C’est du propre ! – Zelba

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Titre : C’est du propre !
Scénariste : Zelba
Dessinatrice : Zelba
Parution : Juin 2011


Zelba est une illustratrice allemande qui s’est lancée dans la bande-dessinée. « C’est du propre » est un ouvrage autobiographique narrant de multiples anecdotes de l’auteure, qu’elles soient actuelles ou passées. Le tout est publié aux Editions Jarjilles et pèse 160 pages.

Ce qui marque tout de suite à la lecture de l’ouvrage, c’est la part très importante donnée à la narration. La quantité de texte est importante, expliquant les faits dans les détails, l’image servant avant tout à l’illustrer le propos et à intégrer les dialogues. Ainsi, on a parfois l’impression de lire une histoire dessinée, ce qui n’est pas désagréable en soit. On se rapproche donc du roman graphique.

Dans l’intimitĂ© de l’auteure.

Les anecdotes sont très souvent fouillées et s’étalent sur plusieurs mois. Zelba ne laisse rien au hasard dans sa narration, comme si elle avait peur que le lecteur n’ait pas tous les éléments en mains pour comprendre. Cela densifie le propos et implique d’autant le lecteur qui a l’impression de vraiment toucher à l’intimité de l’auteure. En effet, Zelba parvient à créer un lien spécial avec son lectorat, avec à la fois des histoires émouvantes et pleines de sensibilité, comme avec des traits d’humour. Cet équilibré, peu évident à trouver, est le gros point fort du livre.

Outre les histoires plus longues et détaillées, riches en narration, on retrouve des anecdotes plus rapides, basées avant tout sur l’humour et sur les enfants de l’auteure. Leurs remarques drôles, leurs comportements étranges suffisent à nous faire sourire.

Le trait de Zelba se reconnaît très vite. Il est axé essentiellement sur les personnages. Les attitudes sont variées et toujours bien rendues. Le tout est rehaussé de gris au crayon, ce qui va très bien avec le trait de l’auteure. Les cases ici ne sont pas fermées, une liberté que Zelba exploite, variant les constructions de planches plus souvent qu’il n’y parait.

En conclusion, j’ai été séduit par cet ouvrage. L’équilibre en émotion et rires est parfaitement maîtrisé. L’auteure possède une capacité à créer un lien avec son lecteur qui, s’il vous prend, ne vous lâchera plus.

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Note : 16/20

Punk rock Jesus – Sean Murphy

PunkRockJesus


Titre : Punk rock Jesus
Scénariste : Sean Murphy
Dessinateur : Sean Murphy
Parution : Septembre 2013


J’avais lu beaucoup de bien de « Punk rock Jesus » et c’est avec joie que j’ai pu me le procurer dans ma bibliothèque. Il faut dire que le titre est particulièrement accrocheur (voir racoleur, puisqu’il ne correspond que peu au contenu de l’album) et la couverture, toute en noir et blanc, puissante. Le tout est dessiné et scénarisé par Sean Murphy, dans la tradition du comics indépendant. Le tout est publié chez Urban Comics pour plus de deux cents pages de lecture.

Le pitch de cet ouvrage est le suivant : une société de production télévisuelle crée un (supposé ?) clone de Jesus Christ à partir d’ADN prélevé sur le Saint Suaire. Elle construit une émission de téléréalité, baptisé J2, autour de cette naissance et de ce nouveau messie. Ce dernier est isolé sur une île en compagnie de sa mère, de la scientifique qui a permis sa naissance et d’un garde du corps ancien de l’IRA.

Religion, puritanisme & punk rock

PunkRockJesus2Sean Murphy s’attaque essentiellement à trois sujets : le premier est une critique de la religion et du fondamentalisme. Plus précisément, il attaque les évangélistes américains. Sa deuxième victime est donc le puritanisme américain, que Chris (et pas Jesus !) fera exploser en chantant dans un groupe de punk rock. Enfin, le dernier thème est bien évidemment la téléréalité en tant que tel, avec isolement des personnes et toute puissance de la production sur leurs vies.

Si les sujets de ce comics sont des plus intéressants, le traitement laisse à désirer. Le tout est souvent manichéen (seul le personnage Thomas possède une vraie profondeur) et excessif. Ainsi, la société de production est isolée sur une île où elle contrôle tout, les fondamentalistes chrétiens font des actions commandos… Bref, c’est une analyse proche de la crise d’adolescence que fait Chris pendant la BD. Il se rebelle et rejette tout, sans analyse vraiment poussée. Si bien qu’on est un peu déçu devant le traitement de l’histoire. Surtout, le passage de Chris dans le punk rock paraît complètement forcé et est amené par : « Thomas a laissé des disques de punk, tiens je vais les écouter. »

Ainsi, le message est trop appuyé, soit par les discours, soit par une violence excessive. De même, la durée du bouquin est inutile. On finit par s’ennuyer un peu devant les multiples tentatives d’évasion de la prison. Une impression de redondance s’installe et, au final, en fermant l’ouvrage, on reste sur un goût d’inachevé. Malgré tout, le livre réserve son lot de surprise et de coups de théâtre. Dommage que cela ne soit pas amené de façon plus subtil, encore une fois. Finalement, l’ouvrage vaut pour son personne de Thomas, le garde du corps. On ouvrait d’ailleurs le livre sur lui. Son histoire nous est pleinement racontée, en commençant par son enfance et sa jeunesse à l’IRA. Du coup, ses réactions sont moins prévisibles et ses ressentis bien plus intéressants. Spectateur avant tout de l’expérience, il en deviendra un acteur essentiel par la force des choses.

Au niveau graphique, Sean Murphy impressionne par son dessin en noir et blanc magnifique. C’est expressif, bourré d’influences diverses et variées et c’est maîtrisé de bout en bout. C’est vraiment le gros point fort du bouquin. Les cases sont souvent chargées, mais dans les scènes d’action, les planches font preuve d’un dynamisme incroyable. Bref, c’est beau et stylisé !

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« Punk rock Jesus » m’a vraiment laissé sur ma faim. Le pitch de démarre en fait immanquablement un ouvrage intéressant, mais le traitement ne m’a pas paru à la hauteur. Trop centré sur les Etats-Unis d’Amérique (présenté comme LE pays chrétien par excellence), il se perd un peu à enlever le caractère éminemment universel d’un nouveau Messie. Dommage.

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Note : 11/20

 

L’atelier Mastodonte – Lewis Trondheim, Yoann, Cyril Pedrosa, Alfred, Julien Neel, TĂ©bo & Guillaume Bianco

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Titre : L’atelier Mastodonte
Scénaristes : Alfred, Guillaume Bianco, Julien Neel, Cyril Pedrosa, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Dessinateurs : Alfred, Guillaume Bianco, Julien Neel, Cyril Pedrosa, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Parution : Juin 2013


Lorsque je tombe sur un ouvrage de Lewis Trondheim, je suis bien incapable de résister à la pulsion de l’achat. Alors lorsqu’il s’associe à d’autres auteurs que j’apprécie (Neel, Bianco, Yoann, Alfred…), il m’est impossible de ne pas passer à la caisse… « L’atelier Mastodonte » raconte le quotidien de quelques auteurs de bande-dessinée réunis en atelier. Ils dessinent tous des strips sur les anecdotes de l’atelier. Ainsi, il n’est pas rare qu’ils se répondent… Publiés dans le journal de Spirou, ceux-ci se voient regroupés dans un ouvrage au format paysage de belle facture. L’écrin est même dessiné par Bilal… Mais alors que donne cet ouvrage réunissant une véritable dream team de la BD ?

Tout démarre par la volonté de Trondheim d’ouvrir un atelier. Les premiers strips font donc part de cette envie et nous présente les auteurs. Ainsi, Guillaume Bianco est intimidé par Lewis Trondheim, Julien Neel se balade avec une marionnette, Cyril Pedrosa souhaite que les auteurs se syndiquent… Et rapidement s’instaure ce qui fera la force de l’ouvrage : la réponse du berger à la bergère ! Ainsi, lorsqu’un auteur se moque d’un autre dans son strip, celui-ci lui répond dans le strip suivant. Cela instaure une vraie dynamique. Il me semble d’ailleurs que dans le journal de Spirou, les strips étaient publiés par deux sur une page. Ceux-ci font chacun une demi-page de huit cases.

Une vraie diversité dans les humours.

La diversité des humours fait la force de l’ouvrage. Même si chacun sera plus ou moins sensible à tel ou tel auteur, globalement il y a une ligne directrice qui se dégage. Comme les auteurs se répondent, on reste souvent dans les mêmes humours au final. Et après des débuts plus classiques, les délires se développent et chaque personnage prend une ampleur intéressante, car son caractère est vu par différents auteurs. Et l’atelier parvient à dégager de vrais délires collectifs (on pense au collectionneur par exemple) qui donne l’impression d’une vraie cohésion de groupe.

L’autre intérêt est évidemment la diversité des graphismes. Tout est assez différent puisque l’on passe de dessins d’humains à de l’animalier… Là encore, c’est un plaisir de découvrir les différentes visions de chacun. Pour ma part, j’aime beaucoup les styles graphiques de beaucoup d’auteurs de cet ouvrage. On notera que de nombreux guests viennent enrichir l’ensemble et pas des moindres : Bouzard, Buchet, Delaf, Feroumont, Frantico, Keramidas, Libon, Nob, Plessix, Sapin, Stan & Vince et Vivès. Rien que ça !

Cet « Atelier Mastodonte » est une véritable réussite. Voilà un exemple à suivre en termes d’ouvrage collectif. Tout est entremêlé et c’est cela qui fait toute la force de ce livre. Plein d’humours différents, du scatologique au plus subtil, il est aussi une source de blagues sur les auteurs et leurs différences. A lire absolument.

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Note : 16/20

Top BD des blogueurs – FĂ©vrier 2015

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FÉVRIER 2015

Le Top BD des blogueurs est un collectif rassemblant des blogs de critiques de bande-dessinĂ©es. Dès qu’un titre possède au moins trois notes, il entre dans le top. Vous pouvez dĂ©couvrir chaque mois les cinquante titres les mieux notĂ©s.

1- (=) Yossel, 19 avril 1943       19
Joe Kubert, Delcourt

2- (=) Les Ogres-dieux tome 1- Petit    18.83

Hubert, Bertrang Gatignol, Soleil
Jiro Taniguchi, Casterman
4- (=) Ceux qui me restent  18.66
Damien Marie, Laurent Bonneau, Bamboo
5- (=) Asterios Polyp     18.65
David Mazzuchelli, Casterman
6- (=) Persépolis    18.64
Marjanne Satrapi, L’Association
7- (=) NonNonBâ         18.5
Shigeru Mizuki, Cornélius
8- (+) Un ocĂ©an d’amour       18.5
Wilfrid Lupano, Grégory Panaccione, Delcourt
9- (=) Maus        18.49
Art Spiegelmann, Flammarion
10- (=) Le pouvoir des Innocents Cycle 2- Car l’enfer est ici   18.39
Je vous invite Ă  lire la suite sur Les Chroniques de l’invisible.

Le loup des mers – Riff Reb’s

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Titre : Le loup des mers
ScĂ©nariste : Riff Reb’s
Dessinateur : Riff Reb’s
Parution : Novembre 2012


Les récits de piraterie ont toujours exercé une forme de fascination auprès du lectorat. La rudesse des hommes, la nature impitoyable et la mer, à perte de vue. Ainsi, alors que le sujet avait poussé Jack London à écrire un roman sur le sujet, Riff Reb’s s’empare de l’histoire de ce dernier pour la mettre en images. N’ayant pas lu le roman dont il est question, je me garderai de toute comparaison. Le livre, présenté sous un format comics, pèse pas moins de 130 pages et est publiée dans la collection Noctambule aux éditions Soleil.

L’histoire commence alors que Humphrey Van Weyden prend le bateau pour rejoindre l’un des ses amis. L’homme est un gentleman, critique littéraire de métier. Seulement, le voyage tourne court suite à une mauvais grain entraînant un naufrage dramatique pour l’homme. Ce dernier est recueilli alors par Loup Larsen, un pirate qui enrôle l’homme de force comme mousse.

Un lien fait de haine et de fascination.

On suit alors la survie d’Humphrey à bord du navire. Là-dessus, rien de nouveau sous les tropiques. D’abord trop fragile, il va finir par s’aguerrir, se faire des alliés et monter dans la hiérarchie. Son côté intellectuel plaît à Loup Larsen qui, sous ses dehors cruels, possède une culture des plus impressionnantes. Un lien se crée entre les deux hommes, fait de haine et de fascination. Clairement, c’est là-dessus que le livre propose toute sa force. Le sujet est traité avec subtilité. Les changements d’attitude des personnages entre eux sont finement amenés, jusqu’au bout de l’aventure.

LeLoupDesMers2Cependant, outre les relations humaines, on est pris d’empathie pour Humphrey et le véritable suspense de l’ouvrage est ici : pourra-t-il se soustraire de Loup Larsen ? Une quête qui paraît impossible tant le capitaine possède un côté surnaturel exacerbé par son charisme. Si bien que le lecteur tombe aussi sous le charme de ce personnage fort et atypique.

La construction de l’ouvrage est basé essentiellement sur une narration omniprésente qui cite, je le suppose, des passages du livre. On lit donc l’histoire racontée par Humphrey. Le livre est constitué de dix-sept chapitres agencés chronologiquement.

Graphiquement, Riff Reb’s frappe très fort. Mélange de différentes techniques, son graphisme est simplement splendide. Outre ses personnages, aux attitudes fortes, c’est dans la représentation de la mer qu’il explose littéralement. Plus les scènes semblent difficiles à dessiner, plus elles sont réussies. Les tempêtes sont ainsi magistralement rendues. Le tout est colorisé de façon monochrome, chaque chapitre possédant sa propre couleur. Un choix payant tant l’ouvrage est fort sur ce point-là. Outre la dureté du propos, Riff Reb’s accentue le tout avec un dessin à la fois personnel et puissant. Du grand art.

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Si le sujet du « Loup des mers » n’est pas vraiment original, il faut avouer qu’il est traité ici avec beaucoup d’intensité. Doté d’une narration fluide et d’un graphisme splendide, on dévore ce livre de la première à la dernière page, se prenant régulièrement des claques devant le talent de l’auteur. A lire absolument !

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Note : 18/20

Hommes Ă  la mer – Riff Rebs

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Titre : Hommes Ă  la mer
ScĂ©nariste : Riff Reb’s
Dessinateur : Riff Reb’s
Parution : Octobre 2014


Riffs Reb’s a frappé fort avec ses adaptations littéraires maritimes « A bord de l’étoile matutine » et « Le loup des mers ». Le voilà qui referme ce triptyque avec « Hommes à la mer ». Ce n’est pas un roman qui est cette fois adapté, mais huit nouvelles. On y voit passer Edgar Allan Poe, Robert Louis Stevenson, Jack London, Pierre Mac Orlan… Le tout est publié chez Soleil, dans la collection Noctambule pour plus de 100 pages.

Le fait de choisir des nouvelles d’auteurs différents est à la fois un défaut et une qualité. Ainsi, les styles sont très différents, aussi bien au niveau littéraire (que l’on retrouve dans les narrations) que dans les sujets (même si la mer reste évidemment le dénominateur commun). Du coup, le lecteur est un peu remué entre nouvelles fantastiques, d’humour noir ou tragiques. Même chose pour les ambiances qui nous font passer du Pôle Sud aux Caraïbes en passant par les côtes norvégiennes.

Une diversité des thèmes maritimes.

HommesALaMer1Cette diversité permet au lecteur de profiter de différentes facettes du récit de la mer. Ainsi, certaines nouvelles font la part belle aux dialogues et au vocabulaire des marins. D’autres ne sont faits que d’une narration accompagnant les dessins de l’auteur. Ainsi, immanquablement, le lecteur sera transporté par certains passages et beaucoup plus indifférent à d’autres. Ce manque de cohérence (et non de qualité) est dommageable.

Au-delà de ces réserves, on retrouve tout le talent de l’auteur. Graphiquement, c’est splendide. Impossible de rester indifférent devant ces planches où les éléments se déchaînent. Riff Reb’s excelle aussi bien dans les décors de côtes déchirés, dans la représentation de la mer en tant que tel que dans les gueules de ses marins. C’est une véritable claque visuelle qui nous est proposé avec un auteur en pleine possession de ses moyens. Les ouvrages de ce triptyque sont parmi les plus impressionnants que j’ai pu lire.

En plus du trait, c’est l’ambiance qui est formidable. Colorisant les cases en monochrome (plus rarement en bichromie), Riffs Reb’s renforce l’atmosphère. Chaque nouvelle possède ainsi sa couleur (comme chaque chapitre possédait sa couleur précédemment). Mais le trait derrière est riche et la mise en scène formidable. Riff Reb’s est bien au-delà de la simple illustration, la variation des plans et la fluidité de l’ensemble sont toujours au rendez-vous.

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« Hommes à la mer » conclue donc ce triptyque marin de haute volée. Moins percutant puisque basé sur plusieurs nouvelles, il n’en reste pas moins intéressant de par la variété des histoires proposées. Si vous avez succombé au charme et à la puissance des histoires maritimes de Riff Reb’s, il n’y a pas à hésiter.

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Note : 15/20

 

Explicite, carnet de tournage – Olivier Milhaud & ClĂ©ment C. Fabre

Explicite


Titre : Explicite, carnet de tournage
Scénariste : Olivier Milhaud
Dessinateur : Clément C. Fabre
Parution : Février 2015


Olivier Milhaud est un ami de John B. Root, réalisateur de films pornographiques. Le voilà un peu dubitatif devant la proposition de ce dernier : jouer dans sa future production ! Certes, ce n’est pas dans des scènes de sexe, mais quand même… Après avoir hésité longtemps, Olivier Milhaud finit par accepter et part dans le sud pour trois jours de tournage où il va découvrir le milieu porno, ses jalousies et son langage cru. Retour de bâton pour John B. Root puisque suite à cette expérience, Olivier Milhaud décide d’en faire un livre, avec la collaboration de Clément C. Fabre au dessin. Comme j’apprécie beaucoup le dessin de ce dernier, il m’était difficile de passer à côté de ce livre ô combien original. Le tout est paru chez Delcourt, dans la collection Mirages pour plus de 120 pages au compteur.

Explicite2« Explicite » est donc un reportage qui n’était pas prévu comme tel. Il ne faut donc pas espérer une grande analyse de fond de comment on tourne un film pornographique. De même, l’auteur n’assiste à aucune scène porno en soit. C’est avant tout la description d’un réalisateur atypique pour le milieu, John B. Root, de ses ambitions et de sa façon de travailler. On y découvre aussi le backstage et c’est ce qui fait tout le sel de l’ouvrage. On ressent parfaitement la gêne d’Olivier Milhaud dans ce milieu, à la fois émoustillé et timide, n’osant trop rien faire ou même regarder. Tout l’inverse des acteurs qu’il croise, dont la pudeur a souvent laissé la place à l’exhibitionnisme. Sans parler du langage bien plus cru que ce dont l’auteur a l’habitude.

Un candide dans le milieu pornographique.

Le livre fonctionne donc avant tout avec son personnage central de candide. Olivier Milhaud découvre le tournage d’un film, le milieu pornographique, les caprices de stars… Il joue donc un rôle parfait pour nous qui apprenons également de tout cela. Et le fait que la bande-dessinée s’échelonne sur trois jours, en un lieu unique, donne un aspect presque théâtral à l’ensemble. Avec beaucoup de choses qui se passent hors champ ! Intelligemment, les auteurs placent toute l’action du point de vue d’Olivier Milhaud. On voit ce qu’il a vu, on entend ce qu’il a entendu : il n’y a aucune projection sur ce qu’il imagine.

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Le tout n’est bien sûr pas dénué d’humour. Outre les clichés qui sont confirmés ou infirmés, de nombreuses situations nous paraissent complètement cocasses. Et que dire d’Olivier Milhaud, complètement en décalage par moment, comme dans cette scène où John B. Root lui demande « mais on dirait que tu as peur de lui ! » et où l’auteur répond « Ben, un peu quand même. » Il faut dire qu’avoir un mec baraqué et tatoué en face, acteur pornographique, ça ne laisse pas indifférent !

Au niveau du dessin, Clément C. Fabre fait des merveilles. J’étais déjà fan de son dessin et de ses couleurs et là il m’a bluffé. Les cases sont détaillées, les décors riches, le dessin dynamique. Quand à sa colorisation à l’aquarelle, elle retranscrit parfaitement l’ambiance du sud ! Son dessin tout en douceur permet d’atténuer aussi la crudité de certains propos et de rendre d’autant plus humain cette expérience. Voilà un dessinateur que j’espère retrouver au plus vite !

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« Explicite » est une bande-dessinée de reportage originale, fortement teintée d’autobiographie. Et ce cela qui fait sa force. Doté d’un ton à la fois cru et bon enfant, les deux auteurs sont au diapason pour parler d’un sujet peu évident avec finalement beaucoup de légèreté. Du beau travail.

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Note : 15/20

 

Charly 9 – Richard GuĂ©rineau

Charly9


Titre : Charly 9
Scénariste : Richard Guérineau
Dessinateur : Richard Guérineau
Parution : Novembre 2013


 Avec « Charly 9 », Jean Teulé a écrit l’un de ses best-sellers. Relatant la culpabilité de Charles IX après avoir ordonné le massacre de la Saint Barthélémy, il permettait de découvrir un roi soumis à sa mère Catherine de Médicis qui se ne remettra jamais de sa décision. Lourde tâche donc pour Richard Guérineau de reprendre le flambeau en adaptant ce livre en bande-dessinée. Le tout est publié chez Delcourt dans la collection Mirages pour 128 pages de lecture.

Charly9aLe tout démarre par une scène qui pose le personnage. Acculé par sa mère, son frère et tous leurs conseillers, Charles IX ordonne le massacre de la Saint Barthélémy. Mais c’est avant tout pour qu’on le laisse tranquille. Car tout est fait pour le manipuler. D’abord choqué par l’idée que l’on assassine une personne, la discussion grandit et le nombre de victimes pressenties également… Lui ne veut pas, toute la cour le veut. Mais il est le Roi et il faut sa signature. Il l’appose et le voilà condamné à la culpabilité.

Des anecdotes à la pelle pour une seule année.

Le livre est construit selon des chapitres qui montrent le Roi peu à peu sombrer dans la folie. Même si l’ensemble manque un peu de fluidité, la pertinence est évidente. Car ce sont les anecdotes qui montrent Charles IX devenir fou et malade. Richard Guérineau va à l’essentiel et malgré les 128 pages, on ne s’ennuie à aucun moment. Chaque planche est nécessaire. On retrouve aussi le sel de l’ouvrage de Teulé avec beaucoup d’anecdotes historiques à ressortir en soirée : l’origine du 1er avril et du 1er mai par exemple sont un délice.

Charly9bAu-delà de l’anecdote, le livre propose une galerie de personnages des plus connus. Outre la cour royale (Catherine de Médicis, la future reine Margot, Charles IX…), on retrouve des artistes (Ronsard) ou des personnalités autres (Ambroise Paré). Il n’en est pas trop fait là-dessus. Cela permet surtout de voir quels liens avaient ces personnes avec le Roi. Plus étonnant, le langage parlé par les personnages est à la fois modernisé et conservé comme à l’époque. Le tout est pourtant très fluide et agréable.

Concernant le dessin, c’est peu de dire que le trait de Richard Guérineau m’a séduit dans cet ouvrage. Je l’avais connu dans un registre plus réaliste et son passage à un dessin plus caricatural est une vraie réussite. Les gueules sont expressives, les décors nous replongent dans la France d’antan et les choix graphiques sont pertinents. On a même droit à un hommage à « Johan et Pirlouit » de Peyo ou à « Lucky Luke » de Morris… Malgré tout, les changements de style (notamment dans la colorisation) sont un peu perturbants. S’ils sont parfois parfaitement cohérents (comme pour la scène finale), d’autres sont moins clairs dans leur intention. Visiblement, Richard Guérineau avait décidé de se faire plaisir ! Mais qu’il nous propose de nouveau des bande-dessinées réalisées dans ce style plus relâché, cela lui va très bien ! On retrouve cependant un vrai talent dans la mise en scène et le découpage. On sent qu’il y a du métier derrière !

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« Charly 9 » est une belle adaptation. Reprenant très bien le principe des œuvres de Jean Teulé, le lecteur restera difficilement indifférent au cynisme et à la violence de l’ensemble. Et bien que Charles IX nous paraisse torturé et plus de culpabilité, il est aussi complètement inconscient et devient fou. Richard Guérineau parvient à nous dresser le portrait complet d’un homme qui mourra de culpabilité. Et pourtant, on ne ressent pas forcément d’empathie pour le personnage.

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Note : 15/20

Le rĂ©vĂ©rend, T1 : Les diables dĂ©chus du Nevada – Lylian & Augustin Lebon

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Titre : Le révérend, T1 : Les diables déchus du Nevada
Scénariste : Lylian
Dessinateur : Augustin Lebon
Parution : Octobre 2012


Les westerns semblent être revenus à la mode ces dernières années. Ainsi, l’année 2012 a vu accoucher d’une nouvelle série, « Le révérend », prévu comme un diptyque chez Emmanuel Proust. Hélas, la revente des éditions a mis le projet en pause. Les dernières nouvelles sont rassurantes. Espérons donc que la suite ne mettra pas trop de temps à paraître (et surtout, qu’elle paraîtra !). L’ensemble est scénarisé par Lylian et dessiné par Augustin Lebon dont c’est la première bande-dessinée.

LeReverend1aAngus est un fils de bonne famille. Lors de la traversée d’un désert du Nevada, en 1870, sa diligence est attaquée. Nous le retrouvons des années plus tard sous le pseudonyme du Révérend, un chasseur de primes impitoyable revenu se venger.

C’est donc une histoire classique de vengeance et de justicier solitaire qui nous est présenté dans ce western. Le classicisme est de mise ici, même si le scénario réserve son lot de surprise : saloon crasseux, diligences attaquées, prostituées, etc. On ressent aussi bien l’influence de « Blueberry » que de « Bouncer » (pour le dyptique façon vengeance). Le tout est suffisamment glauque même s’il manque encore un petit truc pour pleinement nous convaincre de la puissance de l’ouvrage. C’est l’inconvénient du diptyque : sans le tome 2, difficile de se faire vraiment une opinion. Le scénario est bien pensé et à la fin du livre, on sent que l’on a encore beaucoup à découvrir.

Un western pas si classique.

LeReverend1bLes westerns valent souvent le coup de part leurs personnages. C’est peut-être ici que le bât blesse. Le Révérend fait vraiment jeunot, le maître de la ville n’est pas assez graveleux… Certes, ce jeune chasseur de primes permet aussi une originalité, sortant de l’écueil du chasseur de prime à la barbe naissante… Encore une fois, la fin du livre remet aussi un peu en cause ce jugement. Difficile de voir ça comme un point faible du coup.

Au niveau du dessin, Augustin Lebon impressionne. Son trait est beau, fait de grandes cases détaillés et de plans variés. La mise en scène est très travaillée et on prend plaisir à feuilleter le livre de nouveau après lecture pour le simple plaisir d’admirer le dessin. Pour une première bande-dessinée, c’est une vraie réussite et on espère revoir souvent le dessinateur par la suite tant il est prometteur. Il y a déjà beaucoup de maturité dans ses planches.

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« Le Révérend » est une bande-dessinée de grande qualité. Son classicisme est un peu remis en cause par les dernières pages. Il faudra donc lire le deuxième et dernier tome pour se faire une idée précise et définitive sur cette bande-dessinée. En espérant qu’il sorte, car ne pas terminer ce projet serait un crime !

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Note : 15/20

QuĂ©bec Land – Édouard BourrĂ©-Guilbert, Pauline Bardin & Aude Massot

QuebecLand


Titre : Québec Land
Scénaristes : Édouard Bourré-Guilbert & Pauline Bardin
Dessinatrice : Aude Massot
Parution : Juin 2014


 Québec Land est un webcomics qui fut publié sur la plateforme Delitoon. Fort de son succès, il a trouvé preneur chez Sarbacane pour une édition papier de plus de 250 pages ! « Québec Land » narre l’installation d’un couple de français au Québec pour un an. On les accompagne donc dans leur découverte du Canada francophone. Le tout est scénarisé par Édouard Bourré-Guisbert et Pauline Bardin (le couple en question) et mis en dessin par Aude Massot.

Québec Land est construit de façon chronologique. On assiste au départ de France, puis l’arrivée à Québec, puis l’installation, puis la recherche de travail, etc. Cette construction par chapitres était bien pensée pour une publication web (et donc par séquences), c’est moins pertinent ici. Les auteurs ont fait le choix de présenter le tout sous forme d’assemblages d’anecdotes très générales. Ainsi, on ne suit jamais le quotidien du couple et le tout reste très froid. Les personnages sont tellement peu construits que ça pourrait être n’importe qui. Il manque une originalité. A trop vouloir être universel, « Québec Land » manque de personnalité. On en vient à penser à toute la série des « Guides du… ». On a l’impression d’être devant un « Guide du Québec » (le terme est d’ailleurs utilisé en sous-titre). Avec tous les défauts du genre.

Un manque d’approfondissement du contenu et des personnages.

QuebecLand2Ce manque d’empathie envers les personnages empêche donc le livre d’être touchant. Malheureusement, les tentatives d’humour tombent un peu à l’eau. C’est donc vers la découverte du Québec que se placent nos espoirs. Hélas, là aussi ce n’est pas bien palpitant. Car ce que l’on retient au final c’est qu’il y a beaucoup d’écureuil et que l’on tutoie son boulanger. Sinon, il fait froid et il y a des caribous.

La publication web a aussi son impact sur le rythme de l’ensemble. Le format A5 est petit et la forte pagination de l’ensemble cache un peu le manque d’approfondissement de l’ensemble. Car à chaque fin de chapitre, on se dit : « c’est tout ? » Il manque clairement une analyse supplémentaire pour que le livre gagne en intérêt. Tout cela est superficiel et malgré le nombre important de pages, cela se lit très vite. Il suffit de comparer à ce que peut produire Guy Delisle de ses voyages (même si les pays dans lesquels il a vécu sont plus éloignés du notre) pour comprendre combien ce « Québec Land » effleure son sujet.

Le travail d’Aude Massot au dessin est plutôt plaisant et agréable à regarder. Très moderne et bloguesque, il est percutant et sait proposer des décors de Québec et des environs suffisamment travaillés pour que l’on s’y croit. Dommage que la construction pour le web empêche des mises en scène plus poussées et que l’ensemble se limite parfois à la carte postale. C’est difficile de connaître les libertés réelles qu’a eues la dessinatrice sur le projet.

QuebecLand1

Ce « Québec Land » présente donc peu d’intérêt. Trop froid, pas assez drôle, il apporte beaucoup moins d’information qu’un guide classique qui sera plus complet et pas forcément beaucoup moins chaleureux. Indéniablement, le livre plaira à ceux qui rêvent du Québec ou qui se rappelleront avec nostalgie de leur passage là-bas. Pour les autres, passez votre chemin.

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Note : 6/20