Titre : La ClĂŽture
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Avril 2009
« 6 pieds sous terre » est une maison dâĂ©dition qui cherche avant tout Ă donner de la libertĂ© aux auteurs. Dans « La clĂŽture », Fabcaro profite de cette libertĂ© pour dĂ©livrer un rĂ©cit complĂštement absurde et expĂ©rimental. Difficile Ă dĂ©finir ce quâest « La clĂŽture ». Avant tout, cet ouvrage dĂ©crit la difficultĂ© pour un auteur (en lâoccurrence, Fabcaro) dâĂ©crire des scĂ©narios quand on est empĂȘtrĂ© dans le quotidien (avec notamment une clĂŽture Ă rĂ©parer).
Pourtant dans les premiĂšres pages, point de prĂ©sence autobiographique de lâauteur. On dĂ©marre le tout sur des personnages fictionnels. TrĂšs intriguĂ© par le dĂ©but de lâhistoire, le lecteur est rapidement rassurĂ© lorsque la compagne de Fabcaro dĂ©clare, en lisant ces mĂȘmes pages : « Mais⊠Câest totalement incohĂ©rent⊠On comprend rien du toutâŠÂ ». Lâauteur dĂ©clare alors quâil est au bord de la dĂ©pression et quâil nâarrive pas Ă scĂ©nariser avec tout ce quâil a Ă faire Ă cĂŽtĂ©âŠ
Les scĂšnes se succĂšdent sans lien apparent entre elles.
Et justement, malgrĂ© tout cela, Fabcaro va pourtant nous scĂ©nariser une histoire entre Sonia et Pierre. La premiĂšre ne rencontre que des losers et voudrait trouver quelquâun. Le second cherche avant tout un emploi mais semble complĂštement incompĂ©tent pour cela. Ils finiront quand bien mĂȘme par se rencontrer aprĂšs de nombreuses pĂ©ripĂ©ties. Laissant libre court Ă son imagination, les scĂšnes se succĂšdent sans lien apparent entre elles.
Au fur et Ă mesure des pages, Fabcaro sâintĂšgre dans sa propre fiction, se mettant alors Ă parler avec ses « acteurs » de ses Ă©tats dâĂąme. Pendant ce temps, lâhistoire continue⊠Cette partie autobiographique, sous une apparence classique, est toujours agrĂ©ablement mise en scĂšne par Fabcaro. Outre le comique absurde de rĂ©pĂ©tition, on retrouve lâauteur devant ses contradictions : faire un ouvrage original au risque dâen « vendre huit ». La panne dâinspiration reste Ă©videmment le principal sujet de lâouvrage, puisquâil est la raison du bordel incroyable quâest « La clĂŽture » : ne sachant quâĂ©crire, Fabcaro fait nâimporte quoi, essayant des choses diverses et variĂ©es. Evidemment, les derniĂšres pages amĂšnent un Ă©claircissement salvateur et « La clĂŽture » prend alors tout son sens.
MalgrĂ© la confusion volontaire du rĂ©cit, on rit beaucoup dans cet ouvrage. Les dialogues, les situations absurdes, le mĂ©lange des genres⊠Fabcaro maĂźtrise son humour si particulier et personnel avec maestria. Quâimporte le personnage ou le lieu, lâauteur parvient Ă nous arracher des rires avec un sens du contre-pied incroyable.
Au niveau du dessin, jâavoue ĂȘtre trĂšs fan du trait de Fabcaro. Ses personnages aux longs cous sont trĂšs expressifs. Mention spĂ©ciale aux silences, parfaitement retranscrits graphiquement, souvent par une rĂ©pĂ©tition maĂźtrisĂ©e et intelligente de la case.
« La ClĂŽture » est une Ćuvre exigeante. La feuilleter dans une librairie ou une bibliothĂšque risque fort de faire hĂ©siter le lecteur. DotĂ© dâun humour efficace et dâune mise en abĂźme originale, cette bande-dessinĂ©e, trĂšs expĂ©rimentale, nâen est pas moins avant tout une vĂ©ritable histoire avec ses personnages, ses retournements de situation. Un monument de lâabsurde.
Note : 18/20