Maurice et Patapon, T6 : Mariage pour tous ! – Charb

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Titre : Maurice et Patapon, T6 : Mariage pour tous !
Scénariste : Charb
Dessinateur : Charb
Parution : Mai 2013


Je n’ai jamais lu Charlie Hebdo. Je ne suis pas hermétique à ce type de presse mais disons que l’occasion ne s’est jamais présentée de m’y plonger. Ce n’est donc pas par ce chemin que j’ai découvert Charb. En effet, ma rencontre avec cet auteur a eu lieu grâce un de mes anciens collègues qui m’a mis dans les mains le premier tome de Maurice et Patapon. Je suis tombé sous le charme de ses deux personnages uniques dans leur genre. Depuis, je guette la parution de chaque nouvel épisode dans les librairies. Le dernier en date s’intitule Mariage pour tous !. Edité chez Les Echappés Charlie Hebdo, il est apparu dans les rayons en mai dernier. Son prix avoisine quatorze euros. La couverture, sur fond vert, nous présente le chien et le chat en costume de mariés. Cette illustration est pleinement en accord avec le titre et l’actualité.

Notre premier contact visuel pourrait laisser croire que cet album surfe sur un sujet vendeur et dans l’air du temps. Ce n’est absolument pas le cas. De mémoire, quasiment aucun des strips n’évoque le mariage gay. Cet ouvrage se compose d’une soixantaine de pages. La majorité des planches est partagée en trois bandes de trois cases chacune. Elles sont toutes indépendantes les unes des autres. Certains gags se déroulent sur une seule page mais ils sont minoritaires. La structure de l’album incite à le feuilleter. Néanmoins, cela ne m’a pas empêché de le dévorer d’une seule traite.

Des réflexions sur la connerie humaine qui sont de vrais moments de bonheur.

On pourrait croire que Charb axe la majorité de son travail sur le dessin satirique et sur l’actualité. Ce n’est pas tout à fait le cas. L’auteur ne se concentre pas sur des événements précis pour développer son message. Ses histoires se rapprochent davantage de grande vérité sur la société et s’avèrent finalement assez intemporelles. Ces réflexions sur la connerie humaine sont de vrais moments de bonheur. Il énonce un grand nombre d’évidences avec un style brut de décoffrage qui déclenchent sans aucun mal de vrais rires francs. Il faut par contre vous prévenir que le style est loin d’être politiquement correct et pourrait choquer ou mettre mal à l’aise les lecteurs les plus sensibles.

Charb est incontestablement un des meilleurs dans le domaine de l’humour scatologique. Il n’y a quasiment pas un seul gag qui ne voit pas apparaitre les défections du chien. Ce dernier évoque ses « productions » comme une personne. Les phrases fusent et raviront les adeptes du genre. J’ai vraiment ri de bon cœur tout au long de ma lecture. Quand les « merdes » ne sont pas de sortie, le sexe fait une entrée remarquée. Le gras trouve une place de choix dans cet ouvrage ! La sodomie, la zoophilie, la fellation… Rien n’est oublié ! Je suis assez impressionné par la capacité de Charb à générer autant de strips avec finalement aussi peu d’ingrédients de départ. C’est un vrai talent. Il arrive à produire plus de cent cinquante gags de grande qualité. La densité humoristique de l’ensemble est bonne. Il n’y a vraiment pas grand-chose à jeter.

Le dessin est facilement reconnaissable. Quiconque a déjà eu l’occasion de voir une illustration de Charb n’aura aucun mal à identifier son trait. D’apparence assez simple, il s’accorde parfaitement avec le propos de l’album. Quand le contenu est aussi gras et scatologique, il est important que le graphisme n’atténue pas le ton. Les expressions de Maurice et Patapon accentuent encore le côté incorrect de l’album. Les couleurs sont minimalistes. La majorité des strips ne voit aapparaîtreque l’orange de Maurice et le jaune de Patapon. Certaines cases voient aapparaîtrele vert de l’herbe, une burqa bleue ou du sang rouge. Mais tout cela reste anecdotique.

Au final, Mariage pour tous ! a répondu à mes attentes. J’ai beaucoup ri et ai aimé être choqué ou outré par certains propos de Charb. Je ne suis pas d’accord avec tous ses excès mais cela ne m’empêche de prendre beaucoup de plaisir à le lire déblatérer ses quatre vérités. Je ne peux donc que conseiller à tout le monde de partir à la découverte de Maurice et Patapon. Vous serez peut-être conquis mais pourquoi ne pas courir le risque de trouver cela drôle ? 

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Note : 14/20

Maurice et Patapon, T5 : Ni dieu, ni maĂ®tre ! – Charb

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Titre : Maurice et Patapon, T5 : Ni dieu, ni maître !
Scénariste : Charb
Dessinateur : Charb
Parution : Mai 2012


« Ni Dieu ni maître ! » est le titre ambitieux du cinquième tome des aventures de « Maurice et Patapon ». Les deux personnages sont le fruit de l’imagination de Charb, auteur connu pour son travail avec « Charlie Hebdo ». D’ailleurs ce dernier ouvrage a été édité aux Editions Les Echappés dans la collection Charlie Hebdo. Son apparition dans les rayons date de mai dernier. Il est d’un format classique et est vendu pour environ treize euros. La couverture nous présente Dieu en train de donner des hosties à un chat pendant qu’un chien s’apprête à lui donner un coup de marteau sur la tête. Tout un programme !

Wikipedia (www.wikipedia.fr) offre une présentation à la fois synthétique et limpide de cet ouvrage : « Maurice est un chien bisexuel, anarchiste aimant les excréments, la sodomie et le sexe tandis que Patapon est un chat asexuel, fasciste et ultra-libéral, aimant la mort et la souffrance (des autres). » Voilà qui est clair : âme sensible s’abstenir !

Cet album peut se lire sans avoir lu les quatre précédents. D’ailleurs, chacune de ses pages est indépendante des autres. Les planches se  décomposent essentiellement en strip développé sen trois cases. Chacune possède quatre gags. Ponctuellement, une anecdote occupe toute la page. Cela offre une lecture dense. Cette construction empêche les temps morts et les périodes de transition. Vu la présentation faite des personnages, il apparait évident que cette lecture s’adresse à un public averti. Les plus jeunes risquent de ne pas sortir indemne d’une telle découverte.

Une absence de limite et de tabou.

Les différentes caractéristiques de Maurice et de Patapon laissent ouvert bon nombre de thématiques humoristiques. Certains gags sont scatologiques, pornographiques ou amoraux. Le point commun entre toutes ces scénettes est l’absence de limite et de tabou que s’autorise l’auteur. Charb dit tout ce qu’on peut imaginer de plus crade et immoral sans se l’interdire. Sa vision du monde et de l’humanité est radicale et assez pessimiste. On ne peut pas dire que les bons sentiments soient de sortie. En ce sens, « Ni Dieu ni maître ! » ne s’adresse pas à tout le monde. Je comprends aisément que certains soient mal à l’aise ou choqués devant de tels propos. Mais je rassure les adeptes du genre : c’est du haut de gamme ! L’immense majorité des strips font mouche. On rigole avec plaisir des excès crades et moraux du scénariste. La variété des thématiques traitées fait qu’on ne ressent à aucun moment un sentiment de répétition ou de lassitude. La performance est d’autant plus remarquable que Charb a déjà offert quatre albums construits sur ce principe. A priori, son imagination est sans limite dans le domaine.

Mais le propos ne prendrait pas toute son ampleur sans un dessin à l’avenant. Charb n’a pas de limite dans ses vannes, pourquoi en aurait-il dans son trait ? Les deux personnages principaux sont graphiquement réussis et leurs expressions donnent une vraie matière à leurs discours. Mais l’auteur ne nous montre pas toujours tout. Certains gags justifient une mise en image de l’idée présentée. D’autres laissent notre imagination travailler et ce n’est pas rien vu les thèmes évoqués ! La coloration est simple car, à l’exception de quelques objets ponctuels, seuls nos héros sont colorés. Maurice est orange et Patapon jaune. Les décors sont quasiment inexistants.

En conclusion, « Ni Dieu ni maitre ! » est un ouvrage qui ne laisse pas insensible. Son humour ne fera pas rire tout le monde, je le consens aisément. Par contre, ceux qui riront le feront de bon cœur et prendront un vrai plaisir à découvrir chacune des pages. De plus, le fait que « Maurice et Patapon » ne baisse pas de qualité après autant de tomes est un gage de qualité qu’on se doit de signaler. Cela fait que je n’hésiterai pas à m’offrir le prochain opus des aventures de ces héros dès sa sortie. Mais cela est une autre histoire… 

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Note : 15/20

 

Le jeu vidĂ©o – Bastien Vivès

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Titre : Le jeu vidéo
Scénariste : Bastien Vivès
Dessinateur : Bastien Vivès
Parution : Décembre 2011


Bastien Vivès a tenu ce qui était certainement l’un des meilleurs blogs BD de la blogosphère. Utilisant le copier-coller pour créer de longues conversations souvent absurdes, il a parfaitement su utiliser le principe du défilement vertical pour créer un effet de temporalité (renforcé par les cases muettes). Fin 2011, la collection Shampooing lui ouvre les portes avec la publication de ses notes de blog. Et là, curieusement, il est décidé de sortir pas moins de six volumes pesant près de 200 pages dont les parutions sont étalées sur un peu plus d’un an. A dix euros le bouquin, ça fait cher le recueil de blog… Trop pour moi qui décidais de les lire en bibliothèque. Surtout que l’aspect thématique des ouvrages est plus ou moins réussi. Intéressons-nous ici au jeu vidéo dans ce qui est le premier opus publié.

LeJeuVidéo1Le livre se présente sous un format poche rappelant le manga. Chaque page comporte deux dessins (voire même un seul pour des questions de mise en page) apposés verticalement. Chaque scène présente de nombreux copier-coller ou presque. Certaines modifications apparaissent entre deux cases parfois, mais cela reste léger. Cela explique la pagination, car il n’y a pas tant de scènes que ça. C’est clairement un choix d’édition et on comprend bien vite qu’avec un autre format, on aurait eu droit à un seul recueil à vingt euros.

Street fighter & joystick

Malgré cet effet de répétition, le lecteur en a pour son argent. Les nombreux dialogues rendent la lecture relativement lente et si on a l’impression de tourner les pages à toute vitesse, le bouquin nous occupe un certain temps. Pour « Le jeu vidéo », Bastien Vivès est très à l’aise et il n’y a pas vraiment de déchets dans ses histoires. La qualité des scènes est constante et on sourit beaucoup. Mieux vaut connaître un peu les années 90 car il en est beaucoup fait mention. On parle de joystick et de Street Fighter (visiblement un jeu qui a marqué l’auteur). L’aspect nostalgique est très présent, notamment dans les conflits générationnels.

Le dessin de Bastien Vivès est ici réussi, même si les copier-coller rendent l’exercice un peu biaisé. Son dessin ultra-dynamique fait de touches de noir est reconnaissable et remarquable. Cela reste quand même très statique. Il est cependant impressionnant de voir que l’auteur peut nous faire rire sans même utiliser les expressions de ses personnages…

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Si les choix éditoriaux sont contestables, la qualité de l’ouvrage ne l’est pas. Drôle et un brin nostalgique, « Le jeu vidéo » se lit avec grand plaisir et vous rappellera vos moments de jeunesse devant la console, un magazine sur les genoux, à essayer de faire un coup spécial jusqu’à l’épuisement.

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Note : 15/20

L’infiniment moyen – Fabcaro

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Titre : L’infiniment Moyen
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Avril 2011


Dans « L’infiniment moyen », Didier Tronchet dit dans sa préface que Fabcaro « met beaucoup d’application à ne pas être connu ».Et c’est bien dommage, car Fabcaro a du talent à revendre ! « L’infiniment moyen » est un recueil de planches déjà parues entre 2003 et 2011, notamment dans Psikopat, Bedaine et CQFD. Un florilège sur 8 ans de dessin, on pourrait craindre un ensemble disparate. Heureusement, ce n’est pas du tout le cas.

« L’infiniment moyen » comporte trois types de planches. Les premières sont muettes et la chute est souvent un contre-pied complètement absurde. Les deuxièmes sont plus classiques, avec dialogues et chutes finales (où l’auteur se met parfois en scène). Enfin, quelques illustrations complètent le tableau. Le tout est évidemment entièrement humoristique.

Un humour oscillant entre humour classique et humour franchement glauque.

La variation des situations et des personnages peut être pris comme un défaut et pourtant il est aussi révélateur de la capacité de Fabcaro à faire des blagues en créant un contexte rapidement. Pas d’univers sur lequel se reposer, pas de blagues récurrentes, uniquement de l’instantané. Et force est de constater que le tout est très drôle, oscillant entre le classique et le franchement glauque. Il y en a pour tous les goûts.

Je tiens à féliciter les personnes qui ont participé à la maquette de cet ouvrage. En effet, les différents types de planches sont parfaitement équilibrés entre illustration, muet et parlant. On croirait presque que c’est un ouvrage dessiné pour l’occasion. On découvre ainsi un Fabcaro possédant un véritable univers, une ambiance pleine d’humour noir et décalé. On est souvent surpris et les rires sont fréquents lors de la lecture. Encore une fois, Fabcaro confirme tout le bien que je pense de lui.

Le style graphique de l’auteur est toujours aussi sympathique. Le trait est dynamique, tout en noir et blanc. C’est un vrai plaisir. Une mention spéciale est à accorder aux visages qui semblent toujours sur la brèche, que ce soit d’angoisse, de colère ou de désespoir. Les personnages ne semblent jamais sereins (et ceux qui semblent heureux sont source d’angoisse pour les autres). Cela participe fortement à l’ambiance noire qui se dégage des planches.

Au final, « L’infiniment moyen » est un recueil des plus réussis. Certes, ce n’est peut-être pas le meilleur moyen de découvrir Fabcaro, mais il comblera sans peine les adeptes de l’auteur et les lecteurs amateurs d’humour grinçant.

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Note : 15/20

Jours de gloire – Fabcaro

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Titre : Jours de gloire
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Septembre 2013


Fabcaro est un auteur que j’adore. Son humour, absurde, est facilement reconnaissable et fait mouche à chaque fois. Quand je suis tombé sur « Jours de gloire », un recueil de strips parus chez Altercomics, je n’ai pas pu y résister. Et pourtant le prix de 13€ pour une cinquantaine de strips m’avait fait un peu tiquer. Mais quand on aime, on ne compte pas…

Le strip est une des spécialités de Fabcaro. Du moins le gag à chute absurde ! On le retrouve dans nombre de ses livres (« Z comme Don Diego », « On n’est pas là pour réussir », « Amour, Passion & CX Diesel », etc.). C’est également le cas ici. La différence, c’est qu’il n’y a pas réellement de contexte, alors que les précédents bouquins cités concernaient Zorro, les auteurs BD ou la parodie de série télé. Du coup, on perd beaucoup sans univers. Le redondance étant une des qualités de l’humour de Fabcaro, il perd ici de son efficacité. Son héros (ou plutôt antihéros) est trop impersonnel. Dommage.

Un recueil un peu léger.

Cependant, l’humour absurde de l’auteur, s’il vous parle, reste quand même au niveau. Les chutes font leur petit effet et savent nous surprendre. Notre héros est un imbécile dragueur qui ne cesse de gaffer. On sourit souvent mais le temps passe hélas vite et le livre est refermé alors que l’on en demande encore… Le format à l’italienne est parfaitement adapté à l’ouvrage, mais cela donne l’impression que cela sert à cacher la pauvreté du nombre de strips. Car en format en A4, il n’y aurait plus qu’une quinzaine de pages à lire. Et du coup, c’est le prix qui fait un peu tiquer.

Au niveau du dessin, Fabcaro adopte un trait simple et efficace, adapté au propos. Les pages sont parfois un peu vides car il n’y a pas de décor. Mais l’essentiel n’est pas là, c’est avant tout le propos qui prime.

Clairement, cet ouvrage est un peu bancal. Recueil de strips réalisés entre 2003 et 2010, on peut se demander se cela méritait un livre. Il ne faut pas s’y tromper : les strips sont drôles et réussis, mais la lecture est trop courte pour le prix proposé. Quant à Fabcaro, il nous a habitué à encore mieux lorsqu’il ajoute un contexte à ses strips : il sait alors exploiter l’univers pour bonifier l’ensemble. Une déception, même si le tout m’a donné le sourire du début à la fin.

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Note : 10/20

Jean-Louis et son EncyclopĂ©die, T1 : Les Profs sont des Cons (sauf Jean-Louis) – Fabcaro

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Titre : Jean-Louis et son Encyclopédie, T1 : Les Profs sont des Cons (sauf Jean-Louis)
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Août 2009


Fabcaro est un auteur de bandes dessinées qui m’était inconnu jusqu’au passage récent du Père Noël dans mon foyer. En effet, j’ai eu le plaisir de découvrir un de ses ouvrages sous le sapin. Il s’agit de « Jean-Louis (et son encyclopédie) ». Edité chez Drugstore, cet album est composée d’un petit peu moins de cinquante pages. Il est vendu au prix de dix euros. Chaque page est composée de trois séries de trois cases.

L’album nous conte les aventures de Jean-Louis. Ce dernier est enseignant et la partie de sa vie qui nous est narrée est celle qui se déroule en salle des professeurs. La description faite sur la quatrième de couverture est la suivante : « Et voilà la sacro-sainte salle des profs où vous allez passer pas mal de temps… Je vous laisse faire connaissance avec vos collègues… Vous allez voir, ici c’est l’ambiance garantie… ».

Au-delà de son statut d’enseignant, on ne peut pas dire que Jean-Louis soit le parti idéal. En effet, en plus d’un physique peu avantageux, il a la particularité d’accumuler bon nombres de défauts. Il est entre autre égoïste, manipulateur, hypocrite et radin. J’en oublie sûrement. On peut résumer sa vie par : « Tout pour ma gueule ». Le problème est que la finesse n’est pas sa qualité principale et bien souvent la chute de l’histoire n’est pas à son avantage.

Le milieu enseignant n’est que l’univers de l’histoire.

Une des modes actuelles dans la bande dessinée est les séries construites autour du thème propre à un corps de métier : les profs, les pompiers, les CRS etc. Bien souvent, ses albums m’ont déçu. Ils sont souvent prévisibles et répétitifs. Bref, on est déçu en les découvrant et nos zygomatiques sont peu sollicitées. Le thématique de « Jean-Louis (et son encyclopédie) » pourrait appartenir à cette mouvance du fait du métier de son héros. Je vous rassure, ce n’est pas le cas. Car le thème de l’album n’est pas la salle des professeurs mais Jean-Louis et ses aventures dans la salle des professeurs. Le milieu enseignant n’est que l’univers de l’histoire. Son héros est bel et bien Jean-Louis. Bon nombre de gags ou de dialogues pourraient avoir lieu sur tous les lieux de travail. En ce sens, Jean-Louis touche tout le monde.

Comme je l’ai dit en introduction, chaque page est composée de trois séries de trois cases. Bien souvent, chaque série correspond à un gag. Le risque de ce genre de structure est d’alterner des chutes hilarantes avec des moments plus moyens. Ce n’est ici pas le cas. La qualité est au rendez-vous tout au long des quarante-huit pages. On rigole de Jean-Louis sans cesse. Son manque de savoir-vivre et sa maladresse ne cessent de solliciter nos zygomatiques. L’auteur arrive à créer des situations très originales. Il a de plus un talent pour les dialogues qui rend chaque situation très réussie.

Cet album se dévore. On a toujours hâte de découvrir le gag suivant tant notre cher Jean-Louis ne semble avoir aucune limite. De plus, une deuxième lecture n’est pas désagréable. On rit à nouveau de bon cœur et on savoure même davantage certaines phrases lues trop vite la première fois. Je pense que c’est un bouquin qu’on peut s’acheter tant chaque redécouverte fera rire une nouvelle fois son lecteur.

Il est temps maintenant de vous parler de la fameuse encyclopédie de Jean-Louis. En plus de toutes ses « qualités » précédemment citées, Jean-Louis est particulièrement fier de lui. Tellement fier qu’il s’est mis en tête d’écrire une encyclopédie et il fait en sorte, de manière toujours discrète, que ses collègues soient au courant. A priori, chacun de ses lecteurs a quelques réserves sur l’intérêt et le sérieux de l’ouvrage en question. On en découvre d’ailleurs de nombreux extraits dans l’album. On découvre donc les réponses de Jean-Louis à des questions telles que : comment naissent les proverbes, que signifie exactement « être rebelle », qu’est-ce que la philosophie, quelle est l’origine du naturisme etc. Bon nombre de réponses à ces questions fondamentales sont plutôt réussies et font rire à défaut de briller par leur pertinence historique ou scientifique.

Il me reste à vous parler des dessins. Comme dit précédemment, je découvre Fabcaro. J’ai été tout de suite séduit par son style. Dans cet album, on n’y voit que des personnages. Il n’y aucun décor derrière. Cela donne une atmosphère aérée qui nous concentre complètement sur les personnages et leurs dialogues. Car c’est ici que réside la richesse de cette lecture. Je trouve que les différents intervenants sont bien dessinées car en les regardant uniquement, on arrive à s’en faire une idée assez précise. Les couleurs sont simples est participe à l’atmosphère réussie de l’album.

En conclusion, je ne peux donc que vous conseiller de découvrir cet album et cet auteur. Il s’agit pour moi une surprise très agréable et je vais m’empresser découvrir rapidement le reste de la bibliographie de Fabcaro. J’espère rapidement pouvoir vous décrire une autre part de son univers car si elles sont toutes de cette qualité, c’est du bonheur en barre ! 

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Note : 17/20

Droit dans le mĂ»r – Fabcaro

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Titre : Droit dans le mûr
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Décembre 2007


Après un premier ouvrage autobiographique qui mettait à nu ses névroses (« Le steak hâché de Damoclès »), Fabcaro remet le couvert avec « Droit dans le mûr ». Comme il le dit lui-même : « Faut être maso ». C’est donc reparti pour une série d’anecdotes pleine d’autodérision sur les problèmes relationnels de l’auteur. On retrouve notamment son incapacité à dire « non » et, de façon générale, à s’imposer.

Si certaines anecdotes ne font qu’une page (ce sont rarement les plus intéressantes), d’autres sont un poil plus longue, amenant souvent une réflexion plus large (l’achat de la maison, le mec au walkman, etc.). Evidemment, une chute nous attend toujours à la fin. Heureusement, la chute n’est pas le seul moment où l’ont ri. L’humour est omniprésent. Parfois absurde, parfois touchant, Fabcaro a un humour vraiment particulier, une vraie patte. Un bonheur pour les zygomatiques.

Un bilan de l’autobiographie et un bilan autobiographique.

Le début de l’ouvrage démarre sur le bilan de la première autobiographie. En effet, Fabcaro expose les problèmes liés à la publication d’un tel ouvrage… Evidemment, c’est passionnant et le fait que l’auteur n’assume absolument pas le contenu rend le tout encore plus intéressant. Ainsi, « Droit dans le mûr » et « Le steak hâché de Damoclès » fonctionnent clairement comme un diptyque. Assemblés, ils traitent plus ou moins des mêmes thèmes et donnent finalement plus de cohérence à l’ensemble.

Comme son nom l’indique, « Droit dans le mûr » s’attarde sur le vieillissement de l’auteur. Ce dernier, la trentaine passée, doit laisser certaines de ses anciennes convictions au passé. Ainsi, rien ne s’arrange vraiment quand on vieillit (alors qu’il était persuadé du contraire !) et on finit par faire des choses terribles comme devenir propriétaire (ce passage est d’une justesse incroyable) alors qu’on rejetait le concept de propriété à 20 ans. Fabcaro n’hésite d’ailleurs pas à se représenter en conversation avec son alter-ego plus jeune. Si le procédé n’est pas nouveau, il est ici utilisé avec parcimonie, énormément d’humour et se révèle finalement touchant. On a tous en nous quelque chose de Fabcaro.

Le dessin est toujours efficace avec un noir et blanc élégant et maîtrisé. Les expressions des personnages, très travaillées et marquées, renforcent l’humour des situations. Le tout est souvent articulé en planches composées de trois bandes horizontales, apportant de la cohérence à l’ensemble (et un peu de rigidité, il est vrai).

Après un « Steak hâché de Damoclès » réussi, « Droit dans le mûr » est clairement un cran au-dessus de part une certaine cohérence et une patte de l’auteur plus affirmée. Les deux ouvrages tirent un portrait hilarant de Fabcaro, plein d’autodérision. Indispensable pour tous les fans de l’auteur !

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Note : 16/20

Le steak hachĂ© de Damoclès – Fabcaro

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Titre : Le steak haché de Damoclès
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Juillet 2005


Faut-il être névrosé pour être auteur de bande-dessinée ? En lisant les différentes autobiographies, on peut se le demander… Ainsi, Fabcaro démarre « Le steak haché de Damoclès » sur ces mots : « une bande-dessinée sur mes problèmes de communication ? J’ai aucune envie d’étaler mes névroses… ». L’auteur rentre ici dans un travail d’introspection. Et qui dit introspection, dit forcément anecdotes… Histoire de justifier ses dires.

Le titre de l’ouvrage vient justement de la première anecdote où Fabcaro, encore enfant, doit aller acheter une baguette de pain. Il reviendra avec un steak haché… De là démarre ses problèmes de communication. Ceux-ci sont avant tout l’incapacité à se concentrer sur ce que racontent les autres et son impossibilité à dire « non ». De ces handicaps en résultent nombre de quiproquos avec un peu tout le monde.

Comment s’assumer comme auteur de bande-dessinĂ©e ?

Cependant, rapidement les anecdotes de l’auteur font apparaître d’autres problèmes récurrents dont la difficulté à assumer son statut d’auteur de bande-dessinée (il faut avouer qu’il n’est pas aidé !). Ainsi, dès que la situation financière devient difficile, le spectre du « concours de prof » ressort. Ayant des enfants, Fabcaro ne peut pas se permettre la précarité. C’est un vrai sujet, traité avec beaucoup d’humour certes, mais qui doit être terrible pour les auteurs de BD.

Etant donnĂ© toutes les nĂ©vroses dont je viens de parler, on pourrait penser que Fabcaro s’apitoie sur son sort et se donne finalement une image pathĂ©tique. Ce n’est Ă©videmment pas le cas. Capable d’une autodĂ©rision impressionnante, l’auteur ne se cherche aucune excuse (Ă  part la lâchetĂ©, c’est dire !). RĂ©sultat, le tout est diablement drĂ´le. On est parfois stupĂ©fait par les situations dans lesquelles arrive Ă  se mettre l’auteur simplement parce qu’il est incapable de communiquer correctement. Ainsi, quand on l’appelle par un prĂ©nom diffĂ©rent, il n’arrive pas Ă  dire « ce n’est pas Fabien, c’est Fabrice ». Et de lĂ  dĂ©coule un problème insoluble.

Cette autobiographie, centrée sur les problèmes de communication, est un peu bordélique quand même. Les anecdotes sont plus ou moins pertinentes et à des périodes très différentes de la vie de l’auteur. Cependant, Fabcaro ouvre correctement son bouquin (en présentant le sujet) et le referme lorsque sa copine lit l’ouvrage en question. Cela compense l’aspect un peu décousu de l’ensemble.

Au niveau du dessin, j’ai été séduit par le travail de Fabcaro. Entièrement en noir et blanc, le trait est dynamique et bien plus complexe qu’il peut paraître à première vue. L’expressivité des personnages (et notamment de l’auteur) sont en effet de grands renforts à l’humour déjà très drôle.

Difficile de savoir si Fabcaro exagère ou pas ses névroses. Et après tout, on s’en moque et on rit souvent devant les aléas de son avatar. Il arrive à gérer des gags récurrents et à illustrer les angoisses du personnage tant graphiquement que dans les dialogues de façon vraiment talentueuse. Une autobiographie intéressante et, parfois, hallucinante !

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Note : 14/20

Amour, Passion & CX Diesel – Fabcaro & James

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Titre : Amour, Passion & CX Diesel
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : James
Parution : Avril 2011


J’ai découvert il y a peu dans « Fluide Glacial » la bande-dessinée« Amour, Passion & CX Diesel ». Charmé par l’humour absurde des planches, je me suis empressé d’en faire l’acquisition. Cette BD est scénarisée par Fabcaro, que j’avais découvert avec « Jean-Louis et son encyclopédie » et dessiné par James, dont j’apprécie le dessin depuis que j’ai lu « Dans mon open-space ».

L’histoire de « Amour, Passion et CX Diesel » parodie les soaps operas américains type « Dallas » ou « Les feux de l’amour ». La famille Gonzales est en effet en émoi : le patriarche, Harold, est atteint de la maladie d’Alzheimer. Sa mort semble alors imminente. Immédiatement, l’héritage va devenir un enjeu crucial des différents enfants et leurs conjoints. Notamment la fameuse CX Diesel qui attise toutes les convoitises…

On comprend en lisant le pitch que cette bande-dessinée est complètement décalée. Loin du luxe habituel des séries américaines, on se retrouve dans une famille franchouillarde un peu (beaucoup ?) minable sur les bords. Leur grande bêtise et leurs coups bas rappelleront inévitablement les grandes comédies italiennes telles que « Affreux, bêtes et méchants ». Les hommes sont particulièrement stupides, les femmes s’en sortant à peine mieux.

La bêtise des personnages portée à l’absurde

L’aspect parodique est parfaitement assumé. Ainsi, un enfant naît dans la famille et trois hommes croient en être le père (avec le postier en prime). Les infidélités sont fréquentes et tout le monde semble se détester. La bêtise des personnages est portée à l’absurde. Ainsi, Jean-Mortens, bien que noir, n’est pas considéré comme tel (même lorsqu’il essaie de faire son coming-out…). L’ouvrage tient avant tout de sa galerie de personnage. Du père qui oublie tout, au beau-frère chômeur qui s’invente un métier, en passant par la belle-sœur infidèle au dernier degré, sans oublier le frère patron d’une boîte de nuit minable.

amourpassion-CXdiesel3L’héritage est le fil rouge de la BD mais d’autres intrigues sont menées petit à petit, rendant la lecture très agréable. Le tout est présenté par séquences de six cases carrées, amenant immanquablement une chute. Le tout est parfaitement maîtrisé de bout en bout amenant jusqu’à la conclusion finale que je ne révèlerai pas ici. L’humour est omniprésent et dense. On n’a pas d’impression de remplissage comme c’est parfois le cas dans ce genre d’ouvrages.

Le dessin de James est très élégant et adapté aux gags. Son trait simple et animalier renforce d’autant plus le côté parodique de l’ouvrage. Cependant, comme tout passe par le dialogue, on a une impression parfois statique de l’ensemble. Le dessin peine à se renouveler parfois. Ce dernier est cependant mis en valeur par la colorisation de  BenGrrr. Alors qu’on s’attendrait à des couleurs vives, les auteurs ont opté pour des couleurs pastel beaucoup plus douces. Un choix judicieux étant donné le résultat.

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« Amour, passion & CX Diesel » est donc une bonne parodie, complètement absurde. En ne se donnant pas de limite, les auteurs font mouche. Les mesquineries des uns et des autres sont vraiment ridicules et nous feront rire plus d’une fois. Comme dirait un des personnages : « Toujours la CX Diesel ! Ne peux-tu pas avoir un peu plus d’ambition ? »

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Note : 14/20

La ClĂ´ture – Fabcaro

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Titre : La ClĂ´ture
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Avril 2009


« 6 pieds sous terre » est une maison d’édition qui cherche avant tout à donner de la liberté aux auteurs. Dans « La clôture », Fabcaro profite de cette liberté pour délivrer un récit complètement absurde et expérimental. Difficile à définir ce qu’est « La clôture ». Avant tout, cet ouvrage décrit la difficulté pour un auteur (en l’occurrence, Fabcaro) d’écrire des scénarios quand on est empêtré dans le quotidien (avec notamment une clôture à réparer).

Pourtant dans les premières pages, point de présence autobiographique de l’auteur. On démarre le tout sur des personnages fictionnels. Très intrigué par le début de l’histoire, le lecteur est rapidement rassuré lorsque la compagne de Fabcaro déclare, en lisant ces mêmes pages : « Mais… C’est totalement incohérent… On comprend rien du tout… ». L’auteur déclare alors qu’il est au bord de la dépression et qu’il n’arrive pas à scénariser avec tout ce qu’il a à faire à côté…

Les scènes se succèdent sans lien apparent entre elles.

Et justement, malgré tout cela, Fabcaro va pourtant nous scénariser une histoire entre Sonia et Pierre. La première ne rencontre que des losers et voudrait trouver quelqu’un. Le second cherche avant tout un emploi mais semble complètement incompétent pour cela. Ils finiront quand bien même par se rencontrer après de nombreuses péripéties. Laissant libre court à son imagination, les scènes se succèdent sans lien apparent entre elles.

lacloture1Au fur et à mesure des pages, Fabcaro s’intègre dans sa propre fiction, se mettant alors à parler avec ses « acteurs » de ses états d’âme. Pendant ce temps, l’histoire continue… Cette partie autobiographique, sous une apparence classique, est toujours agréablement mise en scène par Fabcaro. Outre le comique absurde de répétition, on retrouve l’auteur devant ses contradictions : faire un ouvrage original au risque d’en « vendre huit ». La panne d’inspiration reste évidemment le principal sujet de l’ouvrage, puisqu’il est la raison du bordel incroyable qu’est « La clôture » : ne sachant qu’écrire, Fabcaro fait n’importe quoi, essayant des choses diverses et variées. Evidemment, les dernières pages amènent un éclaircissement salvateur et « La clôture » prend alors tout son sens.

Malgré la confusion volontaire du récit, on rit beaucoup dans cet ouvrage. Les dialogues, les situations absurdes, le mélange des genres… Fabcaro maîtrise son humour si particulier et personnel avec maestria. Qu’importe le personnage ou le lieu, l’auteur parvient à nous arracher des rires avec un sens du contre-pied incroyable.

Au niveau du dessin, j’avoue être très fan du trait de Fabcaro. Ses personnages aux longs cous sont très expressifs. Mention spéciale aux silences, parfaitement retranscrits graphiquement, souvent par une répétition maîtrisée et intelligente de la case.

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« La Clôture » est une œuvre exigeante. La feuilleter dans une librairie ou une bibliothèque risque fort de faire hésiter le lecteur. Doté d’un humour efficace et d’une mise en abîme originale, cette bande-dessinée, très expérimentale, n’en est pas moins avant tout une véritable histoire avec ses personnages, ses retournements de situation. Un monument de l’absurde.

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Note : 18/20