Garçon manquĂ© – Liz Prince

GarçonManqué


Titre : Garçon manqué
Scénariste : Liz Prince
Dessinatrice : Liz Prince
Parution : Octobre 2014


AprĂšs avoir Ă©tĂ© déçu par « Seule pour toujours » de Liz Prince, je voulais lui demander une nouvelle chance. En effet, les critiques que j’avais pu lire encensait plutĂŽt « Garçon manqué », qui est un vrai one-shot et non pas un recueil de blog. Dans ce livre, Liz Prince raconte sa jeunesse et son adolescente oĂč son cĂŽtĂ© pas assez fĂ©minin (selon elle) l’a beaucoup fait souffrir. C’est donc une autobiographie qui nous est proposĂ©e chez Ça et LĂ , pour un total de
 250 pages !

L’autobiographie de jeunesse centrĂ© sur un problĂšme particulier (ici le cĂŽtĂ© « garçon manqué ») a le vent en poupe. HĂ©las, il faut bien avouer que certains ont des jeunesses bien plus intĂ©ressantes que d’autres. Et surtout, la difficultĂ© est de savoir sublimer son existence par un traitement narratif ou graphique adĂ©quat. Liz Prince hĂ©site un peu sur le mode Ă  suivre, tantĂŽt humoristique, tantĂŽt franchement plombante. Le livre se rĂ©vĂšle bien trop premier degrĂ©. Alors qu’en est-il du propos ?

Un livre au premier degré trop exhaustif.

GarçonManquĂ©2Liz n’aime pas les robes. VoilĂ  le point de dĂ©part de l’intrigue. Elle n’aime donc pas les poupĂ©es, le rose et tout ce qui va avec. Elle aime les jeux de garçons et jouer avec eux. HĂ©las, il n’existe visiblement pas d’espace intermĂ©diaire. Elle se retrouve ainsi mise Ă  l’écart des deux communautĂ©s. Au-delĂ  du cĂŽtĂ© garçon manquĂ©, c’est avant tout l’histoire des marginaux qui est narrĂ©e. HĂ©las, le tout reste trĂšs terre-Ă -terre et ce n’est que dans les ultimes pages que la notion de marginalitĂ© (au sens large du terme) prend vraiment sa place.

Liz Prince aurait pu gĂ©nĂ©raliser son propos mais ce n’est pas le cas. On retrouve finalement dans le livre tout ce que l’on pourrait dire Ă  l’avance avant de le lire : on la prend pour un garçon, pour une lesbienne et elle accepte mal son corps. Du coup, si le livre se lit facilement, il ne propose aucune vĂ©ritable surprise. Et les moments plus intimes, plus personnels, sont noyĂ©s devant la pagination trop importante du livre. En effet, de nombreux passages sont redondants et n’apportent rien. En voulant tout dire, l’auteure affaiblit son propos.

Au niveau du dessin, c’est vraiment le minimum syndical. Le tout est en noir et blanc, avec un traitement sans matiĂšre ni niveau de gris. Le dessin est trĂšs simple et, finalement, n’apporte rien Ă  la narration. On peut avoir un dessin underground puissant ou minimaliste, mais cela n’empĂȘche pas la crĂ©ativitĂ©.

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Ce « Garçon manqué » a tout du projet trop personnel. Il n’y a pas de travail d’écriture sur l’ouvrage, l’auteure Ă©tant trop exhaustive et se contenant d’un traitement purement chronologique. L’expĂ©rience personnelle de Liz Prince n’est pas assez puissante ou originale (en tout cas, vue du livre) pour rĂ©ellement crĂ©er un intĂ©rĂȘt chez le lecteur. L’ouvrage aurait Ă©tĂ© plus court, il aurait Ă©tĂ© certainement beaucoup plus intĂ©ressant.

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note2

Le jardin de minuit – Edith

LeJardinDeMinuit


Titre : Le jardin de minuit
ScĂ©nariste : Edith d’aprĂšs Philippa Pearce
Dessinatrice : Edith
Parution : Avril 2015


« Le jardin de minuit » est un roman jeunesse Ă©crit par Philippa Pearce que je ne connaissais pas. Une premiĂšre approche m’est proposĂ©e par Edith, qui adapte le livre en bande-dessinĂ©e dans un one-shot d’une petite centaine de pages. Le tout paraĂźt dans l’excellente collection Noctambule chez Soleil.

Tom est triste. Son frĂšre Peter a attrapĂ© la rougeole et est contagieux. Pour Ă©viter qu’il l’attrape Ă©galement, Tom est envoyĂ© deux semaines en vacances chez son oncle et sa tante, dans une maison transformĂ©e en appartements. Interdiction de sortir (au cas oĂč il incube), barreaux aux fenĂȘtres, voisine irascible
 Tom dĂ©prime. Mais c’était avant de s’apercevoir que la grande horloge du rez-de-chaussĂ©e sonnait treize coups Ă  minuit et de dĂ©couvrir un jardin extraordinaire.

Une histoire d’amitiĂ© entre deux enfants.

LeJardinDeMinuit1« Le jardin de minuit » est une histoire d’amitiĂ© entre deux enfants, d’oĂč son Ă©tiquetage jeunesse. Le personnage principal, Tom, sur qui tout est centrĂ© est jeune, mais impĂ©tueux. On suit son histoire, qu’il raconte par lettres Ă  son frĂšre Peter. L’adaptation d’Edith se devait de retranscrire les deux ambiances de l’histoire. D’un cĂŽtĂ©, un quotidien morne, gris et ennuyeux. De l’autre, de beaux jardins victoriens baignĂ©s de lumiĂšre.

Le charme opĂšre dans cet ouvrage. Un charme surannĂ©, un brin nostalgique (le roman date des annĂ©es 50), mais les personnages sont attachants. Sans vraiment arriver Ă  sortir du carcan « jeunesse » avec son adaptation, Edith parvient Ă  embarquer le lecteur. Peu de suspense rĂ©el, puisque les mĂ©canismes sont connus dans ce genre de rĂ©cit (peur de rester bloquĂ© dans l’autre monde, peur de ne plus pouvoir y aller, etc.)

C’est le trait d’Edith (que je n’avais encore jamais lu) qui m’a dĂ©cidĂ© Ă  acquĂ©rir l’ouvrage. Ses personnages en rondeur sont trĂšs attachants. Sous un aspect assez simple, le dessin se rĂ©vĂšle riche et dotĂ© d’une narration fluide et maĂźtrisĂ©e. Et que dire des couleurs qui subliment le trait sans peine, variant les ambiances selon les besoins du moment.

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Avec sa pagination important, son cĂŽtĂ© « beau livre », « Le jardin de minuit » risque d’avoir du mal Ă  cibler son public. Avec une histoire qui reste orientĂ©e jeunesse, il vous faudra avoir gardĂ© votre Ăąme d’enfant pour ne pas tiquer au scĂ©nario et pour arriver Ă  entrer pleinement dans l’histoire. C’était mon cas et je ne l’ai pas regrettĂ©.

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note4

Les guerres silencieuses – Jaime Martin

LesGuerresSilencieuses


Titre : Les guerres silencieuses
Scénariste : Jaime Martin
Dessinateur : Jaime Martin
Parution : Août 2013


Jaime Martin reste devant une page blanche. Il n’a aucune idĂ©e de scĂ©nario pour son prochain projet de bande-dessinĂ©e. Et son animositĂ© pour les autres ne l’aide pas. Un repas de famille va le dĂ©bloquer. Alors que son pĂšre ressasse une nouvelle fois son service militaire au Maroc, Jaime Martin en profite pour rĂ©cupĂ©rer les carnets de son gĂ©niteur et de voir s’il y a matiĂšre Ă  faire quelque chose avec. Cela aboutira sur « Les guerres silencieuses », un pavĂ© de 150 pages paru chez Dupuis, dans la collection Aire Libre.

Le livre se situe sur trois niveaux : le service militaire proprement dit, la vie sous la dictature de Franco et l’époque contemporaine, oĂč Jaime Martin se pose des questions sur l’intĂ©rĂȘt du projet. Il aurait Ă©tĂ© dommage de ne pas traiter le quotidien des espagnols des annĂ©es 50/60, car cela se rĂ©vĂšle trĂšs intĂ©ressants, mĂȘme si l’auteur insiste sur les rapports garçon/fille. Comment et pourquoi se marier, sous Franco, c’est assez codifiĂ©.

Une jeunesse pendant le régime franquiste.

LesGuerresSilencieuses1Le cƓur du sujet reste cependant le service militaire. Perdus au Maroc, dans une guerre plus ou moins cachĂ©e par le gouvernement, les jeunes espagnols se retrouvent dĂ©munis en plein dĂ©sert. Outre les habituels brimades et rapports de force, propres Ă  toutes les armĂ©es, c’est ici les problĂšmes d’alimentation qui sont au cƓur du sujet. Mal ravitaillĂ©s, les soldats crĂšvent de faim et toutes les combines sont bonnes pour mieux manger.

Jaime Martin retranscrit admirablement cette ambiance militaire. MĂȘme si c’est dĂ©jĂ  vu, tant au cinĂ©ma qu’en bande-dessinĂ©e, le livre se dĂ©vore et on tremble pour les personnages. Le tout n’est pas idĂ©alisĂ© dans les rapports humains et sonne juste. Cependant, aprĂšs avoir Ă©tĂ© passionnĂ© par le bouquin, le lecteur ne peut s’empĂȘcher d’ĂȘtre frustrĂ© par cette fin abrupte qui apparaĂźt soudain sans crier gare. Et Ă  la fermeture du bouquin, un sentiment d’inachevĂ© persiste. Il est assez clair que Jaime Martin a Ă©crit ce livre avant tout pour lui puisque c’est l’histoire de ses parents qu’il raconte. Les passages contemporains sont, pour nous lecteurs, assez lourds et inutiles. Ainsi, les questionnements de Martin sur l’intĂ©rĂȘt de son livre ne sont pas pertinents. Dans le pire des cas, cela dĂ©prĂ©cie son travail lorsqu’il estime faire un livre de plus sur l’armĂ©e.

Au niveau du dessin, c’est pour moi une rĂ©vĂ©lation. Je ne connaissais pas Jaime Martin et j’aime beaucoup son trait. Il possĂšde un dessin semi-rĂ©aliste trĂšs rĂ©ussi. Les couleurs sont au diapason, proposant trois ambiances comme chaque Ă©poque et lieu traversĂ©s. La narration est fluide et les 150 pages se dĂ©vorent tant on est lancĂ© sur des rails. Du beau travail !

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« Les guerres silencieuses » laisse un goĂ»t d’inachevĂ©. J’étais captivĂ© et impressionnĂ© par ma lecture, mais la fin du livre m’a déçu. Trop abrupte, trop personnelle, elle laisse un peu le lecteur de cĂŽtĂ©. Mais il serait dommage de passer Ă  cĂŽtĂ© de ce livre, qui traite d’une guerre dont personne n’a entendu parler, et d’un rĂ©gime franquiste qui ne laisse nulle place Ă  la romance !

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note4

Le sculpteur – Scott Mc Cloud

LeSculpteur


Titre : Le sculpteur
Scénariste : Scott Mc Cloud
Dessinateur : Scott Mc Cloud
Parution : Mars 2015


Scott Mc Cloud est une personnalitĂ© majeure dans la bande-dessinĂ©e. Il a participĂ© activement Ă  la thĂ©orisation de cet art avec « L’art invisible ». Et s’il a militĂ© pour la rĂ©volution numĂ©rique avec « RĂ©inventer la bande-dessinĂ©e », c’est bien avec un pavĂ© de 500 pages (paru chez Rue de SĂšvres) qu’il revient Ă  la fiction, quinze ans aprĂšs !

Pour son retour, l’auteur reprend le mythe de Faust. David est en train de rater sa carriĂšre de sculpteur, car son mĂ©cĂšne qui l’a portĂ© l’a ensuite lĂąchĂ© et dĂ©truit. Il n’a donc pas d’argent, (presque) pas d’ami, pas de famille
 Il accepte alors un pacte lui permettant de modeler Ă  sa guise les matĂ©riaux, mais sa durĂ©e de vie se retrouve du jour au lendemain trĂšs limité 

Une réflexion sur le succÚs.

LeSculpteur1Revisiter un mythe, c’est lui apporter quelque chose. Scott Mc Cloud tente de le moderniser en le situant dans le milieu d’art New-Yorkais. De ce milieu, on ne visitera qu’une seule galerie et le MOMA, dont on ne verra pas grand-chose. La rĂ©flexion porte avant tout sur le succĂšs plus que sur l’Art en tant que tel. Ainsi la problĂ©matique est : le talent brut (sculpter avec maestria) suffit-il ? Quid des idĂ©es ? Des coucheries ? Des copinages ? Des critiques ? De la chance ? Si Scott Mc Cloud aborde ses questions, il n’apporte finalement pas grand-chose, mĂȘme si certaines idĂ©es sont pertinentes.

Le traitement narratif est en revanche une vĂ©ritable dĂ©ception. Les cinq-cents pages de l’ouvrage ne sont absolument pas justifiĂ©es. Mc Cloud ajoute une amourette absolument pas crĂ©dible (du genre coup de foudre immĂ©diat Ă  sens unique) qui plombe le rĂ©cit. De mĂȘme, les discussions entre David et la Mort sont sans intĂ©rĂȘt. Le faire devant un jeu d’échec alourdit encore le message.

Mais ce qui pose le plus de problĂšme est certainement le personnage de David en lui-mĂȘme. ObsĂ©dĂ© par l’Art, il perd en empathie. Trop Ă©goĂŻste et obsessionnel (pour l’art ou pour Meg), il a bien du mal Ă  attirer la sympathie. Les personnages trop pleurnichards fatiguent vite le lecteur. Surtout que Meg, prĂ©sentĂ© comme le pendant optimiste du livre, se rĂ©vĂšle aussi dĂ©pressive


Au niveau graphique, le livre est bien plus enthousiasmant. Certains passages sont vraiment inventifs, d’autres explosent de dynamisme
 Il y a vraiment de quoi analyser dans ce livre ! Le parti pris de la bichromie (avec du bleu) est pertinent et l’auteur l’utilise pour faire des effets trĂšs rĂ©ussis. L’auteur possĂšde un style oscillant parfois entre les styles comics et manga (pour les personnages notamment). On sent que Scott Mc Cloud a fait des efforts pour sortir de son dessin un peu froid et statique, le rĂ©sultat est assez rĂ©ussi. MalgrĂ© tout, le dessin reste inĂ©gal avec des cases vraiment moins bien dessinĂ©es.

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« Le sculpteur » m’a fait le mĂȘme effet que les ouvrages de Craig Thomson : il y a de trĂšs belles idĂ©es graphiques et narratives, mais l’histoire se rĂ©vĂšle dĂ©cevante, peuplĂ©e de personnages dĂ©pressifs. Surtout, la forte pagination paraĂźt inutile, rĂ©pĂ©tant les choses sans vraiment les approfondir. Un ouvrage mi-figue mi-raisin, plein de qualitĂ©s, mais dont les dĂ©fauts alourdissent le propos.

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note3

Le TroisiĂšme Testament, Julius, T2 : La rĂ©vĂ©lation, 1/2 – Alex Alice & ThimothĂ©e Montaigne

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Titre : Le TroisiÚme Testament, Julius, T2 : La révélation, 1/2
Scénariste : Alex Alice
Dessinateur : Thimothée Montaigne
Parution : Novembre 2012


Le dĂ©marrage du spin-off du « TroisiĂšme Testament », nommĂ© « Julius », m’avait Ă  la fois plu et déçu. La comparaison avec la sĂ©rie initiale Ă©tait Ă  son dĂ©savantage, mais la qualitĂ© Ă©tait quand bien mĂȘme au rendez-vous. Pour ce deuxiĂšme tome, intitulĂ© « La rĂ©vĂ©lation – 1/2 » (un diptyque dans une sĂ©rie ?), le dessinateur a dĂ©jĂ  changĂ©, Robin Recht laissant la place Ă  ThimothĂ©e Montaigne. Ce dernier avait officiĂ© dans une sĂ©rie clone du « TroisiĂšme Testament »   intitulĂ© « Le cinquiĂšme Ă©vangile » (qui au passage, change aussi de dessinateur). De plus, Xavier Dorison ne persiste dans cette sĂ©rie que comme initiateur du « concept original ». Bref, j’avoue que je n’étais pas trĂšs rassurĂ© quand j’ai ouvert cette bande-dessinĂ©e.

La nouvelle sĂ©rie, censĂ©e pouvoir ĂȘtre lue sans connaĂźtre la sĂ©rie originale (ce que je dĂ©conseille fortement), prĂ©sente l’histoire du Sar Ha Sarim, un nouveau messie pour les chrĂ©tiens, quelques dĂ©cennies seulement aprĂšs la venue du Christ. A cĂŽtĂ© de lui, Julius, un gĂ©nĂ©ral romain dĂ©chu qui le pousse Ă  s’armer et Ă  repousser les Romains de JudĂ©e. HĂ©las pour lui, le Sar Ha Sarim est adepte de la non-violence et dĂ©cide de partir seul vers l’orient oĂč il sent un appel. MalgrĂ© tout, un petit groupe disparate de soldats et thĂ©ologiens l’accompagnent. Quand Ă  Julius, parfaitement athĂ©e, il n’est lĂ  que pour pousser le nouveau messie Ă  abandonner sa quĂȘte.

« Julius » reprend un peu le principe de la sĂ©rie. On voyage dans des lieux incroyables, soit par leur beautĂ© (Rome, Babylone), soit par leur terrifiante nature (dĂ©sert de seul, mine de soufre). Ainsi, les ambiances changent beaucoup. AprĂšs deux tomes, l’histoire n’a pas encore rĂ©ellement avancĂ© et semble dĂ©marrer rĂ©ellement Ă  la fin de ce deuxiĂšme opus oĂč le cĂŽtĂ© Ă©pique de la saga reprend ses droits.

Du mal Ă  accrocher aux personnages.

Force est de constater que le suspense commence Ă  se faire sentir. La Mort rĂŽde et l’Apocalypse semble se prĂ©parer au bout du chemin. Je trouve assez fort que l’on soit pris autant par une forme de suspense alors que la fin est connue (pour ceux qui ont lu la sĂ©rie originelle bien sĂ»r). En cela, les auteurs font bien monter la pression.

MalgrĂ© toutes les qualitĂ©s du scĂ©nario, je garde un part de dĂ©ception que j’ai du mal Ă  Ă©carter. Je pense avoir du mal Ă  accrocher aux personnages. Le messie reste un peu trop messie et Julius ne m’est absolument pas sympathique. Je pense que c’est lĂ -dessus que j’achoppe vraiment dans cette sĂ©rie. On est trĂšs loin de Marbourg et Elisabeth, mĂȘme la relation entre les deux s’étoffe dans ce tome.

Au niveau du dessin, le changement se ressent dĂšs les premiĂšres pages. ThimothĂ©e Montaigne a un trait plus Ă©pais que son prĂ©dĂ©cesseur. Le dessin est remarquablement rendu. Les personnages sont trĂšs expressifs et leur caractĂšre se lit sur leur visage. Et que dire des paysages ? Montaigne nous gratifie rĂ©guliĂšrement de grandes cases panoramiques splendides. Pour cela, le changement de dessinateur n’est pas du tout synonyme de baisse de qualitĂ©, mĂȘme si j’avoue regretter toujours ce genre d’évĂšnement. En tout cas, Montaigne avait dĂ©jĂ  prouvĂ© dans « Le cinquiĂšme Ă©vangile » son talent, il le confirme ici.

Au final, cette « RĂ©vĂ©lation 1/2 » continue sur la lancĂ©e du premier tome. La fin relance le suspense et l’intĂ©rĂȘt. Si bien que l’on n’attend qu’une chose : que cette rĂ©vĂ©lation nous arrive enfin dans les mains !

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note4

Le TroisiĂšme Testament, Julius, T1 : Livre I – Alex Alice, Xavier Dorison & Robin Recht

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Titre : Le TroisiĂšme Testament, Julius, T1 : Livre I
Scénaristes : Xavier Dorison & Alex Alice
Dessinateur : Robin Recht
Parution : Septembre 2010


Une sĂ©rie Ă  succĂšs est-t-elle condamnĂ©e Ă  accoucher d’un spin-off ? AprĂšs un succĂšs amplement mĂ©ritĂ©, « Le TroisiĂšme Testament » revient pour un nouveau cycle. Cette sĂ©rie racontait la quĂȘte de ce fameux troisiĂšme testament qui aurait Ă©tĂ© cachĂ© par un certain Julius de Samarie. Ce nouveau cycle doit donc nous raconter comment Julius s’est retrouvĂ© avec ce prĂ©sent divin et quelle a Ă©tĂ© son histoire. Quelques changements sont Ă  prĂ©voir cependant dans l’équipe : Xavier Dorison prend de la distance sur la sĂ©rie et Robin Recht prend les rĂȘnes au dessin Ă  la place d’Alex Alice qui reste au scĂ©nario, au storyboard et
 Ă  la couverture.

Une quĂȘte de rĂ©demption.

Grosse apprĂ©hension pour le lecteur fan de la sĂ©rie originelle que je suis. Mais « Julius » doit ĂȘtre pris avant tout comme une histoire Ă  part. En effet, la pĂ©riode historique n’est pas du tout la mĂȘme (l’AntiquitĂ© contre le Moyen-Âge), ainsi que le lieu (le Proche-Orient contre l’Europe). Julius est gĂ©nĂ©ral romain, portĂ© en triomphe au dĂ©but de l’ouvrage dont on va assister Ă  la chute brutale et immĂ©diate (tel Conrad). Comme dans la premiĂšre sĂ©rie, c’est donc une quĂȘte de rĂ©demption Ă  laquelle on va avoir affaire. Ainsi, Julius est cruel, ambitieux, cupide et athĂ©e. Son contact avec un rabbin juif/chrĂ©tien va bouleverser sa vision des choses et l’amener Ă  s’humaniser. Ceux qui connaissent le contenu des fameux rouleaux du voyage de Julius de Samarie savent dĂ©jĂ  comment l’histoire se terminera…

Il faut bien avouer que les 80 pages de l’ouvrage se lisent d’une traite. 60 ans aprĂšs la venue du Christ, les ChrĂ©tiens font peur Ă  Julius. Leur secte prĂŽne la non-violence et ils sont prĂȘts Ă  mourir pour leur foi. LĂ  oĂč « Le TroisiĂšme Testament » montrait un monde obscurantiste, « Julius » montre un monde avant tout spirituel. La mort et la souffrance sont partout. Les Romains font office de bourreaux dont la cruautĂ© est sans limite. L’empire qui traite les autres de barbare semble avoir inversĂ© les rĂŽles.

« Julius » est donc trĂšs mystique. Les citations de textes sacrĂ©s et de prophĂštes sont lĂ©gions. Cela donne un souffle Ă©pique Ă  l’histoire. Le tout est renforcĂ© par le dessin de Robin Recht, qui prend la suite d’Alex Alice. Le dessin est fort, dĂ©taillĂ©, expressif. Son trait parvient Ă  transcender l’histoire et en cela, c’est une vraie rĂ©ussite. Les couleurs sont Ă©galement trĂšs rĂ©ussies. Sur le plan graphique, il n’y a rien Ă  redire, c’est du trĂšs beau travail.

Une prĂ©cision cependant : le service marketing assure que cette sĂ©rie peut ĂȘtre lue indĂ©pendamment de la sĂ©rie originelle. Pour moi, ce serait une grave erreur que de le faire.

Le vrai problĂšme de « Julius » est sa comparaison avec le cycle original. Pris indĂ©pendamment, c’est une excellente bande-dessinĂ©e au scĂ©nario fouillĂ©, au souffle Ă©pique indĂ©niable et au dessin formidable. Une belle osmose entre tous ces auteurs. A lire Ă  tous les fans d’ésotĂ©risme et de religions naissantes.

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note4

Le combat ordinaire – Laurent Tuel

LeCombatOrdinaire


Titre : Le combat ordinaire
Réalisateur : Laurent Tuel
Parution : Juillet 2015


« Le combat ordinaire » est une Ɠuvre majeure de ces derniĂšres annĂ©es. Consacrant Manu Larcenet et inspirant toute une gĂ©nĂ©ration de dessinateurs, il est logique qu’elle soit aujourd’hui adaptĂ©e du grand Ă©cran. Les thĂ©matiques de questionnements existentiels sont parfaitement dans l’air du temps. Étant un grand fan de la bande-dessinĂ©e, c’est donc avant tout un critique comparative que je vais effectuer. Il m’est impossible de dĂ©cloisonner le film du livre, surtout que ces derniers sont trĂšs proches.

C’est Laurent Tuel qui dĂ©cide d’adapter le film en confiant le rĂŽle de Marco Ă  Nicolas Duvauchelle. Les trois premiers opus sont utilisĂ©s comme base de scĂ©nario, le quatriĂšme Ă©tant vaguement citĂ© par petits Ă©lĂ©ments. Ce choix d’adapter trois livres aboutit forcĂ©ment Ă  des coupes dans l’histoire. Celles-ci sont cohĂ©rentes, le rĂ©alisateur se concentrant sur les thĂšmes majeurs des ouvrages, dĂ©jĂ  nombreux (la filiation, la guerre d’AlgĂ©rie, les femmes, les ouvrier, la photographie, etc.).

Une adaptation (trop ?) fidÚle.

Si la force de la bande-dessinĂ©e rĂ©sidait dans un Ă©quilibre entre les moments graves et les moments d’humour, ce n’est pas le cas du film. Ce dernier se fait sombre et les moments de dĂ©tente sont quasiment inexistants. Les quelques rĂ©pliques humoristiques qui persistent sont dites avec gravitĂ© par les acteurs. Cela donne un manque de rythme au film. La bande-dessinĂ©e gĂ©rait parfaitement les cases muettes, donnant beaucoup de force aux silences. Mais Ă©videmment, dans un film, c’est un peu diffĂ©rent. Comme l’action est peu prĂ©sente, on se retrouve avec des scĂšnes de dialogues pleines de silences. Il faut dire que Laurent Tuel est restĂ© trĂšs fidĂšle Ă  la bande-dessinĂ©e. Les textes sont les mĂȘmes la plupart du temps, au mot prĂšs. Du coup, le fan aura bien du mal Ă  se dĂ©tacher de la bande-dessinĂ©e, tant il a imaginĂ© comment ces textes Ă©taient dits. Et il est clair que certains dialogues fonctionnent moins bien Ă  l’écran que sur la page. Une réécriture n’aurait pas Ă©tĂ© forcĂ©ment un problĂšme.

Globalement, ce « Combat Ordinaire » manque de puissance. S’il est indĂ©niablement touchant, il est relativement pauvre en Ă©nergie. Les passages oĂč les personnages s’énervent sont fades. Personne ne crie, personne n’hurle, personne ne se bouscule. La violence est ici avant tout intĂ©rieure et contenue, et c’est bien dommage. Certaines scĂšnes auraient mĂ©ritĂ© une intensitĂ© plus forte.

Au niveau de la rĂ©alisation en tant que telle, c’est assez inĂ©gal. Certaines scĂšnes sont magnifiques, d’autres choix (notamment sur les gros plans) sont vraiment discutables.

« Le combat ordinaire » est une film honnĂȘte et touchant qui profite d’un scĂ©nario aux petits oignons. Peut-ĂȘtre trop fidĂšle Ă  la bande-dessinĂ©e (du moins aux dialogues), Laurent Tuel est quand bien mĂȘme arrivĂ© Ă  fusionner les trois premiers tomes dans un ensemble cohĂ©rent, gardant l’essence de ce qui fait l’Ɠuvre de Larcenet. Un peu de rythme aurait donnĂ© un vrai plus au film.

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note3

Happy parents – Zep

HappyParents


Titre : Happy parents
Scénariste : Zep
Dessinateur : Zep
Parution : Octobre 2014


ParallĂšlement Ă  « Titeuf », Zep dĂ©veloppe une sĂ©rie « Happy » destinĂ©e Ă  un public plus adulte. AprĂšs les filles, les concerts et le sexe, voilĂ  « Happy parents ». Une planche, un gag, sur l’enfer que ferait vivre les enfants sur leurs gĂ©niteurs. On commence par des bĂ©bĂ©s et on finit sur les adolescents. Le tout est publiĂ© chez Delcourt pour une soixantaine de pages. On pourra remarquer qu’aprĂšs avoir unifiĂ© cette sĂ©rie (puisque « Happy Girls » s’appelait « Les filles Ă©lectriques » et « Happy rock » « L’enfer des concerts »), l’éditeur s’en Ă©loigne avec une couverture bien diffĂ©rente. Dommage.

Des gags convenus et gentillets

Imaginez-vous Ă©crire une bande-dessinĂ©e sur des parents. Vous voyez tout de suite le genre de gags qui va en dĂ©coudre. « Happy parents » ne fait guĂšre dans l’originalitĂ©. Tout est assez convenu et bon enfant. Ne cherchez rien de subversif, ce n’est pas le cas ici. En cela, « Happy parents » est certainement l’album le plus consensuel de la sĂ©rie.

MalgrĂ© tout, Zep possĂšde un mĂ©tier qui permet de faire passer la pilule. Sa gestion de la page pour aller jusqu’à sa chute est vraiment maĂźtrisĂ©e. Si bien que la lecture se fait agrĂ©able et on lit l’ensemble avec plaisir. On est quand mĂȘme loin des BDs de type « Guide du jeune parent ». Zep possĂšde un vrai sens du gag et de la façon de l’amener. Dommage que ses gags en lui-mĂȘme soient si convenus.

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Le dessin de Zep fonctionne parfaitement ici, avec son trait expressif et dynamique. Les dĂ©cors sont rares, mais l’auteur ne fait pas dans l’économie. On remarquera notamment les planches quasi-muettes oĂč il semble prendre beaucoup de plaisir Ă  dessiner diverses situations.

« Happy parents » est de la bonne bande-dessinĂ©e grand public. C’est bien dessinĂ©, avec un vrai sens du gag et de la chute. Mais cela reste consensuel et gentillet et les blagues et situations ne brillent pas par leur originalitĂ©. Un bilan mitigĂ© donc.

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note3

Seule pour toujours – Liz Prince

SeulePourToujours


Titre : Seule pour toujours
Scénariste : Liz Prince
Dessinateur : Liz Prince
Parution : Février 2015


Publier sous forme papier des blogs est devenu un flĂ©au dans l’édition. Les Ă©diteurs sans servent pour faire paraĂźtre des livres Ă  moindre frais puisque les pages sont dĂ©jĂ  dessinĂ©es. Et si certains blogs s’adaptent parfaitement Ă  l’exercice, la plupart rĂ©vĂšle leur mĂ©diocritĂ© une fois les notes alignĂ©es dans un mĂȘme livre. Liz Prince voit donc une sĂ©rie de notes de blog sortir chez Ça et LĂ , le tout pour douze euros.

Liz Prince n’a pas de chance. Elle est garçon manquĂ©, aime le punk et les hipsters et reste dĂ©sespĂ©rĂ©ment seule. Du coup, elle console avec ses chats. VoilĂ  le pitch de ces notes qui montre combien la jeune femme a du mal Ă  draguer ou, plus original, Ă  se laisser draguer. Il faut dire que son amour de la barbe tend Ă  l’obsession.

Un cÎté blog qui dessert le propos.

SeulePourToujours2Les notes varient de format. Beaucoup de pages uniques, mais Ă©galement des strips, voire mĂȘme trois/quatre pages de suite. Le tout est avant tout construit sur l’idĂ©e d’une chute, qui montre souvent Liz dĂ©sespĂ©rĂ©e et
 seule.

Si l’humour de Liz Prince nous fait sourire, le cĂŽtĂ© recueil de blog le dessert. En effet, les situations et effets comiques se rĂ©pĂštent, entraĂźnant forcĂ©ment une lassitude. Si une petite note publiĂ©e sur un blog fonctionne, sur papier c’est moins le cas. De plus, on Ă©vite mal le remplissage avec des anecdotes sans intĂ©rĂȘt ou dĂ©jĂ -vu. En soit, le livre nous fait dĂ©couvrir une auteure. Mais cela donne avant tout envie de lire son blog plus que de lire ses livres.

Niveau dessin, c’est underground. En noir et blanc, avec un trait trĂšs simple, Liz Prince joue tout sur l’expressivitĂ© des personnages. Cela fait le travail, mais c’est quand mĂȘme un peu lĂ©ger. Des trames sont parfois ajoutĂ©es donnant un peu de volume Ă  l’ensemble.

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« Seule pour toujours » ne fait pas une bonne publicitĂ© Ă  l’auteure. Le dessin n’est pas transcendant et l’aspect rĂ©pĂ©titif cache l’humour plutĂŽt rĂ©ussi. Et aprĂšs avoir lu le livre, je n’avais pas forcĂ©ment envie de me lancer dans les autres ouvrages de Liz Prince. IL faut arrĂȘter de publier pour publier, ça ne sert pas toujours les auteurs. Dommage.

note2

Billy Brouillard, T3 : Le chant des sirĂšnes – Guillaume Bianco

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Titre : Billy Brouillard, T3 : Le chant des sirĂšnes
Scénariste : Guillaume Bianco
Dessinateur : Guillaume Bianco
Parution : Novembre 2012


Billy Brouillard reprend du service dans ce troisiĂšme tome appelĂ© « Le chant des sirĂšnes ». Alors qu’il ne voit plus de monstres et peut ainsi vivre beaucoup plus tranquillement, Billy part en vacances Ă  la mer. Il va alors croiser des nymphes et replonger dans ce monde fantastique oĂč les bestioles en tout genre cohabitent au milieu des fantĂŽmes. Le tout est toujours publiĂ© dans la collection MĂ©tamorphose aux Ă©ditions Soleil. Cet univers sort tout droit de la plume de Guillaume Bianco.

« Billy Brouillard » est une sĂ©rie originale qui traite de l’imaginaire de l’enfance de façon glauque. Mais c’est surtout un melting-pot de la narration : bande-dessinĂ©es, illustrations, poĂšmes, textes illustrĂ©s, publications scientifiques
 Il y a de quoi faire dans ce livre. Du coup, le lecteur sera souvent dĂ©stabilisĂ©, voire gĂȘnĂ© par ce fouillis. Mais c’est justement avec ce genre d’ouvrage que l’objet livre prend tout son sens.

Billy Brouillard va donc rencontrer une sirĂšne qu’il va devoir aller sauver au plus profondĂ©ment de la mer. Car la petite dormeuse risque de se rĂ©veiller
 Si l’histoire dans « Billy Brouillard » Ă  une fĂącheuse tendance Ă  digresser, le fil rouge existe bel et bien. Il est dommage qu’en dĂ©but d’ouvrage, on mette si longtemps Ă  voir arriver l’intrigue principale. Clairement, Guillaume Bianco prend son temps et se fait plaisir le long des 128 pages de l’ouvrage. Ainsi, n’y cherchez pas une grande histoire, « Billy Brouillard » est avant un ensemble d’anecdotes qui construisent un univers loufoque, fantastique et malsain.

Une plongée en enfance.

La richesse de la narration se retrouve Ă©galement dans les Ă©motions qui nous traversent : tristesse, humour, aventure
 Il y en a pour tous les goĂ»ts ! C’est une vraie plongĂ©e en enfance que nous propose Guillaume Bianco. Cette richesse se retrouve aussi dans le graphisme. Ce dernier s’adapte et propose des variations sur le mĂȘme thĂšme : noir et blanc avec ou non des hachures, lavis
 Et c’est sans compter sur les gazettes du bizarre qui ajoutent encore une variĂ©tĂ© dans le graphisme. Je suis tombĂ© amoureux du dessin de Guillaume Bianco. Il retransmet parfaitement les deux facettes de son univers : l’enfance et le fantastique.

DerriĂšre l’originalitĂ© et la pertinence de l’objet, on tiquera un peu sur les nombreuses digressions qui gĂȘnent parfois la lecture. Lire cet ouvrage demande un vrai investissement tant il est rude Ă  assimiler, tant sur le fond que sur la forme. Cependant, si vous parvenez Ă  vous immerger dans ce monde, c’est un vĂ©ritable plaisir ! 

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