Titre : Canardo, T24 : Mort sur le lac
Scénaristes : Benoßt Sokal & Hugo Sokal
Dessinateur : Pascal Regnauld
Parution : Mars 2015
« Canardo » est un hĂ©ros lĂ©gendaire de la bibliothĂšque de mes parents. Son physique de canard attirait mon regard dâenfant mais la nature du contenu me disait dâattendre dâĂȘtre plus grand pour en savourer la lecture. Quand jâai Ă©tĂ© en Ăąge de dĂ©couvrir des enquĂȘtes du palmipĂšde dĂ©tective, jâai immĂ©diatement succombĂ© aux charmes de lâatmosphĂšre unique et envoutante qui accompagnait le quotidien de ce Columbo aux pieds palmĂ©s. Les annĂ©es sont passĂ©es et je nâai jamais cessĂ© de guetter chaque nouvelle parution de ses pĂ©rĂ©grinations. Le dernier sâintitule « Mort sur le lac ». La couverture sombre et crasseuse est un petit bijou. EditĂ© chez Casterman, cet ouvrage est lâĆuvre conjointe de BenoĂźt et Hugo Sokal pour le scĂ©nario et de Pascal Regnauld pour les dessins.
Une disparue amnésique.
Un dĂ©tective privĂ© vit essentiellement de deux types dâaffaire : lâadultĂšre et la recherche de personne disparue. Câest Ă la seconde thĂ©matique quâappartient ici la requĂȘte faite Ă ce cher Canardo. La particularitĂ© de la mission qui lui est confiĂ©e est que la disparue est assise en face de lui et que ce quâelle souhaite retrouver est sa mĂ©moireâŠ
Avant dâentrer de plein pied dans le ressenti de ma lecture, je me dois de prĂ©senter rapidement les caractĂ©ristiques de ce hĂ©ros atypique quâest Canardo. Lâunivers anthropomorphiste de la sĂ©rie lui donne les traits dâun canard. Mais le premier contact lâassocie immĂ©diatement Ă Columbo. LâimpermĂ©able, le regard peu expressif, la cigarette⊠MalgrĂ© son cĂŽtĂ© peu attirant, le lecteur ne peut que tomber sous le charme du personnage.
Comme souvent ces derniers temps, lâenquĂȘte de Canardo lui fait croiser les hautes sphĂšres du duchĂ© de Belgambourg. Ce dernier se veut ĂȘtre un repĂšre pour fortunĂ© frontalier de la Belgique. Cet album Ă©voque les contrariĂ©tĂ©s ressentis par les dirigeants locaux du fait dâune immigration wallonne incontrĂŽlĂ©e. Les propos tenus par cette Ă©lite mettent mal Ă lâaise au premier degrĂ© mais font bien rire au second. Câest une des forces de la sĂ©rie : son humour noir. Les auteurs ne se fixent aucune limite dans leurs propos et je les remercie pour cela. La thĂ©matique de la protection des frontiĂšres Ă tout prix nâĂ©chappe pas Ă cette rĂšgle.
De son cĂŽtĂ©, Canardo a dâautres soucis. Cette ravissante demoiselle amnĂ©sique lui occupe tout son temps. Elle a Ă©tĂ© retrouvĂ©e au milieu dâun lac par un pĂȘcheur dâanguilles qui depuis lâa recueillie. Lâessentiel des Ă©changes entre le palmipĂšde et sa cliente se dĂ©roule donc dans un bouiboui spĂ©cialisĂ© dans la cuisson de lâanguille. Cela permet aux auteurs de crĂ©er quelque chose quâils adorent et pour lesquels ils sont particuliĂšrement talentueux : une petite communautĂ© vivant quasiment en autarcie au milieu de nulle part. Chacune de ces immersions dans ces lieux gris oĂč grouille cette faune particuliĂšre est un vĂ©ritable bonheur. Le sĂ©jour chez Harry confirme ce postulat.
Concernant les recherches de Canardo, elles ne sont pas inintĂ©ressantes. Les pistes sont nombreuses. Les liens entre elles sont en train dâapparaĂźtre. La surprise est de voir que le dĂ©nouement nâarrive pas au bout de la quarante-huitiĂšme page. Il faudra attendre la parution du prochain tome pour connaĂźtre le fin mot de lâhistoire. Je dois vous avouer que jâai Ă©tĂ© un petit peu frustrĂ©. Les auteurs mâavaient habituĂ© Ă offrir un Ă©pilogue Ă chacun de leurs opus. Ce nâest ici pas le cas. Il faudra faire avec mais je dois dire que je suis un petit peu déçu de cette dĂ©cision scĂ©naristique. Cela explique dâailleurs que les diffĂ©rentes piĂšces du jeu dâĂ©chec narratif mettent plus de temps que dâhabitude Ă se dĂ©placer et Ă se dĂ©voiler.
« Mort sur le lac » est un bon cru de « Canardo ». Il ne fait pas partie des meilleurs mais est incontestablement bourrĂ© de qualitĂ©s. Le dessin de RĂ©gnauld fait une nouvelle fois mouche pour nous prĂ©senter des personnages hauts en couleurs dans des dĂ©cors qui le sont tout autant. Les couleurs dâHugo Sokal habillent la lecture dâune atmosphĂšre caractĂ©ristique qui ravira les fidĂšles de la sĂ©rie. Je ne peux donc que conseiller Ă tout adepte du neuviĂšme art de suivre les pas du cĂ©lĂšbre canard en gabardine. Ceux qui le connaissent dĂ©jĂ seront ravis de le retrouver. Quant aux autres, la rencontre ne les laissera pas indiffĂ©rentsâŠ