Okko, T10 : Le cycle du vide, deuxiĂšme partie

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Titre : Okko, T10 : Le cycle du vide, deuxiÚme partie
Scénariste : Hub
Dessinateur : Hub
Parution : Novembre 2015


« Okko » fait partie de ces rares sĂ©ries qui, au fur et Ă  mesure des tomes, se bonifie. AprĂšs cinq diptyques, il est temps pour Hub de raccrocher et de terminer son histoire. Les premiers cycles avaient vu Okko le ronin faiblir, vieillir et ĂȘtre mutilĂ©. Dans « Le cycle du vide », il prend une retraite bien mĂ©ritĂ©e. C’est l’occasion de revenir sur son passĂ©. Le tout est publiĂ© chez Delcourt.

« Okko » reprend les codes de l’aventure classique. Un groupe disparate d’individu (un dĂ©mon, un ronin, un moine alcoolique et son apprenti) arpente un Japon mĂ©diĂ©val fantastique. En utilisant un flashback pour terminer son Ɠuvre, Hub s’attache Ă  nous expliquer comment ce groupe s’est formĂ©. Okko est donc Ă  la recherche de sa mĂšre. ParallĂšlement, on suit l’histoire de Noshin, comprenant comment il est devenu moine.

Une fin en apothéose.

Okko10aL’inconvĂ©nient majeur de ce cycle est l’absence (presque) totale de Noburo, un personnage ĂŽ combien charismatique ! Cependant, les informations distillĂ©es, le suspense insoutenable et les rĂ©vĂ©lations compensent largement cette perte. Car au-delĂ  de ce cycle passionnant, c’est toute la sĂ©rie qui prend du sens. SitĂŽt fermĂ© ce tome, je me suis relancĂ© dans la lecture complĂšte des cycles prĂ©cĂ©dents, retrouvant les allusions laissĂ©s par Hub prĂ©cĂ©demment (la relecture de la visite des monastĂšres prend ainsi une saveur particuliĂšre
). L’auteur a vraiment pensĂ© sa sĂ©rie comme un tout. Et au-delĂ  de chaque cycle qui possĂ©dait un intĂ©rĂȘt en tant qu’entitĂ© unique, la sĂ©rie prend encore une nouvelle dimension.

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Hub réussit donc le pari de refermer sa série sans laisser de regret à ses lecteurs. On sentait un Okko à bout et on le laisse partir chasser ses démons intérieurs. Les révélations sont puissantes et on ne sort pas déçu de ce cycle qui explique le passé des protagonistes sans renier aux codes de la série : violence, démons et manipulations.

Graphiquement, Hub a beaucoup Ă©voluĂ© dans son dessin les annĂ©es passant, tout en gardant cette identitĂ© forte. Le trait est dynamique et Ă©lĂ©gant, puisant dans diffĂ©rentes sources. La colorisation est encore une fois de grande qualitĂ©, sublimant les ambiances sans ternir le dessin de l’auteur.

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« Okko » se termine et c’est tant mieux. Point d’orgue de la sĂ©rie, ce cycle du vide est riche en action et en Ă©motion. Ainsi, aucune dĂ©ception ne vient ternir cette Ă©popĂ©e qui restera comme l’une des meilleures sĂ©ries de ces derniĂšres annĂ©es. Okko a pris sa retraite et on aura grand plaisir Ă  relire ses aventures. Il n’y a pas eu de cycle de trop et c’est bien le principal !

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note5

Okko, T7 : Le cycle du feu, premiĂšre partie

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Titre : Okko, T7 : Le Cycle du Feu, premiĂšre partie
Scénario : Hub
Dessin : Hub
Parution : Octobre 2011


« Okko » est une sĂ©rie basĂ© sur des cycles Ă©lĂ©mentaires composĂ©s de deux tomes chacun, scĂ©narisĂ©e et dessinĂ©e par Hub. AprĂšs le cycle de l’eau, le cycle de la terre et le cycle de l’air, voici venir le cycle du feu. Premier tome de ce cycle et donc septiĂšme de la sĂ©rie, celui-ci dĂ©marre sur un mariage entre deux familles trĂšs puissantes. Devant l’ampleur du phĂ©nomĂšne (qui pourrait amener un nouvel empereur), les familles font appel Ă  la garde blanche, composĂ©e des cent samouraĂŻs les plus valeureux. Auquel s’ajoute un cent-uniĂšme bien connu : Okko. Bien qu’étant dĂ©shonorĂ© et diminuĂ© (il a perdu une main lors du cycle prĂ©cĂ©dent), ce qui fait de lui un ronin, ses faits d’armes le rendent indispensables. Cependant, notre hĂ©ros sait prendre du recul et Ă©vite de se mĂ©langer avec des pairs qui le renient.

La rĂ©ussite d’ « Okko » tient Ă  plusieurs facteurs. Le japon mĂ©diĂ©val, teintĂ© de fantastique, est Ă  la fois terriblement exotique et sombre. Hub crĂ©e un monde d’hĂ©roĂŻc-fantasy japonais avec ses guerriers, ses nobles, ses monstres et ses sorciers. La balance entre l’aspect historique (et documentĂ©) et fantastique est parfaitement dosĂ©e et accouche d’un univers crĂ©dible et cohĂ©rent.

Un Japon médiéval, exotique et sombre.

Autre facteur de rĂ©ussite : les personnages. Comme dans toute saga de fantasy, « Okko » est avant tout l’histoire d’un groupe. On y trouve Okko, samouraĂŻ dĂ©chu, Noburo, guerrier gĂ©ant cachĂ© derriĂšre un masque, Noshin, moine alcoolique et Tikku, jeune apprenti du moine. La galerie est pittoresque mais moins caricaturale qu’elle n’y paraĂźt. Les relations entre les personnages sont souvent conflictuelles et les problĂšmes viennent souvent de l’une des personnes du groupe. Le vrai lien est Okko, qui n’hĂ©site pas Ă  se mettre en danger (voire Ă  se sacrifier) pour dĂ©fendre l’un de ses compagnons. C’est une vraie force dans cette BD car Okko est parfois Ă  la limite de l’antipathique. Aigri et agressif avec le moine, Hub ne lui fait pas non plus de cadeau. Mais son personnage prĂ©fĂšre ses amis Ă  son honneur. L’auteur en fait donc une version nouvelle du samouraĂŻ, trĂšs intĂ©ressante.

Comme d’habitude, l’histoire se passe sur une Ăźle. Cycle du feu oblige, elle est volcanique ! Dans ce premier tome du cycle, Hub distille son atmosphĂšre lentement sans dĂ©voiler les vrais tenants de l’intrigue. Et Ă  la fin du tome, un Ă©vĂšnement avive un suspense insoutenable. L’auteur maĂźtrise rĂ©ellement la construction en deux tomes et c’est sans doute ce qui fait tout le charme de cette Ɠuvre. PlutĂŽt que d’écrire une longue Ă©popĂ©e de 8 tomes, Hub Ă©crit des histoires denses Ă  l’identitĂ© fortement marquĂ©e. RĂ©sultat : on a l’impression que « Okko » s’amĂ©liore de tomes en tomes.

A force de passer les tomes, on en apprend un peu plus sur les personnages. Hub nous prĂ©sente un Okko en apparence vieilli et affaibli. Bien que pouvant ĂȘtre lu indĂ©pendamment des autres tomes, je conseille tout de mĂȘme une lecture prĂ©alable des ouvrages prĂ©cĂ©dents. De mĂȘme, le jeune Tikku, si timide et effrayĂ© au dĂ©part, vieillit et prend de plus en plus d’initiatives. On a vraiment l’impression de voir Ă©voluer les personnages. Mais comme toujours, c’est trĂšs lĂ©ger et subtil. Hub mĂ©nage ses informations, ses Ă©volutions afin de crĂ©er une Ɠuvre des plus intĂ©ressantes.

Et que dire du dessin ? Il est simplement magnifique. DĂ©taillĂ© et expressif, il sait se faire dynamique dans les combats. La faune et la flore sont parfaitement retranscrits et donnent de la chaleur Ă  ce cycle ardent. De mĂȘme, tous les apparats du japon mĂ©diĂ©val donnent vraiment l’impression d’y ĂȘtre, facilitant notre plongĂ©e dans l’univers. Sans en faire trop, Hub sait crĂ©er des moments forts dans ses planches. Une grande rĂ©ussite comme toujours ! De plus, chaque cycle a une vraie identitĂ©, que ce soit dans les tons, les couleurs et les ambiances.

« Okko » est une vraiment une Ɠuvre majeure de la bande-dessinĂ©e. Construite selon des cycles de deux tomes, tout y est rĂ©ussi. Un dessin virtuose reconnaissable immĂ©diatement, des intrigues teintĂ©es de fantastique, un univers original et cohĂ©rent, des personnages complexes et attachants
 Je ne peux que vivement la conseiller Ă  ceux qui ne l’auraient pas encore dĂ©couverte. Chaque tome est un grand moment, simplement.

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note5

 

Okko, T9 : Le cycle du vide, premiĂšre partie

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Titre : Okko, T9 : Le cycle du vide, premiĂšre partie
Scénariste : Hub
Dessinateur : Hub
Parution : Mai 2014


« Okko » est certainement l’une de mes sĂ©ries prĂ©fĂ©rĂ©es. Je la suis depuis le premier tome. Or, fait rare, cette sĂ©rie a eu tendance Ă  se bonifier au fur et Ă  mesure des tomes. Et des tomes, il y en a puisque c’est le neuviĂšme qui sort en cette annĂ©e 2014. ScindĂ©s par cycle de deux, voilĂ  donc l’ultime cycle : le cycle du vide. C’est donc l’avant-dernier opus des aventures d’Okko qui paraĂźt chez Delcourt. Alors, que nous propose donc ce nouveau cycle ?

Okko est un ronin qui arpente l’Empire du Pajan accompagnĂ© par de curieux acolytes. Ils sont chasseurs de dĂ©mons. On retrouve Noshin le moine alcoolique, Noburo le gĂ©ant masquĂ© et Tikku, apprenti moine. Or, depuis le dĂ©but, nous ne savons toujours pas qui est Noburo ni mĂȘme comment le moine a pu se retrouver embarquĂ© dans ce groupe. Quant Ă  Okko, son passĂ© reste trouble. Le groupe est actuellement chassĂ© et fuit perpĂ©tuellement. Okko, usĂ©, dĂ©cidĂ© qu’il est temps pour lui de prendre sa retraite. Et voilĂ  l’occasion de prĂ©senter un flashback sur l’histoire du ronin.

Beaucoup d’informations restent en suspens

La force de l’univers de « Okko » est de savoir distiller les informations au compte-goutte. Hub maĂźtrise parfaitement son univers et ne nous laisse entrevoir les liens du passĂ© qu’avec parcimonie. Et, enfin, avec ce dernier cycle, l’auteur va avoir les rĂ©ponses Ă  ses questions ! Et il faut bien avouer que l’on est gĂąté ! Sans trop s’attarder sur la narration, Hub dĂ©clenche trĂšs vite un flashback qui tiendra jusqu’à la fin du livre. Certains personnages passĂ©s apparaissent donc et le passĂ© est rĂ©vĂ©lĂ©. L’auteur nous livre beaucoup d’informations, si bien qu’à la fin de l’ouvrage on n’a qu’une envie : relire les huit premiers tomes pour voir si certains aspects Ă©taient dĂ©jĂ  visibles Ă  l’époque
 Cependant, beaucoup de questions restent en suspens et l’idĂ©e d’attendre encore de longs mois pour lire l’épilogue est une vĂ©ritable souffrance.

« Okko » tient sa force de l’univers nippon mĂ©diĂ©val fantastique qu’il propose. Hub lui donne toute sa force par des dessins expressifs et des dĂ©cors splendides. Les couleurs rendent hommage au trait du dessinateur sans peine et aident Ă  la narration, utilisant de diffĂ©rents camaĂŻeus pour les flashbacks. Les nombreux combats (au katana bien sĂ»r !) sont admirablement rendus avec beaucoup de dynamisme. Bref, c’est parfaitement adaptĂ© au propos !

Si on pourra regretter l’absence de certains personnages (Noburo notamment !), cette bande-dessinĂ©e se dĂ©vore d’une traite et donne suffisamment d’informations pour rassasier lecteur. MalgrĂ© tout, on ne peut qu’attendre l’épilogue de cette sĂ©rie. L’une des plus passionnantes de ces derniĂšres annĂ©es.

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note5

Astérix, T35 : Astérix chez les Pictes

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Titre : Astérix, T35 : Astérix chez les Pictes
Scénariste : Jean-Yves Ferri
Dessinateur : Didier Conrad
Parution : Octobre 2013


Cette annĂ©e marquera une date importante de la bande dessinĂ©e française. C’est en effet la premiĂšre fois que les aventures des deux plus cĂ©lĂšbres gaulois ne sont nĂ©s ni de la plume de RenĂ© Goscinny ni de celle d’Albert Uderzo. C’est Ă  Jean-Yves Ferri et Didier Conrad qu’a Ă©tĂ© confiĂ©e la mission d’offrir un second souffle Ă  des mythes du neuviĂšme art. Tout le monde Ă©tait quasiment d’accord sur le fait que la magie de la sĂ©rie avait disparu avec son scĂ©nariste original. Son acolyte n’a jamais eu le talent d’écriture suffisant pour faire perdurer la qualitĂ© des premiers opus. La parution de AstĂ©rix chez les Pictes le vingt-quatre octobre dernier gĂ©nĂ©rait donc une curiositĂ© certaine. D’ailleurs, cela a fait que je me suis offert mon premier album de la saga depuis des annĂ©es.

Le site Bd Gest’ propose le rĂ©sumĂ© suivant : « Les Pictes ? Oui, les Pictes ! Ces peuples de l’ancienne Ecosse, redoutables guerriers aux multiples clans, dont le nom, donnĂ© par les Romains, signifie littĂ©ralement « les hommes peints ». AstĂ©rix chez les Pictes promet donc un voyage Ă©pique vers une contrĂ©e riche de traditions, Ă  la dĂ©couverte d’un peuple dont les diffĂ©rences culturelles se traduiront en gags et jeux de mots mĂ©morables. » 

J’associe le nom de Jean-Yves Ferri Ă  la sĂ©rie Le retour Ă  la terre dont les diffĂ©rents Ă©pisodes m’ont procurĂ© moult fous rires. Je trouvais donc ce choix judicieux de lui confier le scĂ©nario de ce nouvel album. La qualitĂ© de son Ă©criture, son sens de la rĂ©partie et la drĂŽlerie de ses dialogues me laisser croire en sa capacitĂ© Ă  s’inscrire dans la lignĂ©e de son illustre prĂ©dĂ©cesseur, RenĂ© Goscinny. Par contre, je ne connaissais le travail de Conrad que de rĂ©putation. Je n’avais jusqu’alors jamais eu l’occasion de le dĂ©couvrir. NĂ©anmoins, le fait qu’Uderzo soit encore Ă  ses cĂŽtĂ©s garantissait une continuitĂ© dans le dessin.

Jouer sur les coutumes locales

Les auteurs ont choisi un squelette narratif classique pour leur grande premiĂšre. En effet, offrir un voyage Ă  AstĂ©rix et ObĂ©lix dans une contrĂ©e Ă©trangĂšre n’est pas original. NĂ©anmoins, ce n’est pas une mauvaise idĂ©e. Les pĂ©rĂ©grinations de nos deux gaulois en Hispanie, Corse, Belgique, HelvĂ©tie ou en Grande-Bretagne font partie de mes prĂ©fĂ©rĂ©es. Cette option permet de jouer sur les coutumes locales. Les Pictes Ă©tant les Ă©cossais actuels, on pouvait supposer que le kilt ou encore le monstre du Loch Ness seraient de sortie. La lecture offre de bonnes surprises dans le domaine. Certains clichĂ©s des autochtones sont exploitĂ©s. Je me suis laissĂ© porter malgrĂ© le cĂŽtĂ© rĂ©pĂ©titif de certains d’entre eux. Certaines blagues font sourire mĂȘme si on ne retrouve pas la densitĂ© des meilleurs Ă©pisodes de la sĂ©rie. Par contre, je trouve plutĂŽt bien construite la relation toujours dĂ©calĂ©e entre ObĂ©lix et les us et coutumes Ă©trangĂšres.

L’histoire ne dĂ©note pas non plus par son originalitĂ©. Un Picte exilĂ© se doit d’aller reconquĂ©rir sa belle pour Ă©viter la prise de pouvoir d’un chef manipulateur et vil. Les Ă©vĂ©nements s’enchainent Ă  un rythme rĂ©gulier et toutes les Ă©tapes prĂ©visibles sont respectĂ©es. A aucun moment, je n’ai Ă©tĂ© pris par surprise. Les auteurs naviguent sur des rails bien tracĂ©s. Ils ne cherchent pas Ă  rĂ©volutionner le genre. Au contraire, ils se montrent trĂšs respectueux de l’institution. Bon nombre de scĂšnes rappellent certains moments vĂ©cus en lisant les albums prĂ©cĂ©dents. Je ne leur reproche pas du tout cette dĂ©marche dans le sens oĂč il me paraissait impossible de rĂ©volutionner le genre.

Le nouveau duo Ă©tait Ă©galement attendu sur ses textes. Goscinny est cĂ©lĂšbre pour ses jeux de mots et ses calembours. Ferri fait de gros efforts sur ce plan-lĂ . Rares sont les pages sans second degrĂ©. Certains sont plus rĂ©ussis que d’autres mais le bilan reste trĂšs positif par rapport aux rĂ©centes parutions de la sĂ©rie. Ma deuxiĂšme lecture m’a d’ailleurs permis de profiter davantage de cet aspect. NĂ©anmoins, les blagues de cet opus font davantage sourire que rire. C’est toujours mieux que les derniers albums rĂ©digĂ©s par Uderzo qui en devenaient pathĂ©tiques dans le domaine.

Au final, AstĂ©rix chez les Pictes rĂ©ussit correctement sa mission. Il avait pour objectif d’arrĂȘter la terrible chute opĂ©rĂ©e depuis une petite dizaine d’album. Il est atteint. NĂ©anmoins, il faudra attendre le prochain opus pour savoir si Ferri et Conrad peuvent redonner entiĂšrement ses lettres de noblesse Ă  ce mastodonte du neuviĂšme art. C’est tout le mal que je leur souhaite


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Astérix, T36 : Le papyrus de César

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Titre : Astérix, T36 : Le papyrus de César
Scénariste : Jean-Yves Ferri
Dessinateur : Didier Conrad
Parution : Octobre 2015


MĂȘme si aucun de ses deux crĂ©ateurs n’est Ă  l’origine de son Ă©criture, le nouveau tome des aventures d’AstĂ©rix reste un Ă©vĂ©nement majeur du neuviĂšme art. Le dernier date du mois dernier et s’intitule Le Papyrus de CĂ©sar. Le binĂŽme formĂ© de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad a Ă©tĂ© une nouvelle fois missionnĂ© pour faire naĂźtre de leur imagination les nouvelles aventures des gaulois les plus cĂ©lĂšbres du monde. Les deux auteurs avaient su offrir une suite correcte et respectueuse Ă  l’Ɠuvre de RenĂ© Goscinny et Albert Uderzo avec l’épisode prĂ©cĂ©dent AstĂ©rix chez les Pictes. Je fais partie des lecteurs ayant trouvĂ© plutĂŽt apprĂ©ciĂ© cet album historique. Sans atteindre la qualitĂ© des premiers opus, il marquait un progrĂšs Ă©norme par rapport aux derniers ouvrages nĂ©s de la seule plume d’Uderzo. J’espĂ©rais donc que ce trente-sixiĂšme acte prolonge cette Ă©volution positive.

Le papyrus qui donne son titre au livre n’est pas le moindre des Ă©crits : il s’agit d’un chapitre de la cĂ©lĂšbre Guerre des Gaules contĂ©e par CĂ©sar. Ce chapitre n’est pas n’importe lequel : il s’agit de celui qui Ă©voque les irrĂ©ductibles gaulois et la partie de la Gaule qui n’est pas dominĂ©e par Rome. Le conseiller de l’empereur lui propose de faire disparaĂźtre ces pages permettant ainsi Ă  l’Histoire de retenir que CĂ©sar a conquis toute la Gaule. Le souci apparait lorsqu’un colporteur gaulois met la main sur une mouture complĂšte du papyrus et dĂ©cide de rendre publique cette manipulation de la rĂ©alité 

Le journalisme version Jules César

Asterix36aJ’ai trouvĂ© l’idĂ©e de dĂ©part originale et intĂ©ressante. Les enjeux apparaissent rĂ©els et crĂ©ent un lien Ă©vident avec notre Ă©poque contemporaine. Ne dit-on pas que l’Histoire est toujours Ă©crite par les vainqueurs ? De plus, cela permet aux auteurs d’intĂ©grer le concept de libertĂ© de la presse dans leur histoire. Tous ces thĂšmes sont plutĂŽt bien exploitĂ©s tout au long de la narration. Sans jamais tomber dans un excĂšs regrettable, Jean-Yves Ferri arrive Ă  faire rire avec ses vannes Ă©voquant l’univers du journalisme.

Concernant le mĂ©chant, il prend ici les traits de Bonus Promoplus, conseiller et Ă©diteur de l’empereur. L’éthique n’est pas sa qualitĂ© premiĂšre et il se trouve bien embĂȘtĂ© lorsqu’il apprend la disparition du papyrus. Il doit mettre la main dessus tout en empĂȘchant CĂ©sar d’ĂȘtre informĂ© de la situation. Il reprend beaucoup de caractĂ©ristiques des traditionnels adversaires des hĂ©ros irrĂ©ductibles. Sa personnalitĂ© s’inscrit dans la tradition de la sĂ©rie et ce n’est pas dĂ©sagrĂ©able pour le lecteur. J’ai pris beaucoup de plaisir Ă  rire de ses mĂ©saventures et sa nervositĂ© permanente. Son travail avec les lĂ©gionnaires de Babaorum. DĂ©couvrir les soldats blasĂ©s par les irrĂ©ductibles gaulois devant ce petit excitĂ© fait aisĂ©ment sourire.

Evidemment, l’attrait rĂ©side aussi de retrouver nos gaulois adorĂ©s. Les auteurs s’en approprient les codes avec talent. CĂ©tautomatix, Ordralphabetix, Agecanonix, Abraracourcix, Bonemine ou Assurancetourix jouent leur rĂŽle Ă  merveille. Ils ont chacun leur petit fil conducteur personnel qui densifie la trame gĂ©nĂ©ral. Concernant ObĂ©lix, il est nouvelle fois la grande star de l’album avec sa volontĂ© ponctuelle d’éviter les conflits et les sangliers. Bref, les auteurs offrent un album qui respecte les codes de la sĂ©rie avec talent. Les dessins de Didier Conrad sont dans une lignĂ©e parfait d’Albert Uderzo.

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Pour conclure, je trouve que Le Papyrus de CĂ©sar est un cru honnĂȘte. Il n’a aucun mal Ă  accompagner les prĂ©cĂ©dents Ă©pisodes de la saga. Je le trouve plus rĂ©ussi qu’AstĂ©rix chez les Pictes. Cela me rend optimiste. Les auteurs semblent plus Ă  l’aise dans ce costume prestigieux. Surtout, j’ai bon espoir que AstĂ©rix retrouve les lettres de noblesse que certains Ă©pisodes rĂ©cents avaient tendance Ă  effriter sĂ©rieusement


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Narcisse, T2 : Terra Nullius

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Titre : Narcisse, T2 : Terra Nullius
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Septembre 2015


Le premier tome de « Narcisse » m’avait un peu laissĂ© sur ma fin. MalgrĂ© un dessin de haut niveau, la narration souffrait d’un rythme mal maĂźtrisĂ© et d’une histoire qui ne se lançait vraiment qu’en toute fin d’album. Avec ce deuxiĂšme tome, Chanouga entre dans le cƓur de son ouvrage : l’expĂ©rience d’un naufragĂ© sur une Ăźle de cannibales. Le tout est publiĂ© chez Paquet pour soixante pages.

Narcisse, jeune mousse embarquĂ© pour l’Australie, est Ă©chouĂ© sur une Ăźle oĂč sĂ©vissent des cannibales. Une expĂ©dition cherche Ă  lui venir en aide (et Ă  rĂ©cupĂ©rer leur main d’Ɠuvre chinoise), mais ils le considĂšrent comme mort. Pourtant, Narcisse va survivre et vivre parmi les autochtones pendant de nombreuses annĂ©es.

Une vie parmi les cannibales.

Narcisse2aAprĂšs un premier tome qui s’éternisait sur les premiĂšres expĂ©riences de Narcisse, on entre ici dans le vif du sujet. « Terra Nullius » s’intĂ©resse exclusivement Ă  la vie du jeune homme sur l’üle. Ses dĂ©buts difficiles (et contestĂ©s) parmi la tribu, jusqu’à son dĂ©part. Le lieu unique permet Ă  Chanouga de mieux maĂźtriser sa narration. En cela, la sĂ©rie s’amĂ©liore. Mais on sent l’auteur encore trĂšs attachĂ© Ă  ne relater que les faits dont il a connaissance. L’histoire reste parcellaire et on aborde plusieurs annĂ©es en un seul tome. LĂ  encore, certains Ă©vĂ©nements restent peu traitĂ©s en terme psychologique (on pense notamment au cannibalisme).

L’histoire prend un tour plus spirituel avec ce deuxiĂšme tome. C’est plutĂŽt une rĂ©ussite, Chanouga maĂźtrisant parfaitement ce genre de sujet et le mettant en image avec maestria. Car au-delĂ  de l’esthĂ©tisme des pages de l’auteur, c’est son dĂ©coupage qui est marquant. Ne cherchant jamais la facilitĂ©, il sait produire des planches marquantes.

Difficile de ne pas parler du dessin de Chanouga. Son choix d’absence d’encrage met en valeur son crayonnĂ© (dont on voit les traits de construction). Sa gestion des couleurs et des lumiĂšres est un modĂšle du genre. Son bleu-vert couplĂ© Ă  l’orange des cheveux de Narcisse fait des merveilles. Pleinement Ă  l’aise avec la mer et la vĂ©gĂ©tation luxuriante de l’üle, on ne peut que s’extasier devant son dessin.

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Si les choix de narration et de scĂ©nario restent discutables, ce deuxiĂšme tome est plus rĂ©ussi que le premier. DotĂ© d’une unitĂ© de lieu (Ă  dĂ©faut de temps), on reste un peu Ă©tonnĂ© de voir Narcisse si peu expressif face aux Ă©vĂ©nements. Mais sans doute est-ce aussi l’originalitĂ© de cet ouvrage. Le jeune homme adopte pleinement la vie des autochtones et laisse vĂ©ritablement de cĂŽtĂ© son ancienne vie. C’est cela qui perturbe le lecteur. À voir comment Chanouga clĂŽturera cette sĂ©rie avec le troisiĂšme et dernier tome traitant du retour de Narcisse Ă  la vie occidentale.

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note3

Narcisse, T1 : MĂ©moires d’outre-tombe

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Titre : Narcisse, T1 : MĂ©moires d’outre-tombe
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Avril 2014


J’avais Ă©tĂ© subjuguĂ© par le premier album de Chanouga. Son univers maritime et onirique m’avait beaucoup plus, soutenu par un graphisme personnel parfaitement adaptĂ© au sujet. Il revient cette fois avec une biographie sous forme de sĂ©rie, « Narcisse ». PrĂ©vue en trois tomes de 60 pages, elles font entre l’auteur dans un travail bien plus classique et rĂ©aliste. Le tout est publiĂ© chez Paquet.

Au rayon des constances, Chanouga reste dans l’univers de la mer. Il raconte l’histoire de Narcisse, un jeune garçon qui ressent l’appel de la mer. Contre l’avis de ses parents, il s’embarque comme mousse. Et de bateaux en bateaux, il finit par partir pour l’Australie. Mais c’est un naufrage qui l’attend


Le difficile exercice de la biographie.

Narcisse1aSi la sĂ©rie doit avant tout parler de l’expĂ©rience de naufragĂ© de Narcisse (vu les notes de fin d’ouvrage), ce premier tome s’attarde sur le personnage. Comment en est-il arrivĂ© lĂ , pourquoi veut-il naviguer
 Tout cela est trĂšs classique et, honnĂȘtement, peu passionnant. Tout va trop vite (ou pas assez, c’est selon) et la narration manque de fluiditĂ©. Quand on comprend Ă  la fin du livre qu’on a affaire Ă  une biographie, on comprend mieux le rythme un peu hĂąchĂ© du l’ouvrage. Chanouga manque un peu d’expĂ©rience pour le coup, n’arrivant pas Ă  se dĂ©tacher du sujet pour faire les coupes nĂ©cessaires dans la rĂ©alitĂ© ou, Ă  l’inverse, pour broder et remplir les inconnues.

MalgrĂ© tout, l’histoire touche Ă  la mer et cela ne laisse pas indiffĂ©rent. Narcisse vieillit au long de l’ouvrage, devenant un jeune homme. Si les faits relatĂ©s sont suffisamment classiques, la montĂ©e en tension est rĂ©elle et la derniĂšre partie, concernant le naufrage, ne laisse pas indiffĂ©rent.

En revanche, le dessin de Chanouga, immĂ©diatement reconnaissable, est une pure merveille. MĂȘme s’il est plus puissant dans les reprĂ©sentations abstraites et fantastiques que dans le rĂ©alisme pur, son trait non-encrĂ© est splendide et admirablement mis en couleur (avec un contraste de couleurs froides et chaudes maĂźtrisĂ©). Certaines cases, certaines pages, sont particuliĂšrement marquantes et nous laissent sans voix.

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Ce « Narcisse », bien plus terre-Ă -terre que « De profundis », nous laisse un peu sur notre faim. On a l’impression d’une narration et d’un rythme mal maĂźtrisĂ©. Un peu de concision d’un cĂŽtĂ©, afin de s’attarder sur certains points ailleurs aurait Ă©tĂ© les bienvenus. Reste un graphisme enivrants qui sait nous faire oublier, un peu, ces Ă©cueils.

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note3

L’Ă©chappĂ©e – GrĂ©gory Mardon

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Titre : L’Ă©chappĂ©e
Scénariste : Grégory Mardon
Dessinateur : Grégory Mardon
Parution : Avril 2015


« L’échappĂ©e » est un pavĂ© de plus de 200 pages scĂ©narisĂ© et dessinĂ© par GrĂ©gory Mardon. Le livre narre l’histoire d’un homme qui s’échappe de sa vie pour aller voir la mer. C’est le point de dĂ©part d’une aventure surprenante
 Le tout est publiĂ© chez Futuropolis pour un prix de 27 €.

« L’échappĂ©e » a la particularitĂ© d’ĂȘtre entiĂšrement muet. On pourrait prendre cela pour un exercice de style, mais cette absence de parole Ă  un vĂ©ritable sens. Cela explique le nombre important de pages, le dessin devant exprimer beaucoup d’actions et de sentiments.

Le dessin remplace les mots.

LEchappee2L’histoire est dĂ©coupĂ©e en plusieurs chapitres, chacun Ă©tant reprĂ©sentĂ© par une couleur. Le dessin est bichromique, ce qui permet de bien dĂ©finir les diffĂ©rentes ambiances. L’histoire commence en ville, alors que l’homme mĂšne une vie des plus modernes : mĂ©tro, boulot, dodo. Mais l’appel de la mer va briser cet enchaĂźnement (la cassure est parfaitement reprĂ©sentĂ© par la couverture). Difficile d’en dire plus sans spoiler la suite, mieux vaut laisser la surprise.

Le dessin est bien dans l’air du temps. Le trait au pinceau, Ă©pais, est Ă©lĂ©gant et dynamique. Le travail de GrĂ©gory Mardon est avant tout dans le mouvement et l’expression que dans le dĂ©tail. Ainsi, la BD se lit vite une premiĂšre fois. On s’attarde un peu plus en deuxiĂšme lecture, mais on s’aperçoit qu’on n’est pas passĂ© Ă  cĂŽtĂ© de dĂ©tails particuliers. La lecture est donc trĂšs premier degrĂ©.

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« L’échappĂ©e » est une belle rĂ©ussite. À la fois remarquable de par sa contrainte initiale, l’histoire est finalement plus originale que ce que le pitch initial laissait penser. Dommage que son prix, excessif, puisse bloquer l’achat chez de nombreux lecteurs et empĂȘcher un plus ample succĂšs.

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note4

Panique organique

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Titre : Panique organique
Scénariste : Marion Montaigne
Dessinatrice : Marion Montaigne
Parution : Octobre 2007


Marion Montaigne est une auteure qui s’est créé un nom dans la vulgarisation scientifique. MĂȘlant bande-dessinĂ©e, sciences et humour, elle a su capter l’attention du public avec son blog « Tu mourras moins bĂȘte » (parfaitement mis sur papier ensuite). Depuis, elle a sorti « Riche, pourquoi pas toi ? » qui lui permettait de toucher aux sciences sociales. Mais dĂšs 2007, l’auteure sortait dĂ©jĂ  un livre intitulĂ© « Panique organique » qui proposait une histoire dĂ©jantĂ© dans le corps humain. PubliĂ© chez Sarbacane, le tout pesant une petite centaine de pages.

Nous dĂ©marrons donc dans le corps d’un enfant qui mange ses cĂ©rĂ©ales. L’une de bactĂ©ries de l’estomac, fatiguĂ© de cette existence rĂ©pĂ©titive, dĂ©cide de s’échapper. En effet, le petit garçon a eu le malheur d’avaler le jouet qui Ă©tait dans la boĂźte de cĂ©rĂ©ales. C’est une fusĂ©e
 C’est parti pour une aventure au plus profond du corps


Une aventure d’humour didactique

Si le dĂ©but de l’aventure laisse prĂ©sager une aventure d’humour didactique (le rein est bien prĂ©sentĂ© par exemple), le tout devient vraiment barrĂ© au fur et Ă  mesure. Alors certes on apprend des choses rĂ©guliĂšrement, mais l’aspect didactique laisse souvent la place Ă  l’aventure et Ă  l’action dĂ©bridĂ©e. 

On a clairement affaire ici Ă  un ouvrage plutĂŽt jeunesse. Les explications sont plutĂŽt simples et l’action est non-stop. Le double discours existe quand mĂȘme (le passage Ă  l’adolescence est vraiment destinĂ© Ă  ĂȘtre drĂŽle pour des adultes me semble-t-il
), mais il n’est pas omniprĂ©sent. Les derniĂšres pages, complĂštement dĂ©bridĂ©es manquent ainsi un peu de consistance. MalgrĂ© tout, on sourit Ă  plusieurs reprises. Mais on est tellement habituĂ© Ă  rire devant un livre de Marion Montaigne que l’on en devient trĂšs exigeant !

Concernant le dessin, on retrouve un trait simple et dynamique de l’auteure, colorisĂ© Ă  l’informatique. C’est moins relĂąchĂ© et moins personnel que ses derniĂšres productions, mais la lecture est trĂšs agrĂ©able et lisible. Le dĂ©coupage est plus classique avec un gaufrier et des cases tracĂ©es. Bref, c’est finalement assez diffĂ©rent de ce que peut nous proposer Marion Montaigne actuellement.

« Panique Organique » confirme l’intĂ©rĂȘt de Marion Montaigne pour les ouvrages didactiques. Paru en 2007, juste avant « La vie des bĂȘtes » (oĂč clairement elle est plus percutante au niveau de l’humour), c’est un ouvrage jeunesse de bonne qualitĂ©. La partie didactique n’est pas lourde et peut mĂȘme passer derriĂšre l’aspect purement aventure. Et il faut bien avouer que les ados adorent ce livre. Une lecture sympathique. avatar_belz_jol

note3

Atar Gull, ou le destin d’un esclave modĂšle – Fabien Nury & BrĂŒno

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Titre : Atar Gull, ou le destin d’un esclave modĂšle
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂŒno
Parution : Octobre 2011


J’ai eu le plaisir que l’on m’offre derniĂšrement la bande-dessinĂ©e « Atar Gull, ou le destin d’un esclave modĂšle ». Non seulement le scĂ©nario est tenu par Fabien Nury, qui m’a dĂ©jĂ  convaincu avec ses sĂ©ries « Je suis lĂ©gion » et « Il Ă©tait une fois en France », mais le dessin est rĂ©alisĂ© par BrĂŒno, dont le travail m’a Ă©tĂ© louĂ© de nombreuses fois. Avec cet ouvrage, j’espĂ©rais dĂ©couvrir le travail de cet auteur en vogue. Ce livre est un one-shot d’un peu plus de 80 pages et est inspirĂ© d’un roman d’EugĂšne Sue. N’ayant pas lu ce roman, j’éviterai toute comparaison entre l’Ɠuvre originale et son interprĂ©tation en BD.

Atar Gull est fils de chef de la tribu des petits Namaquas en Afrique. La guerre avec les grands Namaquas fait rage et des hommes sont faits prisonniers. Toute la tribu pleure sauf lui. Atar Gull dĂ©clare alors que jamais il ne pleurera
 La BD est articulĂ©e selon deux livres : « La traversĂ©e » et « La plantation » auxquels s’ajoutent un prologue et un Ă©pilogue. Comme on parle ici d’un esclave, il va sans dire Atar Gull va se faire capturer par les grands Namaquas. Au lieu de manger leurs prisonniers, ils ont depuis appris Ă  les vendre aux blancs


Aucun manichĂ©isme : chaque personnage a ses raisons d’agir.

Le propos dĂ©veloppĂ© ici est particuliĂšrement sombre. L’esclavage n’est pas un sujet facile et Nury le traite ici sans manichĂ©isme. L’armateur qui procĂšde au commerce du bois d’ébĂšne est animĂ© par des intentions simples : pouvoir gagner assez d’argent pour rejoindre sa femme. C’est une des caractĂ©ristiques fortes de Fabien Nury : ses personnages ont souvent des bonnes raisons d’agir. Le tout commence donc par la traversĂ©e de l’Atlantique oĂč les auteurs dĂ©veloppent une vraie histoire de pirates. Le rĂŽle d’Atar Gull est ainsi trĂšs mineur. Il est seulement la plus belle piĂšce de la marchandise, un « Mandingo ».

L’arrivĂ©e aux AmĂ©riques change le tout. Atar Gull est vendu et travaille dans une plantation aux ordres du maĂźtre Wil. C’est vraiment Ă  ce moment-lĂ  que l’on perçoit toute la force du scĂ©nario. En effet, les Ă©vĂšnements avancent, souvent terribles, et les motivations d’Atar Gull nous sont toujours inconnues. On ne le comprend pas vraiment. Cependant, derriĂšre toute cette cruautĂ©, prĂ©sente Ă  tous les instants, on arrive Ă  ĂȘtre Ă©mu. Du grand art


Au niveau du dessin, j’avoue que le style de BrĂŒno m’a un peu gĂȘnĂ© au dĂ©part. Son trait est Ă©pais, sans concession, avec des aplats noirs importants, notamment dans ses visages. D’apparence simple, son dessin se rĂ©vĂšle bien plus complexe et intĂ©ressant une fois que l’on est habituĂ©. « Atar Gull » est aussi une bande-dessinĂ©e marquante graphiquement. Dans les moments forts, BrĂŒno sait donner Ă  son dessin la construction et le style qui fera rĂ©agir le lecteur. Un trĂšs bon dosage dans l’intensitĂ©. Le tout est colorisĂ© par aplats trĂšs simples, sans ombre. Le tout renforce le style de BrĂŒno, trĂšs brut. Les couleurs sont bien utilisĂ©es, renforçant l’atmosphĂšre de chaque lieu ou moment.

« Atar Gull » est clairement dans le haut du panier de la bande-dessinĂ©e actuelle. Avec un scĂ©nario original et surprenant, des personnages hauts en couleur et un dessin exigeant et marquant, on sent qu’aucune concession n’a Ă©tĂ© faite. Les auteurs accouchent d’un ouvrage avec une personnalitĂ© forte. A dĂ©couvrir absolument.

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note5