Le reste du monde

LeResteDuMonde


Titre : Le reste du monde
Scénariste : Jean-Christophe Chauzy
Dessinateur : Jean-Christophe Chauzy
Parution : Mars 2015


La mode du post-apocalyptique actuelle est plutôt basée sur les zombies. Jean-Christophe Chauzy décide de l’orienter sur une catastrophe naturelle, à savoir une série de séismes. Comment une famille, coincée dans une vallée, va-t-elle survivre dans cet environnement où tout commence à manquer ? Ce one-shot d’une centaine de pages est publié chez Casterman.

Marie, enseignante, termine ses vacances avec ses deux fils. Pendant ce temps-là, son mari la trompe, l’ayant quitté quelques semaines auparavant. C’est donc aigri qu’elle s’apprête à quitter le chalet. Mais voilà que des séries de séismes viennent tout bouleverser, coupant la vallée du reste du monde. Commence alors la difficile tentative de survie en attendant d’hypothétiques secours.

Un survival franchouillard.

LeResteDuMonde1b« Le reste du monde » a tout du récit catastrophe classique. Des individus ordinaires se retrouvent perdus face à une situation inconnue et doivent se débrouiller. Certains dépérissent, d’autres s’aguerrissent. Jean-Christophe Chauzy, en prenant pour personnage principal une femme, fait preuve d’originalité. Ce n’est pas une pin-up, elle est mère de famille trompée et n’est pas préparée à ce qu’elle va vivre. Hélas, c’est la seule véritable originalité du livre. Les étapes qui s’enchaînent sont très classiques et on devine sans peine ce qu’il va se passer pour les pages suivantes. Après un premier intérêt en début de lecture, le soufflet retombe un peu dans la deuxième partie.

La grande catastrophe touchant un petit village montagnard, « Le reste du monde » prend un aspect « survival franchouillard ». En soit, ce n’est pas forcément désagréable, mais pas passionnant non plus. L’auteur ancre fortement son récit dans un lieu donné, où chaque non de ville parle aux protagonistes, chacun connaissant parfaitement la région. La fin, ouverte, laisse un goût amer au lecteur. Présenté comme un one-shot, « Le reste du monde » se laisse clairement la possibilité d’une suite. Or, après un constat assez moyen en première lecture (et globalement sans réponse), difficile d’être catégorique. Car s’il y a une suite, cela pourrait donner (un peu) plus de matière à ce premier tome. Voilà qui laisse un peu perplexe.

Le dessin de Jean-Christophe Chauzy est des plus convaincants. Optant pour une absence de noir à l’encrage, son trait fait preuve de dynamisme, dans un réalisme expressif. Il prend plaisir à réaliser de grandes cases et les scènes de séismes sont très réussies. Les couleurs se veulent tantôt vives, tantôt beaucoup plus désaturées, renforçant efficacement les ambiances. Un bilan des plus positifs concernant le dessin.

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Optant pour un récit classique sans grandes surprises ni réponses, Jean-Christophe Chauzy laisse son lecteur sur sa faim. « Le reste du monde », comme one-shot, manque d’originalité pour séduire. Et sa fin ouverte, présageant une suite, laisse un peu dubitatif devant la démarche. Bref, il faudra attendre de voir si suite il y a pour avoir un avis définitif. Et c’est un peu dommage…

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note3

Le maĂ®tre d’armes

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Titre : Le maĂ®tre d’armes
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Joël Parnotte
Parution : Octobre 2015


« Le Maître d’armes » est un album édité chez Dargaud dont la sortie date du mois d’octobre dernier. La couverture avait attiré mon regard. On y découvre un homme à la chevelure blanche. Muni d’une épée, on le devine en train de se battre dans une forêt enneigée. La seule touche de couleur est écarlate. Il s’agit de celle du sang qui se trouve sur ses vêtements et son épée. Il se dégage du personnage un charisme certain. Le titre de l’ouvrage amplifie ce sentiment. Dans un second temps, j’ai remarqué que le scénariste de cette aventure était Xavier Dorison qui fait partie du Panthéon du neuvième art à mes yeux. Cela a fini de me décider de m’offrir ce bouquin et de m’y plonger au plus vite.

LeMaitreDArmes1Une préface introduit la narration. Elle décrit le contexte historique et les enjeux de la trame. Elle se déroule au début du seizième siècle durant l’opposition fratricide des chrétiens. D’un côté, se trouvent les partisans de la Réforme favorables à une traduction en français de la Bible afin qu’elle soit comprise par le plus grand nombre. De l’autre, les catholiques papistes refusent cette évolution et souhaitent maintenir les clés de la parole divine dans les mains d’une minorité. Je dois dire que cette courte présentation a éveillé ma curiosité.  J’étais intrigué par la place qu’allait occuper ce maître d’armes dans cette guerre qui embrase la chrétienté et l’Europe.

Un duel, une rivalitĂ©, une chasse Ă  l’homme.

Les premières pages nous offrent en spectacle un duel entre deux fines lames du Royaume. L’une est Hans Stalhoffer. L’autre est le comte Maleztraza. L’enjeu pour le second et la place du premier : maître d’armes du roi François Premier. Cette scène est la genèse de la rivalité entre les deux hommes. Ce conflit servira de fil conducteur à l’intrigue. Ce combat à l’épée permet à Joël Parnotte de mettre en valeur ses talents de dessinateur et de coloriste. L’atmosphère grise et humide transpire des planches. Quant à la dynamique du combat, elle est remarquablement transcrite par le trait de l’auteur.

LeMaitreDArmes2Nous retrouvons ensuite Hans quelques années plus tard. Sa déchéance est évidente. Mais un événement va redonner un sens à sa vie. Un ami fidèle s’est enfuit de Paris avec un exemplaire de la Bible traduit en français. Sa mission est de l’amener en suite où il sera imprimé puis diffusé. Mais le périple n’est pas sans risque. Au rude climat hivernal des montagnes s’ajoute la poursuite effrénée de Maleztraza et ses sbires couplée à la chasse menée par une communauté de chrétiens peu favorables à la Réforme. Bref, l’issue de cette quête est bien incertaine. Hans arrivera-t-il à redonner un sens à sa vie en protégeant cet ouvrage si précieux et révolutionnaire ?

Le scénario utilise tous les codes de la chasse à l’homme. Ils  sont d’ailleurs exploités avec talent. Tout au long des soixante-dix pages, le suspense est constant. L’inquiétude nous habite au fur et à mesure que le périple des héros se complexifie. Dorison arrive à générer une tension rendant ainsi passionnante la lecture. Le fait que tout cela se déroule dans l’univers hostile qu’est la montagne en hiver ajoute un attrait certain à l’atmosphère de l’ensemble. Le fait que Hans et son acolyte soient poursuivis par deux groupes distincts densifie le propos. Le comte Maleztraza est incontestablement antipathique. Par contre, le groupe mené par Thimoléon de Vèdres fait naitre des sentiments plus ambigus.

Les enjeux historiques accompagnent les héros sont intéressants. Les auteurs arrivent à faire transpirer des pages l’importance de ce manuscrit. Le dénouement est en ce sens réussi. Cet ouvrage a éveillé pour moi de la curiosité à l’égard de cette période. Il m’a fait comprendre que François premier ne peut pas se résumer à Marignan, la Joconde et Chambord. Xavier Dorison a ce talent commun avec Fabien Nury pour ancrer leurs intrigues dans la grande Histoire.

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Pour conclure, « Le Maître d’armes » est un album que j’ai énormément apprécié. Je le conseille vivement à tout le monde. Xavier Dorison confirme qu’il s’agit d’un maestro du scénario. Quant à Joël Parnotte, j’ai apprécié de découvrir son travail. Mon seul regret est que c’est un « one shot » et que la dernière page marque la fin du temps passé en compagnie de ce charismatique Hans…

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note5

Okko, T10 : Le cycle du vide, deuxième partie

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Titre : Okko, T10 : Le cycle du vide, deuxième partie
Scénariste : Hub
Dessinateur : Hub
Parution : Novembre 2015


« Okko » fait partie de ces rares séries qui, au fur et à mesure des tomes, se bonifie. Après cinq diptyques, il est temps pour Hub de raccrocher et de terminer son histoire. Les premiers cycles avaient vu Okko le ronin faiblir, vieillir et être mutilé. Dans « Le cycle du vide », il prend une retraite bien méritée. C’est l’occasion de revenir sur son passé. Le tout est publié chez Delcourt.

« Okko » reprend les codes de l’aventure classique. Un groupe disparate d’individu (un démon, un ronin, un moine alcoolique et son apprenti) arpente un Japon médiéval fantastique. En utilisant un flashback pour terminer son œuvre, Hub s’attache à nous expliquer comment ce groupe s’est formé. Okko est donc à la recherche de sa mère. Parallèlement, on suit l’histoire de Noshin, comprenant comment il est devenu moine.

Une fin en apothéose.

Okko10aL’inconvénient majeur de ce cycle est l’absence (presque) totale de Noburo, un personnage ô combien charismatique ! Cependant, les informations distillées, le suspense insoutenable et les révélations compensent largement cette perte. Car au-delà de ce cycle passionnant, c’est toute la série qui prend du sens. Sitôt fermé ce tome, je me suis relancé dans la lecture complète des cycles précédents, retrouvant les allusions laissés par Hub précédemment (la relecture de la visite des monastères prend ainsi une saveur particulière…). L’auteur a vraiment pensé sa série comme un tout. Et au-delà de chaque cycle qui possédait un intérêt en tant qu’entité unique, la série prend encore une nouvelle dimension.

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Hub réussit donc le pari de refermer sa série sans laisser de regret à ses lecteurs. On sentait un Okko à bout et on le laisse partir chasser ses démons intérieurs. Les révélations sont puissantes et on ne sort pas déçu de ce cycle qui explique le passé des protagonistes sans renier aux codes de la série : violence, démons et manipulations.

Graphiquement, Hub a beaucoup évolué dans son dessin les années passant, tout en gardant cette identité forte. Le trait est dynamique et élégant, puisant dans différentes sources. La colorisation est encore une fois de grande qualité, sublimant les ambiances sans ternir le dessin de l’auteur.

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« Okko » se termine et c’est tant mieux. Point d’orgue de la série, ce cycle du vide est riche en action et en émotion. Ainsi, aucune déception ne vient ternir cette épopée qui restera comme l’une des meilleures séries de ces dernières années. Okko a pris sa retraite et on aura grand plaisir à relire ses aventures. Il n’y a pas eu de cycle de trop et c’est bien le principal !

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note5

Okko, T7 : Le cycle du feu, première partie

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Titre : Okko, T7 : Le Cycle du Feu, première partie
Scénario : Hub
Dessin : Hub
Parution : Octobre 2011


« Okko » est une série basé sur des cycles élémentaires composés de deux tomes chacun, scénarisée et dessinée par Hub. Après le cycle de l’eau, le cycle de la terre et le cycle de l’air, voici venir le cycle du feu. Premier tome de ce cycle et donc septième de la série, celui-ci démarre sur un mariage entre deux familles très puissantes. Devant l’ampleur du phénomène (qui pourrait amener un nouvel empereur), les familles font appel à la garde blanche, composée des cent samouraïs les plus valeureux. Auquel s’ajoute un cent-unième bien connu : Okko. Bien qu’étant déshonoré et diminué (il a perdu une main lors du cycle précédent), ce qui fait de lui un ronin, ses faits d’armes le rendent indispensables. Cependant, notre héros sait prendre du recul et évite de se mélanger avec des pairs qui le renient.

La réussite d’ « Okko » tient à plusieurs facteurs. Le japon médiéval, teinté de fantastique, est à la fois terriblement exotique et sombre. Hub crée un monde d’héroïc-fantasy japonais avec ses guerriers, ses nobles, ses monstres et ses sorciers. La balance entre l’aspect historique (et documenté) et fantastique est parfaitement dosée et accouche d’un univers crédible et cohérent.

Un Japon médiéval, exotique et sombre.

Autre facteur de réussite : les personnages. Comme dans toute saga de fantasy, « Okko » est avant tout l’histoire d’un groupe. On y trouve Okko, samouraï déchu, Noburo, guerrier géant caché derrière un masque, Noshin, moine alcoolique et Tikku, jeune apprenti du moine. La galerie est pittoresque mais moins caricaturale qu’elle n’y paraît. Les relations entre les personnages sont souvent conflictuelles et les problèmes viennent souvent de l’une des personnes du groupe. Le vrai lien est Okko, qui n’hésite pas à se mettre en danger (voire à se sacrifier) pour défendre l’un de ses compagnons. C’est une vraie force dans cette BD car Okko est parfois à la limite de l’antipathique. Aigri et agressif avec le moine, Hub ne lui fait pas non plus de cadeau. Mais son personnage préfère ses amis à son honneur. L’auteur en fait donc une version nouvelle du samouraï, très intéressante.

Comme d’habitude, l’histoire se passe sur une île. Cycle du feu oblige, elle est volcanique ! Dans ce premier tome du cycle, Hub distille son atmosphère lentement sans dévoiler les vrais tenants de l’intrigue. Et à la fin du tome, un évènement avive un suspense insoutenable. L’auteur maîtrise réellement la construction en deux tomes et c’est sans doute ce qui fait tout le charme de cette œuvre. Plutôt que d’écrire une longue épopée de 8 tomes, Hub écrit des histoires denses à l’identité fortement marquée. Résultat : on a l’impression que « Okko » s’améliore de tomes en tomes.

A force de passer les tomes, on en apprend un peu plus sur les personnages. Hub nous présente un Okko en apparence vieilli et affaibli. Bien que pouvant être lu indépendamment des autres tomes, je conseille tout de même une lecture préalable des ouvrages précédents. De même, le jeune Tikku, si timide et effrayé au départ, vieillit et prend de plus en plus d’initiatives. On a vraiment l’impression de voir évoluer les personnages. Mais comme toujours, c’est très léger et subtil. Hub ménage ses informations, ses évolutions afin de créer une œuvre des plus intéressantes.

Et que dire du dessin ? Il est simplement magnifique. Détaillé et expressif, il sait se faire dynamique dans les combats. La faune et la flore sont parfaitement retranscrits et donnent de la chaleur à ce cycle ardent. De même, tous les apparats du japon médiéval donnent vraiment l’impression d’y être, facilitant notre plongée dans l’univers. Sans en faire trop, Hub sait créer des moments forts dans ses planches. Une grande réussite comme toujours ! De plus, chaque cycle a une vraie identité, que ce soit dans les tons, les couleurs et les ambiances.

« Okko » est une vraiment une œuvre majeure de la bande-dessinée. Construite selon des cycles de deux tomes, tout y est réussi. Un dessin virtuose reconnaissable immédiatement, des intrigues teintées de fantastique, un univers original et cohérent, des personnages complexes et attachants… Je ne peux que vivement la conseiller à ceux qui ne l’auraient pas encore découverte. Chaque tome est un grand moment, simplement.

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note5

 

Okko, T9 : Le cycle du vide, première partie

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Titre : Okko, T9 : Le cycle du vide, première partie
Scénariste : Hub
Dessinateur : Hub
Parution : Mai 2014


« Okko » est certainement l’une de mes séries préférées. Je la suis depuis le premier tome. Or, fait rare, cette série a eu tendance à se bonifier au fur et à mesure des tomes. Et des tomes, il y en a puisque c’est le neuvième qui sort en cette année 2014. Scindés par cycle de deux, voilà donc l’ultime cycle : le cycle du vide. C’est donc l’avant-dernier opus des aventures d’Okko qui paraît chez Delcourt. Alors, que nous propose donc ce nouveau cycle ?

Okko est un ronin qui arpente l’Empire du Pajan accompagné par de curieux acolytes. Ils sont chasseurs de démons. On retrouve Noshin le moine alcoolique, Noburo le géant masqué et Tikku, apprenti moine. Or, depuis le début, nous ne savons toujours pas qui est Noburo ni même comment le moine a pu se retrouver embarqué dans ce groupe. Quant à Okko, son passé reste trouble. Le groupe est actuellement chassé et fuit perpétuellement. Okko, usé, décidé qu’il est temps pour lui de prendre sa retraite. Et voilà l’occasion de présenter un flashback sur l’histoire du ronin.

Beaucoup d’informations restent en suspens

La force de l’univers de « Okko » est de savoir distiller les informations au compte-goutte. Hub maîtrise parfaitement son univers et ne nous laisse entrevoir les liens du passé qu’avec parcimonie. Et, enfin, avec ce dernier cycle, l’auteur va avoir les réponses à ses questions ! Et il faut bien avouer que l’on est gâté ! Sans trop s’attarder sur la narration, Hub déclenche très vite un flashback qui tiendra jusqu’à la fin du livre. Certains personnages passés apparaissent donc et le passé est révélé. L’auteur nous livre beaucoup d’informations, si bien qu’à la fin de l’ouvrage on n’a qu’une envie : relire les huit premiers tomes pour voir si certains aspects étaient déjà visibles à l’époque… Cependant, beaucoup de questions restent en suspens et l’idée d’attendre encore de longs mois pour lire l’épilogue est une véritable souffrance.

« Okko » tient sa force de l’univers nippon médiéval fantastique qu’il propose. Hub lui donne toute sa force par des dessins expressifs et des décors splendides. Les couleurs rendent hommage au trait du dessinateur sans peine et aident à la narration, utilisant de différents camaïeus pour les flashbacks. Les nombreux combats (au katana bien sûr !) sont admirablement rendus avec beaucoup de dynamisme. Bref, c’est parfaitement adapté au propos !

Si on pourra regretter l’absence de certains personnages (Noburo notamment !), cette bande-dessinĂ©e se dĂ©vore d’une traite et donne suffisamment d’informations pour rassasier lecteur. MalgrĂ© tout, on ne peut qu’attendre l’épilogue de cette sĂ©rie. L’une des plus passionnantes de ces dernières annĂ©es.

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note5

Astérix, T35 : Astérix chez les Pictes

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Titre : Astérix, T35 : Astérix chez les Pictes
Scénariste : Jean-Yves Ferri
Dessinateur : Didier Conrad
Parution : Octobre 2013


Cette année marquera une date importante de la bande dessinée française. C’est en effet la première fois que les aventures des deux plus célèbres gaulois ne sont nés ni de la plume de René Goscinny ni de celle d’Albert Uderzo. C’est à Jean-Yves Ferri et Didier Conrad qu’a été confiée la mission d’offrir un second souffle à des mythes du neuvième art. Tout le monde était quasiment d’accord sur le fait que la magie de la série avait disparu avec son scénariste original. Son acolyte n’a jamais eu le talent d’écriture suffisant pour faire perdurer la qualité des premiers opus. La parution de Astérix chez les Pictes le vingt-quatre octobre dernier générait donc une curiosité certaine. D’ailleurs, cela a fait que je me suis offert mon premier album de la saga depuis des années.

Le site Bd Gest’ propose le résumé suivant : « Les Pictes ? Oui, les Pictes ! Ces peuples de l’ancienne Ecosse, redoutables guerriers aux multiples clans, dont le nom, donné par les Romains, signifie littéralement « les hommes peints ». Astérix chez les Pictes promet donc un voyage épique vers une contrée riche de traditions, à la découverte d’un peuple dont les différences culturelles se traduiront en gags et jeux de mots mémorables. » 

J’associe le nom de Jean-Yves Ferri à la série Le retour à la terre dont les différents épisodes m’ont procuré moult fous rires. Je trouvais donc ce choix judicieux de lui confier le scénario de ce nouvel album. La qualité de son écriture, son sens de la répartie et la drôlerie de ses dialogues me laisser croire en sa capacité à s’inscrire dans la lignée de son illustre prédécesseur, René Goscinny. Par contre, je ne connaissais le travail de Conrad que de réputation. Je n’avais jusqu’alors jamais eu l’occasion de le découvrir. Néanmoins, le fait qu’Uderzo soit encore à ses côtés garantissait une continuité dans le dessin.

Jouer sur les coutumes locales

Les auteurs ont choisi un squelette narratif classique pour leur grande première. En effet, offrir un voyage à Astérix et Obélix dans une contrée étrangère n’est pas original. Néanmoins, ce n’est pas une mauvaise idée. Les pérégrinations de nos deux gaulois en Hispanie, Corse, Belgique, Helvétie ou en Grande-Bretagne font partie de mes préférées. Cette option permet de jouer sur les coutumes locales. Les Pictes étant les écossais actuels, on pouvait supposer que le kilt ou encore le monstre du Loch Ness seraient de sortie. La lecture offre de bonnes surprises dans le domaine. Certains clichés des autochtones sont exploités. Je me suis laissé porter malgré le côté répétitif de certains d’entre eux. Certaines blagues font sourire même si on ne retrouve pas la densité des meilleurs épisodes de la série. Par contre, je trouve plutôt bien construite la relation toujours décalée entre Obélix et les us et coutumes étrangères.

L’histoire ne dénote pas non plus par son originalité. Un Picte exilé se doit d’aller reconquérir sa belle pour éviter la prise de pouvoir d’un chef manipulateur et vil. Les événements s’enchainent à un rythme régulier et toutes les étapes prévisibles sont respectées. A aucun moment, je n’ai été pris par surprise. Les auteurs naviguent sur des rails bien tracés. Ils ne cherchent pas à révolutionner le genre. Au contraire, ils se montrent très respectueux de l’institution. Bon nombre de scènes rappellent certains moments vécus en lisant les albums précédents. Je ne leur reproche pas du tout cette démarche dans le sens où il me paraissait impossible de révolutionner le genre.

Le nouveau duo était également attendu sur ses textes. Goscinny est célèbre pour ses jeux de mots et ses calembours. Ferri fait de gros efforts sur ce plan-là. Rares sont les pages sans second degré. Certains sont plus réussis que d’autres mais le bilan reste très positif par rapport aux récentes parutions de la série. Ma deuxième lecture m’a d’ailleurs permis de profiter davantage de cet aspect. Néanmoins, les blagues de cet opus font davantage sourire que rire. C’est toujours mieux que les derniers albums rédigés par Uderzo qui en devenaient pathétiques dans le domaine.

Au final, Astérix chez les Pictes réussit correctement sa mission. Il avait pour objectif d’arrêter la terrible chute opérée depuis une petite dizaine d’album. Il est atteint. Néanmoins, il faudra attendre le prochain opus pour savoir si Ferri et Conrad peuvent redonner entièrement ses lettres de noblesse à ce mastodonte du neuvième art. C’est tout le mal que je leur souhaite…

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Astérix, T36 : Le papyrus de César

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Titre : Astérix, T36 : Le papyrus de César
Scénariste : Jean-Yves Ferri
Dessinateur : Didier Conrad
Parution : Octobre 2015


Même si aucun de ses deux créateurs n’est à l’origine de son écriture, le nouveau tome des aventures d’Astérix reste un événement majeur du neuvième art. Le dernier date du mois dernier et s’intitule Le Papyrus de César. Le binôme formé de Jean-Yves Ferri et Didier Conrad a été une nouvelle fois missionné pour faire naître de leur imagination les nouvelles aventures des gaulois les plus célèbres du monde. Les deux auteurs avaient su offrir une suite correcte et respectueuse à l’œuvre de René Goscinny et Albert Uderzo avec l’épisode précédent Astérix chez les Pictes. Je fais partie des lecteurs ayant trouvé plutôt apprécié cet album historique. Sans atteindre la qualité des premiers opus, il marquait un progrès énorme par rapport aux derniers ouvrages nés de la seule plume d’Uderzo. J’espérais donc que ce trente-sixième acte prolonge cette évolution positive.

Le papyrus qui donne son titre au livre n’est pas le moindre des écrits : il s’agit d’un chapitre de la célèbre Guerre des Gaules contée par César. Ce chapitre n’est pas n’importe lequel : il s’agit de celui qui évoque les irréductibles gaulois et la partie de la Gaule qui n’est pas dominée par Rome. Le conseiller de l’empereur lui propose de faire disparaître ces pages permettant ainsi à l’Histoire de retenir que César a conquis toute la Gaule. Le souci apparait lorsqu’un colporteur gaulois met la main sur une mouture complète du papyrus et décide de rendre publique cette manipulation de la réalité…

Le journalisme version Jules César

Asterix36aJ’ai trouvé l’idée de départ originale et intéressante. Les enjeux apparaissent réels et créent un lien évident avec notre époque contemporaine. Ne dit-on pas que l’Histoire est toujours écrite par les vainqueurs ? De plus, cela permet aux auteurs d’intégrer le concept de liberté de la presse dans leur histoire. Tous ces thèmes sont plutôt bien exploités tout au long de la narration. Sans jamais tomber dans un excès regrettable, Jean-Yves Ferri arrive à faire rire avec ses vannes évoquant l’univers du journalisme.

Concernant le méchant, il prend ici les traits de Bonus Promoplus, conseiller et éditeur de l’empereur. L’éthique n’est pas sa qualité première et il se trouve bien embêté lorsqu’il apprend la disparition du papyrus. Il doit mettre la main dessus tout en empêchant César d’être informé de la situation. Il reprend beaucoup de caractéristiques des traditionnels adversaires des héros irréductibles. Sa personnalité s’inscrit dans la tradition de la série et ce n’est pas désagréable pour le lecteur. J’ai pris beaucoup de plaisir à rire de ses mésaventures et sa nervosité permanente. Son travail avec les légionnaires de Babaorum. Découvrir les soldats blasés par les irréductibles gaulois devant ce petit excité fait aisément sourire.

Evidemment, l’attrait réside aussi de retrouver nos gaulois adorés. Les auteurs s’en approprient les codes avec talent. Cétautomatix, Ordralphabetix, Agecanonix, Abraracourcix, Bonemine ou Assurancetourix jouent leur rôle à merveille. Ils ont chacun leur petit fil conducteur personnel qui densifie la trame général. Concernant Obélix, il est nouvelle fois la grande star de l’album avec sa volonté ponctuelle d’éviter les conflits et les sangliers. Bref, les auteurs offrent un album qui respecte les codes de la série avec talent. Les dessins de Didier Conrad sont dans une lignée parfait d’Albert Uderzo.

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Pour conclure, je trouve que Le Papyrus de César est un cru honnête. Il n’a aucun mal à accompagner les précédents épisodes de la saga. Je le trouve plus réussi qu’Astérix chez les Pictes. Cela me rend optimiste. Les auteurs semblent plus à l’aise dans ce costume prestigieux. Surtout, j’ai bon espoir que Astérix retrouve les lettres de noblesse que certains épisodes récents avaient tendance à effriter sérieusement…

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note3

Narcisse, T2 : Terra Nullius

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Titre : Narcisse, T2 : Terra Nullius
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Septembre 2015


Le premier tome de « Narcisse » m’avait un peu laissé sur ma fin. Malgré un dessin de haut niveau, la narration souffrait d’un rythme mal maîtrisé et d’une histoire qui ne se lançait vraiment qu’en toute fin d’album. Avec ce deuxième tome, Chanouga entre dans le cœur de son ouvrage : l’expérience d’un naufragé sur une île de cannibales. Le tout est publié chez Paquet pour soixante pages.

Narcisse, jeune mousse embarqué pour l’Australie, est échoué sur une île où sévissent des cannibales. Une expédition cherche à lui venir en aide (et à récupérer leur main d’œuvre chinoise), mais ils le considèrent comme mort. Pourtant, Narcisse va survivre et vivre parmi les autochtones pendant de nombreuses années.

Une vie parmi les cannibales.

Narcisse2aAprès un premier tome qui s’éternisait sur les premières expériences de Narcisse, on entre ici dans le vif du sujet. « Terra Nullius » s’intéresse exclusivement à la vie du jeune homme sur l’île. Ses débuts difficiles (et contestés) parmi la tribu, jusqu’à son départ. Le lieu unique permet à Chanouga de mieux maîtriser sa narration. En cela, la série s’améliore. Mais on sent l’auteur encore très attaché à ne relater que les faits dont il a connaissance. L’histoire reste parcellaire et on aborde plusieurs années en un seul tome. Là encore, certains événements restent peu traités en terme psychologique (on pense notamment au cannibalisme).

L’histoire prend un tour plus spirituel avec ce deuxième tome. C’est plutôt une réussite, Chanouga maîtrisant parfaitement ce genre de sujet et le mettant en image avec maestria. Car au-delà de l’esthétisme des pages de l’auteur, c’est son découpage qui est marquant. Ne cherchant jamais la facilité, il sait produire des planches marquantes.

Difficile de ne pas parler du dessin de Chanouga. Son choix d’absence d’encrage met en valeur son crayonné (dont on voit les traits de construction). Sa gestion des couleurs et des lumières est un modèle du genre. Son bleu-vert couplé à l’orange des cheveux de Narcisse fait des merveilles. Pleinement à l’aise avec la mer et la végétation luxuriante de l’île, on ne peut que s’extasier devant son dessin.

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Si les choix de narration et de scénario restent discutables, ce deuxième tome est plus réussi que le premier. Doté d’une unité de lieu (à défaut de temps), on reste un peu étonné de voir Narcisse si peu expressif face aux événements. Mais sans doute est-ce aussi l’originalité de cet ouvrage. Le jeune homme adopte pleinement la vie des autochtones et laisse véritablement de côté son ancienne vie. C’est cela qui perturbe le lecteur. À voir comment Chanouga clôturera cette série avec le troisième et dernier tome traitant du retour de Narcisse à la vie occidentale.

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note3

Narcisse, T1 : MĂ©moires d’outre-tombe

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Titre : Narcisse, T1 : MĂ©moires d’outre-tombe
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Avril 2014


J’avais été subjugué par le premier album de Chanouga. Son univers maritime et onirique m’avait beaucoup plus, soutenu par un graphisme personnel parfaitement adapté au sujet. Il revient cette fois avec une biographie sous forme de série, « Narcisse ». Prévue en trois tomes de 60 pages, elles font entre l’auteur dans un travail bien plus classique et réaliste. Le tout est publié chez Paquet.

Au rayon des constances, Chanouga reste dans l’univers de la mer. Il raconte l’histoire de Narcisse, un jeune garçon qui ressent l’appel de la mer. Contre l’avis de ses parents, il s’embarque comme mousse. Et de bateaux en bateaux, il finit par partir pour l’Australie. Mais c’est un naufrage qui l’attend…

Le difficile exercice de la biographie.

Narcisse1aSi la série doit avant tout parler de l’expérience de naufragé de Narcisse (vu les notes de fin d’ouvrage), ce premier tome s’attarde sur le personnage. Comment en est-il arrivé là, pourquoi veut-il naviguer… Tout cela est très classique et, honnêtement, peu passionnant. Tout va trop vite (ou pas assez, c’est selon) et la narration manque de fluidité. Quand on comprend à la fin du livre qu’on a affaire à une biographie, on comprend mieux le rythme un peu hâché du l’ouvrage. Chanouga manque un peu d’expérience pour le coup, n’arrivant pas à se détacher du sujet pour faire les coupes nécessaires dans la réalité ou, à l’inverse, pour broder et remplir les inconnues.

Malgré tout, l’histoire touche à la mer et cela ne laisse pas indifférent. Narcisse vieillit au long de l’ouvrage, devenant un jeune homme. Si les faits relatés sont suffisamment classiques, la montée en tension est réelle et la dernière partie, concernant le naufrage, ne laisse pas indifférent.

En revanche, le dessin de Chanouga, immédiatement reconnaissable, est une pure merveille. Même s’il est plus puissant dans les représentations abstraites et fantastiques que dans le réalisme pur, son trait non-encré est splendide et admirablement mis en couleur (avec un contraste de couleurs froides et chaudes maîtrisé). Certaines cases, certaines pages, sont particulièrement marquantes et nous laissent sans voix.

Narcisse1b

Ce « Narcisse », bien plus terre-à-terre que « De profundis », nous laisse un peu sur notre faim. On a l’impression d’une narration et d’un rythme mal maîtrisé. Un peu de concision d’un côté, afin de s’attarder sur certains points ailleurs aurait été les bienvenus. Reste un graphisme enivrants qui sait nous faire oublier, un peu, ces écueils.

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L’Ă©chappĂ©e – GrĂ©gory Mardon

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Titre : L’Ă©chappĂ©e
Scénariste : Grégory Mardon
Dessinateur : Grégory Mardon
Parution : Avril 2015


« L’échappée » est un pavé de plus de 200 pages scénarisé et dessiné par Grégory Mardon. Le livre narre l’histoire d’un homme qui s’échappe de sa vie pour aller voir la mer. C’est le point de départ d’une aventure surprenante… Le tout est publié chez Futuropolis pour un prix de 27 €.

« L’échappée » a la particularité d’être entièrement muet. On pourrait prendre cela pour un exercice de style, mais cette absence de parole à un véritable sens. Cela explique le nombre important de pages, le dessin devant exprimer beaucoup d’actions et de sentiments.

Le dessin remplace les mots.

LEchappee2L’histoire est découpée en plusieurs chapitres, chacun étant représenté par une couleur. Le dessin est bichromique, ce qui permet de bien définir les différentes ambiances. L’histoire commence en ville, alors que l’homme mène une vie des plus modernes : métro, boulot, dodo. Mais l’appel de la mer va briser cet enchaînement (la cassure est parfaitement représenté par la couverture). Difficile d’en dire plus sans spoiler la suite, mieux vaut laisser la surprise.

Le dessin est bien dans l’air du temps. Le trait au pinceau, épais, est élégant et dynamique. Le travail de Grégory Mardon est avant tout dans le mouvement et l’expression que dans le détail. Ainsi, la BD se lit vite une première fois. On s’attarde un peu plus en deuxième lecture, mais on s’aperçoit qu’on n’est pas passé à côté de détails particuliers. La lecture est donc très premier degré.

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« L’échappée » est une belle réussite. À la fois remarquable de par sa contrainte initiale, l’histoire est finalement plus originale que ce que le pitch initial laissait penser. Dommage que son prix, excessif, puisse bloquer l’achat chez de nombreux lecteurs et empêcher un plus ample succès.

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note4