Titre : La cicatrice
Scénariste : Gilles Rochier
Dessinateur : Gilles Rochier
Parution : Mars 2014
Je me rappelle avoir rencontrĂ© Gilles Rochier au Festival dâAngoulĂȘme alors quâil soutenait « TMLP ». AurĂ©olĂ© dâun prix, le voilĂ de retour avec « La cicatrice ». Son prĂ©cĂ©dent livre Ă©tait puissant et teintĂ© dâautobiographie. « La cicatrice » est une fiction sous forme de chronique sociale. On retrouve Denis, un cadre moyen, sur le point de signer un gros contrat. Tout semble aller pour le mieux. Mais Denis se dĂ©couvre une cicatrice. Et impossible de savoir pourquoi il a cette cicatrice⊠Le tout est paru chez 6 pieds sous terre.
En utilisant le fil conducteur de cette cicatrice, Gilles Rochier met le doigt sur le malaise de la classe moyenne. On refait la salle de bain, on signe des contrats, on reçoit la belle-famille, on Ă©coute les plaintes de sa mĂšre⊠Câest surtout un homme entourĂ© mais trĂšs seul qui nous est dĂ©crit. Car Denis tente de parler de son problĂšme Ă tout son entourage, mais personne ne lâĂ©coute rĂ©ellement. Lâhomme sâenferme alors de plus en plus. Et le pire, câest que les autres lui reprochent de ne pas sâĂ©pancher plus fortementâŠ
Un malaise grandissant
Le thĂšme nâest pas nouveau bien Ă©videmment, mais Gilles Rochier parvient Ă mettre une vraie dose de suspense dans cette histoire. La montĂ©e en tension est trĂšs rĂ©ussie et on ressent pleinement le malaise grandissant du personnage principal. Clairement, « TMLP » proposait un univers plus fort car il se passait dans une citĂ©. Dans le milieu des classes moyennes, « La cicatrice » est un livre moins puissant, car les drames y sont moins exotiques.
Câest donc la narration qui prĂ©vaut ici. Gilles Rochier maĂźtrise son tempo et lâimpose au lecteur avec minutie. Denis passe son temps Ă se toucher la cicatrice dĂšs quâil est seul. Cette obsession est parfaitement rendue et parlera Ă tous ceux qui ont dĂ©jĂ eu des phĂ©nomĂšnes soudains et stressants sur leur corps. Cela ressemble Ă un homme hypocondriaque, mais câest bien plus que ça, câest rĂ©vĂ©lateur dâun malaise avant tout psychique. Pour ma part, ce rapport entre la tĂȘte qui ne va pas et le corps qui en est le rĂ©vĂ©lateur mâa parlĂ©.
Concernant le dessin, le trait nerveux et imprĂ©cis de lâauteur ne plaira clairement pas Ă tout le monde. Mais il est trĂšs efficace et au service de la narration. Si les parties muettes parlent dâelles-mĂȘmes, les parties dialoguĂ©es font la part belle aux phylactĂšres. Ces derniers envahissent lâespace, la case, les visages⊠Plus quâune façon de dessiner, cela montre aussi le poids de la parole, et surtout le flot continu de stress qui en dĂ©coule.
Moins puissant de par son sujet que « TMLP », « La cicatrice » demande au lecteur de faire abstraction du prĂ©cĂ©dent ouvrage de Gilles Rochier pour ĂȘtre pleinement apprĂ©ciĂ©. MalgrĂ© un thĂšme dĂ©jĂ souvent traitĂ©, lâauteur y apporte sa touche personnelle avec notamment une montĂ©e de tension trĂšs rĂ©ussie. Gilles Rochier confirme ici les espoirs placĂ©s en lui.
Note : 14/20