
Top BD des blogueurs – Octobre 2014

Critiques de bande-dessinées
Titre : Comme tout le monde
Scénaristes : Denis LapiÚre & Pierre-Paul Renders
Dessinateur : Rudy Spiessert
Parution : Octobre 2007
Au dĂ©part, il y a un scĂ©nario. De ce scĂ©nario originel accoucheront deux Ćuvres : la premiĂšre sera un film, la seconde une bande-dessinĂ©e. « Comme tout le monde » nâa pas laissĂ© beaucoup de souvenirs aux cinĂ©philes, quâen est-il de sa version dessinĂ©e qui se veut une « version longue » de son cousin sur grand Ă©cran. Lâensemble pĂšse quand mĂȘme 140 pages, ce qui laisse aux auteurs le temps de dĂ©velopper les enjeux et les personnages. PubliĂ© chez Dupuis, le livre est dessinĂ© par Rudy Spiessert et scĂ©narisĂ© par Denis LapiĂšre et Pierre-Paul Renders.
Tout commence par une Ă©mission, la bien nommĂ©e « comme tout le monde ». Sur le principe de « La famille en or », les participants doivent trouver la rĂ©ponse la plus souvent citĂ©e par un panel de sondĂ©s. Or, le grand champion Jalil ne se trompe jamais. Au point quâil dĂ©finit la plus pur français moyen. Une aubaine pour les marques qui peuvent lâutiliser comme panel Ă moindre coĂ»t. Mais Ă son insuâŠ
 Voyeurisme & célébrité
« Comme tout le monde » sâintĂšgre parfaitement dans un monde de voyeurisme et de tĂ©lĂ©-rĂ©alitĂ©. La cĂ©lĂ©britĂ© du français moyen qui exhibe son intimitĂ© est traitĂ©e ici. Si le sujet de la bande-dessinĂ©e nâest simplement jamais crĂ©dible, on se prend au jeu de cette histoire qui sait nous dĂ©voiler les secrets petit Ă petit. Quelques retournements de situation sont bien vus et surprendront le lecteur. En cela, la pagination importante est adaptĂ©e, permettant de dĂ©velopper pleinement tous les aspects de lâhistoire.
Câest peut-ĂȘtre au niveau des personnages que lâensemble pĂȘche un peu. Jalil, trop moyen, manque vraiment de charisme. Câest son personnage, certes, mais on nâa finalement que trĂšs peu de sympathie pour lui, au contraire de sa jeune compagne, Ă laquelle on sâattache. Mais le tout manque cruellement dâanalyse. Claire accepte de se mettre en couple pour de lâargent, sans que la notion de prostitution ne soit relevĂ©e. Câest bien un livre de chez Dupuis qui reste bien gentillet. On aurait pu imaginer une critique mordante, ce ne sera pas le cas. Dommage, car le sujet est plutĂŽt intĂ©ressant et la narration bien menĂ©e.
Au niveau du dessin, Rudy Spiessert est à lui seul un argument pour le bouquin. Clairement influencé par Dupuy et Berberian, il propose un dessin simple en apparence mais trÚs riche, à la mise en scÚne soignée. Une véritable découverte et un auteur à suivre assurément.
« Comme tout le monde » est un ouvrage qui se lit dâune traite, mĂ©nageant son suspense intelligemment. HĂ©las, on sent quâavec un sujet pareil, le livre aurait pu ĂȘtre plus intĂ©ressant en Ă©tant plus sombre ou cynique. Une sympathique dĂ©couverte.
Note : 14/20
Titre : Le singe de Hartlepool
Scénariste : Wilfrid Lupano
Dessinateur : Jérémie Moreau
Parution : Septembre 2012
Pendant les guerres napolĂ©oniennes, un navire français navigue prĂšs des cĂŽtes anglaises. A bord, un singe habillĂ© dâun uniforme français fait office de mascotte. La haine de lâanglais est alors Ă son comble. Ainsi, le mousse, osant chantonner une mĂ©lodie en anglais, se voit jetĂ© par-dessus bord⊠Quelques instants plus tard, câest tout le navire qui sombre suite Ă un orage soudain. Seul rescapé : le singe. Celui-ci va se retrouver sur les cĂŽtes anglaises, prĂšs dâun village nommĂ© Hartlepool. Les habitants vont alors dĂ©cider de pendre ce Français.
InspirĂ© dâune histoire vraie (ou du moins dâune lĂ©gende, difficile dâĂȘtre certain de la vĂ©racitĂ© des faits), « Le singe de Hartlepool » est une vĂ©ritable fable contre la bĂȘtise humain en gĂ©nĂ©ral et le nationalisme en particulier. Nâayant jamais vu un Français de leurs vies, les habitants vont trouver Ă se convaincre que ce singe est un ĂȘtre humain français. Quitte Ă faire appel Ă un ancien combattant sĂ©nile pour trouver des argumentsâŠ
Les auteurs, Wilfrid Lupano au scĂ©nario et JĂ©rĂ©mie Moreau au dessin, ont dĂ©cidĂ© de jouer le jeu Ă fond. Ici, câest une fable. La plupart des gens (ici, de vĂ©ritables ploucs) sont complĂštement stupides et haineux. Seuls certains personnages parviennent Ă sortir de cet Ă©tat de fait : certains enfants et le mĂ©decin, symbole de culture et donc de tolĂ©rance. Clairement, les auteurs font le choix dâune morale claire et affirmĂ©e et câest tant mieux.
Le ton de lâalbum est clairement cynique. Lâhumour y est fortement prĂ©sent malgrĂ© lâaspect dramatique de lâhistoire. On rit souvent, voire mĂȘme de bon cĆur, devant les remarques des villageois. On rit de la bĂȘtise humaine et Ă la fois, on sâen dĂ©sespĂšre.
« Bien qu’il ne parle pas, le singe est le personnage le plus complexe de l’histoire. »
Notre empathie est souvent requise dĂšs que le singe apparaĂźt. Victime innocente, subissant le courroux dâanimaux se revendiquant intelligents, il est le personnage le plus complexe de lâhistoire, bien quâil ne parle pas. Et en cela, câest la grande rĂ©ussite de lâalbum. Les auteurs ont parfaitement su retranscrire la dualitĂ© des chimpanzĂ©s. PoussĂ© dans ses retranchements, le singe est bestial, il mord jusqu’au sang, griffe, bref, lutte pour sa vie. Mais il est Ă©galement parfois terriblement humain avec son regard perdu dans le vide. Ăternelle victime de lâhomme (enlevĂ© Ă sa famille, puis pendu en Angleterre), il paraĂźt pourtant bien plus humain que ses bourreaux.
Outre une narration et un ton captivants, il faut avouer que le dessin est lâun des points forts de cet album. Jâai pleinement accrochĂ© au graphisme personnel et expressif de JĂ©rĂ©mie Moreau. Il est en parfaite adĂ©quation avec le propos, sachant se montrer expressif dans les moments les plus ridicules ou plus intimiste dans les passages les plus empathiques. Pour un premier album, c’est d’autant plus impressionnant. Un dessinateur que je suivrai avidement dĂ©sormais.
« Le singe de Hartlepool » est un one-shot de qualitĂ©. MaĂźtrisĂ© de bout en bout sur tous les points, il maĂźtrise le mĂ©lange des genres avec brio. A la fois Ă©cĆurĂ©, amusĂ© et attristĂ©, le lecteur repart avec le plein dâĂ©motion !Â
Note : 17/20
Titre : Les vieux fourneaux, T1 : Ceux qui restent
Scénariste : Wilfrid Lupano
Dessinateur : Paul Cauuet
Parution : Avril 2014
 Wilfrid Lupano est lâun des scĂ©naristes qui monte. For de plusieurs succĂšs et sachant sâentourer de dessinateurs talentueux, il est devenu synonyme dâauteur Ă suivre. « Les vieux fourneaux » ne dĂ©roge pas Ă la rĂšgle. DotĂ©e de critiques trĂšs positives et du Prix des libraires de bande dessinĂ©e 2014, il nâen fallait pas plus pour que je mây intĂ©resse. Il est accompagnĂ© au dessin par Paul Cauuet, que je ne connaissais pas. Le tout est publiĂ© chez Dargaud pour un total de 56 pages. Ce tome 1 est nommĂ© « ceux qui restent ». Le succĂšs de la sĂ©rie a, depuis, vu paraĂźtre une suite. Je prĂ©cise tout de suite que ce premier tome se suffit Ă lui-mĂȘme.
Le titre de lâalbum est assez explicite : on sâintĂ©resse ici Ă une bande de personnes ĂągĂ©es qui viennent rendre hommage Ă lâune de leur amie, dĂ©cĂ©dĂ©e. Le thĂšme de « vieux fourneaux » prend dâautant plus de sens lorsque lâon apprend quâils ont tous travaillĂ© dans la mĂȘme usine et ont montrĂ© un activisme syndical particuliĂšrement important. Mais quand lâun dâeux pĂšte les plombs lorsque le notaire dĂ©voile certains secrets, ses copains se serrent les coudes pour lui Ă©viter de faire une connerie.
« Des portraits plein de vie et de caractÚre. »
Trois grands thĂšmes viennent se tĂ©lescoper dans cette sĂ©rie. La vieillesse bien Ă©videmment, mais aussi lâamitiĂ© et la lutte des classes. Au milieu de tout ça, la petite fille de Lucette vient apporter sa fraĂźcheur et son dĂ©calage par rapport Ă nos vieux bonhommes. Ces portraits sont plein de vie et cohĂ©rents, chacun ayant son caractĂšre et, surtout, son histoire.
Dans cet album, chaque personnage est prĂ©sentĂ© de façon satisfaisante pour assouvir notre plaisir de lecture. Cependant, on sent que les auteurs en ont sous le pied. Ils savent Ă©viter de produire trop de flashbacks inutiles et se concentre sur le prĂ©sent. Sans ĂȘtre absolument le plus intĂ©ressant dans lâouvrage, le fil rouge possĂšde suffisamment de suspense pour nous donner envie de lire la suite. Mais ce sont bien les situations cocasses dues Ă lâĂąge des protagonistes qui font tout le sel du bouquin.
Au niveau du dessin, Paul Cauuet réalise un travail remarquable. Bien aidé par une couleur qui met en valeur son trait, il croque des personnages semi-réalistes souvent proches de la caricature. Son dessin est à la fois riche et dynamique et le dessinateur excelle aussi bien dans les dessin des personnages que des décors. Une véritable découverte !
« Les vieux fourneaux » est une bande-dessinĂ©e rĂ©ussie. DotĂ© de personnages hauts en couleur et dâun dessin parfaitement adaptĂ©, elle aurait pu ĂȘtre un one-shot percutant. Mais les auteurs ont prĂ©fĂ©rĂ© en faire une sĂ©rie. EspĂ©rons que la suite saura confirmer les qualitĂ©s de ce premier tome drĂŽle et attachant.
Note : 16/20
Titre : Johnny Jungle, T2
Scénariste : Jean-Christophe Deveney
Dessinateur : JérÎme Jouvray
Parution : Septembre 2014
Le premier tome de « Johnny Jungle » avait Ă©tĂ© une bonne surprise. Narrant lâhistoire dâun Ă©quivalent de Tarzan champion de natation et de cinĂ©ma (vous avez dit « Johnny Weismuller » ?), cette histoire faisait preuve de beaucoup dâhumour dĂ©calĂ©. A la fermeture du premier opus du diptyque, on se demandait presque lâintĂ©rĂȘt de continuer le tout, malgrĂ© la fin surprenante. Alors, cette deuxiĂšme partie transforme-t-elle lâessai ?
Johnny nâest pas vraiment parvenu Ă se faire Ă la vie citadine. Acteur star, il succombe trop facilement aux jeunes actrices qui lui sont associĂ©es, mettant Ă mal sa vie avec Jane. Et quand les enfants illĂ©gitimes commencent Ă faire leurs apparitions, câest le bouquetâŠ
Ce tome sâintĂ©resse Ă la dĂ©gringolade du personnage. AprĂšs son ascension, cette chute Ă©tait inĂ©vitable. On le voit vieillir et devenir has been. Si bien que ce livre est beaucoup moins drĂŽle que le premier. TeintĂ© de nostalgie et de regrets, il met lâĂ©motion plus en avant. HĂ©las, les blagues sont quand mĂȘme lĂ , mais nous atteignent beaucoup moins. La lecture est loin dâĂȘtre dĂ©sagrĂ©able, mais il est difficile de ne pas ĂȘtre déçu lorsquâon le compare au premier. Ainsi, aprĂšs une vingtaine de pages, je me suis surpris Ă me dire que lâhistoire nâavançait pas vraiment. Heureusement, la suite est plus pertinente. MalgrĂ© tout, ce tome est loin de confirmer nos attentes.
La comparaison entre les deux ouvrages fait mal.
Ce diptyque peut ĂȘtre vu de cette façon : le premier tome correspond Ă la partie dâinnocence du personnage. Il dĂ©couvre les choses avec Ă©merveillement et on rit avec lui. Le deuxiĂšme tome est la dĂ©sillusion. Ainsi, le principe de deux livres serait pleinement pertinent. Cependant, ce tome manque de rebondissement et les pĂ©ripĂ©ties sont loin de sâaccumuler. Il manque aussi de personnages pittoresques (comme le rĂ©alisateur escroc du premier tome par exemple). Cette dichotomie mâa dĂ©rangĂ©, la comparaison entre les deux ouvrages fait mal.
MalgrĂ© tout, on retrouve une analyse au vitriol dâHollywood avec ses acteurs ratĂ©s, ses budgets limitĂ©s par la crise et ses films de propagande pendant la Seconde Guerre Mondiale. Certaines trouvailles font mouche, mais leur densitĂ© est plus faible. Surtout, la surprise nâest plus lĂ .
Concernant le dessin, jâai trouvĂ© lâensemble inĂ©gal. Si le premier tome mâavait enchantĂ©, câest moins le cas ici. Le trait de JĂ©rĂŽme Jouvray est toujours aussi agrĂ©able, mais les intĂ©rieurs notamment sont trĂšs vides. Le manque de jungle se fait cruellement sentir ! Du coup, la couleur (assurĂ©e par Anne-Claire Jouvray) est beaucoup moins marquante que dans le premier opus. Câest surtout une impression dâinĂ©gale qualitĂ© qui nous imprĂšgne. Certaines planches sont toujours aussi belles et dynamiques. Dâautres semblent dĂ©sespĂ©rĂ©ment vides. Peut-ĂȘtre que le temps imparti pour dessiner cet album Ă©tait-il trop court ? Car lâensemble fait quand mĂȘme 76 pages.
La chute de « Johnny Jungle » est traitĂ©e avec nostalgie. Mais les auteurs semblent beaucoup moins Ă lâaise dans ce registre. Difficile de sâattacher Ă un personnage qui succombe en permanence Ă ses pulsions. Maintenant quâil vieillit, il est difficile dâavoir de lâempathie pour son immaturitĂ©. Jâai retrouvĂ© une partie du plaisir que jâavais eu pour le premier tome, mais la dĂ©ception est bien rĂ©elle. Dommage.
Note : 10/20
Titre : Johnny Jungle, T1
Scénariste : Jean-Christophe Deveney
Dessinateur : JérÎme Jouvray
Parution : Janvier 2013
Johnny Jungle a eu une vie mouvementĂ©e. Enfant sauvage, il fut Ă©levĂ© par des singes avant de se retrouver en pleine civilisation et de devenir champion de natation et star dâHollywood. Aujourdâhui, Johnny est traquĂ© et il se rappelle de sa jeunesse⊠« Johnny Jungle » est la premiĂšre partie dâun diptyque. Ce premier tome fait plus de 70 pages et est publiĂ© aux Ă©ditions GlĂ©nat.
Tout rapport entre la vie de Johnny Weismuller nâest Ă©videmment que pure coĂŻncidence. Johnny ici est donc un mix de Tarzan et de Weismuller, ces deux derniers Ă©tant bien sĂ»r trĂšs entremĂȘlĂ©s. Dans cette fausse biographie, lâhumour est le maĂźtre mot de lâaventure. Johnny se raconte avec une part de narration non-nĂ©gligeable que vient renforcer les dialogues.
Johnny dĂ©couvre la civilisation et le succĂšs… au risque de sây perdre ?
La mĂ©thode du flashback Ă©tant uniquement un prĂ©texte Ă relancer le suspense Ă la fin du tome, on dĂ©couvre la vie de Johnny avant tout de façon chronologique. On dĂ©couvre sa vie dans la jungle avec sa mĂšre et son copain frĂšre de liane Kinka. Un curieux missionnaire allemand lui apprend Ă crier comme Tarzan⊠Mais câest surtout sa rencontre avec Jane qui va tout changer. Johnny dĂ©couvre la civilisation et le succĂšs… au risque de sây perdre ?
Si lâhistoire en soit ne surprendra pas le lecteur (puisque ce nâest pas le but), câest lâhumour qui donne tout le sel Ă lâouvrage. Le cynisme des auteurs pour lâhumanitĂ© couplĂ© Ă la naĂŻvetĂ© de Johnny fonctionne parfaitement. Les seconds rĂŽles sont parfaitement rĂ©ussis, de lâimprĂ©sario au rĂ©alisateur, en passant par le missionnaire. De plus, entre les Ă©pisodes de la vie de Johnny, il nous est donnĂ© Ă voir un des personnages interviewĂ© des annĂ©es aprĂšs lâhistoire qui nous parle  de Johnny. Ces petits moments sont trĂšs drĂŽles et donnent dâautant plus de piquant Ă lâouvrage. On peut citer Ă©galement les affiches de films, rĂ©guliĂšrement parsemĂ©es dans le livre qui jouent le mĂȘme rĂŽle dâauthentifier cette biographie.
Le dessin possĂšde un trait expressif, parfaitement adaptĂ© Ă lâhumour de lâouvrage. Cependant, le dessin parvient Ă fonctionner Ă©galement dans les passages oĂč lâĂ©motion se fait plus forte. Il faut mentionner en particulier le travail sur les dĂ©cors, qui navigue de la jungle luxuriante Ă Paris ou New York. Ces derniers sont enrichit par des couleurs de toute beautĂ©, partie intĂ©grante du dessin. Le dessin est assurĂ© par JĂ©rĂŽme Jouvray, Ă©paulĂ© aux couleurs par Anne-Claire⊠Jouvray ! On comprend alors comment les couleurs sont aussi intĂ©grĂ©es dans le dessin de lâouvrage. Une belle rĂ©ussite.
« Johnny Jungle » est une trĂšs bonne surprise. Plein dâidĂ©e, Ă lâhumour efficace, il prĂ©sente une vision de la sociĂ©tĂ© (et notamment du cinĂ©ma) bien cynique. ProposĂ© en diptyque, il ne reste plus quâĂ espĂ©rer que la deuxiĂšme partie transforme lâessai !
Note : 14/20
Titre : Tu mourras moins bĂȘte, T3 : Science un jour, science toujours !
Scénariste : Marion Montaigne
Dessinatrice : Marion Montaigne
Parution : Septembre 2014
 AprĂšs une petite pause en 2013 consacrĂ©e Ă dâautres projets, Marion Montaigne nous revient avec sa sĂ©rie de vulgarisation scientifique, « Tu mourras moins bĂȘte », sous-titrĂ©e « Mais tu mourras quand mĂȘme » ! Ce troisiĂšme tome est intitulĂ© « Science un jour, science toujours ! ». Contrairement aux prĂ©cĂ©dents opus qui Ă©taient chacun basĂ©s sur un thĂšme (les films et sĂ©ries tĂ©lĂ©, puis la mĂ©decine), celui-ci est beaucoup plus ouvert. Symbole de ce changement de ligne, le tout est publiĂ© chez Delcourt et non plus chez Ankama. MalgrĂ© tout, que les collectionneurs se rassurent, la maquette est quasiment identique et votre bibliothĂšque nâen sera pas gĂȘnĂ©e. Le tout est un pavĂ© de 250 pages !
Si lâidĂ©e dâun thĂšme par livre Ă©tait sĂ©duisante sur le papier, elle ne lâĂ©tait pas forcĂ©ment rĂ©ellement. Lâeffet de rĂ©pĂ©tition sâinstallait. Ici, on sent Marion Montaigne plus libre de parler de ce quâelle veut. Du coup, lâensemble est trĂšs variĂ© dans ses sujets : cryogĂ©nie, adolescence, menstruations⊠Les questions aussi essentielles que « peut-on avaler des araignĂ©es en dormant ? » trouvent enfin leur rĂ©ponse ! Cette variĂ©tĂ© donne un vrai coup de fouet Ă la sĂ©rie. Lâeffet de rĂ©pĂ©tition est nul et on se surprend Ă lire lâouvrage dâune traite, ce que lâon ne faisait pas forcĂ©ment pour les prĂ©cĂ©dents. Marion Montaigne parvient donc Ă se bonifier Ă son troisiĂšme opus. Une belle performance.
Apprendre en s’amusant.
Lorsque lâon lit les ouvrages de Marion Montaigne, on remarque trĂšs vite un amour pour la vulgarisation scientifique, mais Ă©galement un humour trĂšs personnel. Cette originalitĂ© fait mouche ! On sourit beaucoup et on rit rĂ©guliĂšrement Ă la lecture des pages. « Apprendre en sâamusant » nâa jamais Ă©tĂ© autant dâactualitĂ©. Car derriĂšre lâhumour se cache des vĂ©ritĂ©s bien entendu. Montaigne visite des laboratoires et nous fait partager les Ă©tudes scientifiques les plus incongrues qui existent.
Marion Montaigne aime Ă©galement intĂ©grer de nombreuses rĂ©fĂ©rences (notamment cinĂ©ma et sĂ©ries tĂ©lĂ©) dans ses planches. Jâavoue ne pas toujours y ĂȘtre sensible, ne regardant pas les sĂ©ries citĂ©es. Du coup, il y a des chances pour que ses ouvrages vieillissent un peu avec le temps. Ce tome mâa semblĂ© moins blindĂ© de rĂ©fĂ©rences, comme si lâauteure se sentait plus en confiance pour Ă©viter de mettre des rĂ©fĂ©rences partout.
Digne hĂ©ritiĂšre de Reiser, lâauteure dĂ©veloppe un trait trĂšs relĂąchĂ© soutenu par des touches de couleur Ă lâaquarelle. Clairement, ça ne plaira pas Ă tout le monde, mais son dessin participe fortement Ă lâhumour du bouquin. Les expressions de ses personnages sont particuliĂšrement rĂ©ussies !
Marion Montaigne dĂ©veloppe une Ćuvre basĂ©e sur lâhumour et la vulgarisation scientifique. « Tu mourras moins bĂȘte » apporte sa pierre Ă lâĂ©difice avec brio. Ce troisiĂšme tome permet Ă la sĂ©rie de passer un cap supplĂ©mentaire Ă tous les niveaux. On peut donc se dire que lâon mourra moins bĂȘte aprĂšs lecture de lâouvrage, mais aussi avec le sourire aux lĂšvres.
Note : 18/20
Titre : Tu mourras moins bĂȘte, T1 : La science, c’est pas du cinĂ©ma !
Scénariste : Marion Montaigne
Dessinatrice : Marion Montaigne
Parution : Septembre 2011
Marion Montaigne sâest créé une forte rĂ©putation dans la blogosphĂšre grĂące Ă ton blog « Tu mourras moins bĂȘte ». Dans ce dernier, elle se reprĂ©sente en Professeur Moustache (avec un moustache donc, curieux pour une femme !) ayant pour but de vulgariser la science. Avec un thĂšme original, Marion Montaigne sâest ainsi garanti une forte visibilitĂ©. Ajoutez Ă cela beaucoup dâhumour et vous avez un blog Ă succĂšs !
Comme beaucoup de blogs cĂ©lĂšbres, « Tu mourras moins bĂȘte » est dĂ©sormais Ă©ditĂ© en format papier chez Ankama Editions. Cette conversion dâun numĂ©rique gratuit vers un objet papier payant est toujours dĂ©licate et pas toujours rĂ©ussie. Quâen est-il ici ?
Ce premier tome est intitulĂ© « La science, câest pas du cinĂ©ma ». Marion Montaigne sâattaque donc aux films et aux sĂ©ries qui, souvent, vulgarisent eux-mĂȘmes la science. On retrouve donc plusieurs chapitres : action, science-fiction et sĂ©ries tĂ©lĂ© (oĂč on retrouvera une analyse de Jurassic ParkâŠ). Ce regroupement en chapitres nâest pas forcĂ©ment trĂšs judicieux car il reprend des thĂšmes proches, apportant un peu de redite. Un mĂ©lange simple aurait peut-ĂȘtre Ă©tĂ© plus pertinent.
On prend alors pleinement conscience du travail effectué.
Car ce premier tome est trĂšs fourni. 255 pages sont au rendez-vous avec beaucoup de textes. Bref, il y a peu de chances que vous le lisiez dâune traite. On prend alors pleinement conscience du travail quâeffectue rĂ©guliĂšrement Marion Montaigne sur son blog. Alors que sur internet, la lecture verticale est choisie, ici on retrouve une lecture plus traditionnelle. Le tout est segmentĂ© (le plus souvent en trois cases verticales) et on sâaperçoit que de nombreuses pages constituent une seule note de blog.
La vulgarisation scientifique menĂ©e par Marion Montaigne est efficace et facilement comprĂ©hensible. Quelques chiffres et donnĂ©es sont soutenus par un humour grinçant trĂšs efficace. Il nâest pas rare que lâon rit devant les aventures du Professeur Moustache. Câest vraiment lĂ oĂč rĂ©side la grande qualitĂ© de cet ouvrage : on apprend des choses tout en rigolant. Seul bĂ©mol : les liens que Marion Montaigne ajoutaient Ă la fin de chaque note qui faisaient office de bibliographie ne sont Ă©videmment pas disponibles ici. Pour ma part, je nâallais pas les visiter et ça ne mâa jamais empĂȘchĂ© dâapprĂ©cier son blog !
Ce premier tome est orientĂ© sĂ©ries/films et possĂšde donc de nombreuses rĂ©fĂ©rences. MĂȘme si connaĂźtre les films en question nâest pas forcĂ©ment nĂ©cessaire pour apprĂ©cier les diffĂ©rentes histoires, câest quand mĂȘme mieux. Concernant les films, je les avais (presque) tout vus ou au moins, jâen connaissais les grandes lignes. En revanche, je ne connaissais absolument pas les sĂ©ries et cela ne mâa pas empĂȘchĂ© de rire.
Le dessin, trĂšs relĂąchĂ© de Marion Montaigne avec des touches de couleur, nâest pas sans rappeler Reiser. De mĂȘme que ses techniques narratives dâailleurs. Tout le monde nâaimera pas ce style de dessin Ă lâaspect brouillon. Personnellement, je trouve que câest un rĂ©gal !
Chaque dĂ©but de note commence par une carte postale qui pose une question au Professeur Moustache. Pour lâoccasion, ce sont des auteurs qui les ont dessinĂ©es. On ne peut que saluer cette initiative. De mĂȘme, lâouvrage en lui-mĂȘme est de trĂšs bonne qualitĂ©. Le papier est Ă©pais, lâouvrage bien finalisĂ©. Clairement, lâacheteur nâaura pas lâimpression de se faire avoir !
Au final, ce passage au format papier est rĂ©ussi. Lâouvrage est de bonne qualitĂ© et lâhumour de Marion Montaigne fait mouche. Certes, les rĂ©pĂ©titions sont plus flagrantes en papier que sur une mise Ă jour dâun blog, mais lâhumour fait mouche bien souvent.
Note : 15/20
Titre : L’arabe du futur, T1 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1978-1984)
Scénariste : Riad Sattouf
Dessinateur : Riad Sattouf
Parution : Mai 2014
Riad Sattouf a commencĂ© sa carriĂšre de bĂ©dĂ©aste en racontant ses jeunes annĂ©es. Que ce soit son adolescence avec « Le manuel du puceau » ou son enfance avec « Ma circoncision », on a senti dĂšs le dĂ©part un besoin de raconter sa jeunesse. Il faut dire que celle-ci est assez particuliĂšre, lâauteur ayant vĂ©cu en Lybie et en Syrie ses premiĂšres annĂ©es⊠Dix ans aprĂšs « Ma circoncision », Riad Sattouf revient au sujet, fort de son expĂ©rience pour nous narrer cette vie plus en dĂ©tail. Le premier tome de « Lâarabe du futur » se concentrer sur les annĂ©es 1978 Ă 1984, ce qui correspond aux premiers souvenirs du petit Riad. Le livre pĂšse 160 pages et est publiĂ© chez Allary Ăditions.
Riad Sattouf est nĂ© dâune mĂšre bretonne et dâun pĂšre syrien. Ce dernier, grand adepte du panarabisme, va trimballer sa famille en Lybie, sous Khadafi, puis en retourner au pays en Syrie (sous El Assad). Son admiration pour les dictateurs arabes est Ă©vidente et sa vision de la politique, mouvante et contradictoire, est le centre de lâouvrage. Car ne nous y trompons pas, ce livre parle avant tout du pĂšre de Riad, Abdel-Razak.
On peut dire que dans ce livre, Riad tue le pĂšre ! Non seulement, il en fait un portrait fait de paradoxes politiques, de machisme et surtout de lĂąchetĂ©. Mais en plus, il pointe le reproche de lui avoir fait vivre une enfance peu reluisante. En vieillissant, Riad vit de plus en plus mal son quotidien. Entre les cousins qui le martyrisent car il a les cheveux blonds (il doit donc ĂȘtre juif, forcĂ©ment !) et les appartements vides dans des villages pauvres au fin fond de la Syrie⊠Surtout que lâhomme ment rĂ©guliĂšrement, annonçant chercher du travail en France, mais nâen cherchant quâau Moyen-Orient. La figure de la mĂšre est tout autant coupable, Ă©tant totalement absente et soumise.
Un portrait sans concession pour tout le monde
Riad Sattouf fait un portrait sans concession et trĂšs dur de partout oĂč il passe : Libye, Syrie et Bretagne. Le tout est bien Ă©videmment teintĂ© dâhumour. Si beaucoup font la parallĂšle avec PersĂ©polis, il faut bien prendre en compte que les ouvrages sont trĂšs diffĂ©rents dans leur approche. Riad a vĂ©cu en France et est venu sâinstaller dans sa famille syrienne plus tard dans un village trĂšs pauvre. Satrapi est nĂ©e en Iran dans une famille dâintellectuels. Bref, il ne faut chercher Ă trouver la mĂȘme analyse. Peu sensible Ă lâhumour de Satrapi, je le suis beaucoup plus Ă celui de Sattouf par exemple.
Le dessin simple de Sattouf est parfaitement adaptĂ© Ă lâouvrage. Il est efficace et fait parfaitement passer les Ă©motions et les expressions des personnages. Le tout est colorisĂ© en monochrome, une couleur par pays. Câest efficace et joli Ă regarder.
Jâai dĂ©vorĂ© cet ouvrage et ait y trouvĂ© beaucoup dâintĂ©rĂȘt. Câest une belle autobiographie que nous propose Riad Sattouf. Dur avec un peu tout le monde, il nâĂ©pargne personne. A la fermeture de lâouvrage, on nâattend quâune seule chose : lire la suite !Â
Note : 16/20
Titre :Â Les forĂȘts d’Opale, T8 : Les hordes de la nuit
Scénariste : Christophe Arleston
Dessinateur : Philippe Pellet
Parution : Octobre 2013
 « Les forĂȘts dâOpale » furent longtemps lâune de mes sĂ©ries de fantasy prĂ©fĂ©rĂ©es. DotĂ© dâun dessin plus original que la moyenne, Arleston avait su entretenir son histoire au fur et Ă mesure des tomes. HĂ©las, lâopus prĂ©cĂ©dent, « Les dents de pierre » Ă©tait particuliĂšrement dĂ©cevant. Voyant que sa suite ne fermait toujours pas la sĂ©rie, jâai dĂ©cidĂ© de continuer cette lecture en bibliothĂšque. Force est de constater, hĂ©las, que jâai bien fait.
Lâhistoire nous avait mis en quĂȘte des Titans pour sauver le monde de lâemprise des prĂȘtres de la LumiĂšre. Mais notre groupe de hĂ©ros a dĂ©couvert que ces derniers ont disparu et que Cohars a sombrĂ©. Comment Darko pourra-t-il alors libĂ©rer le monde ? Sa sĆur Sleilo semble arriver Ă contrĂŽler la pierre noire (alors que Cohars y avait succombĂ©).
Traverser les cercles des Enfers.
Ce tome ce concentre avant tout sur les Enfers. Comme il est fait rĂ©guliĂšrement mention des Enfers et de ses cercles au cours des tomes prĂ©cĂ©dents, lâidĂ©e nâest pas mauvaise. Malheureusement, lâexploitation nâest vraiment pas Ă la hauteur. Outre le fait que les diffĂ©rents cercles manquent cruellement de profondeur, ils ne sont mĂȘme pas traitĂ©s. Ainsi, nos hĂ©ros dĂ©couvrent des bestioles volantes qui leur permettent de franchir plein de cercles dâun coup. Alors certes, on nâest pas chez Dante, mais il y a des limites quand mĂȘme⊠Et je passe sur la conclusion de fin qui nous fait immanquablement dire « Ok⊠Tout ça pour ça ! » Cela est devenu une habitude chez Arleston de prolonger ses sĂ©ries en faisant des tomes qui ne font pas avancer le schmilblick, mais ce sera sans moi dĂ©sormais.
La dimension humoristique est relativement peu prĂ©sente dans ce tome. AprĂšs un tome 7 plus noir, on continue dans la mĂȘme veine. HĂ©las, cela ne fonctionne pas vraiment et on a du mal Ă se passionner pour les personnages. Pourtant, ce sont eux qui font tout le sel de cette sĂ©rie. Il va falloir que les auteurs se rĂ©veillent pour nous proposer une suite digne de ce nom. On a lâimpression quâils naviguent en eaux troubles, sans trop savoir oĂč ils vont.
MalgrĂ© les tentatives scĂ©naristiques dâapporter de la tension et de lâintĂ©rĂȘt Ă lâhistoire, tout tombe Ă plat. LâĂ©motion nây est pas, de mĂȘme que le danger. Pourtant, le dessin de Philippe Pellet reste de qualitĂ© et avec une vraie personnalitĂ©. Mais lâhistoire va trop vite pour pouvoir dĂ©velopper de façon intĂ©ressante un univers graphiquement viable.
Comme dâautres sĂ©ries de fantasy (et plus spĂ©cifiquement dâArleston), le prolongement artificiel des intrigues abouti Ă un affaiblissement gĂ©nĂ©ral de lâintrigue. La chute est rude ici. Nul doute que les prochains tomes continueront Ă se vendre aux plus ardents collectionneurs, mais il est difficile de cacher sa dĂ©ception Ă la fermeture de lâouvrage.
Note : 6/20