Ce livre devrait me permettre de rĂ©soudre le conflit au Proche-Orient, d’avoir mon diplĂŽme, et de trouver une femme, T1 – Sylvain Mazas

CeLivreDevraitMePermettre


Titre : Ce livre devrait me permettre de rĂ©soudre le conflit au Proche-Orient, d’avoir mon diplĂŽme, et de trouver une femme, T1
Scénariste : Sylvain Mazas
Dessinateur : Sylvain Mazas
Parution : Juin 2012


Le point fort de « Ce livre devrait me permettre de rĂ©soudre le conflit au Proche-Orient, d’avoir mon diplĂŽme, et de trouver une femme » est sans conteste son titre ! ComplĂštement dĂ©lirant, il attire l’attention immĂ©diatement. Comme beaucoup de monde, j’ai donc empruntĂ© le livre, voulant savoir ce qui pouvait bien se trouver dans ce curieux objet. Le tout est Ă©crit et dessinĂ© par Sylvain Mazas et publiĂ© chez Vraoum.

Le livre a prĂ©cĂ©demment Ă©tĂ© publiĂ© en Allemagne en 2007. En effet, l’auteur habite alors Ă  Berlin, bien que français (c’est d’ailleurs le cas de son Ă©diteur qui intervient plusieurs fois dans le livre). A l’époque, il part au Liban pour avoir son diplĂŽme, trouver une femme et, donc, rĂ©soudre le conflit au Proche-Orient. Ne vous attendez pas Ă  une bande-dessinĂ©e classique ici, ce n’est pas le cas. Le livre est construit majoritairement sur du texte qui est ensuite illustrĂ© par un dessin et/ou un schĂ©ma. Car l’auteur aime les schĂ©mas. Il le dit lui-mĂȘme et les multiplie Ă  foison. Tout ça pour nous expliquer pourquoi le Proche-Orient va mal alors que ça pourrait aller beaucoup mieux.

Un ton original et personnel.

Ce livre vaut avant tout pour le ton de son auteur qui est original et personnel. Plein de naĂŻvetĂ© et de bon sens, il dĂ©crit des choses complexes avec simplicitĂ©, mĂȘme si le lecteur attentif sera un peu dubitatif devant ses descriptions. Le tout est parsemĂ© d’humour et de passages bien sentis.

DĂ©coupĂ© en chapitres, le livre finit par tourner un peu en rond. Trop de texte, trop de schĂ©mas, on finit par se demander si Sylvain Mazas a tant de choses Ă  raconter. Plus que le fond, c’est la forme qui Ă©tonne dans les premiĂšres pages. Mais au bout d’un moment, on s’en lasse, de mĂȘme que les schĂ©mas nous laissent un peu indiffĂ©rents. C’est marrant au dĂ©but, beaucoup moins aprĂšs. Le livre possĂšde une forte pagination et on sent qu’il aurait pu ĂȘtre condensĂ©.

MalgrĂ© tout, quelques bonnes idĂ©es et gags font mouche. On apprĂ©ciera les interventions de l’éditeur, la recherche de l’amour comme running-gag efficace
 Mais je reste un peu dubitatif dans le fait que ce soit un premier tome tant on a l’impression que l’auteur a fait le tour de la question.

Graphiquement, c’est minimaliste, mais les dessins appuient toujours intelligemment le texte. Il y a un rapport entre les parties texte et dessin qui rythme bien l’ensemble. Le dessin n’est jamais accessoire, il apporte toujours quelque chose Ă  ce qui vient d’ĂȘtre lu.

Je suis passĂ© un peu Ă  cĂŽtĂ© de livre. PlutĂŽt enthousiaste aux premiĂšres pages, le sourire aux lĂšvres, j’ai peu Ă  peu perdu de l’intĂ©rĂȘt pour les schĂ©mas de Sylvain Mazas. Ce qu’il raconte est souvent intĂ©ressant mais trop simpliste pour tenir dans la longueur. Car au milieu d’anecdotes libanaises trĂšs intĂ©ressantes, ses raisonnements pour trouver le bonheur tournent un peu en rond. À essayer quand mĂȘme, car l’originalitĂ© du bouquin ne peut, elle, pas ĂȘtre remise en cause.

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Note : 11/20

Anatomie de l’Ă©ponge – Guillaume Long

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Titre : Anatomie de l’Ă©ponge
Scénariste : Guillaume Long
Dessinateur : Guillaume Long
Parution : Juillet 2006


J’ai connu Guillaume Long avec « À boire et Ă  manger ». C’est ici une Ɠuvre parue bien plus tĂŽt, en 2006, dont il est question : « Anatomie de l’éponge ». C’est un recueil d’histoires courtes qui expliquent (entre autres), les influences de l’auteur. On a donc affaire Ă  une autobiographie oĂč l’autodĂ©rision est le maĂźtre mot. Le tout pĂšse 115 pages et est paru chez Vertige Graphic.

Guillaume Long nous propose une sĂ©rie d’histoires courtes aux thĂšmes variĂ©s. DĂšs la premiĂšre, on sent l’influence (l’hommage ?) Ă  Blutch. Mais c’est surtout Lewis Trondheim (sous le pseudonyme Luis TroĂ«n) qui sera au centre des attentions. AdulĂ© par l’auteur, sa passion pour l’auteur devient un running gag trĂšs efficace au fil des pages.

Un auteur qui se cherche et se trouve.

Au-delĂ  des histoires sur la bande-dessinĂ©e, Guillaume Long diverge et parle aussi de son enfance. On sent un auteur qui se cherche. Graphiquement, on voit une tentative de faire des bande-dessinĂ©es avec un dessin et le texte en-dessous, puis on tĂątonne vers un entre-deux. Cette façon dont l’auteur se cherche dans la narration (et aussi dans l’humour) est des plus intĂ©ressantes. Et on le voit progresser, puisque les derniĂšres histoires font mouche. Plus le livre avance et plus on rit. L’auteur parvient Ă  trouver un ton et un humour qui nous font beaucoup sourire et mĂȘme rire par moment. Au point qu’aprĂšs cet ouvrage, il me paraissait essentiel de m’intĂ©resser Ă  la suite de la production de l’auteur.

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HĂ©las, qui dit recueil dit souvent qualitĂ© inĂ©gale. C’est le cas ici. Certaines histoires laissent un peu froid, lĂ  oĂč d’autres nous transportent. Que dire que cette formidable histoire oĂč Guillaume Long se perd en voiture et va dormir dans un domaine perdu ? L’autodĂ©rision marche Ă  plein rĂ©gime. Si ce n’est pas forcĂ©ment original, Guillaume Long se l’approprie pleinement.

Graphiquement, Guillaume Long a un style qui se reconnaĂźt vite, mais il se cherche ici. Le noir et blanc est de rigueur, bien que parfois relevĂ© de niveaux de gris. On sent des modifications, des essais
 Et le tout est plutĂŽt rĂ©ussi. La maturitĂ© de son style se sent une nouvelle fois et sa façon de dessiner en noir et blanc hachurĂ© est dynamique et vivante. Le trait est simple, mais la gestion des noirs et des volumes est rĂ©flĂ©chie et rĂ©ussie. Bref, un dessin qui paraĂźt simple au tout venant, mais qui vaut le coup d’Ɠil.

Cette « Anatomie de l’éponge » a les dĂ©fauts du recueil. Son cĂŽtĂ© inĂ©gal gĂȘnera Ă  coup sĂ»r. Mais il y a de vraies qualitĂ© tant dans la narration que dans le dessin chez Guillaume Long qui suffisent Ă  lui donner de l’intĂ©rĂȘt. Quand on voit le nombre d’autobiographies insipides qui peuvent fleurirent sur les rayons, ce n’est pas le cas ici. Le livre montre un auteur qui se cherche et, surtout, qui se trouve !

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Note : 14/20

Une annĂ©e au lycĂ©e – Fabrice Erre

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Titre : Une année au lycée
Scénariste : Fabrice Erre
Dessinateur : Fabrice Erre
Parution : Avril 2014


Fabrice Erre est dessinateur de bande-dessinĂ©e. Mais comme nombre de ses collĂšgues, il possĂšde un « vrai » mĂ©tier lui permettant de vivre dignement : enseignant d’histoire-gĂ©ographie en lycĂ©e. ForcĂ©ment, la tentation de raconter son quotidien face aux Ă©lĂšves Ă©tait trop tentant. VoilĂ  qu’il nous propose un ouvrage autobiographique, « Une annĂ©e au lycĂ©e ». Le tout est publiĂ© chez Dargaud et pĂšse pas moins de 153 pages !

L’auteur dĂ©marre donc l’annĂ©e avec la fin des vacances et termine le tout avec le dĂ©but des vacances. On retrouve donc les premiers contacts avec la classe jusqu’au bac. Fabrice Erre a l’avantage d’avoir des secondes, des terminales (qui prĂ©parent le bac) et d’ĂȘtre professeur principal. Cela permet de balayer un large spectre de situations. DĂšs le dĂ©part, l’auteur nous prĂ©vient : oui, tout est romancĂ© (heureusement d’ailleurs). Chaque scĂšne est donc un condensĂ© de vĂ©cu, clairement concentrĂ© pour en amĂ©liorer l’aspect comique.

On sent le vécu !

Fabrice Erre joue la carte de l’autodĂ©rision dĂšs le dĂ©part. Il se dessine bien plus vieux qu’il ne l’est et n’hĂ©site pas Ă  se montrer sous un jour peu reluisant. Et c’est lĂ  oĂč la bande-dessinĂ©e est rĂ©ussie. Erre est un professeur normal : aussi bien il peut avoir des fulgurances pour adapter son cours Ă  ses Ă©lĂšves (et mĂȘme faire preuve d’ouverture dans les discussions), aussi bien il merdouille bien par moments ! L’humour fonctionne trĂšs bien et il n’est pas rare de rire devant les gags et remarques lues. C’est lĂ  oĂč « Une annĂ©e au lycĂ©e » supplante des BDs comme « Les profs ». On sent le vĂ©cu, l’absurde des remarques, les situations qui dĂ©rapent


L’auteur nous propose deux types de scĂšnes. Les premiĂšres sont classiques et montrent le prof avec ses collĂšgues ou les Ă©lĂšves. Les deuxiĂšmes sont des purs dĂ©lires oĂč Erre fait des parallĂšles entre un univers (la guerre par exemple) et l’enseignement. Elles sont globalement aussi rĂ©ussie et cela permet de rythmer l’album qui pourrait paraĂźtre rĂ©pĂ©titif si les scĂšnes de classe s’enchaĂźnaient mĂ©thodiquement.

Au niveau du dessin, c’est quand mĂȘme un peu lĂ©ger. Les dĂ©lires sont plus travaillĂ©s graphiquement mais les scĂšnes de classe sont peu ouvertes Ă  l’expĂ©rimentation graphique. L’auteur se contente de dessiner les personnages, qu’il fait trĂšs expressifs. En soit, ce choix est pertinent car l’auteur se focalise sur les rĂ©actions et les dialogues, qui font l’essence d’une classe. Le tout est colorisĂ© en bichromie (sauf des exceptions lors des dĂ©lires de l’auteur).

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« Une annĂ©e au lycĂ©e » est un ouvrage rĂ©ussi. En utilisant parfaitement les absurditĂ©s du monde du lycĂ©e, Fabrice Erre lui donne de la force par son trait. Quand on voit la tĂȘte du prof, trĂšs satisfait de voir les Ă©lĂšves grĂ©vistes ne pas arriver Ă  faire se calmer une classe, tout est dit ! Un bel ouvrage, forcĂ©ment un peu rĂ©servĂ© Ă  ceux pour qui l’éducation nationale n’est pas qu’un souvenir de jeunesse.

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Note : 16/20

Et pour poursuivre l’expĂ©rience : http://uneanneeaulycee.blog.lemonde.fr/

Et en plus il est gaucher – Ralf König

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Titre : Et en plus il est gaucher
Scénariste : Ralf König
Dessinateur : Ralf König
Parution : Septembre 2006


 Ralf König a créé tout au long de sa carriĂšre une Ɠuvre majeure sur la communautĂ© homosexuelle. Parvenu Ă  la cĂ©lĂ©britĂ©, touchant mĂȘme un lectorat hĂ©tĂ©ro, il a Ă©tĂ© alors beaucoup dĂ©criĂ© aussi bien par les homos (qui l’accusent de les caricaturer, mais aussi de trahir leurs secrets) que par les femmes (qui l’accusent de misogynie aigue). Afin de rĂ©pondre aux questions que l’on peut se poser sur le personnage, il Ă©crit « Et en plus il est gaucher ».

Dans cet ouvrage, König se dessine se faisant interviewer par un certain Bernhard Seifert. Il rĂ©pond alors aux questions de l’homme, racontant aussi bien sa jeunesse que ses complexes, en passant par le milieu homo et ses fantasmes. Il paraĂźt Ă©vident que cette BD est rĂ©servĂ©e avant tout aux adeptes de l’auteur. En effet, certains passages parlent d’autres ouvrages de König et font rĂ©fĂ©rence Ă  certains personnages. De mĂȘme, son obsession pour les torses velus est un grand classique de ses personnages.

Interview et flashbacks.

Le tout est racontĂ© sous la forme d’une interview. Les deux personnages dialoguent, lançant des flashbacks ou des histoires afin d’illustrer ses propos. La derniĂšre histoire, pourtant indĂ©pendante, est ainsi lancĂ©e comme un film Ă  la fin de l’interview. König parvient ainsi Ă  Ă©viter un cĂŽtĂ© purement narratif et autobiographique par ce procĂ©dĂ©. De mĂȘme, cela lui permet d’utiliser au mieux ses talents de dialoguistes.

Loin d’ĂȘtre rĂ©barbative, cette BD est trĂšs drĂŽle. Tout est prĂ©sentĂ© avec beaucoup d’humour et König fait preuve de l’autodĂ©rision indispensable Ă  ce genre d’ouvrage. Il n’hĂ©site pas Ă  se reprĂ©senter bavant devant l’image d’un torse poilu, une Ă©norme Ă©rection sous son jean
 

Le dessin est toujours trĂšs rĂ©ussi, surtout avec le souci posĂ© par l’immobilitĂ© forcĂ©e des personnages pendant l’interview. Tout se passe dans les expressions du visage, dans un noir et blanc toujours maĂźtrisĂ©. L’importante quantitĂ© de textes n’est pas gĂȘnant Ă©tant donnĂ© la grande qualitĂ© de narration de l’auteur. 

La derniĂšre histoire, indĂ©pendante, mĂ©rite un petit mot. « 3 heures et demi » prĂ©sente deux homos amoureux qui se retrouvent pendant trois heures et demi, souhaitant s’accoupler au plus vite. Evidemment, rien ne se passe comme prĂ©vu. TrĂšs crue, cette histoire est Ă  mourir de rire. On est pris d’une vraie empathie avec les personnages que l’on voudrait aider Ă  assouvir enfin leurs envies. Le tout est bien sĂ»r rempli d’hĂ©tĂ©ros insupportables qui gĂȘnent sans cesse les deux hommes. 

« Et en plus il est gaucher » est venu d’une envie de König de s’expliquer suite aux attaques et aux demandes dont il Ă©tait assailli. En cela, le but est atteint, l’auteur n’hĂ©sitant pas Ă  nous faire part de dĂ©tails intimes qui explique beaucoup. Heureusement, le tout est toujours drĂŽle et lĂ©ger, rendant la lecture des plus agrĂ©ables. A rĂ©server aux fans de König.

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Note : 14/20

La Capote qui Tue – Ralf König

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Titre : La Capote qui Tue
Scénariste : Ralf König
Dessinateur : Ralf König
Parution : Mai 1999


Ralf König est un auteur de bandes-dessinĂ©es humoristiques allemand dont les protagonistes sont pour la plupart homosexuels. Dans le recueil « La capote qui tue », on trouve deux histoires : « La capote qui tue » et « le retour de la capote qui tue ». Tout de suite on comprend combien il va falloir faire preuve de second degrĂ© pour avaler la pilule ! Je connaissais dĂ©jĂ  Ralf König par « Les nouveaux mecs » qui tenait plus de l’analyse sociologique des rapports hĂ©tĂ©ro/homo.

Car ici, c’est de sĂ©rie B qu’il s’agit (voire de sĂ©rie Z). C’est complĂštement barrĂ© mais parfaitement assumĂ©. Le tout est prĂ©sentĂ© comme un film, avec nom d’acteurs, de rĂ©alisateur
 Rapidement, on voit que c’est les milieux les plus mal famĂ©s de l’homosexualitĂ© que l’on va explorer. HĂŽtels de passe avec travestis, milieu du cuir
 König ne fait pas dans la dentelle.

On suit l’histoire de MĂ©caroni, un inspecteur homosexuel et un peu rustre sur les bords. Sa particularitĂ© est d’avoir un sexe Ă©norme (40 cm) et d’arriver Ă  se taper Ă  chaque histoire un bel Ă©talon. Son cĂŽtĂ© blasĂ© et homo le met en complet dĂ©calage avec ses collĂšgues qui lui reprochent sa vie de dĂ©bauche. Essentiellement, MĂ©caroni est l’homme qui permet de montrer la vision du monde consensuel sur l’homosexualitĂ©.

Concernant l’histoire, cette capote tueuse apporte un vrai suspense : MĂ©caroni va-t-il se faire manger le sexe aprĂšs s’ĂȘtre fait mangĂ© une premiĂšre couille ? La tension est palpable de bout en bout. La premiĂšre histoire fait appel aux hĂŽtels de passe, la seconde (qui voit le retour de la capote) est encore plus barrĂ©e et part dans des histoires de savants fous. Elle a le mĂ©rite d’expliquer l’existence de cette fameuse capote.

Homo refoulĂ©, bars gay et vie d’hĂ©tĂ©ro chiante Ă  mourir

Remise dans le contexte, il faut signaler que ces histoires sont parues en pleine campagne de prĂ©vention contre le SIDA (premiĂšre publication en 1988 et 1990). C’est donc en pleine peur du sexe et apprentissage du prĂ©servatif que se situe l’intrigue. Il y a donc une forme de message dans cette histoire. Ainsi, un flic dĂ©clare : « Cette putain de campagne anti-SIDA coĂ»te au gouvernement des millions de dollars, rien que pour que les gens mettent des capotes avant de baiser. Maintenant, ils ont tous peur que ces trucs les bouffent !!! » Cela n’est Ă©videmment pas anodin et permet de voir plus loin que la simple sĂ©rie B dans cet ouvrage. On retrouve Ă©galement des thĂšmes rĂ©currents dans les ouvrages de König : l’homosexuel refoulĂ©, les bars gay, la vie de l’hĂ©tĂ©ro chiante Ă  mourir


Le graphisme de König, trĂšs reconnaissable avec ses gros nez, fait mouche. Un soin particulier a Ă©tĂ© apportĂ© aux ambiances pour coller Ă  l’esprit cinĂ©matographique. Les premiĂšres pages sont simplement magnifiques. Les scĂšnes de nuit et de bars sont Ă©galement trĂšs rĂ©ussies. Le tout est dessinĂ© dans un noir et blanc trĂšs maĂźtrisĂ©.

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Je prĂ©fĂšre prĂ©venir que König n’hĂ©site pas Ă  montrer des scĂšnes d’accouplement entre hommes Ă  de multiples reprises. Si certains sont gĂȘnĂ©s par ce genre de choses, mieux vaut Ă©viter « La capote qui tue »qui a tendance Ă  ĂȘtre bien plus explicite que dans d’autres des ouvrages de l’auteur. Si je ne trouve pas ça particuliĂšrement choquant (ce n’est pas trash en soit), cela dĂ©pend de la sensibilitĂ© de chacun.

« La capote qui tue » est donc une BD complĂštement dĂ©jantĂ©e et menĂ©e avec brio. Il y a un vrai suspense, des personnages secondaires rĂ©ussis, un humour omniprĂ©sent
 Le tout se lit avec plaisir, mĂȘme s’il vaut mieux ne pas lire les deux histoires Ă  la suite, Ă  cause d’une certaine redondance entre elles. A lire d’urgence pour les moins coincĂ©s d’entre vous !

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Note : 15/20

Prototype – Ralf König

Prototype


Titre : Prototype
Scénariste : Ralf König
Dessinateur : Ralf König
Parution : Septembre 2011


Ralf König est un auteur que j’aime beaucoup. SpĂ©cialisĂ© dans la description du milieu gay, l’allemand produit ici « Prototype », sortant de son sujet habituel. Le prototype est Adam, le premier homme. Alors, que donne ce livre hors des sentiers battus ? Ralf König est-il aussi pertinent et drĂŽle lorsqu’il aborde des sujets thĂ©ologiques ?

Le livre s’articule essentiellement sur les dialogues entre Dieu et le serpent Lucky (alias Lucifer). Dieu crĂ©e sa nouvelle crĂ©ature, mais Lucky est plutĂŽt critique dessus, poussant Dieu a de nombreux changements. La suite, on la connaĂźt : Eve, la pomme, l’exil, etc.

Un relecture du mythe sympathique.

prototype2Dans « Prototype », König se moque donc de la crĂ©ation de l’Homme en la prenant au pied de la lettre. Dieu ajoute et supprime des fonctionnalitĂ©s au fur et Ă  mesure. Capricieux et visiblement irascible, notre PĂšre en prend pour son grade
 Comme dans tout livre un tant soit plus blasphĂ©matoire qui se respecte, l’esprit malin paraĂźt bien plus sympathique et plein de bon sens ! Ainsi, la relecture du mythe est finalement assez lĂ©gĂšre, malgrĂ© une grosse entorse Ă  l’histoire officielle sur le fruit dĂ©fendu !

Ralf König base tout son livre sur les dialogues, souvent absurdes au vue de la situation. C’est son point fort et l’ironie inonde les pages de l’ouvrage. Si on sourit souvent, on ne peut constater que le manque d’originalitĂ© de l’ensemble. Les ouvrages reprenant la GĂ©nĂšse sont trĂšs nombreux et force et de constater que celui-ci n’apporte rien de neuf. Reste des dialogues sympathiques et quelques passages bien sentis ! La thĂšse du livre en soit est plus originale, bien qu’un peu tirĂ©e par les cheveux.

Au niveau du dessin, on retrouve le trait tout en rondeur de l’auteur. Le sujet n’apporte pas forcĂ©ment un maestria graphique, mais les expressions des personnages restent un vrai dĂ©lice. On notera des couleurs assez criardes. Est-ce l’impression ou un choix esthĂ©tique ? Difficile de le savoir. En tout cas, Ralf König possĂšde un trait parfaitement adaptĂ© Ă  son propos.

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« Prototype » ne rĂ©volutionne rien. MalgrĂ© tout, la lecture est plaisante et l’humour fait mouche. Une lecture sympathique pour les amateurs de relecture biblique. Ni plus, ni moins.

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Note : 13/20

MĂąle occidental contemporain – François BĂ©gaudeau & ClĂ©ment Oubrerie

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Titre : MĂąle occidental contemporain
Scénariste : François Bégaudeau
Dessinateur : Clément Oubrerie
Parution : Octobre 2013


La bande-dessinĂ©e se dĂ©mocratise. Plus adulte, moins dĂ©criĂ©e, elle attire dĂ©sormais des lecteurs qui n’y auraient pas jetĂ© un seul regard auparavant. Les Ă©diteurs l’ont compris et confient de plus en plus de scĂ©narii Ă  des personnes extĂ©rieures. Ce coup-ci, c’est François BĂ©gaudeau (scĂ©nariste, Ă©crivain, critique, etc.) qui s’y colle avec « MĂąle occidental contemporain », un one-shot de 80 pages. Afin de soutenir l’effort, on retrouve au dessin ClĂ©ment Oubrerie. Le dessinateur m’avait sĂ©duit avec « Jeangot » et a sĂ©duit un plus grand public encore avec la sĂ©rie « Pablo ». Le tout est Ă©ditĂ© chez Delcourt dans la collection Mirage.

Curieux ouvrage que voilĂ . On suit plus ou moins l’histoire d’un jeune homme cherchant Ă  draguer. Mais aucun background n’est donnĂ©, ce n’est qu’une succession de saynĂštes oĂč l’homme se fait Ă©masculer (mĂ©taphoriquement) par des femmes fortes pleines de caractĂšre. Beau retournement de situation oĂč la femme moderne maĂźtrise le mĂąle. De lĂ  Ă  dire que ce retournement est crĂ©dible, il y a un pas que je ne franchirai pas


Manque de rythme, manque de fond…

Retourner les clichĂ©s de la drague pourrait ĂȘtre pertinent s’il y avait un message. Mais ce n’est pas le cas. Notre homme ne suscite aucune empathie. Le voir draguer pour draguer n’a aucun intĂ©rĂȘt. Le scĂ©nario prouve ici sa vacuité : pourquoi drague-t-il ? Que cherche-t-il ? On a l’impression d’ĂȘtre devant des sortes de gags montrant un mec cherchant Ă  draguer par tous les moyens. Et cela ne fonctionne pas. La redondance finit par ennuyer et, finalement, on sourit peu devant les situations, trĂšs inĂ©gales.

MaleOccidentalContemporain1Du coup, l’ensemble manque de rythme et la conclusion n’apportera aucun message supplĂ©mentaire (et donnera mĂȘme une impression encore plus nĂ©gative). Tout est convenu et clichĂ©, un comble ! Car il y a une volontĂ© de montrer que le fĂ©minisme a fait son Ɠuvre ! Le tout est bien Ă©videmment baignĂ© dans un parisianisme de tous les instants. Difficile d’imaginer ce genre de situations autre part qu’à Paris. Plus qu’une Ă©tude du « MĂąle occidental contemporain », le livre est plutĂŽt une Ă©tude des Parisiennes.

Concernant le dessin, ClĂ©ment Oubrerie nous ravie de son trait. A se demander ce qu’il est allĂ© faire dans cette galĂšre
 Je prĂ©fĂšre de loin son trait anthropomorphe, mais force est de constater qu’il relĂšve le niveau sans peine. HĂ©las, avec un ouvrage oĂč il ne se passe pas grand-chose et oĂč le rythme est problĂ©matique, il n’y a pas de miracle non plus.

Il faut croire que les Ă©diteurs pensent que n’importe quel Ă©crivain/scĂ©nariste/journaliste/humoriste peut Ă©crire une bande-dessinĂ©e. C’est nier complĂštement la spĂ©cificitĂ© du scĂ©nario de bande-dessinĂ©e. Les Ă©cueils sont flagrants ici : manque de fond, manque d’empathie, manque de rythme
 Il faudrait arrĂȘter d’essayer de toucher le grand public avec des noms, mais plutĂŽt avec des Ɠuvres de qualitĂ©.   

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Note : 6/20

 

Breakfast after noon

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Titre : Breakfast after noon
Scénariste : Andi Watson
Dessinateur : Andi Watson
Parution : Septembre 2002


Les romans graphiques ont explosĂ© dans les annĂ©es 2000, rĂ©vĂ©lant Ă  la fois des pĂ©pites comme des Ɠuvres sans grand intĂ©rĂȘt. L’allongement de la pagination a permis aux auteurs de s’exprimer plus longuement et de travailler Ă  la psychologie de leurs personnages plus en profondeur. Atteignant prĂšs de 200 pages, « Breakfast after noon » d’Andi Watson saura-t-il titiller l’intĂ©rĂȘt jusqu’au bout de la lecture ? Surtout que c’est le trait au pinceau de l’auteur qui m’a au premier abord attirĂ©. Le tout est publiĂ© chez Casterman dans la collection Ă©critures. Continuer la lecture de « Breakfast after noon »

Les aventures de Lucky Luke, T6 : Les tontons Dalton – Laurent Gerra, Jacques Pessis & AchdĂ©

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Titre : Les aventures de Lucky Luke, T6 : Les tontons Dalton
Scénaristes : Laurent Gerra & Jacques Pessis
Dessinateur : Achdé
Parution : Octobre 2014


Il aura fallu les fĂȘtes de fin d’annĂ©e pour que je me replonge dans un Lucky Luke. Si le cow-boy solitaire a bercĂ© mon enfance, cela fait bien longtemps que je suis passĂ© Ă  des bande-dessinĂ©es plus adultes et ambitieuses. Ici, le scĂ©nario est gĂ©rĂ© par Laurent Gerra et Jacques Pessis, soit un humoriste et un journaliste/Ă©crivain. C’est vrai qu’il serait dommage de considĂ©rer que le scĂ©nario de bande-dessinĂ©e est un mĂ©tier Ă  part entiĂšre
 Ce scĂ©nario est mis en scĂšne et dessinĂ© par AchdĂ©.

Everett Dalton, l’un des cousins Dalton (un des tous premiers Lucky Luke) a survĂ©cu Ă  27 balles de revolver. Il a eu un enfant qui devra ĂȘtre Ă©levĂ© par
 les quatre Dalton dans une ville appelĂ©e Rupin City. Et Lucky Luke devra bien Ă©videmment les surveiller, en compagnie de Rantanplan


Le scĂ©nario est dĂšs le dĂ©part bancal au possible. Il n’y a pas d’aventure possible ici. Et si les tentatives de rĂ©demption des Dalton ont dĂ©jĂ  existĂ©es dans la sĂ©rie, elles Ă©taient bien plus subtiles. Dans « Les tonton Dalton », on s’ennuie ferme. Il ne se passe rien et les Ă©volutions des personnages sont, au choix, proches du nĂ©ant ou soudaines. Ainsi, le petit neveu cumule les tares de Joe et Averell, puis devient super gentil et adore Lucky Luke d’une page Ă  l’autre !

Un vide scénaristique.

Ce vide scĂ©naristique est comblĂ© par des allusions omniprĂ©sentes au film « Les tontons flingueurs ». On retrouve ainsi de nombreux acteurs caricaturĂ©s et les rĂ©pliques cultes. Sans aucun intĂ©rĂȘt ! Se baser sur un film aux rĂ©pliques aussi inspirĂ©es pour Ă©crire des dialogues plats, c’est montrer d’autant plus ses propres difficultĂ©s Ă  accoucher d’un scĂ©nario correct ! Car au-delĂ  du scĂ©nario, c’est la fluiditĂ© de l’ensemble qui ne va pas du tout. Certains jeux de mots sont amenĂ©s Ă  la truelle et cassent le rythme.

Je sais que le dessin d’AchdĂ© est souvent citĂ© comme seul point positif de cet album. Je ne suis pas du tout de cet avis. AchdĂ© singe Morris au point qu’on a l’impression de voir une sombre copie. RĂ©sultat, l’ensemble manque cruellement de personnalitĂ©. C’est voulu, mais Ă  trop vouloir coller Ă  l’auteur original, on perd plus qu’on y gagne. On retrouve mĂȘme les codes couleurs de Morris, qu’il avait dĂ©veloppĂ© pour compenser les problĂšmes d’impression de l’époque (on parle des annĂ©es 40 pour les dĂ©buts
)


« Les tonton Dalton » manque totalement d’inspiration. Il ne se passe rien, les allusions aux « Tontons flingueurs » n’apportent rien et le dessin est aujourd’hui datĂ© et sans intĂ©rĂȘt. Il serait peut-ĂȘtre temps que certains Ă©diteurs comprennent qu’une sĂ©rie n’a d’intĂ©rĂȘt Ă  continuer si longtemps que si elle se renouvelle. Sinon, ils tueront leur poule aux Ɠufs d’or. Lamentable.

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Note : 2/20

Solo, T1 : Les survivants au chaos – Oscar Martin

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Titre : Solo, T1 : Les survivants du chaos
Scénariste : Oscar Martin
Dessinateur : Oscar Martin
Parution : Septembre 2014


Un auteur espagnol venu de l’animation qui fait de la bande-dessinĂ©e
 Cela vous dit quelque chose ? On pense Ă  Guarnido bien sĂ»r. Il faudra dĂ©sormais ajouter le nom d’Oscar Martin. AprĂšs un passage dans le dessin-animĂ©, l’auteur se lance dans la bande-dessinĂ©e. « Solo » est l’une de ses histoires, qui paraĂźt en 2014 chez Delcourt dans la collection Contrebande. Le dessin anthropomorphe rappelle immanquablement Disney, mĂȘme si l’univers en est bien Ă©loigné  Le tout semble ĂȘtre une Ă©dition regroupant deux premiers tomes parus prĂ©cĂ©demment. L’ensemble pĂšse une centaine de pages et se nomme « Les survivants du chaos ».

Solo1d« Solo » s’intĂšgre dans une logique post-apocalyptique. La vie est rude, le gibier est rare tout comme la technologie. Fils aĂźnĂ© d’une famille de rats, Solo dĂ©cide de quitter le foyer pour permettre Ă  ses petits frĂšres et sƓurs de survivre. Son pĂšre a forgĂ© en lui un formidable guerrier prĂȘt Ă  abattre n’importe quelle bestiole, fut-elle trois fois plus grande.

Le monde de « Solo » mĂ©lange de nombreux style. Les factions sont humaines ou animales, voire fantastiques. Il y a relativement peu d’explications sur le monde et l’univers, si ce n’est en version texte dans les derniĂšres pages de l’ouvrage, une fois l’histoire terminĂ©e. Le scĂ©nario se concentre sur l’action et les combats, trĂšs nombreux et, finalement, peu dĂ©crits.

Ultra-violent sans ĂȘtre gore.

« Solo », outre l’action, joue sur l’ambiance. La narration est menĂ©e par le personnage principal. Bien qu’auto-centrĂ©e, elle apporte une empathie vĂ©ritable pour le personnage et son Ă©volution. Car Solo devient ultra-violent et y perd le sens de la vie. L’auteur ne fait cependant pas dans le gore pour tant. MalgrĂ© tout, le scĂ©nario est assez rĂ©pĂ©titif et peu original. Il plaira aux amateurs de mondes violents et dĂ©sespĂ©rĂ©s. L’auteur a cependant posĂ© des jalons qui mĂ©riteraient d’ĂȘtre dĂ©veloppĂ©s dans la suite. « Solo » peut cependant se lire comme un one-shot tant on a l’impression que la boucle est bouclĂ©e Ă  la fin du livre.

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L’ambiance et l’action sont magnifiĂ©es par le dessin splendide de l’auteur. Oscar Martin vient de l’animation et cela se voit. Il n’hĂ©site pas Ă  utiliser des dessins chronophotographiques, dĂ©composant les mouvements de ses personnages. Ses paysages sont du mĂȘme niveau et nous plonge dans l’univers en rien de temps. Les couleurs sont bien pensĂ©es et renforcent d’autant plus l’immersion et l’ambiance. Il est Ă  noter que le dĂ©coupage est parfaitement maĂźtrisĂ©, avec de belles trouvailles graphiques. Du grand art ! Clairement, Oscar Martin a tout pour devenir un grand de la bande-dessinĂ©e.

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MalgrĂ© un scĂ©nario finalement peu original, on se prend au jeu de ce « Solo ». La voix off nous implique et le dessin met magistralement en scĂšne cette histoire. Difficile de rester indiffĂ©rent devant tant de maĂźtrise. Il ne reste plus qu’à espĂ©rer que la suite proposera un scĂ©nario plus touffu. Car aprĂšs cent pages de lecture, on est finalement pas loin d’une fable post-apocalyptique, plus que d’une grande histoire.

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