Le grand rouge – Wouzit

LeGrandRouge


Titre : Le grand rouge
Scénariste : Wouzit
Dessinateur : Wouzit
Parution : Mars 2011


Créé en 2009, le site web Manolosanctis avait donnĂ© plein d’espoirs aux dessinateurs de BD amateurs, heureux de trouver une plateforme de publication en ligne d’une rare efficacitĂ©. Mais surtout, Manolosanctis s’est muĂ© l’espace de quelques temps en Ă©diteur, ce qui causa sa perte. L’éditeur ferma, le site web avec. Si tous les livres de l’éditeur ne sont pas mĂ©morables, force est de constater que quelques auteurs atypiques avaient Ă©tĂ© rĂ©vĂ©lĂ©s par l’éphĂ©mĂšre maison d’édition, que ce soit par des albums personnels ou collectifs. Parmi eux, Wouzit, qui publia « Le grand mort » chez Manolosanctis, un one-shot de 120 pages.

LeGrandRouge1Tout commence alors qu’Ivan Ă©choue sur une Ăźle qui se rĂ©vĂšle des plus Ă©tranges. Il va alors tenter de survivre dans cet environnement peu hospitalier, tel un Robinson. Le livre nous dĂ©voile alors comme ce petit malfrat s’est retrouvĂ© dans cette situation, capturĂ© et condamnĂ© pour avec son compagnon William.

Construite sous forme de chapitres comme autant de flashbacks, la narration saute donc d’un univers Ă  l’autre. D’un cĂŽtĂ©, Ivan est perdu seul sur une Ăźle et on essaie de comprendre ce qu’est cette Ăźle. De l’autre, Ivan fuit et on se demande s’il va s’en sortir, prĂ©sageant que cette histoire passĂ©e expliquera l’histoire future. Cette narration montre sa pertinence en mĂ©nageant le suspense. Car Wouzit prend son temps et les rĂ©vĂ©lations qu’attend le lecteur seront bien tardives.

Une narration et un rythme parfaitement maßtrisés.

Sans ĂȘtre forcĂ©ment des plus impressionnants, le scĂ©nario est donc parfaitement servi par un procĂ©dĂ© de flashbacks bien menĂ©. Le rythme fait ici toute la diffĂ©rence. Surtout que les parties sur l’üle sont souvent muettes, contrairement aux parties en ville. C’est d’ailleurs une des forces de l’ouvrage : Wouzit parvient Ă  raconter les choses en muet. Il n’use quasiment jamais des onomatopĂ©es, si bien que les scĂšnes d’action sont trĂšs silencieuses !

Au niveau du dessin, le style de Wouzit est particulier et assez simple. On oscille entre un dessin qui se veut moderne et une ligne claire plus classique. MalgrĂ© tout, les cases sont fouillĂ©es et sa construction de l’üle force le respect par sa crĂ©ativitĂ©. Cette Ăźle nous paraĂźt terriblement Ă©trange alors qu’elle n’est pas finalement si Ă©loignĂ©e de nos codes. L’utilisation des couleurs en aplats simples renforce l’aspect ligne claire, mĂȘme si le travail est vraiment abouti. La colorisation, simple au premier abord, est trĂšs rĂ©ussie, donnant des ambiances avec beaucoup de subtilitĂ©, que ce soit pour les scĂšnes sur l’üle ou les scĂšnes de nuit.

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C’est un livre des plus sympathiques qui nous est donc proposĂ©. Sans ĂȘtre transcendant au niveau du dessin ou du scĂ©nario, toute la rĂ©alisation permet Ă  l’ouvrage de passer un cap. La narration et le rythme sont bien menĂ©s, le style de dessin et les choix de couleurs sont pertinents. Du beau travail.

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Note : 14/20

Route 78

Route78


Titre : Route 78
ScĂ©nariste : Éric Cartier & Audrey Alwett
Dessinateur : Éric Cartier
Parution : Février 2015


En 1978, Éric Cartier et sa copine Pat partent aux Etats-Unis. ArrivĂ©s Ă  New-York, ils veulent traverser le pays en stop et repartir de San Francisco. Ils viennent retrouver l’univers de Kerouac et tracer la route. Mais Ă©videmment, tout cela est bien plus compliquĂ© que ce qu’ils avaient imaginĂ©. Rapidement sans le sou, le road trip va s’avĂ©rer ĂȘtre une vĂ©ritable Ă©preuve. Continuer la lecture de « Route 78 »

Magasin sexuel, T2 – Turf

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Titre : Magasin sexuel, T2
Scénariste : Turf
Dessinateur : Turf
Parution : Novembre 2012


Le premier tome de « Magasin sexuel » traĂźnait un peu en longueur. Pas vraiment drĂŽle, pas vraiment grinçant, il se situait dans un satyre lĂ©gĂšre de la campagne. La sex-shop ambulant, prĂ©sentĂ© comme majeur (Ă  voir le titre et la couverture), n’était finalement que trĂšs secondaire. Ce deuxiĂšme opus vient clore cette histoire publiĂ©e chez Delcourt.

Tout commence par le maire Orloff qui essaie de convaincre son conseil municipal de construire une gare TGV, sachant qu’il n’y a pas de voie ferrĂ©e Ă  moins de 70 kilomĂštres du village. Pour rappel, il y a 234 habitants au village. Orloff s’énerve, insulte un peu tout le monde
 VoilĂ  « Magasin sexuel » : c’est caricatural, excessif, mais pas bien drĂŽle.

Entre humour et satyre.

MagasinSexuel2aL’intrigue principale concerne donc le maire rĂ©ac et rĂ©tro qui tombe sous le charme d’Amandine, jeune fille Ă  la tĂȘte d’un sex shop et qui, logiquement, n’apprĂ©cie pas vraiment M. Orloff qu’elle trouve lourd et bĂȘte. Une autre intrigue se mĂȘle : celle de la disparition des lettres d’enseigne. Cela fait quelques jeux de mot, l’occasion pour le lecteur de sourire.

A la fermeture du diptyque, on se demande un peu l’intĂ©rĂȘt d’avoir fait deux tomes. L’intrigue traĂźne. Cela pourrait permettre de dĂ©velopper les personnages, mais ce n’est pas du tout le cas. Le fait qu’Amandine soit orpheline n’apporte rien par exemple. Et comme l’auteur reste un peu entre humour et satyre, sans vraiment choisir son camp, le lecteur a bien du mal Ă  adhĂ©rer.

Au niveau du dessin, je n’ai pas Ă©tĂ© sĂ©duit par le trait de Turf. Son dĂ©coupage est variĂ©, souvent riches en cases. Je trouve le dessin un peu irrĂ©gulier. De beaux efforts sont faits sur les dĂ©cors et ses les ambiances, mais on n’en peut plus de voir la tĂȘte du maire !

« Magasin sexuel » m’a beaucoup déçu. Clairement, le thĂšme ne se situait pas du tout dans un clash entre la campagne et la sexualitĂ©. Du coup, le fond de l’ouvrage se rĂ©vĂšle bien lĂ©ger. Mais c’est cela, « Magasin sexuel » : c’est lĂ©ger, sans prĂ©tention et plein de couleurs vives. Pour ma part, je passe mon tour.

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Note : 8/20

Magasin sexuel, T1 – Turf

MagasinSexuel


Titre : Magasin sexuel, T1
Scénariste : Turf
Dessinateur : Turf
Parution : Mars 2011


Lorsque l’on nomme son livre « Magasin sexuel » (francisation du fameux sex shop), on gĂ©nĂšre forcĂ©ment des attentes chez le lecteur. Celui-ci s’attend Ă  un contenu coquin, voire sulfureux
 Turf cherche ici le dĂ©calage. Dans une petite bourgade de campagne, un sex shop ambulant s’installe Ă  la foire une fois par semaine. De quoi bousculer la vie de ses habitants ? Le tout est construit en diptyque chez Delcourt au format classique d’un 48 pages.

L’ouvrage fait dans l’opposition de style. Il y a d’abord le maire, Orloff, sorti tout droit des aventures de Spirou tant il ressemble au maire de Champignac graphiquement. C’en est gĂȘnant. Il est donc rĂ©ac comme pas possible et assez bĂȘte. Mais il va s’éprendre de la jolie Amandine qui tient le sex shop. Mais elle n’est pas pour autant trĂšs coquine. Seuls ses vĂȘtements courts suggĂšrent une libĂ©ration sexuelle, mais cela ne va pas plus loin. Ses motivations pour le mĂ©tier sont floues (elle prĂ©fĂšre vendre des godemichĂ©s plutĂŽt que des bottes en caoutchouc
 Soit !).

Pas de réel enjeu malgré le thÚme.

MagasinSexuel1aCe premier tome pose des jalons mais n’avance pas beaucoup. Le passĂ© de la jeune fille se dĂ©voile mais sans vraiment nous toucher. Il n’y a pas de rĂ©el enjeu et la description de la campagne, qui se veut humoristique, manque cruellement de sel. Si bien que l’humour tombe Ă  plat systĂ©matiquement. Que dire de ce bistrot vide oĂč va boire le maire ? On y imagine dĂ©jĂ  des scĂšnes vivantes avec des habituĂ©s, mais rien ici. Le thĂšme est effleurĂ© et le pitch de dĂ©part reste inexploitĂ©. Dommage, car il y aurait de la matiĂšre Ă  aller plus loin.

Au niveau du dessin, Turf possĂšde un style particulier qui m’a peu sĂ©duit au final. C’est trĂšs (trop ?) colorĂ©, plein de rose et de couleurs saturĂ©es. On voit par contre qu’il a plaisir de dessiner Amandine, dont il brosse les jambes avec dĂ©lice. MalgrĂ© tout, Turf propose un ensemble cohĂ©rent avec son sujet, qu’il traite avec lĂ©gĂšretĂ©.

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J’ai Ă©tĂ© trĂšs déçu par ce « Magasin sexuel ». Trop lĂ©ger et diluĂ©, il finit comme une description caricatural de la campagne. Mais il aurait fallu en mettre une couche de plus pour en faire un ouvrage plus percutant. L’humour ne touche pas, les Ă©motions sont rares
 Le tout se lit sans forcĂ©ment s’ennuyer mais on se demande un peu l’intĂ©rĂȘt de tout cela en fin de tome. Peut-ĂȘtre que le deuxiĂšme opus apportera des rĂ©ponses à cette interrogation ?

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Note : 8/20

Kick-Ass 2, T1 : Restez groupĂ©s ! – Mark Millar & John Romita Jr.

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TItre : Kick-Ass 2, T1 : Restez groupés !
Scénariste : Mark Millar
Dessinateur : John Romita Jr.
Parution : Juin 2012


« Kick-Ass 2 » est, comme son nom l’indique, la suite de « Kick-Ass ». J’avais dĂ©couvert cet univers par son adaptation cinĂ©matographique. J’avais trouvĂ© le film vraiment excellent et m’étais donc intĂ©ressant au comic qui l’avait inspirĂ©. MĂȘme si le bouquin n’atteignait pas la qualitĂ© de son passage sur grand Ă©cran, j’étais suffisamment curieux pour m’intĂ©resser aux nouvelles aventures du hĂ©ros. L’ouvrage que je me suis offert regroupe les quatre premiers chapitres Ă©ditĂ©s aux Etats-Unis. ComposĂ© d’une centaine de pages, le bouquin est Ă©ditĂ© chez Panini Comics dans la collection 100% Fusion Comics. D’un format comics classique, il est vendu pour un petit peu plus de onze euros et est apparu dans les rayons en juin dernier. Le scĂ©nario est l’Ɠuvre de Mark Millar et les dessins de John Romita Jr.

Le premier tome nous avait permis de dĂ©couvrir Dave, adolescent geek des plus classiques. NĂ©anmoins, il dĂ©cide de devenir superhĂ©ros sans pouvoir ni structure derriĂšre lui. Il erre donc dans la rue costumĂ© dans le but d’aider qui en aurait besoin. Mais quand on est un nerd et qu’on croise les mĂ©chants, on ramasse. NĂ©anmoins, il obtient une popularitĂ© Ă©norme quand une de ses interventions fait la une sur Youtube. Sa cĂ©lĂ©britĂ© le met en contact avec Hit Girl et Big Daddy, deux superhĂ©ros qui ne rigolent pas. La premiĂšre dĂ©mantĂšlera dans le sang la mafia locale pendant que son pĂšre meurt de tortures. Mais Red Mist, ennemi jurĂ© de Kick-Ass rĂȘve de vengeance


La violence habite toutes les pages.

Cette suite dĂ©bute de maniĂšre plutĂŽt calme. Hit Girl essaie de devenir une fille de dix ans comme les autres. Kick-Ass rĂȘve de voir une association de superhĂ©ros se former. Son souhait se rĂ©alise quand il est contactĂ© par un groupe de vengeurs masquĂ©s. Ils sont prof, employĂ© ou Ă©tudiant le jour. Mais la nuit ils deviennent Night-Bitch, Insect-Man ou le Colonel. Mais leur idĂ©al prend du plomb dans l’aile quand rĂ©apparait Red Mist et sa clique. Je dois tout de suite vous prĂ©ciser que ce bouquin ne s’adresse pas Ă  tous les publics. La violence habite quasiment toutes les pages et le dessin se fait le devoir d’ĂȘtre particuliĂšrement explicite. Il faut le savoir avant de s’y plonger. Les auteurs ne se fixent pas vraiment de limites dans le domaine.

Mais « Kick-Ass 2 » n’est pas uniquement un amas de trash, de gore et de violence. Je trouve que l’histoire est plutĂŽt intĂ©ressante. Il n’est jamais Ă©vident d’offrir une suite Ă  une intrigue qui n’en nĂ©cessitait pas forcĂ©ment. On se laisse prendre par les diffĂ©rentes voies choisies par le scĂ©nariste. L’arrivĂ© de Kick-Ass dans une guilde de superhĂ©ros, la difficultĂ© pour Hit Girl pour ĂȘtre « normale », les rapports entre Dave et son pĂšre, le retour de Red Mist
 Tout cela offre une lecture plutĂŽt prenante. J’ai dĂ©couvert la centaine de pages avec curiositĂ© et empressement. La derniĂšre page attise notre volontĂ© de dĂ©couvrir la suite au plus vite. La montĂ©e en intensitĂ© ne cesse tout au long de la narration. Les premiĂšres pages sont le calme qui prĂ©cĂšde une tempĂȘte qui ne cesse de grandir.

L’intĂ©rĂȘt de Kick-Ass rĂ©side dans le fait qu’il est super hĂ©ros qui n’est ni super ni hĂ©ros. Il est un adolescent avec un costume. Il n’a que sa bonne volontĂ© comme arme. Cela gĂ©nĂšre logiquement une empathie pour Dave. On s’identifie facilement Ă  son quotidien puisqu’il n’a finalement rien qu’on ne peut avoir. Le fait qu’il traine tous les codes du loser le rend profondĂ©ment sympathique. Contrairement Ă  la version cinĂ©matographique, la jolie fille du lycĂ©e le dĂ©teste et ne lui parle pas. « Tout est bien qui finit bien » semble ĂȘtre bien peu adaptĂ© aux aventures de notre hĂ©ros. Cela participe au plaisir de la lecture.

N’étant ni adepte ni connaisseur des comics, les dessins de John Romita Jr sont d’un genre diffĂ©rent de celui de mes lectures habituelles. La dĂ©couverte n’est pas dĂ©sagrĂ©able. Je trouve les pages trĂšs denses sur le plan des couleurs et des illustrations. On est loin du style Ă©purĂ© de certains auteurs. Les personnages sont trĂšs expressifs et excessifs. L’auteur se fait Ă©galement plaisir dĂšs que l’action est de sortie. Sa reprĂ©sentation de la violence ne laisse pas indemne. Je trouve que cela participe Ă  l’atmosphĂšre de la lecture quitte Ă  gĂ©nĂ©rer un malaise Ă  certains moments.

En conclusion, cet ouvrage offre une suite honorable Ă  l’Ɠuvre de dĂ©part. Je me suis laissĂ© prendre dans l’histoire sans chercher pour autant Ă  me montrer trĂšs exigeant avec une sĂ©rie que je trouve divertissante sans ĂȘtre mĂ©morable. Il rĂ©pondra aux adeptes des lecteurs curieux de connaitre la suite des aventures de Dave. Je suis d’ailleurs curieux de dĂ©couvrir le second tome de « Kick-Ass 2 » pour connaitre le dĂ©nouement de cette histoire aux tendances apocalyptiques


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Note 12/20

Kick Ass, T1 : Le Premier Vrai Super-HĂ©ros – Mark Millar & John Romita Jr

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Titre : Kick Ass, T1 : Le Premier Vrai Super Héros
Scénariste : Mark Millar
Dessinateur : John Romita Jr.
Parution : Mars 2010


En 2010 sortait le film « Kick Ass ». A force d’entendre des critiques Ă©logieuses sur le film, puis sur le comics, j’ai dĂ©cidĂ© de lire l’Ɠuvre de Mark Millar et John Romita Jr. Kick-Ass est le « premier vrai super hĂ©ros » au sens oĂč il pourrait vraiment exister. Pas de super pouvoir, de batmobile ou autre gadgets. Alors Ă©videmment, quand on est un « vrai » super-hĂ©ros, ça fait mal


Dave est un ado trĂšs ordinaire. Si ce n’est la mort de sa mĂšre quand il avait 14 ans. Mais cette mort n’est mĂȘme pas due Ă  un baron du crime, mais Ă  des raisons mĂ©dicales. Pendant les premiĂšres pages, on apprend finalement que Dave est tellement normal qu’il n’a aucune raison d’ĂȘtre un super hĂ©ros. Mais il va quand bien mĂȘme dĂ©cider de s’habiller d’une combinaison de plongĂ©e et d’arpenter les rues la nuit pour combattre le crime


« Kick-Ass » se base sur le fait que Dave n’étant pas extraordinaire, il souffre Ă©normĂ©ment de ses blessures. MĂȘme psychologiquement, il a peur de se retrouver enfermĂ© en prison pour meurtres. A chacune de ses sorties, il se convainc donc de ne plus recommencer, mais l’appel de la rue est plus fort. Si bien que pour bien appuyer son propos, « Kick-Ass » est particuliĂšrement violent et gore. La premiĂšre scĂšne oĂč apparaĂźt Dave, il est soumis Ă  la gĂ©gĂšne. Des gerbes de sang Ă©claboussent toutes les scĂšnes d’action. Cette surabondance de gore est assez impressionnante, mĂȘme pour un comics. Il y en a tant que ça en devient presque complaisant.

Un super-héros sans pouvoir.

Le thĂšme de dĂ©part est plutĂŽt intĂ©ressant : que serait un super-hĂ©ros sans pouvoir ? Cependant, rapidement, une fois le constat de dĂ©part posĂ©, on tourne un peu en rond. Sans surprise, il faut l’arrivĂ©e d’autres personnages (Hit Girl et Big Daddy, beaucoup plus efficaces que Kick-Ass) pour relancer l’intĂ©rĂȘt de l’histoire et donner envie de lire le deuxiĂšme tome.

Au niveau du dessin, il n’y a pas grand chose Ă  redire. Le trait est dynamique, fluide et trĂšs lisible. Les cases sont souvent trĂšs grandes, si bien que le tout se lit assez vite. Le sang est rapidement omniprĂ©sent dans les scĂšnes d’action et la violence trĂšs visible (un homme se voit couper le crĂąne dans le sens de la longueur, un autre est broyĂ© dans sa voiture
). Le dessin est vraiment dans son Ă©poque : on ne suggĂšre pas, on montre.

J’ai Ă©tĂ© trĂšs gĂȘnĂ© sur un point de « Kick Ass » : la façon dont les auteurs appuient sur la banalitĂ© de Dave au dĂ©but m’ont vraiment fait tiquer. Ils s’arrangent pour le rendre le plus « normal » possible. Il dĂ©clare mĂȘme qu’il n’a « rien de particulier ». L’ajout ensuite de rĂ©fĂ©rences qui parleront aux ados (il regarde Scrubs, Heroes, Ă©coute Stereophonics
) me font penser que les auteurs ont voulu vraiment pousser le processus d’identification Ă  fond pour cette tranche d’ñge. Le fait que Dave « pirate les sĂ©ries sur internet et regarde des sites porno » vont Ă©galement dans ce sens. N’étant pas dans la cible, j’ai eu l’impression de ne pas ĂȘtre prĂ©vu pour ce comics.

J’ai Ă©tĂ© assez déçu par cette BD. Elle a tout selon moi du pĂ©tard mouillé : une bonne idĂ©e de base qui tombe bien dans de la violence gratuite et dĂ©monstrative. Je pense qu’il y avait matiĂšre Ă  faire mieux. Kick-Ass se lit donc plutĂŽt bien mais il lui manque peut-ĂȘtre un peu plus d’humour (ou de noirceur) pour passer au niveau supĂ©rieur.

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Note : 10/20

Smart monkey – Winshluss

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Titre : Smart monkey
Scénariste : Winshluss
Dessinateur : Winshluss
Parution : Avril 2004


L’évolution est un curieux chemin dĂ©voilĂ© par Darwin. Alors quand Winshluss dĂ©cide de s’y attaquer, on sait que l’on va forcĂ©ment s’éloigner des sentiers battus. « Smart monkey » est l’histoire d’un singe, plus malin qu’intelligent, qui tente de survivre dans une jungle palĂ©olithique sans pitiĂ©. En effet, aprĂšs avoir copulĂ© avec une femelle, il a Ă©tĂ© exclu de son groupe, s’étant rebellĂ© sans avoir la force physique qui aurait pu lui permettre de rivaliser. Cette histoire est paru aux Éditions CornĂ©lius, elle pĂšse prĂšs de 100 pages et est dessinĂ©e entiĂšrement en noir et blanc.

Un exercice de style ?

smartmonkey1Le sujet de l’ouvrage pousse presque le livre dans l’exercice de style. L’ensemble est muet puisque l’on a affaire qu’à des animaux. Tout est donc dans l’action. Le livre est donc dans la veine de « Nid des Marsupilamis » de Franquin ou plus rĂ©cemment de la sĂ©rie « Love » par BrrĂ©maud et Bertolucci. Le propos se veut cruel, mĂȘme si le petit singe finit toujours par sans sortir, souvent aidĂ© par de grosses bestioles bien plus dangereuses que le tigre Ă  dents de sabre qui le harcĂšle.

L’histoire alterne les passages d’actions, d’humour et de tristesse avec pertinence, sans chercher Ă  trop appuyer chaque Ă©motion. L’humour n’est donc pas omniprĂ©sent. La chute permet de donner un sens au livre, traitant du rapport entre force et intelligence dans l’évolution. L’épilogue, faisant intervenir des humains bien plus tard, est rĂ©ussi mais finalement anecdotique. Son intĂ©rĂȘt est finalement assez limitĂ©.

Pour faire fonctionner un livre muet, il faut que le dessin soit expressif. C’est le cas. Winshluss possĂšde un trait un peu crado, mais trĂšs riche. Certaines pleines pages sont simplement splendides. La narration est maĂźtrisĂ©e et permet au lecteur de suivre sans peine l’histoire. Cependant, certaines cases manquent un peu de lisibilitĂ© par moment. Il est nĂ©cessaire de ne pas chercher Ă  lire le livre trop vite, mais d’adopter un rythme de croisiĂšre tranquille pour pleinement profiter des dessins de l’auteur.

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Avec cet ouvrage, Winshluss parvient Ă  nous tenir en haleine sans un mot. DotĂ© d’un dessin personnel, fouillĂ© et inventif, il se relit avec plaisir afin de mieux saisir les nuances de l’épopĂ©e de ce « Smart monkey ». Une rĂ©ussite !

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Note : 16/20

Vitesse Moderne – Blutch

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Titre : Vitesse Moderne
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Octobre 2008


 « Vitesse moderne » est un one-shot de 80 pages dessinĂ© et scĂ©narisĂ© par Blutch. J’ai dĂ©couvert cet auteur par « Le Petit Christian » tout d’abord, puis par « Peplum ». « Vitesse moderne » marque avant tout par sa couleur omniprĂ©sente qui rend l’ouvrage beaucoup moins noir que « Peplum », du moins au premier abord.

Quand Lola sort de son cours de danse, elle est abordĂ©e par RenĂ©e, qui se dit Ă©crivain. Cette derniĂšre lui propose de la suivre et d’écrire sur sa vie. En effet, RenĂ©e est fascinĂ©e par Lola qu’elle observe danser par la fenĂȘtre de son appartement. On devine tout de suite que cette relation va vite poser des soucis, car les deux jeunes femmes ne se connaissent pas.

Une plongĂ©e dans les angoisses et les fantasmes de l’ĂȘtre humain moderne.

Alors que l’on croit lire une bande-dessinĂ©e tout Ă  fait classique, l’ensemble est finalement onirique (voire mĂȘme plutĂŽt cauchemardesque). C’est une plongĂ©e dans les angoisses et les fantasmes de l’ĂȘtre humain moderne. L’homme est d’ailleurs source d’angoisse permanent pour Lola, que ce soit son voisin amoureux ou son pĂšre version vieux pervers. Lola semble ĂȘtre une bĂȘte traquĂ©e en permanence, essayant de donner de la consistance et de la rĂ©alitĂ© Ă  ce qui n’est finalement qu’un rĂȘve. En cela, l’ouvrage a un cĂŽtĂ© kafkaĂŻen, Lola semblant ĂȘtre piĂ©gĂ© dans un monde apparemment logique qu’elle ne comprend pas.

Blutch prend un malin plaisir Ă  nous dĂ©router dans cet ouvrage. On ne sait jamais trop oĂč l’on est. L’histoire devient rĂ©elle, puis bascule dans une forme de cauchemar par moments, redevient plus rĂ©aliste
 De nombreuses incohĂ©rences temporelles et spatiales s’accumulent, parfois mĂȘme expliquĂ©es (le pĂšre a une garçonniĂšre en face de l’appartement de RenĂ©e par exemple). Tout cela dĂ©route le lecteur sans jamais le perdre pour autant. En cela, Blutch manie son rĂ©cit avec maestria. A aucun moment, on ne perd le fil et les incohĂ©rences inhĂ©rentes au rĂȘve sont traitĂ©es sans excĂšs.

Au niveau du dessin, Blutch manie un trait tout en hachures. Cependant, l’emploi de couleurs a tendance Ă  rendre son dessin moins expressif et fort que dans le passĂ©. Cela le rend par contre beaucoup plus accessible Ă  mon sens. En revanche, la couleur est maniĂ©e avec talent et participe fortement Ă  l’ambiance particuliĂšre de ce « Vitesse moderne » (notamment la robe rouge de Lola qui dĂ©note avec l’ensemble dans nombre de pages).

Une attention toute particuliĂšre a Ă©tĂ© apportĂ©e au dessin des corps. C’est d’autant plus flagrant lorsque l’on voit danser Lola dans les premiĂšres pages. Ils sont remarquablement bien rendus. De mĂȘme, Lola a une expression sans cesse apeurĂ©e qui participe Ă  l’ambiance du livre.

Au final ce « Vitesse Moderne » est une bande-dessinĂ©e des plus rĂ©ussie. Le trait assurĂ© de Blutch transporte le lecteur dans une histoire torturĂ©e et intrigante, mais toujours passionnante. L’utilisation de la couleur est pertinente et renforce la sensualitĂ© du propos, entre angoisse et fantasmes. A lire.

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Note : 18/20

Le Petit Christian, T2 – Blutch

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Titre : Le Petit Christian, T2
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Octobre 2008


AprĂšs avoir relatĂ© son enfance dans le premier tome de « Le Petit Christian », Blutch remet le couvert pour aborder le thĂšme de l’adolescence. Plus prĂ©cisĂ©ment, on dĂ©marre ici avec l’entrĂ©e en 6Ăšme de Christian jusqu’à son passage en 3Ăšme. On a va ainsi le voir Ă©voluer du petit garçon qu’il Ă©tait jusqu’à un grand ado tĂ©nĂ©breux et rĂąleur. Comme il part dans un collĂšge privĂ© de Strasbourg, on ne retrouvera pas les personnages rĂ©currents du premier tome.

Le fil rouge de cette BD s’appelle Catie Borie. C’est la fille d’amis de la famille et elle a le mĂȘme Ăąge que Christian. Il en est fou amoureux, mais 1000 km les sĂ©pare. En s’intĂ©ressant Ă  une fille, Christian renie certains principes de son enfance (« quand on est un desperado, on se garde des femmes.») et glisse inexorablement vers d’autres prĂ©occupations bien lĂ©gitimes.

Inventivité et sensibilité

Ce nouveau tome aborde avec beaucoup de sensibilitĂ© et d’inventivitĂ© le thĂšme d’un amour a mi-chemin entre les amours d’enfance (Christian restant trĂšs naĂŻf) et des amours plus adultes. L’éveil des sens du narrateur est bien sĂ»r prĂ©sent, liĂ© Ă  un romantisme extrĂȘme qui le torture jusqu’au dĂ©nouement imprĂ©visible. TĂ©moin, cette scĂšne de traversĂ©e du dĂ©sert oĂč le narrateur se voit pris dans une tempĂȘte de sable reprĂ©sentant les autres filles du collĂšge qui essaient de le dĂ©tourner de sa Catie
 Et Christian ne vit que pour les lettres qu’il reçoit de sa bien-aimĂ©e


Une nouvelle fois, l’intervention de personnages de fiction apporte beaucoup Ă  l’ensemble. Christian a un dieu : Steve Mac Queen, qu’il prie avant les contrĂŽles
 De mĂȘme, les rĂ©fĂ©rences Ă  la BD ou au cinĂ©ma sont lĂ©gions. La traversĂ©e du dĂ©sert est une rĂ©fĂ©rence Ă©vidente Ă  « Tintin au pays de l’or noir ». De mĂȘme les stars du cinĂ©ma ont encore une place importante et toujours en situation (« Oh ! Marlon Brando dans un tango Ă  Paris.»). Petite nouveautĂ©, Christian parle aussi Ă  son double enfant, dĂ©guisĂ© en cowboy. Le dialogue avec son double montre la premiĂšre mutation de Christian, de par l’apparition de son amour pour Catie Borie. Son dialogue avec Marlon Brando en fin d’ouvrage montre sa deuxiĂšme mutation (je vous laisse dĂ©couvrir pourquoi). Les apparitions de ces personnages et les rĂ©fĂ©rences constantes aux mondes du cinĂ©ma et de la bande-dessinĂ©e sont clairement le pivot de cet ouvrage. Il montre combien ils ont une influence majeure sur l’imagination des enfants et des adolescents et combien ils forgent la personnalitĂ© par leurs propos.

On retrouve le dessin de Blutch tout en hachures. Petite nouveauté : de la couleur a Ă©tĂ© ajoutĂ©e. En effet, l’auteur ajoute des touches de rouge et de rose afin de densifier son dessin. Le tout est assez rĂ©ussi, mĂȘme si ça a un coĂ»t : le deuxiĂšme tome de « Le Petit Christian » est 4 euros plus cher.

Sous un aspect faussement naĂŻf (le personnage de Christian a un dessin assez simple), Blutch marque une fois de plus de son talent cet ouvrage. Ainsi, le dessin trĂšs rĂ©aliste des personnages cĂ©lĂšbres marque un contraste toujours intĂ©ressant avec le reste des personnages. De mĂȘme, la scĂšne oĂč Christian part pour la premiĂšre fois au collĂšge est saisissante. S’imaginant dans une prison, l’auteur applique un style noir et inquiĂ©tant qui tranche avec le reste de l’ouvrage.

J’ai une nouvelle fois Ă©tĂ© saisi par le talent de Blutch dans la suite de son autobiographie. Son inventivitĂ© pour raconter ces moments de la jeunesse est incroyable. En utilisant de nombreuses rĂ©fĂ©rences extĂ©rieures, il parvient Ă  crĂ©er une connivence avec le lecteur. La scĂšne du dĂ©sert est simplement Ă  mourir de rire, mais est Ă©galement pleine de vĂ©ritĂ© sur l’adolescence. En dĂ©tournant les codes propres Ă  ce genre de rĂ©cit (les premiers amours, les dĂ©buts au collĂšge
), Blutch parvient Ă  nous surprendre sur un sujet pourtant maintes fois abordĂ©s. Une rĂ©fĂ©rence !

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Note : 19/20

Le Petit Christian – Blutch

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Titre : Le Petit Christian
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Mars 2003


 AprĂšs avoir marquĂ© de son empreinte la bande-dessinĂ©e avec des Ɠuvres telles que « Blotch » ou « Peplum », Blutch s’attaque Ă  l’autobiographie avec « Le Petit Christian ». Ou plutĂŽt, c’est ce que l’on est en droit de croire. Car Blutch nie l’aspect autobiographique de cet ouvrage bien que le personnage ait le mĂȘme prĂ©nom et soit alsacien
 Quoiqu’il en soit, on suit Christian, un jeune garçon, dans sa vie d’enfant.

La BD enfantine n’est pas nouvelle. On peut citer « Le petit Spirou »,« CĂ©dric », « Boule et Bill » ou plus rĂ©cemment « Titeuf » pour s’en convaincre. Difficile alors de se dĂ©marquer. Blutch le fait sans peine en adoptant un ton rĂ©solument rĂ©tro qui ne pourra simplement pas parler Ă  des enfants. En s’adressant clairement Ă  des adultes (ne serait-ce que par l’absence de couleurs), Blutch Ă©vite l’écueil de faire une nouvelle BD de plus sur l’enfance.

Télévision & bande-dessinée

La vision de l’enfance de Blutch est toujours liĂ© Ă  deux mĂ©dias essentiels Ă  l’époque : la tĂ©lĂ©vision et la bande-dessinĂ©e. Le tout se passant il y a quelques dĂ©cennies en arriĂšre (on retrouve des rĂ©fĂ©rences Ă  Steve Mac Queen, Rahan ou Placid et Muzo !), ces deux Ă©lĂ©ments sont traitĂ©s de façon complĂštement diffĂ©rents et contribue Ă  la nostalgie du lecteur (ou l’étonnement pour les plus jeunes d’entre nous). En effet, on parle d’une Ă©poque oĂč les enfants sont obligĂ©s d’aller se coucher tĂŽt (sans regarder la tĂ©lé !), ou les BD paraissaient avant tout sur magazine et Ă©taient censurĂ©es par les parents. Ainsi, son personnage passe son temps Ă  se projeter sur ses personnages. La plupart du temps, il se transforme en eux, soit il converse avec eux. Si le procĂ©dĂ© n’est pas nouveau, il est trĂšs rĂ©ussi ici.

La grande rĂ©ussite de Blutch est sans conteste l’écart qu’il crĂ©e entre les adultes et les enfants. Quand les enfants parlent entre eux, ils sont enthousiastes, bavards, ça gueule, ça crie
 Mais dans leurs rapports aux adultes, c’est trĂšs diffĂ©rents. Les parents, les profs, le curĂ© sont tout puissants, souvent durs et sĂ©vĂšres et font partie d’un autre monde. Ce temps est clairement rĂ©volu car de nous jours l’enfant est roi. En cela, l’ouvrage prend d’autant plus de sens. Cette distanciation est accentuĂ©e par le dessin. LĂ  oĂč les adultes sont reprĂ©sentĂ©s de façon rĂ©aliste (et grave), les enfants sont dessinĂ©es dans un style naĂŻf. L’écart paraĂźt ainsi encore plus grand. Le dessin est tout en hachures et en noir et blanc. Le dessin des acteurs est particuliĂšrement soignĂ© et toujours en situation (John Wayne en militaire, Steve Mac Queen en cowboy
), ce qui ajoute au cĂŽtĂ© dĂ©calĂ© de l’enfance.

« Le Petit Christian » est une ode Ă  l’enfance et Ă  son imaginaire. Son cĂŽtĂ© dĂ©suet renforce d’autant plus son propos. A cette Ă©poque, lire « Rahan » Ă©tait interdit par les parents (parce qu’il y a des morts et des amazones peu habillĂ©es). On est bien loin de la pornographie et des images violentes auxquelles sont tĂ©moins les enfants aujourd’hui. En adoptant clairement une vision adulte et tendre de l’enfance, Blutch tape juste. A lire d’urgence !

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Note : 17/20