutĂŽt lĂ©ger dans son propos. Le revirement est assez violent.

Un second tome pour les désillusions.

AbĂ©lard n’est en effet pas fait pour vivre dans le monde de la ville. Il n’est pas Ă©merveillĂ© par cet univers nouveau, il s’y retrouve en dĂ©calage total. Comment donc peut-il y trouver sa place ? Seule son amitiĂ© avec Gaston (le rayon de soleil de cet album ?) donne un peu d’espoir en l’humanitĂ©. Car sans Gaston, nul doute qu’AbĂ©lard ne serait pas allĂ© beaucoup plus loin que les abords du marais. D’ailleurs, le personnage de Gaston est assez central ici. Au premier abord violent, intolĂ©rant voire misanthrope, son Ă©volution lui donne le vrai premier rĂŽle de deuxiĂšme volet. 

A la lecture de ce tome, l’intĂ©rĂȘt du diptyque paraĂźt Ă©vident. Alors que le premier tome traitait des illusions (sur l’extĂ©rieur, la ville, l’AmĂ©rique, Epilie
), le deuxiĂšme tome est celui des dĂ©sillusions (sur les mĂȘmes sujets). MalgrĂ© sa poĂ©sie, « AbĂ©lard » est une sĂ©rie au propos bien noir.

Le dessin de Dillies est une fois de plus de haute volĂ©e. L’osmose entre HautiĂšre et Dillies est vraiment une grande rĂ©ussite. L’univers entre innocence, poĂ©sie et noirceur et parfaitement rendu par le trait faussement naĂŻf de Dillies. Son trait Ă©pais et indistinct, trĂšs dynamique, dessine des animaux Ă  l’apparence enfantine. Cet album, plus noir, est colorisĂ© de façon plus sombre globalement et installe par moment un vrai sentiment de malaise.

Tout ce que j’ai dit auparavant ne peut rĂ©ellement rĂ©sumer ce que j’ai ressenti Ă  la lecture de cet album. J’en ai eu des frissons. Il m’a simplement transportĂ© et m’a isolĂ© du monde le temps d’aller de la premiĂšre Ă  la derniĂšre page. C’est simplement un voyage dont on ne peut pas revenir indemne. Un chef d’Ɠuvre ?

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AbĂ©lard, T1 : La Danse des Petits Papiers – RĂ©gis HautiĂšre & Renaud Dillies

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Titre : Abélard, T1 : La Danse des Petits Papiers
Scénariste : Régis HautiÚre
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Juin 2011


Renaud Dillies m’avait beaucoup marquĂ© de son trait avec « Betty Blues » et « Bulles et Nacelles » oĂč il dĂ©veloppait un univers plein de poĂ©sie. A la suite d’une rencontre lors d’un festival, j’ai pu dĂ©couvrir son nouvel ouvrage, « AbĂ©lard » (premier tome d’un diptyque) en avant-premiĂšre, oĂč il assure le dessin pendant que RĂ©gis HautiĂšre s’occupe du scĂ©nario. Ce n’est pas la premiĂšre collaboration des deux hommes, qui ont dĂ©jĂ  signĂ©s « Mister Plumb » ensemble.

L’histoire fait intervenir AbĂ©lard, un poussin qui vit dans les marais, entre jeu de cartes et parties de pĂȘche. Ayant toujours vĂ©cu Ă  cet endroit, il ne peut s’empĂȘcher de s’interroger sur l’ailleurs, si inconnu Ă  ses yeux. Une rencontre avec une femme, Epilie, va changer sa vie. Pour elle, il va dĂ©cider de voyager, jusqu’à vouloir partir en AmĂ©rique.

Un road trip sous forme d’initiation.

« AbĂ©lard », aprĂšs une introduction dans les marais, ressemble fort Ă  un road trip sous forme d’initiation. N’ayant vĂ©cu que dans les marais, AbĂ©lard a Ă©tĂ© protĂ©gĂ© du vaste monde et est particuliĂšrement naĂŻf. Cette naĂŻvetĂ© est Ă  la fois trĂšs touchante et drĂŽle. Sa mĂ©connaissance du monde et des gens est vraiment amusante. Ainsi, il se retrouve Ă  voyager avec des gitans sans mĂȘme savoir qu’ils sont trĂšs mal acceptĂ©s par la population. Lui prend les gens comme ils sont, sans trop se poser de questions.

Au-delĂ  de l’apparence parfois simple de l’histoire se dessine une trame qui paraĂźt plus complexe. Ainsi, tout le monde semble connaĂźtre Epilie, lui donnant une image de dangerositĂ© que l’on ne comprend pas. Nul doute que le deuxiĂšme tome explicitera tout ça, mais tout cela participe Ă  une ambiance des plus Ă©tranges. Autre particularitĂ© d’AbĂ©lard : son chapeau lui donne chaque jour un message sous forme de proverbe ou citation. Ces messages, venus dont ne sait oĂč vont avoir une vraie influence sur l’histoire. Une petite curiositĂ© qui donne de la poĂ©sie Ă  l’ensemble.

Car « AbĂ©lard » a une poĂ©sie certaine, Ă  l’image du hĂ©ros qui monte dans un arbre pour « dĂ©crocher la Lune » Ă  sa dulcinĂ©e. Le graphisme surannĂ© fait mouche. Le choix de la palette de couleur met parfaitement en valeur le trait de Dillies. Celui-ci est toujours aussi indistinct et naĂŻf Ă  la fois. Les diffĂ©rents personnages, tous des animaux, sont tous trĂšs rĂ©ussis graphiquement. AbĂ©lard, en poussin naĂźf, est simplement adorable.

Dillies abandonne ici le gaufrier de six cases qu’il affectionne pour un dĂ©coupage plus variĂ©. C’est une rĂ©ussite et le tout tĂ©moigne d’une grande maĂźtrise. Le dessinateur n’hĂ©site pas Ă  prendre une page pour une case (voire mĂȘme deux avec cette incroyable carte de voyage pleine d’humour).

J’ai Ă©tĂ© particuliĂšrement sĂ©duit par « AbĂ©lard » tout au long des 64 pages de ce premier tome. Il me tarde dĂ©jĂ  d’en lire la suite. Son personnage, si naĂŻf, est particuliĂšrement attachant. Le scĂ©nario d’HautiĂšre est taillĂ© pour le style de Dillies. Une petite perle, simplement, rĂ©servĂ©e aux grands enfants. 

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