Seule pour toujours – Liz Prince

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Titre : Seule pour toujours
Scénariste : Liz Prince
Dessinateur : Liz Prince
Parution : Février 2015


Publier sous forme papier des blogs est devenu un fléau dans l’édition. Les éditeurs sans servent pour faire paraître des livres à moindre frais puisque les pages sont déjà dessinées. Et si certains blogs s’adaptent parfaitement à l’exercice, la plupart révèle leur médiocrité une fois les notes alignées dans un même livre. Liz Prince voit donc une série de notes de blog sortir chez Ça et Là, le tout pour douze euros.

Liz Prince n’a pas de chance. Elle est garçon manqué, aime le punk et les hipsters et reste désespérément seule. Du coup, elle console avec ses chats. Voilà le pitch de ces notes qui montre combien la jeune femme a du mal à draguer ou, plus original, à se laisser draguer. Il faut dire que son amour de la barbe tend à l’obsession.

Un côté blog qui dessert le propos.

SeulePourToujours2Les notes varient de format. Beaucoup de pages uniques, mais également des strips, voire même trois/quatre pages de suite. Le tout est avant tout construit sur l’idée d’une chute, qui montre souvent Liz désespérée et… seule.

Si l’humour de Liz Prince nous fait sourire, le côté recueil de blog le dessert. En effet, les situations et effets comiques se répètent, entraînant forcément une lassitude. Si une petite note publiée sur un blog fonctionne, sur papier c’est moins le cas. De plus, on évite mal le remplissage avec des anecdotes sans intérêt ou déjà-vu. En soit, le livre nous fait découvrir une auteure. Mais cela donne avant tout envie de lire son blog plus que de lire ses livres.

Niveau dessin, c’est underground. En noir et blanc, avec un trait très simple, Liz Prince joue tout sur l’expressivité des personnages. Cela fait le travail, mais c’est quand même un peu léger. Des trames sont parfois ajoutées donnant un peu de volume à l’ensemble.

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« Seule pour toujours » ne fait pas une bonne publicité à l’auteure. Le dessin n’est pas transcendant et l’aspect répétitif cache l’humour plutôt réussi. Et après avoir lu le livre, je n’avais pas forcément envie de me lancer dans les autres ouvrages de Liz Prince. IL faut arrêter de publier pour publier, ça ne sert pas toujours les auteurs. Dommage.

note2

Billy Brouillard, T3 : Le chant des sirènes – Guillaume Bianco

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Titre : Billy Brouillard, T3 : Le chant des sirènes
Scénariste : Guillaume Bianco
Dessinateur : Guillaume Bianco
Parution : Novembre 2012


Billy Brouillard reprend du service dans ce troisième tome appelé « Le chant des sirènes ». Alors qu’il ne voit plus de monstres et peut ainsi vivre beaucoup plus tranquillement, Billy part en vacances à la mer. Il va alors croiser des nymphes et replonger dans ce monde fantastique où les bestioles en tout genre cohabitent au milieu des fantômes. Le tout est toujours publié dans la collection Métamorphose aux éditions Soleil. Cet univers sort tout droit de la plume de Guillaume Bianco.

« Billy Brouillard » est une série originale qui traite de l’imaginaire de l’enfance de façon glauque. Mais c’est surtout un melting-pot de la narration : bande-dessinées, illustrations, poèmes, textes illustrés, publications scientifiques… Il y a de quoi faire dans ce livre. Du coup, le lecteur sera souvent déstabilisé, voire gêné par ce fouillis. Mais c’est justement avec ce genre d’ouvrage que l’objet livre prend tout son sens.

Billy Brouillard va donc rencontrer une sirène qu’il va devoir aller sauver au plus profondément de la mer. Car la petite dormeuse risque de se réveiller… Si l’histoire dans « Billy Brouillard » à une fâcheuse tendance à digresser, le fil rouge existe bel et bien. Il est dommage qu’en début d’ouvrage, on mette si longtemps à voir arriver l’intrigue principale. Clairement, Guillaume Bianco prend son temps et se fait plaisir le long des 128 pages de l’ouvrage. Ainsi, n’y cherchez pas une grande histoire, « Billy Brouillard » est avant un ensemble d’anecdotes qui construisent un univers loufoque, fantastique et malsain.

Une plongée en enfance.

La richesse de la narration se retrouve également dans les émotions qui nous traversent : tristesse, humour, aventure… Il y en a pour tous les goûts ! C’est une vraie plongée en enfance que nous propose Guillaume Bianco. Cette richesse se retrouve aussi dans le graphisme. Ce dernier s’adapte et propose des variations sur le même thème : noir et blanc avec ou non des hachures, lavis… Et c’est sans compter sur les gazettes du bizarre qui ajoutent encore une variété dans le graphisme. Je suis tombé amoureux du dessin de Guillaume Bianco. Il retransmet parfaitement les deux facettes de son univers : l’enfance et le fantastique.

Derrière l’originalité et la pertinence de l’objet, on tiquera un peu sur les nombreuses digressions qui gênent parfois la lecture. Lire cet ouvrage demande un vrai investissement tant il est rude à assimiler, tant sur le fond que sur la forme. Cependant, si vous parvenez à vous immerger dans ce monde, c’est un véritable plaisir ! 

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note4

 

Billy Brouillard, T2 : Le petit garçon qui ne croyait plus au Père NoĂ«l – Guillaume Bianco

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Titre : Billy Brouillard, T2 : Le petit garçon qui ne croyait plus au Père Noël
Scénariste : Guillaume Bianco
Dessinateur : Guillaume Bianco
Parution : Novembre 2010


Avec « Le don de trouble vue », Guillaume Bianco avait frappé fort. Son personnage Billy Brouillard, qui avait la capacité de voir au-delà des choses, vivant dans un univers à la fois sombre et enfantin parfaitement maîtrisé. Le mélange des genres (livre illustré, encyclopédie, bande-dessinée) pouvait certes déroute, mais cela faisait la force de l’ouvrage. Ce tome 2 reprendre la même formule dans la même collection Métamorphoses des éditions Soleil. Le tout pèse une centaine pages.

Si la lecture de « Billy Brouillard » ne nécessite pas forcément la lecture des tomes précédents pour apprécier le tout, une lecture préalable du tome 1 est recommandée. En effet, on retrouve Billy qui demande au Père Noël de ressusciter son chat, mort dans le précédent opus. Hélas, son chat ne revenant pas parmi les vivants, Billy va cherche d’autres moyens de parvenir à ses fins.

Mort et forces obscures

Malgré la couverture et le titre, Noël n’est pas réellement le thème central de l’ouvrage. Ici, on parle avant tout de la mort et des forces obscures. Le croque-mitaine, notamment, y tient une place non-négligeable ! Ainsi, malgré son classement parfois en bande-dessinée jeunesse, « Billy Brouillard » me semble une série fondamentalement orientée vers les adultes. Ces derniers apprécieront plus facilement l’univers noir et blanc, ainsi que les thèmes sombres traités. De même, tel Bill Watterson avec certaines scènes de « Calvin & Hobbes », Guillaume Bianco sait parfaitement capter l’essence de l’imaginaire des enfants. Et naviguant toujours entre réalité et monde fantasmé, il sème le doute dans l’esprit du lecteur.

Ainsi, à côté des pages de bande-dessinée plus ou moins classiques (on a autant des planches avec des dessins et les textes au-dessous que des planches plus communes avec phylactères), l’auteur intercale des extraits encyclopédiques qui enrichissent l’univers. Toujours en rapport direct avec ce que l’on vient de lire, cela donne une originalité certaine à ce qui est, au final, un très beau livre (en tant qu’objet également). Et malgré l’exigence de lecture, le tout se dévore sans peine.

Le graphisme de l’auteur m’a conquis depuis longtemps. Son noir et blanc est maîtrisé, avec un petit côté gravure parfaitement adapté à ce qui ressemble parfois à un livre illustré, très en vogues au XIXèmesiècle. Le dessin est plein d’invention et d’imagination.

Après un premier tome très réussi, Guillaume Bianco transforme l’essai ici avec un livre plein de personnalité. La suite (sur les sirènes) est même annoncée en fin de tome ! L’auteur a crée une belle œuvre cohérente à découvrir d’urgence !

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Billy Brouillard, T1 : Le don de trouble-vue – Guillaume Bianco

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Titre : Billy Brouillard, T1 : Le don de trouble-vue
Scénariste : Guillaume Bianco
Dessinateur : Guillaume Bianco
Parution : Novembre 2008


Lorsque j’ai présenté mes travaux de dessinateur à des professionnels, on m’a cité à deux reprises la série « Billy Brouillard » dessinée par Guillaume Bianco, comme référence en termes de dessin en noir et blanc et en hachures. Cela m’a suffisamment intrigué pour que je m’intéresse à cet auteur que je ne connaissais absolument pas. La série « Billy Brouillard » est publiée aux Editions Soleil, dans la collection « Métamorphose ». Cette collection propose de très beaux livres qui explorent le côté sombre de l’enfance.

Billy Brouillard, comme le nom du premier tome l’indique, est doté du don de trouble vue. Ainsi, sans ses lunettes, il voit ce que les autres ne voient pas. Un ballon et quelques branches et voilà que le petit garçon transforme cela en squelette. Mais au-delà du flou, Billy parvient à voir les créatures fantastiques : monstres, fantômes et tout ce qui traîne dans une forêt lugubre.

La particularité de cet ouvrage est d’explorer la bande-dessinée dans plusieurs directions. Si certains passages sont sous forme de BDs « classiques », le livre est parsemé de plein d’autres choses. On y trouvera notamment des bestiaires, des manuels de nécromancie, des faux journaux, des textes illustrés… Il est évident que ce genre de narration perturbera nombre de lecteurs, mais cela fait partie intégrante du charme de l’ouvrage. Au-delà d’une histoire, c’est un véritable univers que crée Guillaume Bianco autour d’un petit garçon obsédé par le fantastique. Car l’ambiguïté est toujours présente : Billy imagine-t-il tout cela ou est-ce que c’est vrai ? C’est une ode à l’enfance, même si elle est bien glauque. L’auteur tape juste tout en étant original. Le monde de « Billy Brouillard » est sombre et fantastique et pourtant, cela nous rappelle notre enfance… Une vraie performance !

Une lecture exigeante.

L’univers créé pour l’occasion est magnifié par le graphisme somptueux de Guillaume Bianco. Le mélange entre un trait enfantin (pour les personnages notamment) et l’aspect très sombre du rendu en noir et blanc fonctionnent parfaitement. L’auteur est en pleine maîtrise de son art. Le tout est mis en valeur par la beauté du livre et du papier. Parfois, la couleur s’invite, que ce soit dans le dessin ou dans le papier lui-même.

L’impression à la lecture de ce livre est d’une sorte de fouillis, un cahier d’écolier où seraient griffonnées quantités de choses sur les mystères de la vie vus par un petit garçon. La mise en page est remarquable d’intelligence et le rythme bien mené. Cependant, la lecture est exigeante et il est évident que certains lecteurs, désarçonnés, auront du mal à adhérer au concept.

Ce premier tome de « Billy Brouillard » ne peut pas laisser indifférent. Doté d’une personnalité affirmée, l’ouvrage désempare autant qu’il fascine. Comme quoi, on peut sortir des schémas classiques et enthousiasmer. Une formidable découverte qui montre, au grès des pages, le talent incroyable de l’auteur pour nous faire rire, nous faire peur ou simplement nous emporter ailleurs.

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De père en FIV – William Roy

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Titre : De père en FIV
Scénariste : William Roy
Dessinateur : William Roy
Parution : Juin 2014


Le livre témoignage est une forme d’autobiographie de plus en plus utilisé. Alors quand cela touche un sujet de société, difficile de ne pas être un tant soit peu intéressé. William Roy se découvre stérile et doit se lancer dans la difficile épreuve de la fécondation in vitro, ou FIV pour les intimes. Le tout est paru aux éditions de la Boîte à Bulles, dans la collection Contre Cœur, pour un total de plus de 150 pages.

Lorsque l’on propose un témoignage sur un sujet difficile, il faut savoir se découvrir. Ici, William Roy nous présente sa stérilité (ou oligoasthénotératozoospermie), qui le touche dans sa virilité. De plus, être la personne de sa famille qui coupe la lignée le frappe durement. Mais pas de panique : de nos jours, la FIV existe et permet aux couples en difficulté d’avoir un enfant quand bien même.

Une autobiographique qui manque cruellement d’empathie.

DePereEnFIV2On découvre donc toutes les étapes que l’on peut imaginer : comment William apprend la nouvelle, comment il la vit, comment il l’annonce à ses proches, comment se passent les analyses, puis les FIV, etc. En cela, l’histoire manque un peu de surprise. Tout est très classique et on n’apprend finalement pas beaucoup de chose. Le tout se lit rapidement, entre passages intimes et passages didactiques. La narration hésite d’ailleurs entre le documentaire et le récit intimiste. À ne pas faire de choix, il perd en force.

Ce qui est le plus gênant est certainement le manque d’émotion qui se dégage de l’ensemble. Les moments difficiles existent, se veulent puissants, mais ça ne fonctionne pas vraiment (pour ceux qui ne l’ont pas vécu bien entendu. Pour les autres, cela doit être différent). Tout est trop convenu, cela manque de personnalité pour créer une empathie supplémentaire pour les personnages. Et quand au bout de 120 pages un médecin demande (enfin !) à sa femme d’arrêter de fumer pour enfanter, on croit rêver. Le détail est certainement « vrai », mais il a bien du être abordé bien. Cela laisse le lecteur dubitatif.

Ce manque d’émotion vient certainement du dessin, un peu grossier. Très inégal, il manque d’expressivité. Il n’est pas évident de dessiner des gens qui passent leur temps devant des médecins, mais les personnages sont trop froids pour un sujet pareil. De même, l’utilisation de la bichromie est très inégale. On est plus ou moins sur « une couleur = une scène » mais parfois d’autres couleurs sont ajoutées sans que l’on comprenne pourquoi.

Le trait épais de William Roy serait moins gênant si l’auteur ne prenait pas le soin, par moments, de nous dessiner des décors très précis. Ces derniers tombent comme un cheveu sur la soupe, modifiant le graphisme général d’une planche ou d’une case, sans que l’on comprenne pourquoi. Alors que les décors sont habituellement suggérés ou à peine esquissé (ce qui est plutôt adapté), certaines cases semblent avoir été décalquées. Un choix peu pertinent pour le coup.

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« De père en FIV » est un témoignage intéressant à défaut d’être vraiment touchant. Si ce livre ne parlait pas d’un sujet fort (qui plus est sous forme d’autobiographie), son inconstance tant narrative que graphique sauterait aux yeux. Alors on lit le livre d’une traite, s’intéressant à la vie de ce couple en se demandant s’ils parviendront à avoir un enfant. Mais c’est tout.

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AbĂ©lard, T2 : Une Brève Histoire de Poussière et de Cendre – RĂ©gis Hautière & Renaud Dillies

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Titre : Abélard, T2 : Une brève histoire de poussière et de cendre
Scénariste : Régis Hautière
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Septembre 2011


« Abélard » est un diptyque scénarisé par Régis Hautière et dessiné par Renaud Dillies. Trois mois seulement après la sortie du premier tome, voilà que se clôt déjà l’ensemble avec « Une brève histoire de poussière et de cendre ». Nous avions laissé Abélard le petit volatil en partance pour l’Amérique avec l’ours taciturne Gaston. Nous les retrouvons donc sur le chemin de la ville et du port, espérant se faire embarquer au plus vite. En effet, Abélard a entendu dire qu’il y a des machines volantes en Amérique. Il pourra ainsi décrocher la Lune pour Epilie, la jeune fille dont il est épris.

Dans le premier tome, Abélard faisait un peu office de personnage totalement innocent. N’ayant jamais connu autre chose que le marais, il en sort désormais et va aller de surprises en surprises. La mer, la ville et surtout les gens… Le petit volatil est totalement étranger à tout. C’est une âme pleine d’innocence lâchée dans un monde brutal. A la fin du premier tome déjà se dessinait cette évolution, on y entre ici de plein pied. La poésie fait rapidement place à une noirceur terrible et finalement assez inattendue. En effet, le premier tome était plutôt léger dans son propos. Le revirement est assez violent.

Un second tome pour les désillusions.

Abélard n’est en effet pas fait pour vivre dans le monde de la ville. Il n’est pas émerveillé par cet univers nouveau, il s’y retrouve en décalage total. Comment donc peut-il y trouver sa place ? Seule son amitié avec Gaston (le rayon de soleil de cet album ?) donne un peu d’espoir en l’humanité. Car sans Gaston, nul doute qu’Abélard ne serait pas allé beaucoup plus loin que les abords du marais. D’ailleurs, le personnage de Gaston est assez central ici. Au premier abord violent, intolérant voire misanthrope, son évolution lui donne le vrai premier rôle de deuxième volet. 

A la lecture de ce tome, l’intérêt du diptyque paraît évident. Alors que le premier tome traitait des illusions (sur l’extérieur, la ville, l’Amérique, Epilie…), le deuxième tome est celui des désillusions (sur les mêmes sujets). Malgré sa poésie, « Abélard » est une série au propos bien noir.

Le dessin de Dillies est une fois de plus de haute volée. L’osmose entre Hautière et Dillies est vraiment une grande réussite. L’univers entre innocence, poésie et noirceur et parfaitement rendu par le trait faussement naïf de Dillies. Son trait épais et indistinct, très dynamique, dessine des animaux à l’apparence enfantine. Cet album, plus noir, est colorisé de façon plus sombre globalement et installe par moment un vrai sentiment de malaise.

Tout ce que j’ai dit auparavant ne peut réellement résumer ce que j’ai ressenti à la lecture de cet album. J’en ai eu des frissons. Il m’a simplement transporté et m’a isolé du monde le temps d’aller de la première à la dernière page. C’est simplement un voyage dont on ne peut pas revenir indemne. Un chef d’œuvre ?

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note5

AbĂ©lard, T1 : La Danse des Petits Papiers – RĂ©gis Hautière & Renaud Dillies

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Titre : Abélard, T1 : La Danse des Petits Papiers
Scénariste : Régis Hautière
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Juin 2011


Renaud Dillies m’avait beaucoup marqué de son trait avec « Betty Blues » et « Bulles et Nacelles » où il développait un univers plein de poésie. A la suite d’une rencontre lors d’un festival, j’ai pu découvrir son nouvel ouvrage, « Abélard » (premier tome d’un diptyque) en avant-première, où il assure le dessin pendant que Régis Hautière s’occupe du scénario. Ce n’est pas la première collaboration des deux hommes, qui ont déjà signés « Mister Plumb » ensemble.

L’histoire fait intervenir Abélard, un poussin qui vit dans les marais, entre jeu de cartes et parties de pêche. Ayant toujours vécu à cet endroit, il ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’ailleurs, si inconnu à ses yeux. Une rencontre avec une femme, Epilie, va changer sa vie. Pour elle, il va décider de voyager, jusqu’à vouloir partir en Amérique.

Un road trip sous forme d’initiation.

« Abélard », après une introduction dans les marais, ressemble fort à un road trip sous forme d’initiation. N’ayant vécu que dans les marais, Abélard a été protégé du vaste monde et est particulièrement naïf. Cette naïveté est à la fois très touchante et drôle. Sa méconnaissance du monde et des gens est vraiment amusante. Ainsi, il se retrouve à voyager avec des gitans sans même savoir qu’ils sont très mal acceptés par la population. Lui prend les gens comme ils sont, sans trop se poser de questions.

Au-delà de l’apparence parfois simple de l’histoire se dessine une trame qui paraît plus complexe. Ainsi, tout le monde semble connaître Epilie, lui donnant une image de dangerosité que l’on ne comprend pas. Nul doute que le deuxième tome explicitera tout ça, mais tout cela participe à une ambiance des plus étranges. Autre particularité d’Abélard : son chapeau lui donne chaque jour un message sous forme de proverbe ou citation. Ces messages, venus dont ne sait où vont avoir une vraie influence sur l’histoire. Une petite curiosité qui donne de la poésie à l’ensemble.

Car « Abélard » a une poésie certaine, à l’image du héros qui monte dans un arbre pour « décrocher la Lune » à sa dulcinée. Le graphisme suranné fait mouche. Le choix de la palette de couleur met parfaitement en valeur le trait de Dillies. Celui-ci est toujours aussi indistinct et naïf à la fois. Les différents personnages, tous des animaux, sont tous très réussis graphiquement. Abélard, en poussin naîf, est simplement adorable.

Dillies abandonne ici le gaufrier de six cases qu’il affectionne pour un découpage plus varié. C’est une réussite et le tout témoigne d’une grande maîtrise. Le dessinateur n’hésite pas à prendre une page pour une case (voire même deux avec cette incroyable carte de voyage pleine d’humour).

J’ai été particulièrement séduit par « Abélard » tout au long des 64 pages de ce premier tome. Il me tarde déjà d’en lire la suite. Son personnage, si naïf, est particulièrement attachant. Le scénario d’Hautière est taillé pour le style de Dillies. Une petite perle, simplement, réservée aux grands enfants. 

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note5

 

Ce n’est pas toi que j’attendais – Fabien ToulmĂ©

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Titre : Ce n’est pas toi que j’attendais
Scénariste : Fabien Toulmé
Dessinateur : Fabien Toulmé
Parution : Octobre 2014


Fabien Toulmé vit au Brésil avec sa femme Patricia et sa fille Louise. Un deuxième enfant est en route. Le futur père craint pour la trisomie 21, sans trop savoir pourquoi. Il faut dire que leur retour en France en pleine grossesse a compliqué le suivi de l’enfant. Et, en effet, sa fille Julia nait trisomique.

Difficile sujet que celui de la trisomie 21. Fabien Toulmé nous propose un ouvrage autobiographique sur cette expérience. Plus que sur le regard des autres (qui est souvent l’angle choisi), son livre est basé sur le ressenti du père qui découvre un enfant qui n’est pas celui qu’il attendait (et voulait). Le tout pèse quand même plus de 150 pages et est paru aux éditions Delcourt.

CeNEstPasToiQueJAttendais2L’autobiographie, de part son aspect « vrai », est toujours plus touchante. L’auteur ne cherche pas à se glorifier, faisant preuve d’une sincérité louable. On voit le mal qu’il a à aimer sa fille (ou même simplement à la considérer comme sa fille). Parallèlement à cette relation père-fille, le parcours du combattant du nouveau parent d’enfant handicapé est aussi décrit en détail.

Comment accepter la naissance de sa fille trisomique ?

L’histoire s’arrête assez tôt pour ne pas traiter les soucis de développement de l’enfant. Elle se concentre avant tout sur la naissance et l’acceptation. Une fois que c’est fait, le livre s’arrête. Ainsi, si les notions de dépendance à l’âge adulte sont évoquées, c’est pas les médecins.

Fabien Toulmé trouve le ton juste pour traiter le sujet. Autocentré, faisant la part belle à la narration en voix-off, son propos est riche et bien structuré. L’émotion est bien évidemment présente, mais l’humour également, apportant un peu de respiration au milieu d’un sujet difficile.

Le dessin de Fabien Toulmé n’a rien de très original, mais il est adapté au propos par sa simplicité. La colorisation se concentre sur l’essentiel, une couleur correspondant à un chapitre. Il y a quelques bonnes idées de composition, mais globalement la bande-dessinée se contente de relater des faits sans beaucoup d’action et beaucoup de dialogue. Néanmoins, le tout fonctionne plutôt bien.

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« Ce n’est pas toi que j’attendais » est un livre touchant. Outre un aspect documentaire sur ce qu’il faut faire lorsqu’un enfant naît trisomique, on découvre un père complètement perdu face à la naissance de sa fille et son long chemin pour l’accepter telle quelle est. Un beau témoignage.

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note4

Alvin, T1 : L’hĂ©ritage d’AbĂ©lard – RĂ©gis Hautière & Renaud Dillies

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Titre : Alvin, T1 : L’hĂ©ritage d’AbĂ©lard
Scénariste : Régis Hautière
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Juin 2015


« AbĂ©lard » est un diptyque des plus bouleversants qui avait su faire parler de lui. Le personnage d’AbĂ©lard, naĂŻf perdu dans la duretĂ© de la rĂ©alitĂ©, avait su Ă©mouvoir les lecteurs. Et les deux auteurs, RĂ©gis Hautière au scĂ©nario et Renaud Dillies au dessin, s’Ă©taient trouvĂ©s, chacun semblant fait pour travailler avec l’autre. VoilĂ  que cette nouvelle sĂ©rie, « Alvin », reprend les choses lĂ  oĂą elles en Ă©taient restĂ©es. On retrouve donc le compagnon d’infortune d’AbĂ©lard, Gaston, dans sa tentative de survivre aux États-Unis. On est au dĂ©but du vingtième siècle, la vie est rude.

Alvin1cIl serait dommage de commencer « Alvin » sans avoir lu prĂ©cĂ©demment « AbĂ©lard ». L’histoire est indĂ©pendante mais des rappels sont faits, souvent en sous-entendus qui plus est.

Alvin est un petit garçon, nĂ© d’une prostituĂ©e. Autant dire que son avenir n’est pas rose et que son prĂ©sent est dĂ©jĂ  compliquĂ©. Comme AbĂ©lard dans son temps, il apporte une touche de naĂŻvetĂ© (de par son âge) dans l’histoire par ses questionnements, mĂŞme si la vie l’a dĂ©jĂ  sacrĂ©ment endurci.

L’amitiĂ© comme valeur de survie.

Les auteurs retrouvent sans peine le ton dont ils ont fait leurs histoires. On y rencontre de la grâce, de la poĂ©sie, des drames, une vie qui vous broie mais que l’amitiĂ© permet de combattre. « Alvin » possède un ton assez unique, typique des auteurs, qui touche profondĂ©ment le lecteur. En instaurant ce chapeau magique qui donne des dictons comme leçons de sagesse du jour, ils apportent un peu de magie dans leur univers. Quant aux silences et aux sous-entendus, ils donnent beaucoup de puissance aux Ă©motions.

Alvin1bLes personnages sont des plus vivants. Chacun a ses cicatrices et essaie d’apprivoiser les autres. Ils sont bougons, râleurs, mais avant tout ils sont seuls et souffrent. L’empathie pour eux est totale et on traverse leurs existences en ne leur souhaitant que du bien. Pour cela, les auteurs ne nous aident pas !

Difficile de ne pas parler du dessin de Renaud Dillies, qui est l’un de mes prĂ©fĂ©rĂ©s, toutes catĂ©gories confondues ! Son dessin animalier, très enfantin dans l’esprit, est dotĂ© d’un encrage très personnel. C’est tout bonnement magnifique ! Ses personnages sont simples, mais plein de vie et d’expressivitĂ© ! Et que dire du dĂ©coupage… Une vraie maĂ®trise tant les pages muettes sont parlantes. Chaque case apporte ses informations et ses Ă©motions. Du grand art !

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RĂ©gis Hautière et Renaud Dillies nous enchante une nouvelle fois avec une oeuvre commune. Parfaitement au diapason, ils crĂ©ent une nouvelle fois un livre oĂą leurs valeurs transparaissent. Un univers noir, fait d’exclus qui tentent de survivre en se serrant les coudes. Difficile de rester indiffĂ©rent Ă  ce Alvin. On n’attend plus qu’une chose : la suite.

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Le grand mĂ©chant renard – Benjamin Renner

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Titre : Le grand méchant renard
Scénariste : Benjamin Renner
Dessinateur : Benjamin Renner
Parution : Janvier 2015


 

Sous le nom de Reineke, Benjamin Renner avait publié un ouvrage des plus sympathiques, « Un bébé à livrer ». Ce livre faisait intervenir les animaux de basse-cour dans une histoire rocambolesque pleine de rebondissements. À l’occasion de Noël, l’auteur avait proposé sur son blog une nouvelle histoire où, cette fois, les animaux essayaient de sauver les fêtes de fin d’année après avoir exécuté (pensaient-ils…) le Père Noël… « Le grand méchant renard », paru dans la collection Shampooing, reprend les personnages déjà connus mais peut être lu indépendamment du reste. Comme son nom l’indique, le personnage principal est ici le renard. Le tout pèse quand même plus de 180 pages.

Dans cette histoire, le renard ne fait peur à personne, au grand dam de l’intéressé. Il vient à la ferme tous les jours, essayant de récupérer une poule, mais se fait martyriser en permanence. Si bien que plus personne ne fait vraiment attention à lui. Afin de manger enfin du poulet, il décide de voler des œufs. Car, après tout, qu’y a-t-il de plus inoffensif qu’un poussin ? Bien évidemment, rien ne va se passer comme prévu.

Un ouvrage destiné autant aux publics jeunesse et adulte.

LeGrandMechantRenard1Le style de Benjamin Renner se caractérise par une succession d’actions. Chaque décision en amène une autre, enfonçant le personnage de plus en plus dans son trou. Son personnage de renard est complètement dépassé par les événements, les subissant en permanence. Cela crée une empathie évidente et l’humour de l’auteur fonctionne à plein. On sourit en permanence, l’histoire ne faisant que peu de pauses dans les péripéties de notre goupil.

Benjamin Renner réussit la difficile tâche de créer un ouvrage aussi bien destiné aux adultes qu’à un public plus jeunesse. Le tout est bon enfant, jamais vulgaire ou violent. Il joue sur les codes classiques du conte pour enfant (rien que le titre est assez évocateur !), mais son traitement humoristique touche les adultes sans problème.

Concernant le dessin, difficile de passer à côté du découpage très dessin animé (qui explique la forte pagination de l’ouvrage). Venant de l’animation, Benjamin Renner décompose les mouvements à merveille. Malgré tout, l’abondance de cases lui permet aussi de caler les nombreux dialogues présents. Au niveau du dessin proprement dit, je suis un grand fan. Le trait est vif, lâché avec dynamisme sur le papier et rehaussé d’aquarelle. Une belle maîtrise d’un style animalier où chaque animal est bien identifié avec peu de traits. Symbole de cette clarté dans la simplicité : cette case où le renard imite les mimiques du loup avec brio !

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« Le grand méchant renard » est un ouvrage bon enfant qui vous fera sourire et rire tout au long de ses pages. On est pris dans l’histoire, plein d’empathie pour ce pauvre renard qui voudrait être craint mais qui apprendra finalement qu’il vaut peut-être mieux être aimé…

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Note : 16/20