Ralph Azham, T1 : Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ? – Lewis Trondheim

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Titre : Ralph Azham, T1 : Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ?
Scénariste : Lewis Trondheim
Dessinateur : Lewis Trondheim
Parution : Mars 2011


« Ralph Azham » est une nouvelle série née de l’imagination du célèbre et talentueux Lewis Trondheim. Le premier tome intitulé « Est-ce qu’on ment aux gens qu’on aime ? » est sorti le mois dernier. Edité chez Dupuis, cet opus de format classique est composé d’une grosse quarantaine de pages. Sur un fond blanc, la couverture nous présente une galerie de personnages originaux tournant autour d’un jeune homme aux cheveux bleus et dont les mains sont attachées à un poteau. Le prix de l’ouvrage est un petit peu inférieur à douze euros.

Ralph Azham vit dans un village dans lequel il possède le statut de souffre-douleur. Toutes les occasions sont bonnes pour le punir, le torturer ou le frapper. Il faut dire que ce cher Ralph possède un pouvoir bien particulier. Il peut voir les morts et les naissances. Bref, pour lui, le quotidien est rarement rose et bien trop souvent noir et dur. Mais déjà que la vie n’est pas facile, voilà que le village va être attaqué par la Horde, une troupe sanguinaire qui pris l’habitude de terroriser les habitants…

Il faut savoir que je suis un grand fan de Lewis Trondheim. Je possède une grande partie de ses productions. Et rares sont les lectures de l’une d’entre elles qui ne m’ont pas enthousiasmé. Cela fait que la seule présence de son nom sur une couverture de bandes dessinées fait que je m’offre l’album en question. La couverture laissait sous-entendre une nouvelle immersion de l’auteur dans l’univers de « l’Héroïc Fantasy ». C’était plutôt une bonne nouvelle car son premier voyage dans le domaine a donné naissance à la grande saga « Donjon » qui est une des œuvres majeures de la dernière décennie dans le neuvième art français. J’avais donc hâte de découvrir ce cher Ralph. Pour ceux qui n’auraient pas encore la chance de connaître la magie de Trondheim, sachez qu’elle s’adresse à tous les publics. Cet album répond également à cette règle.

On frôle parfois l’indigestion.

Cet album marque le début d’une nouvelle série. Les personnages nous sont donc inconnus tout autant d’ailleurs que l’univers dans lequel ils vivent ou que les règles qui régulent leur monde. C’est un attrait toujours certain des premiers opus de séries de « Fantasy ». On est toujours à la recherche de la petite originalité qui va nous rendre ce monde si sympathique. On ne peut pas dire que cet album se démarque vraiment des habitudes du genre. L’attrait réside davantage dans le fait que Trondheim veuille jouer avec les codes du genre. Le bémol est que j’ai trouvé la trame très brouillonne. On a parfois l’impression que cela part dans tous les sens. Les informations sont nombreuses, les chemins variés. Mais au final, on frôle parfois l’indigestion. J’ai en effet eu du mal à me plonger dans le quotidien de Ralph Azham. Je suis resté spectateur parce que la porte d’entrée était peut-être un petit peu trop obstruée.

Côté personnages, Trondheim nous en offre une galerie assez fournie. Le premier d’entre eux donne le nom à la série. Il s’agit de Ralph Azham. On ressent un petit peu d’empathie pour lui. En effet, le fait que le village lui fasse porter tous les malheurs du monde avec un certain sadisme fait qu’on ne peut être que de son côté. Le fait que l’histoire se déroule dans une petite communauté fait qu’on voit rapidement graviter un nombre certain de personnages identifiables. C’est une réussite de l’ouvrage car cela nous permet quand même de visualiser assez rapidement le fonctionnement local. Je ne vous les présente pas tous parce qu’une partie du plaisir de la lecture réside dans la surprise et la découverte.

Côté atmosphère, je ne l’ai pas trouvé très prenante. Au risque de me répéter, je trouve que la narration est trop brouillonne pour rendre notre immersion totale. Je pense que structurer davantage les informations en les allégeant éventuellement aurait permis de donner davantage d’épaisseur aux personnages et ainsi de développer nos sentiments à leurs égards. Ce n’est que mon point de vue mais c’est en tout cas ce que j’ai ressenti. C’est dommage car certaines scènes sont vraiment très réussies. Trondheim démontre une nouvelle fois son talent pour faire rire en tout occasion. Certaines répliques sont remarquables de drôlerie. Néanmoins, on ne retrouve pas la densité humoristique que contiennent certains épisodes de « Donjon ».

Concernant les dessins, je les trouve remarquables. Il faut dire que je trouve le style de Trondheim très agréables. D’apparence très simple et quasiment enfantin, ils collent parfaitement au ton de l’histoire. Ils rendent la lecture aisée pour tout type de public. Pour des raisons équivalentes, les couleurs sont bien dosées. J’en profite pour signaler la qualité du travail dans ce domaine de Brigitte Findakly qui s’en est chargée dans cet opus. Le découpage des cases est classique. Chaque page est composée de quatre lignes découpées chacune en une à quatre cases. Sur ce plan-là, la lecture ne nécessite pas de gymnastique particulière.

Au final, cet opus m’a laissé un sentiment mitigé une fois terminé. Je ne peux pas dire qu’il ne m’a pas fait passer un moment agréable. J’ai souvent ri, j’ai également trouvé certains dialogues ou certaines scènes savamment tournés. Par contre, je n’ai pas eu l’envie, comme souvent avec Trondheim, de me plonger au plus vite dans l’album tout juste terminé. Peut-être en attendais-je trop ? Malgré tout, je n’ai pas passé un moment désagréable en le découvrant. Mais il n’est pas à la hauteur des séries comme « Lapinot » ou « Donjon ». Cela ne m’empêchera pas de m’offrir le prochain opus de cette série pour découvrir les nouvelles aventures de ce pauvre Ralph Azham…

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Note : 12/20

Poulet aux prunes – Marjane Satrapi

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Titre : Poulet aux prunes
Scénariste : Marjane Satrapi
Dessinatrice : Marjane Satrapi
Parution : Octobre 2004


Après la lecture de Persépolis, j’étais resté un peu dubitatif. Si cette oeuvre possédait des qualités indéniables, je la trouvais un peu sur-côtée. Du coup, cela m’avait passé l’envie de lire d’autres livres de Marjane Satrapi. Le temps passant, je décidais de réviser mon jugement en lisant « Poulet aux prunes », son autre livre adapté (par l’auteure) sur le grand écran. Ce one-shot est paru dans la collection Ciboulette de l’Association.

Téhéran, 1958. Nasser Ali cherche un tar. Son instrument a été cassé et sans sa musique, il n’est plus rien. Mais malgré toutes ses tentatives, impossible de trouver un tar correct dans le pays, car il possédait le meilleur de tous. Incapable de jouer une quelconque mélodie, Nasser Ali perd sa raison de vivre et décide de se laisser mourir.

Le portrait d’un homme désespéré

« Poulet au prunes » est construit sur une série de chapitres articulés sur les journées que Nasser Ali passe à attendre la mort. Des flashbacks viennent compléter l’ensemble afin d’expliquer la vie de cet homme et ce qui l’a amené aujourd’hui à de telles extrémités. La narration est plaisante et facile à suivre. Les zones d’ombres s’éclaircissent régulièrement et tracent le portrait d’un homme. Comme pour « Persépolis », Satrapi décrit quelque peu l’Iran, même si ici la personne de Nasser Ali reste centrale. Malgré tout, le livre fait de multiples digressions sur la famille de l’homme. Parfois, on s’égare un peu, Satrapi s’inspirant avant tout une nouvelle fois de sa propre famille pour écrire.

Beaucoup de lecteurs citent l’humour comme force de Marjane Satrapi. J’avoue ne pas y voir de quoi sourire. C’est avant tout la capacité de traiter de sujets graves sans pathos inutile et avec une sorte de légèreté qui fait la force de l’ouvrage. Il y a beaucoup de sensibilité dans ce « Poulet aux prunes ».

Au niveau du dessin, je ne suis pas vraiment fan du trait de Marjane Strapi. Son noir et blanc pur est un peu inégal, capable de très belles choses et parfois un peu léger. Malgré tout, cela suffit à faire passer les émotions et c’est tout ce qui compte !

Marjane Satrapi nous propose ici un conte triste et sensible, où la légèreté de la narration atténue quelque peu le drame. On s’attache beaucoup à Nasser Ali et on le pleure comme la perte d’un vieil ami. Une belle histoire.

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Note : 15/20

Donjon Crépuscule, T111 : La fin du donjon – Lewis Trondheim, Joann Sfar & Mazan

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Titre : Donjon crépuscule, T111 : La fin du donjon
Scénaristes : Lewis Trondheim & Joann Sfar
Dessinateur : Mazan
Parution : Mars 2014


 « La Fin du Donjon »… Le titre du tome 111 de « Donjon Crépuscule » est sans équivoque : c’est la fin ! La grande aventure née de l’imagination de Lewis Trondheim et Joann Sfar allait vivre à son dénouement. La lecture du tome précédent « Haut Septentrion » nous présentait un premier angle de vue sur le combat final qui concluait la saga. Mais « La Fin du Donjon » conte les événements perçus à travers Marvin et Herbert, les deux héros légendaires. Les deux auteurs ont confié les dessins à Mazan, déjà vu sur le premier épisode de « Donjon Monsters ». Sorti chez Delcourt, en mars dernier, l’album était présenté par une très jolie couverture. On y découvrait les ruines du Donjon dans lesquelles la nature reprenait le dessus. J’ai trouvé cette illustration très réussie. J’espérais que le reste de la lecture serait à la hauteur et offrirait à « Donjon » une conclusion brillante.

« Plus les îlots de Terra Amata montent, moins il y a d’oxygène. Tandis que Marvin Rouge et Zakutu tentent de protéger les objets du Destin, Herbert et le Roi Poussière sont obligés de faire allégeance à l’Entité noire afin d’obtenir le précieux oxygène. La fin du Donjon n’a jamais été aussi proche ! Mais la résistance est en marche. » Voilà le résumé offert par le site BD Gest’. A mes yeux, il présente clairement les enjeux pour tout lecteur régulier de la série.

Il est évident qu’essayer de lire cet album sans connaître les épisodes précédents est une mission impossible. Il n’y a pas de piqûre de rappel. Les auteurs plongent immédiatement dans le dur. L’histoire peut être perçue comme un spin off de « Haut Septentrion ». Il faut au moins avoir entièrement lu le cycle « Donjon Crépuscule » qui relate la fin du Donjon. Il se compose actuellement d’une dizaine d’ouvrages.

Un rythme effréné

Un des défauts que ne possède pas cet album est le fait de ne pas être habité par des temps morts. Le rythme est effréné. Les événements s’enchainent. L’action est de sortie. Mazan a un gros travail d’illustration à faire pour faire ressentir le mouvement perpétuel qui accompagne les pérégrinations d’Herbert et Marvin. Ils n’arrêtent pas de courir aux quatre coins de Terra Amata. Le trait de l’auteur traduit assez bien cette sensation de course permanente contre la montre. Le lecteur n’a jamais le temps de souffler. Néanmoins, j’apporterais un bémol. L’ensemble m’apparait brouillon. J’ai parfois eu la sensation que scénario était un cousin du diable de Tasmanie. Ce n’est pas désagréable dans l’ensemble mais cela m’a essoufflé par moment.

Le dénouement est connu dans les grandes lignes avant même la découverte de la première page. Le fait d’avoir lu le tome 110 de « Donjon Crépuscule » donne beaucoup d’informations à ce propos. Cela fait que j’ai eu du mal à me passionner pour les rebondissements qui jalonnent le trajet d’Herbert tout au long de l’histoire. Par contre, j’étais attentif à tous les moments partagés entre le palmipède et son ami dragon. Ils forment le duo central de la saga. Il était donc important de savourer les derniers temps passés à leurs côtés. J’ai regretté que cet aspect nostalgique et émotionnel soit en retrait par rapport à l’action pure. Je ne le reproche pas aux auteurs. C’est leur choix et leur œuvre. Néanmoins, je regrette que le « au revoir » soit finalement aussi brutal. Seules les trois dernières pages sont apaisées et closent l’aventure avec poésie. Parsemer le reste de l’album de ce type de pensées ou de phrases ne m’aurait pas déplu. Dans un genre très différent, je trouvais la fin de « Lapinot » bien plus intense et mieux amenée.

Pour conclure, j’ai passé un bon moment à assister à la fin du Donjon. Le plaisir que j’ai eu à retrouver Herbert et Marvin ensemble m’a fait oublier les quelques défauts que dégageait par moment la lecture. Il est indispensable pour tout adepte de la saga de s’y plonger pour boucler la boucle. Il ne me reste plus qu’à espérer qu’un jour les auteurs trouveront le temps de combler quelques trous que possède la grande Histoire du Donjon. L’espoir n’a jamais tué personne…

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Note : 12/20

Donjon Crépuscule, T110 : Haut Septentrion

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Titre : Donjon crépuscule, T110 : Haut Septentrion
Scénaristes : Lewis Trondheim & Joann Sfar
Dessinateur : Alfred
Parution : Mars 2014


« Donjon » est une série qui a marqué le neuvième art. Lors de sa naissance, le projet de Lewis Trondheim et Joann Sfar paraissait irréaliste. Il souhaitait conter l’histoire des habitants d’un Donjon au cours de trois époques différentes. « Donjon Potron-Minet » devait suivre la construction du Donjon, « Donjon Zénith » son apogée et « Donjon Crépuscule » sa chute. D’autres séries telles que « Donjon Monsters » ou « Donjon Parade » agrémentaient également cet univers. Depuis de nombreuses années, les tomes paraissent à un rythme effréné pour le plus grand plaisir des lecteurs. La fantasy et l’humour sont les deux caractéristiques de cette grande épopée. Chaque cycle possède sa propre identité tout en respectant la cohérence narrative. Mais ces dernières années, les nouveaux épisodes ont été plus rares. En mars dernier, sont apparus dans les rayons à ma grande surprise deux nouveaux tomes. J’eus la désagréable surprise de voir qu’ils marquaient la fin de l’aventure. Ces opus marquaient-ils la dernière touche des auteurs à leur création ou pensaient-ils un jour combler les nombreuses zones d’ombre que leur chronologie possède encore ? C’est sans réponse à ses interrogations que je me suis plongé dans « Haut Septentrion », tome 110 de « Donjon Crépuscule ».

Le site BDGest’ propose le résumé suivant des enjeux de cet album : « Tremblement sur Terra Amata. Alors que tous les îlots s’éloignent du noyau de magma et de l’atmosphère respirable, le Roi Poussière pense qu’il est temps pour lui de mourir de façon héroïque. Marvin Rouge s’accroche toujours, bon gré, mal gré et va devoir le sauver de cette idée fixe tout en trouvant un moyen de respirer. »

Des scènes de combat et de batailles. 

Trondheim et Sfar n’en sont pas à une fantaisie près. En effet, cet ouvrage doit être lu en parallèle du tome 111 intitulé « La fin du Donjon ». Chacun décrit les événements qui mènent au dénouement de l’intrigue en axant sa narration sur des angles et des personnages différents. Ma critique porte sur « Haut Septentrion » qui se centre sur le duo formé de Marvin Rouge et Zakutu. Le premier est un guerrier hystérique assoiffé de sang ou de sexe au gré de ses humeurs. La seconde est une princesse héritière au caractère trempé. Les aléas de leurs parcours respectifs les mènent au centre d’un combat dont l’issue sera définitive pour le Monde. Je me dois rapidement préciser qu’il est indispensable d’avoir une connaissance minimale des enjeux et des protagonistes de la série pour se plonger dans cette lecture. Dans le cas cadre contraire, il me semble impossible d’y comprendre quoi que ce soit.

La nature même de l’histoire fait que la majorité des planches sont des scènes de combat et de batailles. Je ne suis pas trop fan de ce type de construction parce que bien souvent certaines planches sont du remplissage. Occuper trois planches à dessiner des explosions et des duels à l’épée évite trop fréquemment de construire une intrigue et de rédiger des dialogues travaillés. Mais les deux auteurs ne tombent pas dans cette facilité. Chaque page est agrémentée de plusieurs vannes bien senties que ce soit entre les héros ou envers leurs ennemis. Le côté testostérone des derniers opus de « Donjon Crépuscule » est une nouvelle fois bien transcrit. On pourrait regretter un début un petit peu brouillon. Le fait que la série ait sauté deux ou trois tomes a pour conséquence de nécessiter pour le lecteur un temps d’adaptation à la nouvelle situation à Terra Amata. La mise en route manque un petit peu de clarté et de finesse. Néanmoins, l’affection ressentie à l’égard de cette série fait rapidement oublié ce défaut au démarrage une fois que les deux tourtereaux au sang chaud se retrouvent en amoureux pour sauver le monde.

La relation entre Marvin et Zakutu est un des points forts de ce cycle. Les deux personnages sont individuellement très réussis et ils prennent une ampleur explosive quand ils sont mis en contact. Ce tome accentue ce phénomène dans le sens où ils ne sont que tous les deux lors de leurs pérégrinations. Personne ne leur fait de l’ombre et cela leur permet de ne fixer aucune limite à leurs excès. Cela offre des moments très drôles et surtout aucun temps mort. Une fois la machine narrative enclenchée, elle ne cesse pas de s’emballer sans jamais ralentir. Même la dernière planche est réussie sur ce plan-là alors que l’issue laissait la porte ouverte à quelque chose de plus classique et traditionnel.

Les auteurs ont pris l’habitude de changer bien souvent de dessinateurs d’un album à l’autre. C’est Alfred qui se voyait confier l’illustration de ce combat final. Il s’en sort correctement et reste globalement fidèle à l’identité graphique de la saga. Malgré tout, il ne s’agit pas de l’artiste dont j’ai préféré le travail sur la série. Son trait manque de finesse et de précision à mes yeux. C’est dommage car les scènes sont rythmées et denses. Il m’apparaît donc important de se montrer soigné et appliqué pour permettre au lecteur à la fois de s’immerger dans des décors en changement permanent tout en comprenant dans les moindres détails les événements qui s’y déroulent. Par contre, je n’ai rien à dire sur le travail des couleurs qui correspondent parfaitement aux attentes générées.

Pour conclure, cet opus conclut honorablement le cycle. C’est d’ailleurs plus dans l’évolution des deux personnages principaux que dans l’issue du combat final que réside l’attrait de la lecture. Il est évident que certains moments concernant Herbert sont nébuleux dans cet album. Mais je ne doute pas que « La fin du Donjon » éclaircira tout cela. Mais c’est une autre histoire…

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Note : 14/20


 

Universal War One, T1 : La génèse – Denis Barjam

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Titre : Universal War One, T1 : La génèse
Scénariste : Denis Barjam
Dessinateur : Denis Barjam
Parution : Décembre 1998


Grand amateur de science-fiction en littérature, force est de constater qu’elle n’y tient pas une place aussi prépondérante dans ma bibliothèque. J’ai relativement peu accroché aux univers proposés par les auteurs de BD. Peut-être que la représentation de ces mondes fantasmés me gênait. Pourtant, « Universal War One » (ou UW1 pour les intimes) a su me passionner. Comment Denis Barjam a-t-il réussi à me faire entrer dans on univers ? Le tout a été publié chez Soleil dans un format classique.

Denis Barjam développe une SF relativement proche de nous, dans le sens où l’homme ne s’extirpe pas du système solaire. Malgré tout, il a développé des techniques qui lui permettent de voyager simplement dans l’espace. C’est ici que nous retrouvons l’escadron Purgatory. Constitué d’officiers passés par la cour martial, cette unité est donc remplie de bras cassés dangereux, que ce soit par leur orgueil, leur témérité ou… leur lâcheté ! Et pourtant, ces gens que tout le monde méprise sont partis pour sauver l’univers !

Un phénomène inexplicable

Un mur s’est élevé dans le système solaire. Personne ne sait d’où il sort. L’escadron est donc chargé d’enquêter sur le phénomène en envoyant des sondes dans le phénomène. Le danger est évidemment très présent puisque ce mur reste inexpliqué. Denis Barjam distille ses infos au compte-goutte, mais le suspense et la densité du récit sont réels. On n’est pas bien plus avancé à la fin du tome mais pourtant déjà captivé. Les questions sont nombreuses et les rebondissements déjà présents.

On pourra reprocher à ce tome de présenter des personnages stéréotypés. Chacun tient son rôle. C’est l’introduction et les nuances arriveront bien évidemment par la suite.

Concernant le dessin, j’ai ressenti comme un frein à la lecture de l’ouvrage. Les couleurs (notamment) dans l’espace ont l’air assez artificielles. Quant aux personnages, ils sont identifiés sans peine et expressif. On ressent une influence comics dans le dessin. Mais sans être convaincu par le trait de ce premier album, force est de constater un vrai sens de la mise en scène. Certaines cases sont puissantes par leur force émotionnelle et permettent à UW1 de passer dans le rang des bande-dessinées de haut niveau.

Ce premier tome apporte avant tout des questions plus que des réponses. Dense dans ses informations, il nous introduit aux (nombreux) personnages et nous captive avec cette histoire de mur. Le premier volet d’une des meilleures séries de cette époque.

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Note : 17/20

 

Top BD des blogueurs – Août 2014

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Le Top BD des blogueurs est un collectif rassemblant des blogs de critiques de bande-dessinées. Dès qu’un titre possède au moins trois notes, il entre dans le top. Vous pouvez découvrir chaque mois les cinquante titres les mieux notés.

1- (=) Le journal de mon père 18.67
Jiro Taniguchi, Casterman

2- (=) Asterios Polyp     18.65
David Mazzuchelli, Casterman

3- (=) Persépolis    18.64
Marjanne Satrapi, L’Association

4- (=) Le loup des mers 18.55
Riff Reb, Soleil

5- (=) Idées Noires       18.5
Franquin, Fluide Glacial

6- (=) NonNonBâ         18.5
Shigeru Mizuki, Cornélius

7- (=) Maus        18.49
Art Spiegelmann, Flammarion

8- (=) Le pouvoir des Innocents Cycle 2- Car l’enfer est ici   18.41
Tome 1Tome 2,

9- (=) Tout seul            18.38
Christophe Chabouté, Vents d’Ouest

10- (=) Le sommet des dieux       18.33
Yumemuka Bura, Jirô Taniguchi, Casterman
Tome 1,Tome 2,Tome 3, Tome 4, Tome 5.

11- (=) Universal War One   18.33
Denis Bajram, Soleil
 Tome 1Tome 2, Tome 3, Tome 4Tome 5Tome 6.

12- (-) Un printemps à Tchernobyl  18.28
Emmanuel Lepage, Futuropolis

13- (+) Les vieux fourneaux tome 1   18.28
Wilfrid Lupano, Paul Cauuet, Dargaud

14- (=) Daytripper           18.27
Fabio Moon, Gabriel Ba, Urban Comics

15- (=) V pour Vendetta  18.22
Alan Moore, David Lloyd, Delcourt

16- (=) Le Grand pouvoir du Chninkel   18.19
Van Hamme, Rosinski, Casterman

17- (=) Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes?  18.13
Benoît Zidrou, Roger, Dargaud

18- (=) Les derniers jours de Stefan Zweig   18.06
L. Seksik, G. Sorel, Casterman

19- (=) Herakles   18.05
Tome 1, Tome 2,
Edouard Cour, Akiléos

20- (=) Abélard     18.04
Régis Hautière, Renaud Dillies, Dargaud
Tome 1Tome 2.

21- (=) Universal War Two tome 1    18
Denis Bajram, Casterman

22- (=) La fille maudite du capitaine pirate  18
Jérémy Bastian, Editions de la Cerise

23- (N) Le muret    18
Pierre Bailly, Céline Fraipont, Casterman

24- (=) Il était une fois en France    17.98
Fabien Nury, Sylvain Vallée, Glénat
Tome 1Tome 2Tome 3Tome 4Tome 5,Tome 6.

25- (=) Habibi       17.95
Craig Thompson, Casterman

26- (=) Les derniers jours d’un immortel     17.92
Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Futuropolis

27- (=) Gaza 1956     17.92
Joe Sacco, Futuropolis

28- (=) Les ombres     17.88
Zabus, Hippolyte, Phébus

29- (=) Scalped            17.86
Jason Aaron, R.M. Guerra, Urban Comics
Tome 1Tome 2Tome 3Tome 4Tome 5Tome 6Tome 7,

30- (=) Manabé Shima 17.83
Florent Chavouet, Editions Philippe Picquier

31- (=) Trois Ombres       17.78
Cyril Pedrosa, Delcourt

32- (=) Anjin-san    17.75
Georges Akiyama, Le Lézard Noir

33- (=) Joker                17.75
Brian Azzarello, Lee Bermejo, Urban Comics

34- (=) Mon arbre     17.75
Séverine Gauthier, Thomas labourot, Delcourt

35- (=) L’histoire des trois Adolf,              17.75
Osamu Tezuka, Tonkam

36- (=) Blankets  17.73
Craig Thompson, Casterman

37- (=) Le pouvoir des innocents Cycle 3- Les enfants de Jessica tome 1  17.73
L. Brunschwig, L. Hirn, Futuropolis

38- (=) Holmes               17.7
Luc Brunschwig, Cecil, Futuropolis
Tome 1, Tome 2Tome 3.

39- (=) Calvin et Hobbes,              17.7
Bill Watterson, Hors Collection
Tome 1Tome 2Tome 15tome 17,

40- (=) Les seigneurs de Bagdad  17.7
Brian K. Vaughan, Niko Henrichon, Urban Comics

41- (=) Urban              17.69
Luc Brunschwig, Roberto Ricci, Futuropolis
Tome 1Tome 2,

42- (=) Washita     17.69
Tome 1Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5.

43- (=) Lorenzaccio              17.67
Régis Peynet, 12 Bis

44- (=) Match!   17.67
Grégory Panaccione, Editions Delcourt

45- (=) Tokyo Home  17.67
Thierry Gloris, Cyrielle, Kana

46- (=) Les Carnets de Cerise
Joris Chamblain, Aurélie Neyret, Soleil
Tome 1Tome 2,

47- (=) L’Orchestre des doigts      17.65
Osamu Yamamoto, Editions Milan
Tome 1Tome 2Tome 3Tome 4.

48- (=)Melvile     17.64
Romain Renard, Le Lombard

49- (=) Les ignorants             17.63
Etienne Davodeau, Futuropolis

50- (=) Rouge Tagada   17.63
Charlotte Bousquet, Stéphanie Rubini, Gulf Stream Editeur

Feuille de chou, T3 : journal d’un journal – Mathieu Sapin

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Titre : Feuille de chou, T3 : Journal d’un journal
Scénariste : Mathieu Sapin
Dessinateur : Mathieu Sapin
Parution : Septembre 2011


Après avoir écrit deux premiers « Feuille de chou » consacrés à des tournages, c’est cette fois-ci au journal Libération que Mathieu Sapin a décidé de s’attaquer. Immergé pendant des mois au sein de la direction, il va pouvoir croquer et nous montrer comment fonctionne ce quotidien qui alimente bien des fantasmes. Le tout pèse une centaine de pages et est publié chez Shampooing.

Mathieu Sapin a décidé de traiter le sujet de façon très libre, tant dans le fond que dans la forme. Le tout s’articule donc autour de saynètes, qui commencent par l’arrivée du dessinateur dans les locaux et ses différentes rencontres. Autour de ces anecdotes plus ou moins longues (et intéressantes), on retrouve aussi des “hors contexte”, à savoir un dessin avec une citation (hors contexte, donc !). Le tout donne un véritable aspect bordélique à l’ensemble. Mathieu Sapin fait le choix de rester en surface et d’éviter de trop analyser ce qu’il voit et entend. Bien évidemment, son travail consiste notamment à choisir ce qu’il montre (et comment il le fait), mais il n’y a pas vraiment de travail de construction et de synthèse. Dommage.

Un quotidien au quotidien

Malgré tout, la particularité de Libération se retrouve bien dans l’ouvrage, que ce soit dans l’idéologie (“La passion de raconter l’actualité et la volonté de lui donner un sens” nous dit son ancien directeur) ou même dans ses locaux. On peut y lire également des réflexions sur l’évolution de la presse écrite (notamment quotidienne). Je dois avouer que tout n’est pas passionnant et ce que l’on retient, c’est avant tout les anecdotes (comme ce photographe qui reste des heures devant en bâtiment pour prendre une photo d’un homme qui en sort… Et la photo n’est pas retenue ! Tout ça pour ça ?).

Mathieu Sapin s’efforce le plus possible de retranscrire avec fidélité ce qu’il voit/entend. Ainsi, les scènes sont parfois confuses, mais cela donne une idée du bouillonnement qu’il doit régner au journal. On sent une forme de fidélité et d’authenticité dans le travail du dessinateur.

Défaut ou qualité, l’ouvrage est ancré dans son époque. Ainsi, de vieilles histoires ressortent. Certains trouveront cela amusant de retrouver l’actu de l’époque, d’autres trouveront que cela fait vieillir le livre… Mais comment parler d’un quotidien sans parler du quotidien ?

La façon dont illustre son livre Mathieu Sapin est des plus plaisantes. Avec un trait relâché et de belles couleurs à l’aquarelle, l’auteur tient un style parfaitement adapté. Il est cependant dommage que certaines pages soient aussi chargées. Son personnage, petit avec une tête toute ronde, le rend encore plus candide face à son sujet.

« Journal d’un journal » ne m’a pas transcendé. J’y ai trouvé de l’intérêt, mais sans avoir l’impression de découvrir autre chose qu’une sorte « d’esprit Libé ». Mais l’ensemble se lit bien, malgré un contenu un peu fouillis. A lire si vous aimez les documentaires dessinés.

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Note : 12/20

Blast, T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Mars 2014


« Blast » est un OVNI du neuvième art. Depuis la sortie de son premier tome il y a presque quatre ans, cette série est amenée à marquer profondément ses lecteurs. Ce roman graphique né de l’imagination et de la plume de Manu Larcenet est un uppercut permanent. Cette saga est une tétralogie. Le sept mars dernier est apparu l’épisode ultime du parcours de Polza Mancini, ce personnage pas comme les autres. Ce dernier opus s’intitule « Pourvu que les bouddhistes se trompent ». Edité chez Dargaud, cet ouvrage se compose de cent quatre-vingt-quinze pages. Il coûte vingt-trois euros. La couverture se partage en deux plans. Le premier nous présente Polza, revenu à l’état sauvage. Le second nous présente Carole assise un révolver dans la main. Le dénouement approche et nous pouvons légitimement l’appréhender.

La quatrième de couverture fait parler Mancini qui s’adresse à nous : « Un vent lourd, puant suie et cadavre, gronde sur la route et me glace. L’orage approche. Je ne cherche aucun abri, il n’en existe pas à ma taille. Je claudique au bord du chemin, ivre comme toujours, dans l’espoir que la distance entre nous se réduise que nos peaux se touchent enfin. Sali, battu, hagard, je repousse le moment où, le souffle court et les pieds meurtris par de mauvaises chaussures, je devrai m’arrêter. Serai-je encore assez vivant pour repartir ? »

Tour à tour ému, touché, énervé, choqué, compatissant, dégoûté, horrifié…

Polza Mancini est un personnage riche qui ne peut pas laisser indifférent. Pire que cela, il arrive à générer tous les spectres des sentiments possibles. Tour à tour j’ai été ému, touché, énervé, choqué, compatissant, dégoûté, horrifié et j’en passe. D’une page à l’autre, nos émotions sont chamboulées. La vie de Polza est celle d’un clochard comme il l’affirme. Elle alterne donc entre des moments de poésie dans la forêt ou près d’une rivière avec des moments durs inhérents à la vie dehors. Tous les marginaux ne sont pas stables et bienveillants, loin s’en faut. D’ailleurs le Mancini n’est pas dénué de défaut : il est alcoolique, drogué, instable, sale. A cela s’ajoute un physique difforme qui incite à détourner le regard. Bref, il fait partie des gens qu’on n’oublie mais qu’on ne souhaite pas croiser à nouveau.

Mais Polza ne nous conte pas son histoire au coin du feu. Il est en garde à vue. Il est accusé du meurtre de Carole, une jeune femme que les premiers tomes ont petit à petit fait apparaître dans la vie de Mancini. L’album précédent se concluait par une rude révélation : Carole aurait tué son propre père. C’est donc ici que reprend la trame pour ce dernier acte.

A la suite de son évasion de l’hôpital, Polza est hébergé chez un des anciens pensionnaires prénommé Roland. Ce dernier vit dans une ferme reculée avec sa fille Carole. Mancini ne quittera plus cette ferme jusqu’à son interpellation par la police. Pour la première fois, Polza est sédentaire. Bien qu’il affirme être irrémédiablement attiré par un départ dans la forêt, il ne franchit jamais le pas. Il semble attaché à sa nouvelle famille. L’équilibre qui régit la vie de cette petite communauté est remarquable décrit par Larcenet. Alors qu’on pourrait y voir une fille aimante et dévouée qui s’occupe de son père malade et qui accueille un sans-abri en quête d’affection. Mais tout cela est bien plus compliqué, malsain et inquiétant. Chaque rayon de soleil précède une longue période sombre sans lumière. L’issue nous est connue. Elle est triste et fatale. Le moins que nous puissions dire est que le chemin qui y mène n’est pas plus joyeux.

Côté dessin, le voyage est intense. Le travail graphique de Larcenet est impressionnant. Son œuvre est quasiment entièrement en noir et blanc. Il fait naître une grande galerie d’atmosphère. Que les scènes soient intimes ou que ce soient des paysages, que les moments soient légers ou horribles, tout nous pénètre profondément. Je n’ai pas le vocabulaire suffisamment riche pour vous transcrire les sentiments ressentis devant les planches ou les termes précis et techniques qui permettraient d’expliquer la qualité du travail. Je ne peux donc que vous inciter à ouvrir aux hasards ce tome et en lire quelques pages. Ce sera la meilleure manière de vous imprégner et de savourer les remarquables illustrations qui accompagnent cette histoire qui l’est tout autant.

« Pourvu que les bouddhistes se trompent » conclue avec maestria cette grande saga. La dernière partie de l’ouvrage est une invitation à la redécouvrir avec un regard neuf. Cette série est une œuvre majeure de ma bibliothèque. Je pense que je m’y plongerai régulièrement quitte à prendre du plaisir de lecteur à souffrir. « Blast », c’est une expérience qui ne laisse pas indemne…

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Note : 19/20

Blast, T3 : La tête la première – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T3 : La tête la première
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Octobre 2012


« Blast » est incontestablement un OVNI dans la bibliographie de Manu Larcenet. Sa célébrité est née du succès de séries telles que « Le retour à la Terre », « Donjon Parade », « Le combat ordinaire » ou encore « Chez Francisque ». J’ai toujours suivi son travail. Il a su me faire rire souvent et m’émouvoir de temps à autre. Bref, cet auteur est incontestablement un des écrivains en vogue du neuvième art. Son aura prend une toute autre ampleur lorsqu’apparait « Grasse carcasse » dans les librairies. Premier épisode de sa nouvelle saga, cet album se démarque. Le format est plus carré, il se compose de deux cents pages et l’identité graphique est noire et blanche. Une fois la lecture entamée, l’atmosphère glauque, triste et dépressive nous envahit et ne nous laisse pas indemne une fois terminée. Bref, « Blast » organise un voyage unique qui ne peut pas laisser indifférent. C’est donc avec un plaisir intense que j’ai découvert la parution en octobre dernier du dernier acte des aventures de Polza Mancini.

Son héros est accusé d’avoir agressé une femme. Il est en garde à vue, écouté par des policiers. Ces derniers cherchent à savoir comment cet acte a pu avoir lieu. Mais Polza veut tout expliquer. Cela part de son enfance, de la mort de son frère et de son père. Et surtout il évoque son premier Blast, état d’extase profonde qu’il obtient en abusant d’alcool ou de substances illicites. Sa vie de clochard, en dehors des sentiers battus, se résument donc à des rencontres hasardeuses et la quête du blast. Son physique ingrat fait de lui un paria volontaire de la société. Dans l’opus précédent, il croisait Jacky qui s’avérait être un serial killer. Ce nouvel acte présente de nouvelles rencontres qui ne laissent pas indemne à la fois le héros et ses lecteurs…

Un héros malade à l’intelligence particulière et alambiquée.

Cet ouvrage se démarque des deux précédents par la narration de l’internement de Polza. Suite à une tentative de suicide difficile à soutenir, Mancini se trouve enfermé dans une structure hospitalière qui lui impose une thérapie psychanalytique. On n’a jamais douté du fait que le héros est malade et nécessite des soins. Mais c’est la première fois depuis le début de l’histoire qu’on le découvre dans les mains du corps médical. Son intelligence particulière, inquiétante et alambiquée prend une autre ampleur quand elle se confronte à la réalité. Son refus de se soigner, sa manière de manipuler et de mépriser les codes font que tout espoir à son égard disparaît. Il ne veut pas saisir la main qu’on lui tend. On s’en doutait mais on souffre de voir cela se confirmer.

En dehors de la période médicale de l’intrigue, Larcenet nous offre des scènes particulièrement dures qui mettent mal à l’aise et qui font souffrir. L’auteur n’utilise aucun filtre pour décrire la vie de cet homme errant. On sent particulièrement bien l’angoisse de la nuit. Toutes les bêtes féroces sortent de leur tanière et l’animalité de l’homme prend une toute autre ampleur qui est loin de laisser indifférent. Le talent de l’auteur pour alterner des moments bavards et des moments complètement silencieux participe activement à cette atmosphère oppressante. La capacité que possède l’écrivain à dessiner des paysages nocturnes ou diurnes fait que nos émotions sont en permanence sollicitées.

Je ne voudrais trop vous en dévoiler. En effet, le plaisir réside également dans les nombreuses interrogations qui se posent à nous quant au devenir de Polza. Le suspense est stressant tant la descente aux enfers du héros est permanente. Cet ouvrage est donc dans la lignée des deux premiers opus. Il s’agit là d’un vrai compliment tant je suis adepte de cette saga qui est unique dans son genre et qui ne laissera personne indemne une fois le bouquin refermé. Mancini continue à nous hanter…

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Note : 17/20

Blast, T2 : L’apocalypse selon Saint Jacky – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T2 : L’Apocalypse selon Saint Jacky
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Avril 2011


« L’apocalypse selon Saint Jacky » est le titre du deuxième opus de la série de bandes dessinées « Blast ». Ecrit par Manu Larcenet, cet album est édité chez Dargaud depuis le mois d’avril dernier. Cet ouvrage est d’un format original. En effet, l’histoire s’étale sur environ deux cents pages. Le prix est à peine supérieur à vingt euros. La couverture est coupée en deux parties. La partie supérieure, en noir et blanc, nous présente un homme obèse les yeux dans les yeux avec un éléphant. L’inférieure est colorée et nous fait découvrir un homme en train de lire, allongé dans ce qui semble être un livre.

Ce bouquin est la suite du précédent tome de « Blast » intitulé « Grasse carcasse ». Cette nouvelle histoire reprend où nous avait laissés la précédente. C’est l’occasion de préciser qu’il m’apparaît indispensable d’avoir lu le précédent pour profiter pleinement de cet ouvrage. On y avait rencontré Mancini. Ancien écrivain, il se revendique clochard. On découvre son choix de vie qui consiste à errer et à vivre où le mène la vie sans aucune contrainte. Il vit dans la forêt, y rencontre des SDF. Et surtout il boit et se drogue. Tout cela a pour but de lui faire ressentir à nouveau le blast, sensation extrême de nirvana qui lui fait quitter sa misérable existence et son horrible corps d’obèse dégoutant. Mais le problème est qu’on a découvert Mancini en garde à vue et qu’il est accusé de tentative de meurtre sur une femme…

« L’apocalypse selon Saint Jacky » commence par l’annonce du décès de la présumée victime de Mancini. Les policiers refusent de l’annoncer à leur suspect et continuent à le faire parler. En effet, Mancini continue de leur conter le cheminement de sa vie qui l’a amené à se trouver à cet endroit à ce moment. Le centre de sa narration va tourner autour d’un personnage prénommé Jacky qui l’a accueilli un temps et qui a fait durant quelques temps de Mancini un sédentaire…

Un personnage principal qui n’a rien de réellement sympathique.

Cette série ne s’adresse pas à tous les publics. Autant des séries de Larcenet comme « Le retour à la terre » ou « Nic Oumouk » utilisent un ton léger et humoristique, autant « Blast » adopte une ambiance lourde et dure. Le personnage principal n’a rien de réellement sympathique. Son statut de SDF devrait déclencher un sentiment d’empathie. Ce n’est pas vraiment le cas. Il a choisi sa situation et semble en revendiquer de la fierté. De plus, sa situation d’alcoolique et de drogué assumée ne favorise pas la sympathie. La narration est réaliste. Elle présente quelque part les codes du chemin initiatique. Mancini nous offre une réflexion sur sa vie.

Le scénario s’étale sur deux cents pages. C’est relativement rare dans la bande dessinée. Le risque était que la trame souffre de quelques vides ou encore de quelques lenteurs. Ce n’est absolument pas le cas. La lecture est intense. J’ai dévoré cet opus d’une seule traite. On est réellement transporté dans l’univers de Mancini. On est fasciné par le parcours de cet homme qui se met sciemment à l’écart de la société et de ses codes. Les différentes rencontres sont autant de rebondissements. Les moments d’introspection sont également passionnants.

Le personnage principal possède une emprise énorme sur le récit. D’une part, il en est le narrateur et d’autre part ils occupent quasiment toutes les cases de l’ouvrage. Les deux policiers qui l’interrogent ont un rôle très secondaire et ont pour unique utilité de relancer la trame. Ce deuxième tome nous fait rencontrer un nouveau protagoniste qui prend une place très importante. Prénommé Jacky, il s’agit d’un homme, dealer, vivant dehors et fanatique de littérature qui va héberger Mancini pendant quelques temps. On pourrait qu’ils deviennent amis. Leur cohabitation nous est contée durant une grande majorité des pages. J’ai trouvé cet aspect passionnant et savamment narré. Cette rencontre entre deux auto-exclus de la société ne laisse pas indifférent.

Mais la richesse de cet album ne réside uniquement dans sa narration. L’atmosphère de la lecture est intense. De temps en temps touchant, très souvent mettant mal à l’aise, l’ambiance ne nous laisse jamais indifférent ni insensible. Et pour aboutir à ce résultat, les dessins jouent un rôle prépondérant. Manu Larcenet nous offre une œuvre de grande qualité sur le plan graphique. Les dessins sont en noir et blanc. Il nous offre une grande variété de point de vue. D’une part, les paysages sont remarquables. Que ce soit la forêt ou des immeubles de banlieue. D’autre les personnages sont également très bien nés. Certains visages sont splendides. Ils possèdent une réelle profondeur.

Je ne peux donc que vous conseiller la lecture de cet album. Je le trouve très réussi. De plus, il s’avère être original, ce qui ne gâche rien. Pour ceux qui avaient déjà découvert le premier opus de la série, ce nouveau tome est à la hauteur de son prédécesseur. Quant à ceux pour qui « Blast » était un univers inconnu, n’hésitez pas à vous y plonger en commençant par « Grasse carcasse ». Bonne lecture…

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Note : 17/20