Le steak hachĂ© de DamoclĂšs – Fabcaro

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Titre : Le steak haché de DamoclÚs
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Juillet 2005


Faut-il ĂȘtre nĂ©vrosĂ© pour ĂȘtre auteur de bande-dessinĂ©e ? En lisant les diffĂ©rentes autobiographies, on peut se le demander
 Ainsi, Fabcaro dĂ©marre « Le steak hachĂ© de DamoclĂšs » sur ces mots : « une bande-dessinĂ©e sur mes problĂšmes de communication ? J’ai aucune envie d’étaler mes nĂ©vroses  ». L’auteur rentre ici dans un travail d’introspection. Et qui dit introspection, dit forcĂ©ment anecdotes
 Histoire de justifier ses dires.

Le titre de l’ouvrage vient justement de la premiĂšre anecdote oĂč Fabcaro, encore enfant, doit aller acheter une baguette de pain. Il reviendra avec un steak haché  De lĂ  dĂ©marre ses problĂšmes de communication. Ceux-ci sont avant tout l’incapacitĂ© Ă  se concentrer sur ce que racontent les autres et son impossibilitĂ© Ă  dire « non ». De ces handicaps en rĂ©sultent nombre de quiproquos avec un peu tout le monde.

Comment s’assumer comme auteur de bande-dessinĂ©e ?

Cependant, rapidement les anecdotes de l’auteur font apparaĂźtre d’autres problĂšmes rĂ©currents dont la difficultĂ© Ă  assumer son statut d’auteur de bande-dessinĂ©e (il faut avouer qu’il n’est pas aidé !). Ainsi, dĂšs que la situation financiĂšre devient difficile, le spectre du « concours de prof » ressort. Ayant des enfants, Fabcaro ne peut pas se permettre la prĂ©caritĂ©. C’est un vrai sujet, traitĂ© avec beaucoup d’humour certes, mais qui doit ĂȘtre terrible pour les auteurs de BD.

Etant donnĂ© toutes les nĂ©vroses dont je viens de parler, on pourrait penser que Fabcaro s’apitoie sur son sort et se donne finalement une image pathĂ©tique. Ce n’est Ă©videmment pas le cas. Capable d’une autodĂ©rision impressionnante, l’auteur ne se cherche aucune excuse (Ă  part la lĂąchetĂ©, c’est dire !). RĂ©sultat, le tout est diablement drĂŽle. On est parfois stupĂ©fait par les situations dans lesquelles arrive Ă  se mettre l’auteur simplement parce qu’il est incapable de communiquer correctement. Ainsi, quand on l’appelle par un prĂ©nom diffĂ©rent, il n’arrive pas Ă  dire « ce n’est pas Fabien, c’est Fabrice ». Et de lĂ  dĂ©coule un problĂšme insoluble.

Cette autobiographie, centrĂ©e sur les problĂšmes de communication, est un peu bordĂ©lique quand mĂȘme. Les anecdotes sont plus ou moins pertinentes et Ă  des pĂ©riodes trĂšs diffĂ©rentes de la vie de l’auteur. Cependant, Fabcaro ouvre correctement son bouquin (en prĂ©sentant le sujet) et le referme lorsque sa copine lit l’ouvrage en question. Cela compense l’aspect un peu dĂ©cousu de l’ensemble.

Au niveau du dessin, j’ai Ă©tĂ© sĂ©duit par le travail de Fabcaro. EntiĂšrement en noir et blanc, le trait est dynamique et bien plus complexe qu’il peut paraĂźtre Ă  premiĂšre vue. L’expressivitĂ© des personnages (et notamment de l’auteur) sont en effet de grands renforts Ă  l’humour dĂ©jĂ  trĂšs drĂŽle.

Difficile de savoir si Fabcaro exagĂšre ou pas ses nĂ©vroses. Et aprĂšs tout, on s’en moque et on rit souvent devant les alĂ©as de son avatar. Il arrive Ă  gĂ©rer des gags rĂ©currents et Ă  illustrer les angoisses du personnage tant graphiquement que dans les dialogues de façon vraiment talentueuse. Une autobiographie intĂ©ressante et, parfois, hallucinante !

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Note : 14/20

Amour, Passion & CX Diesel – Fabcaro & James

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Titre : Amour, Passion & CX Diesel
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : James
Parution : Avril 2011


J’ai dĂ©couvert il y a peu dans « Fluide Glacial » la bande-dessinĂ©e« Amour, Passion & CX Diesel ». CharmĂ© par l’humour absurde des planches, je me suis empressĂ© d’en faire l’acquisition. Cette BD est scĂ©narisĂ©e par Fabcaro, que j’avais dĂ©couvert avec « Jean-Louis et son encyclopĂ©die » et dessinĂ© par James, dont j’apprĂ©cie le dessin depuis que j’ai lu « Dans mon open-space ».

L’histoire de « Amour, Passion et CX Diesel » parodie les soaps operas amĂ©ricains type « Dallas » ou « Les feux de l’amour ». La famille Gonzales est en effet en Ă©moi : le patriarche, Harold, est atteint de la maladie d’Alzheimer. Sa mort semble alors imminente. ImmĂ©diatement, l’hĂ©ritage va devenir un enjeu crucial des diffĂ©rents enfants et leurs conjoints. Notamment la fameuse CX Diesel qui attise toutes les convoitises


On comprend en lisant le pitch que cette bande-dessinĂ©e est complĂštement dĂ©calĂ©e. Loin du luxe habituel des sĂ©ries amĂ©ricaines, on se retrouve dans une famille franchouillarde un peu (beaucoup ?) minable sur les bords. Leur grande bĂȘtise et leurs coups bas rappelleront inĂ©vitablement les grandes comĂ©dies italiennes telles que « Affreux, bĂȘtes et mĂ©chants ». Les hommes sont particuliĂšrement stupides, les femmes s’en sortant Ă  peine mieux.

La bĂȘtise des personnages portĂ©e Ă  l’absurde

L’aspect parodique est parfaitement assumĂ©. Ainsi, un enfant naĂźt dans la famille et trois hommes croient en ĂȘtre le pĂšre (avec le postier en prime). Les infidĂ©litĂ©s sont frĂ©quentes et tout le monde semble se dĂ©tester. La bĂȘtise des personnages est portĂ©e Ă  l’absurde. Ainsi, Jean-Mortens, bien que noir, n’est pas considĂ©rĂ© comme tel (mĂȘme lorsqu’il essaie de faire son coming-out
). L’ouvrage tient avant tout de sa galerie de personnage. Du pĂšre qui oublie tout, au beau-frĂšre chĂŽmeur qui s’invente un mĂ©tier, en passant par la belle-sƓur infidĂšle au dernier degrĂ©, sans oublier le frĂšre patron d’une boĂźte de nuit minable.

amourpassion-CXdiesel3L’hĂ©ritage est le fil rouge de la BD mais d’autres intrigues sont menĂ©es petit Ă  petit, rendant la lecture trĂšs agrĂ©able. Le tout est prĂ©sentĂ© par sĂ©quences de six cases carrĂ©es, amenant immanquablement une chute. Le tout est parfaitement maĂźtrisĂ© de bout en bout amenant jusqu’à la conclusion finale que je ne rĂ©vĂšlerai pas ici. L’humour est omniprĂ©sent et dense. On n’a pas d’impression de remplissage comme c’est parfois le cas dans ce genre d’ouvrages.

Le dessin de James est trĂšs Ă©lĂ©gant et adaptĂ© aux gags. Son trait simple et animalier renforce d’autant plus le cĂŽtĂ© parodique de l’ouvrage. Cependant, comme tout passe par le dialogue, on a une impression parfois statique de l’ensemble. Le dessin peine Ă  se renouveler parfois. Ce dernier est cependant mis en valeur par la colorisation de  BenGrrr. Alors qu’on s’attendrait Ă  des couleurs vives, les auteurs ont optĂ© pour des couleurs pastel beaucoup plus douces. Un choix judicieux Ă©tant donnĂ© le rĂ©sultat.

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« Amour, passion & CX Diesel » est donc une bonne parodie, complĂštement absurde. En ne se donnant pas de limite, les auteurs font mouche. Les mesquineries des uns et des autres sont vraiment ridicules et nous feront rire plus d’une fois. Comme dirait un des personnages : « Toujours la CX Diesel ! Ne peux-tu pas avoir un peu plus d’ambition ? »

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Note : 14/20

La ClĂŽture – Fabcaro

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Titre : La ClĂŽture
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Avril 2009


« 6 pieds sous terre » est une maison d’édition qui cherche avant tout Ă  donner de la libertĂ© aux auteurs. Dans « La clĂŽture », Fabcaro profite de cette libertĂ© pour dĂ©livrer un rĂ©cit complĂštement absurde et expĂ©rimental. Difficile Ă  dĂ©finir ce qu’est « La clĂŽture ». Avant tout, cet ouvrage dĂ©crit la difficultĂ© pour un auteur (en l’occurrence, Fabcaro) d’écrire des scĂ©narios quand on est empĂȘtrĂ© dans le quotidien (avec notamment une clĂŽture Ă  rĂ©parer).

Pourtant dans les premiĂšres pages, point de prĂ©sence autobiographique de l’auteur. On dĂ©marre le tout sur des personnages fictionnels. TrĂšs intriguĂ© par le dĂ©but de l’histoire, le lecteur est rapidement rassurĂ© lorsque la compagne de Fabcaro dĂ©clare, en lisant ces mĂȘmes pages : « Mais
 C’est totalement incohĂ©rent
 On comprend rien du tout  ». L’auteur dĂ©clare alors qu’il est au bord de la dĂ©pression et qu’il n’arrive pas Ă  scĂ©nariser avec tout ce qu’il a Ă  faire Ă  cĂŽté 

Les scĂšnes se succĂšdent sans lien apparent entre elles.

Et justement, malgrĂ© tout cela, Fabcaro va pourtant nous scĂ©nariser une histoire entre Sonia et Pierre. La premiĂšre ne rencontre que des losers et voudrait trouver quelqu’un. Le second cherche avant tout un emploi mais semble complĂštement incompĂ©tent pour cela. Ils finiront quand bien mĂȘme par se rencontrer aprĂšs de nombreuses pĂ©ripĂ©ties. Laissant libre court Ă  son imagination, les scĂšnes se succĂšdent sans lien apparent entre elles.

lacloture1Au fur et Ă  mesure des pages, Fabcaro s’intĂšgre dans sa propre fiction, se mettant alors Ă  parler avec ses « acteurs » de ses Ă©tats d’ñme. Pendant ce temps, l’histoire continue
 Cette partie autobiographique, sous une apparence classique, est toujours agrĂ©ablement mise en scĂšne par Fabcaro. Outre le comique absurde de rĂ©pĂ©tition, on retrouve l’auteur devant ses contradictions : faire un ouvrage original au risque d’en « vendre huit ». La panne d’inspiration reste Ă©videmment le principal sujet de l’ouvrage, puisqu’il est la raison du bordel incroyable qu’est « La clĂŽture » : ne sachant qu’écrire, Fabcaro fait n’importe quoi, essayant des choses diverses et variĂ©es. Evidemment, les derniĂšres pages amĂšnent un Ă©claircissement salvateur et « La clĂŽture » prend alors tout son sens.

MalgrĂ© la confusion volontaire du rĂ©cit, on rit beaucoup dans cet ouvrage. Les dialogues, les situations absurdes, le mĂ©lange des genres
 Fabcaro maĂźtrise son humour si particulier et personnel avec maestria. Qu’importe le personnage ou le lieu, l’auteur parvient Ă  nous arracher des rires avec un sens du contre-pied incroyable.

Au niveau du dessin, j’avoue ĂȘtre trĂšs fan du trait de Fabcaro. Ses personnages aux longs cous sont trĂšs expressifs. Mention spĂ©ciale aux silences, parfaitement retranscrits graphiquement, souvent par une rĂ©pĂ©tition maĂźtrisĂ©e et intelligente de la case.

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« La ClĂŽture » est une Ɠuvre exigeante. La feuilleter dans une librairie ou une bibliothĂšque risque fort de faire hĂ©siter le lecteur. DotĂ© d’un humour efficace et d’une mise en abĂźme originale, cette bande-dessinĂ©e, trĂšs expĂ©rimentale, n’en est pas moins avant tout une vĂ©ritable histoire avec ses personnages, ses retournements de situation. Un monument de l’absurde.

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Note : 18/20

-20% sur l’esprit de la forĂȘt – Fabcaro

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Titre : -20% sur l’Esprit de la ForĂȘt
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Septembre 2011


Auteur actuellement trĂšs prolifique, Fabcaro a dĂ©veloppĂ© ses Ɠuvres sur la base d’un humour absurde et dĂ©calĂ©. Outre sa sĂ©rie d’ouvrages autobiographiques, l’auteur a Ă©crit « La clĂŽture », une bande-dessinĂ©e expĂ©rimentale oĂč personnages se mĂȘlent dans un joyeux bordel qui ne se comprend qu’une fois les derniĂšres pages lues. Fabcaro rĂ©cidive dans le mĂȘme style avec « -20% sur l’esprit de la forĂȘt », paru chez « 6 pieds sous terre », une maison spĂ©cialisĂ©e pour les expĂ©rimentations.

« -20% sur l’esprit de la forĂȘt » est difficile Ă  dĂ©finir. Sous couvert d’un bordel sans nom difficilement comprĂ©hensible au dĂ©part, c’est avant tout une Ɠuvre pleine d’humour et de tendresse sur la fin de l’enfance. On retrouve ainsi un Fabcaro qui joue aux cowboys. Suite Ă  une mauvaise imitation de Jean-Pierre Bacri, il se retrouve poursuivi par toutes les polices de l’état. Il faut dire qu’il a battu son adversaire (un playmobil) dans un duel Ă  mort oĂč il lui avait lancĂ© une feuille…

Incompréhensible et absurde au départ.

Un minimum d’ouverture d’esprit sera nĂ©cessaire pour apprĂ©cier cette BD ! ComplĂštement incomprĂ©hensible et absurde au dĂ©part, elle prend peu Ă  peu du sens. Ainsi, Fabcaro explique que quand il jouait dans les escaliers (avec ses playmobils justement !), il entendait en mĂȘme temps ce qui passait Ă  la tĂ©lĂ©vision. RĂ©sultat, quoi de plus normal que d’intĂ©grer des scĂšnes des Ă©missions de tĂ©lĂ© en plein milieu de l’histoire ?

20-surlespritdelaforet1Heureusement, on est rapidement happĂ© par l’humour ravageur de l’auteur. Fabcaro manie l’absurde comme peu en sont capables et fait mouche sans peine. MalgrĂ© un dĂ©calage souvent Ă©norme par rapport Ă  la trame principale, il parvient quand mĂȘme Ă  faire rire. Si bien qu’on s’accroche rapidement sans trop d’efforts jusqu’à ce que tout prenne sens. Car sens il y a ! Au fur et Ă  mesure, on dĂ©couvre un Fabcaro dont le mĂ©tier est incompris, empĂȘtrĂ© dans un quotidien trĂšs loin de ses idĂ©aux. Et quand les derniĂšres pages arrivent, on se retrouve Ă©mu, touchĂ© par cette histoire qui ne peut que nous rappeler notre propre enfance perdue. AprĂšs un ouvrage foutraque plein d’humour absurde, l’auteur nous donne une dose de nostalgie incroyable. D’un coup. Du grand art !

Le dessin de Fabcaro, trĂšs relĂąchĂ© et expressif est toujours un rĂ©gal. Il renforce sans peine son humour. Son noir et blanc est trĂšs Ă©lĂ©gant et bien plus riche qu’il peut paraĂźtre au premier abord. L’auteur s’autorise mĂȘme quelques digressions bienvenues.

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« -20% sur l’esprit de la forĂȘt » est une Ɠuvre exigeante et difficile d’accĂšs. Clairement expĂ©rimentale, elle n’oublie pas pour autant son but premier. DotĂ©e d’un vrai message, bourrĂ©e d’humour et Ă  l’impact Ă©motionnel insoupçonnĂ©, elle prouve l’immense talent de Fabcaro, capable de faire de ses ouvrages les moins accessibles les plus passionnants. Difficile en tout cas de refermer cette BD sans y repenser Ă  de nombreuses reprises. Et vous, de combien avez-vous bradĂ© votre esprit de la forĂȘt ?

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Note : 19/20

ParaplĂ©jack – Fabcaro

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Titre : Parapléjack
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Novembre 2014


Fabcaro est l’un de mes auteurs favoris. Son humour, absurde et personnel, me touche systĂ©matiquement. L’auteur a dĂ©veloppĂ© toute une sĂ©rie de livres sous forme de strips, dont il s’est fait une spĂ©cialitĂ© (parmi d’autres). « ParaplĂ©jack » regroupe des strips parus initialement sur le site Mauvais Esprit. Le tout est publiĂ© aux Ă©ditions de La CafetiĂšre dans un format A6, Ă  raison d’un strip par page (pour 128 pages).

Jack est paraplĂ©gique. Mais il ne semble pas avoir conscience des implications. Ainsi, il essaie de faire plein de choses qui lui sont impossibles, comme tirer un pĂ©nalty par exemple ou faire des pompes
 Comme citĂ© en quatriĂšme de couverture : « Tu dois accepter la vie telle qu’elle se prĂ©sente mais mieux vaut faire en sorte qu’elle se prĂ©sente comme tu veux qu’elle soit  » 

Un homme en fauteuil roulant fait du trampoline…

On nage donc en plein humour noir et absurde en voyant un homme en fauteuil roulant faire du trampoline
 Difficile Ă  imaginer, non ? Fabcaro manipule un humour qui a ses adeptes, mais il est Ă©vident que certains resteront sur la touche. Il fait fort ici en s’attaquant aux handicapĂ©s dont il se moque ouvertement. Mais la bonne humeur de Jack est communicative.

Comme toujours avec les recueils de strips, certains sont clairement plus percutants que d’autres. Une fois le postulat de dĂ©part assimilĂ©, on sourit beaucoup aux pĂ©ripĂ©ties de Jack, mĂȘme si un phĂ©nomĂšne de rĂ©pĂ©tition se fait sentir en fin d’ouvrage. Se pose la question de savoir s’il fallait publier l’intĂ©gralitĂ© des strips parus prĂ©cĂ©demment. Qu’importe, le plaisir de lecture est lĂ .

Le dessin de l’auteur est un vrai plaisir. Son trait est dynamique et, malgrĂ© la petitesse du format, les cases sont riches en dĂ©cors et en dĂ©tails. Son noir et blanc est beau, mĂȘme si ici il manque parfois de visibilitĂ©. Difficile Ă  dire si c’est Ă  cause de la couleur ou Ă  cause de la taille des cases, mais j’ai eu besoin d’un temps d’adaptation.

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Un nouveau livre de Fabcaro, c’est toujours un plaisir. « ParaplĂ©jack » n’est pas son meilleur livre, mais son cĂŽtĂ© complĂštement absurde est assez jubilatoire. Abordant un sujet difficile avec un humour corrosif, l’auteur prend un risque. Mais qui d’autre pouvait nous montrer un homme paraplĂ©gique en plein dĂ©ni de son handicap ?

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Note : 12/20

 

Hello fucktopia – Souillon

HelloFucktopia


Titre : Hello fucktopia
Scénariste : Souillon
Dessinateur : Souillon
Parution : Novembre 2014


 Si je n’ai jamais accrochĂ© Ă  « Maliki », j’ai toujours Ă©tĂ© fan du trait de Souillon. Un peu frustrĂ©, j’ai Ă©tĂ© trĂšs rĂ©ceptif Ă  l’annonce de la sortie d’un one-shot plus sombre intitulĂ© « Hello Fucktopia » (et sous-titrĂ© « un vrai conte de fĂ©e »). J’ai pu suivre alors le blog du projet, montrant des extraits plus beaux les uns que les autres. Le livre pĂšse 80 pages et est publiĂ© chez Ankama.

HelloFucktopia2Souillon commence par prĂ©facer son livre avec un mot Ă  son lecteur. Une habitude de blogueur certainement. Il y prĂ©sente « Hello Fucktopia » comme un projet qui lui tient particuliĂšrement Ă  cƓur et qu’il a mis des annĂ©es Ă  arriver Ă  mettre en place. Il implique le lecteur Ă©galement et pose l’idĂ©e d’une forme d’autobiographie cachĂ©e. Cela m’a profondĂ©ment dĂ©rangĂ©. C’est comme si Souillon souhaitait mettre, avant la lecture, une part d’affectif dans notre lecture. Clairement, cela fonctionne pour beaucoup. Mais si l’on n’est pas fan de l’auteur, on est un peu dĂ©routĂ© par cette entrĂ©e en matiĂšre.

« Hello Fucktopia » prĂ©sente l’histoire de Mali venue Ă  Paris (la dite « Fucktopia ») pour Ă©tudier les arts plastiques. Ayant ratĂ© les concours d’entrĂ©e dans les Ă©coles prestigieuses, elle se retrouve Ă  la facultĂ© avec des cours qui ne l’intĂ©ressent guĂšre. A cela s’ajoutent ses amis, ThĂ©mis et StĂ©phane, qui sont bien plus parisiens visiblement.

Un passage Ă  l’Ăąge adulte.

Comme son nom l’indique, « Fucktopia » est une dystopie. Mali n’y trouve pas ce qu’elle cherche et prend des risques. Elle doit passer Ă  l’ñge adulte. HĂ©las, le livre manque un peu d’enjeux. Les intrigues se multiplient sans forcĂ©ment d’intĂ©rĂȘt ou sans ĂȘtre refermĂ©es rĂ©ellement (notamment toutes les histoires avec ThĂ©mis et StĂ©phane n’ont que peu d’intĂ©rĂȘt). La lecture avance et Ă  la fermeture de l’ouvrage, on se demande finalement quel est le sens de cette histoire. Beaucoup de discussions des personnages entre eux, quelques situations avec un peu de suspense, mais on se demande oĂč veut en venir l’auteur.

HelloFucktopia3« Hello Fucktopia » narre la jeunesse de Souillon puisque cela se passe pendant les annĂ©es 90. On regrettera quand mĂȘme que ce soit si peu ancrĂ© dans l’époque. PassĂ©s deux/trois dĂ©tails, on a l’impression d’ĂȘtre en 2014. Mali est clairement encore trĂšs adolescente et a du mal Ă  passer Ă  l’ñge adulte. Mais certaines rĂ©vĂ©lations manquent clairement de puissance Ă©motionnelle pour un adulte. Du coup, je me suis demandĂ© si je faisais partie du public visĂ©. MalgrĂ© tout, la lecture avance bien et certaines scĂšnes sont rĂ©ussies. J’ai accrochĂ© Ă  l’humour de l’ensemble qui pointe son nez par moment, mais la partie rĂ©flexion sur la vie m’a paru un peu lĂ©gĂšre et simpliste. Dommage.

Concernant le dessin, je n’ai pas Ă©tĂ© déçu. L’ensemble est influencĂ© par le manga, mais prĂ©sente une bonne synthĂšse avec des influences plus franco-belge. Les dĂ©cors sont riches, les personnages bien identifiĂ©s et fort graphiquement. Et il y a de vraies qualitĂ©s dans le dĂ©coupage des planches, dynamique et variĂ©. Les couleurs enrichissent les ambiances et le trait sans problĂšme. C’est une belle bande-dessinĂ©e que l’on a dans les mains, avec un dessinateur des plus douĂ©s.

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J’ai pris du plaisir Ă  lire cette bande-dessinĂ©e, mais les dĂ©fauts de l’ensemble me sont apparus ensuite. En insistant sur l’importance qu’avait ce projet pour lui, Souillon a aussi perturbĂ© ma lecture. Car « Hello Fucktopia » ne propose pas un scĂ©nario trĂšs original. BasĂ© avant tout sur des personnages, il nous manque un peu d’empathie pour eux pour pleinement adhĂ©rer.

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Note : 11/20

Top BD des blogueurs – Novembre 2014

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Le Top BD des blogueurs est un collectif rassemblant des blogs de critiques de bande-dessinĂ©es. DĂšs qu’un titre possĂšde au moins trois notes, il entre dans le top. Vous pouvez dĂ©couvrir chaque mois les cinquante titres les mieux notĂ©s.

1- (=) Yossel, 19 avril 1943       19
Joe Kubert, Delcourt

2- (+) Ceux qui me restent  18.68
Damien Marie, Laurent Bonneau, Bamboo

3- (=) Le journal de mon pÚre 18.67
Jiro Taniguchi, Casterman

4- (=) Asterios Polyp     18.65
David Mazzuchelli, Casterman

5- (=) Persépolis    18.64
Marjanne Satrapi, L’Association

6- (=) Le loup des mers 18.55
Riff Reb, Soleil

7- (=) NonNonBù         18.5
Shigeru Mizuki, Cornélius

8- (=) Maus        18.49
Art Spiegelmann, Flammarion

9- (=) Le pouvoir des Innocents Cycle 2- Car l’enfer est ici   18.41
Tome 1, Tome 2,

10- (-) La lune est blanche 18.4
Emmanuel Lepage, François Lepage, Futuropolis

11- (=) Tout seul            18.38
Christophe ChaboutĂ©, Vents d’Ouest

12- (=) Le sommet des dieux       18.33
Yumemuka Bura, JirĂŽ Taniguchi, Casterman
Tome 1,Tome 2,Tome 3, Tome 4, Tome 5.

13- (=) Un printemps à Tchernobyl  18.28
Emmanuel Lepage, Futuropolis

14- (=) Daytripper           18.27
Fabio Moon, Gabriel Ba, Urban Comics

15- (=) V pour Vendetta  18.22
Alan Moore, David Lloyd, Delcourt

16- (=) Le Grand pouvoir du Chninkel   18.19
Van Hamme, Rosinski, Casterman

17- (=) Universal War One   18.14
Denis Bajram, Soleil
 Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6.

18- (=) Pendant que le roi de Prusse faisait la guerre, qui donc lui reprisait ses chaussettes?  18.13
BenoĂźt Zidrou, Roger, Dargaud

19- (=) Les ombres     18.1
Zabus, Hippolyte, Phébus

20- (-) Les vieux fourneaux tome 1   18.05
Wilfrid Lupano, Paul Cauuet, Dargaud

21- (=) Abélard     18.04
RĂ©gis HautiĂšre, Renaud Dillies, Dargaud
Tome 1, Tome 2.

22- (N) Chroniques outremer   18
Bruno Le Floch, Dargaud

23- (=) La fille maudite du capitaine pirate  18
Jérémy Bastian, Editions de la Cerise

24- (=) Le muret    18
Pierre Bailly, CĂ©line Fraipont, Casterman

25- (=) Il était une fois en France    17.98
Fabien Nury, Sylvain Vallée, Glénat
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5,Tome 6.

26- (=) Habibi       17.95
Craig Thompson, Casterman

27- (=) Herakles    17.92
Edouard Cour, Akileos
Tome 1, Tome 2,

28- (=) Les derniers jours d’un immortel     17.92
Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Futuropolis

29- (=) Gaza 1956     17.92
Joe Sacco, Futuropolis

30- (=)Melvile     17.88
Romain Renard, Le Lombard

31- (=) Scalped            17.86
Jason Aaron, R.M. Guerra, Urban Comics
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5, Tome 6, Tome 7,

32- (=) Manabé Shima 17.83
Florent Chavouet, Editions Philippe Picquier

33- (=) Trois Ombres       17.78
Cyril Pedrosa, Delcourt

34- (=) Les derniers jours de Stefan Zweig   17.75
Seksik, G. Sorel, Casterman

35- (=) Anjin-san    17.75
Georges Akiyama, Le LĂ©zard Noir

36- (=) Joker                17.75
Brian Azzarello, Lee Bermejo, Urban Comics

37- (=) Mon arbre     17.75
SĂ©verine Gauthier, Thomas labourot, Delcourt

38- (=) L’histoire des trois Adolf,              17.75
Osamu Tezuka, Tonkam

39- (=) Blankets  17.73
Craig Thompson, Casterman

40- (=) Le pouvoir des innocents Cycle 3- Les enfants de Jessica tome 1  17.73
Brunschwig, L. Hirn, Futuropolis

41- (+) Les carnets de Cerise    17.72
Joris Chamblain, Aurélie Neyret, Soleil
Tome 1, Tome 2, Tome 3,

42- (=) Holmes               17.7
Luc Brunschwig, Cecil, Futuropolis
Tome 1, Tome 2, Tome 3.

43- (=) Calvin et Hobbes,              17.7
Bill Watterson, Hors Collection
Tome 1, Tome 2, Tome 15, tome 17,

44- (=) Les seigneurs de Bagdad  17.7
Brian K. Vaughan, Niko Henrichon, Urban Comics

45- (-) Urban              17.69
Luc Brunschwig, Roberto Ricci, Futuropolis
Tome 1, Tome 2, Tome 3,

46- (=) Washita     17.69
Tome 1, Tome 2, Tome 3, Tome 4, Tome 5.

47- (=) Lorenzaccio              17.67
RĂ©gis Peynet, 12 Bis

48- (=) Match!   17.67
Grégory Panaccione, Editions Delcourt

49- (=) Tokyo Home  17.67
Thierry Gloris, Cyrielle, Kana

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Kraa, T2 : L’Ombre de l’Aigle – BenoĂźt Sokal

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Titre : Kraa, T2 : L’Ombre de l’Aigle
Scénariste : Benoßt Sokal
Dessinateur : BenoĂźt Sokal
Parution : Janvier 2012


BenoĂźt Sokal, auteur de la sĂ©rie « Canardo », avait surpris son monde avec la sortie du premier tome de « Kraa » oĂč son talent de dessinateur explosait dans une histoire totalement dĂ©nuĂ©e d’humour et froide comme la lame d’un couteau. La sortie du deuxiĂšme tome de ce triptyque, « L’ombre de l’aigle » confirme la grande qualitĂ© de cette sĂ©rie.

Dans un coin reculĂ© de la planĂšte, entre Alaska et SibĂ©rie, un territoire devient la source de convoitises. Un relatif rĂ©chauffement local et des minerais prĂ©cieux dans le sous-sol attirent tous les aventuriers avides de richesses rapidement gagnĂ©es. Mais ce n’est pas si simple. Dans la ville nouvelle, tout va trop vite. L’hiver est rude, rendant le travail impossible. Et la nature reste incontrĂŽlĂ©e. DĂ©marrent alors de grands travaux destinĂ©s Ă  Ă©riger un barrage Ă  la sortie d’une vallĂ©e encaissĂ©e. Ainsi, les inondations issues du dĂ©gel seront contrĂŽlĂ©es et de l’électricitĂ© sera produite en grosse quantitĂ©. Dans cette vallĂ©e perdue vivait une tribu indienne, massacrĂ©e depuis. Et surtout, il y a cet aigle gĂ©ant, vĂ©nĂ©rĂ© auparavant comme un dieu, que la civilisation veut faire disparaĂźtre


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Le premier tome de « Kraa » Ă©tait avant tout basĂ© sur la relation entre le garçon et l’aigle. Ici, l’hiver a continuĂ© son processus d’assimilation et le jeune autochtone est devenu complĂštement sauvage. Ainsi, le couple fondateur de la sĂ©rie est trĂšs en retrait, laissant la place Ă  la jeune infirmiĂšre Ă  peine entrevue dans le premier tome. Celle-ci va devoir se rendre dans la vallĂ©e, sur les lieux des travaux, Ă  ses risques et pĂ©rils


Plus que l’aigle, ce sont les vautours qui sont Ă  l’honneur.

Curieux choix de Sokal de mettre de cĂŽtĂ© son aigle dans cette partie. Cependant, cette dĂ©cision n’en est pas mauvaise pour autant. La galerie des personnages s’étoffe et se fait plus pertinente. Car plus que l’aigle, ce sont les vautours qui sont Ă  l’honneur. Le vĂ©ritable sujet est cette ruĂ©e vers l’or et ses consĂ©quences. Et c’est remarquablement traitĂ©. Les dĂ©sillusions, la pauvretĂ©, la misĂšre, les prises de risques
 On s’en bien que ce monde en devenir ne peut que s’écrouler. La duretĂ© de cet univers est omniprĂ©sente. La violence est partout, tout le temps. Le fait de dĂ©marrer ce tome dans la ville donne d’autant plus l’impression que la vallĂ©e est tout sauf accueillante. Et pourtant, cette ville est dĂ©jĂ  sacrĂ©ment dĂ©sagrĂ©able pour ses habitants


La narration reste efficace mais plus classique. Les parties narratives, donnĂ©es par l’aigle, sont plus rares alors qu’elles Ă©taient vraiment la pierre angulaire du premier tome. Tout passe par l’action et le dialogue dĂ©sormais.

Le dessin de Sokal, en couleur directe, est une nouvelle fois splendide. Outre les paysages magnifiques qui sont une vĂ©ritable invitation au voyage, les personnages ont de vraies trognes, donnant beaucoup de personnalitĂ© Ă  l’ensemble. L’auteur semble trĂšs Ă  l’aise pour tout et produit Ă  coup sĂ»r l’une des bande-dessinĂ©es les plus belles de l’annĂ©e.

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Avec « Kraa », Sokal a crĂ©Ă© un monde original, dur et implacable. Passionnant de bout en bout, dotĂ© d’un vrai suspense, il prend le temps de bĂątir toute une sĂ©rie de personnages et de problĂ©matiques avant le troisiĂšme tome qui clora la sĂ©rie. Difficile encore de savoir oĂč il veut vraiment en venir, mais « Kraa » s’annonce d’ors et dĂ©jĂ  comme un chef d’Ɠuvre.

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Note : 18/20

Kraa, T1 : La VallĂ©e Perdue – BenoĂźt Sokal

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Titre : Kraa, T1 : La Vallée Perdue
Dessinateur : Benoßt Sokal
Scénariste : Benoßt Sokal
Parution : Septembre 2010


 J’ai dĂ©couvert par hasard le dernier album de BenoĂźt Sokal, intitulĂ© « Kraa » et sous-titrĂ©e « La vallĂ©e perdue ». Sokal s’est fait connaĂźtre notamment par la sĂ©rie Canardo. TrĂšs typĂ©e franco-belge (tout en rondeur, en traits noirs et en couleurs vives), cette sĂ©rie vaut surtout pour son humour. Avec « Kraa », on change complĂštement d’univers.

L’histoire de « Kraa » se situe entre la SibĂ©rieet l’Alaska, dans une vallĂ©e encaissĂ©e. Suite Ă  un rĂ©chauffement climatique, cette vallĂ©e devient Ă©conomiquement exploitable. L’homme moderne vient alors s’y installer, rĂȘvant de richesses. Or, la vallĂ©e est habitĂ©e par une tribu indienne, oĂč dĂ©jĂ  l’influence du colonisateur se fait sentir. Cependant, les indiens vivent en harmonie avec la nature qui les entoure. Pour l’instant


kraa1bKraa est le nom d’un aigle. Il est l’un des deux hĂ©ros de l’album. En effet, il crĂ©era un lien particulier avec Yuma, un jeune indien. Ensemble, ils reprĂ©sentent ce que le nouveau monde ne veut plus : la nature sauvage et les autochtones, freins Ă  l’expansion Ă©conomique et industrielle.

De véritables tableaux.

Ce qui marque dĂšs les premiĂšres pages, c’est le dessin. Il est simplement magnifique d’un bout Ă  l’autre. On ne retrouve pas du tout le dessinateur de Canardo ! Les traits sont moins appuyĂ©s, les couleurs moins vives et le tout est simplement superbe. Mention spĂ©cial aux paysages vides et au personnage de l’aigle, plus vrai que nature. On retrouve un peu les ambiances et les teintes d’albums de Sokal plus anciens comme « L’Amerzone » ou « La Mort Douce ». Rien que pour son dessin, cet album vaut le coup. Certaines cases sont de vĂ©ritables tableaux.

Heureusement, l’histoire n’est pas en reste. La relation entre Kraa et Yuma est remarquablement rendu par une narration diffĂ©rente. Ainsi, Kraa est le point de vue du narrateur, la « voix-off » de l’album. Ses discours de dĂ©part sont particuliĂšrement cruels, mĂ©lange d’instinct et de cruautĂ©. En cela, il n’est pas particuliĂšrement sympathique. Bien sĂ»r, son lien avec Yuma le rendra beaucoup plus « humain ». Cette Ă©volution est loin d’ĂȘtre immĂ©diate. En cela, elle est rĂ©ussie. Yuma est l’opposĂ© de Kraa. TrĂšs attachĂ© aux valeurs traditionnelles indiennes, il est trĂšs gĂ©nĂ©reux. Une perle d’humanitĂ© dans un monde qui ne l’est pas du tout.

Sokal prend le temps de poser son sujet. Ainsi, ce tome qui introduit les protagonistes fait 94 pages. Cela permet aux personnages d’évoluer Ă  un rythme cohĂ©rent. De plus, les cases sont souvent grandes pour permettre Ă  son dessin de s’exprimer pleinement.

Au final, cet album est une excellente surprise. J’ai eu le plaisir de retrouver les ambiances malsaines de fin du monde de l’Amerzone traitĂ©es avec un dessin magnifique. Je ne peux Ă©videmment que vous le conseiller et attendre avec impatience le prochain tome !

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Note 17/20

Vingt-trois prostituĂ©es – Chester Brown

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Titre : Vingt-trois prostituées
Scénariste : Chester Brown
Dessinateur : Chester Brown
Parution : Septembre 2012


 Chester Brown dĂ©couvre un jour qu’il n’est plus intĂ©ressĂ© par l’amour, qu’il trouve vain et compliquĂ©. Il s’aperçoit qu’il prĂ©fĂšre ĂȘtre ami avec ses ex, afin d’éviter tous les problĂšmes de couple. HĂ©las, au bout d’un certain temps, le besoin de sexualitĂ© se prĂ©senter. Il dĂ©cide alors de se tourner vers la prostitution. C’est cette expĂ©rience de plusieurs annĂ©es que nous prĂ©sente l’auteur dans un pavĂ© de prĂšs de 300 pages. IntitulĂ© « Vingt-trois prostituĂ©es », il revient donc sur ces femmes qu’a rencontrĂ©es le dessinateur. Le tout est publiĂ© aux Ă©ditions CornĂ©lius.

23prostituĂ©es2Le livre est Ă  la fois un ouvrage autobiographique qui analyse la pensĂ©e de son auteur par rapport aux rapports humains. La prostitution n’est qu’une facette du raisonnement, qui en sera un aboutissement logique. Car Chester Brown ne nous dit pas « je suis allĂ© voir des prostituĂ©es ». Il explique pourquoi il l’a fait et pourquoi il a plus ou moins arrĂȘtĂ©. Cette analyse est essentielle, car l’auteur livre un plaidoyer en faveur de la prostitution (notamment sur le problĂšme de la dĂ©pĂ©nalisation et/ou de la lĂ©galisation. Le tout est d’ailleurs agrĂ©mentĂ© d’une introduction, d’une prĂ©face, d’une postface, d’appendices et de notes
 Comme si l’auteur considĂ©rait que ses planches ne suffisaient pas


Les dessous du milieu, sans faux-semblants.

DerriĂšre la froideur de l’ouvrage (portĂ© par l’auteur dont les raisonnements choqueront de nombreux lecteurs) se rĂ©vĂšle donc un vĂ©ritable documentaire. L’auteur nous invite Ă  dĂ©couvrir les dessous du milieu, sans faux-semblants. Si le personnage de Chester peut paraĂźtre froid, il n’en paraĂźt pas moins sincĂšre. Il est client et souhaite donc avant tout en avoir pour son argent. MalgrĂ© cela, il est avant tout respectueux des femmes qu’il rencontre. Surtout, il discute beaucoup avec elles, ce qui permet d’en savoir plus sur leurs ressentis. Mais Ă  aucun moment il ne dessine leur visage. Une façon de les protĂ©ger sans doute plus que de les dĂ©shumaniser.

Il n’est pas dit que « Vingt-trois prostituĂ©es » convaincra le lecteur que la prostitution est une bonne chose et qu’elle doit obtenir un cadre lĂ©gal. Cependant, il est indĂ©niable que l’ouvrage fait rĂ©flĂ©chir et amĂšne Ă  se poser des questions. On est loin des discours standards. Il est dommage que les appendices cherchent, eux, Ă  convaincre de façon trop Ă©vidente. On aurait prĂ©fĂ©rĂ© un livre qui parle de lui-mĂȘme, sans devoir passer par des pages de texte, façon propagande. Et pourtant, qui sait que je partage de nombreux points de vue de l’auteur.

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Concernant le dessin, il est minimaliste, en noir et blanc. Il est parfaitement maĂźtrisĂ© par l’auteur qui livre des planches d’une froideur et d’une raideur impressionnante. Cela Ă©vite tout pathos qui polluerait le propos. Car derriĂšre cette façade, le lecteur est loin d’ĂȘtre indiffĂ©rent Ă  ce qui se passe ou ce qui se dit.

« Vingt-trois prostituĂ©es » est un ouvrage riche et maĂźtrisĂ© qui ne laissera pas indiffĂ©rent. A la fois autobiographique et documentaire, il ne cherche pas forcĂ©ment Ă  Ă©tablir de vĂ©ritĂ©. Il montre le point de vue et l’expĂ©rience d’un client lambda et ses motivations. Chester Brown a des amis, n’est pas un loser, n’est pas un obsĂ©dĂ© sexuel, mais va voir des prostituĂ©es pour des raisons qui lui sont propres. Un livre fort, qui se lit d’une traite et qui, aprĂšs la lecture, reste dans vos mĂ©ninges.

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Note : 16/20