Chroniques de JĂ©rusalem

ChroniquesDeJerusalem


Titre : Chroniques de JĂ©rusalem
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Novembre 2011


Guy Delisle a imposĂ© son style dans ses livres de voyage. AprĂšs la Chine, la CorĂ©e du Nord et la Birmanie, le voilĂ  qui arrive en IsraĂ«l, Ă  JĂ©rusalem. PubliĂ© comme le prĂ©cĂ©dent aux Ă©ditions Delcourt, dans la collection Shampooing, l’auteur canadien a su bonifier son trait et sa narration au point que ce « Chroniques de JĂ©rusalem » obtienne le prix du meilleur album au Festival International de Bande-DessinĂ©e d’AngoulĂȘme en 2012 ! Alors, qu’en est-il ? Ce prix est-il mĂ©rité ?

Le terme de « chroniques » est parfaitement adaptĂ© car nous allons avoir droit ici Ă  de nombreuses anecdotes et morceaux de vie. Pas question de crĂ©er une longue narration. Si bien que malgrĂ© le nombre de pages importants (plus de 300 !), le livre se lit trĂšs agrĂ©ablement, la lecture pouvant s’arrĂȘter Ă  tout moment sans problĂšme. Guy Delisle suit donc sa femme, qui travaille Ă  MĂ©decins Sans FrontiĂšres, en IsraĂ«l. Ils s’installent Ă  JĂ©rusalem Est (cĂŽtĂ© arabe) et l’auteur reprend son activitĂ© de pĂšre au foyer. Pendant que sa femme s’active, il s’occupe de son enfant. L’idĂ©e est de trouver de quoi tromper l’ennui. Le jardin d’enfant est, entre autres, une des grandes quĂȘtes du canadien.

Un regard plus affûté

Évidemment, l’aspect touristique est vite prĂ©sent. Guy Delisle visite le pays (ou du moins les environs) avec sa candeur habituelle. Il Ă©vite tout jugement (mĂȘme si celui-ci transparaĂźt) et note avant tous les incohĂ©rences et ce qui le choque de visu. Ainsi, voir des fusils d’assaut rĂ©guliĂšrement le laisse perplexe
 L’appel Ă  la priĂšre le fait sursauter
  Tout est racontĂ© de façon chronologique. Ainsi, dans la seconde moitiĂ©, la surprise est moins prĂ©sente chez l’auteur. Le regard se fait plus affĂ»tĂ©, bien que toujours sans prĂ©senter ses opinions.

Si Delisle avait l’habitude des pays assez fermĂ©s, ce n’est pas le cas ici. IsraĂ«l est une dĂ©mocratie et il est donc beaucoup plus libre de ses mouvements. Du coup, il pĂ©nĂštre bien plus dans l’esprit du pays que dans les autres livres. Son autonomie lui permet de toucher du doigt plus d’incohĂ©rences. Car c’est le vĂ©ritable sujet du livre : IsraĂ«l est prĂ©sentĂ© comme un pays complĂštement absurde. C’en est souvent risible, mais malheureusement aussi inquiĂ©tant. L’auteur met le doigt sur des comportements et des usages complĂštement improbables. Il y prĂ©sente un pays oĂč des populations vivent ensemble sans se croiser ou se parler. C’est un vĂ©ritable apartheid en pleine dĂ©mocratie. A cela s’ajoute les communautĂ©s religieuses les plus orthodoxes du monde
 On devine alors une JĂ©rusalem multiple, mais surtout divisĂ©e.

Au niveau du dessin, Guy Delisle a affinĂ© son trait. C’est simple mais efficace et la narration se fait avec beaucoup de fluiditĂ©. Cette fois-ci, la couleur a plus d’importance. Le tout est souvent colorisĂ© de façon monochrome, mais chaque couleur a un sens. Cela facilite la lecture. Quelques touches de couleurs sont ajoutĂ©s afin d’enrichir le tout (souvent en renforçant un effet, comme une explosion par exemple). Clairement, graphiquement, l’auteur progresse et propose un rĂ©sultat de plus en plus abouti. 

« Chroniques de JĂ©rusalem » est une grande rĂ©ussite. Difficile d’ĂȘtre indiffĂ©rent Ă  ce qui y est racontĂ©. Et en prĂ©sentant le tout de façon factuel, Guy Delisle donne Ă  son ouvrage une certaine universalitĂ©, si bien que l’on dĂ©vore le livre, allant de surprise en surprise. Un must du carnet de voyage !

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

note5

Okko, T7 : Le cycle du feu, premiĂšre partie

okko7


Titre : Okko, T7 : Le Cycle du Feu, premiĂšre partie
Scénario : Hub
Dessin : Hub
Parution : Octobre 2011


« Okko » est une sĂ©rie basĂ© sur des cycles Ă©lĂ©mentaires composĂ©s de deux tomes chacun, scĂ©narisĂ©e et dessinĂ©e par Hub. AprĂšs le cycle de l’eau, le cycle de la terre et le cycle de l’air, voici venir le cycle du feu. Premier tome de ce cycle et donc septiĂšme de la sĂ©rie, celui-ci dĂ©marre sur un mariage entre deux familles trĂšs puissantes. Devant l’ampleur du phĂ©nomĂšne (qui pourrait amener un nouvel empereur), les familles font appel Ă  la garde blanche, composĂ©e des cent samouraĂŻs les plus valeureux. Auquel s’ajoute un cent-uniĂšme bien connu : Okko. Bien qu’étant dĂ©shonorĂ© et diminuĂ© (il a perdu une main lors du cycle prĂ©cĂ©dent), ce qui fait de lui un ronin, ses faits d’armes le rendent indispensables. Cependant, notre hĂ©ros sait prendre du recul et Ă©vite de se mĂ©langer avec des pairs qui le renient.

La rĂ©ussite d’ « Okko » tient Ă  plusieurs facteurs. Le japon mĂ©diĂ©val, teintĂ© de fantastique, est Ă  la fois terriblement exotique et sombre. Hub crĂ©e un monde d’hĂ©roĂŻc-fantasy japonais avec ses guerriers, ses nobles, ses monstres et ses sorciers. La balance entre l’aspect historique (et documentĂ©) et fantastique est parfaitement dosĂ©e et accouche d’un univers crĂ©dible et cohĂ©rent.

Un Japon médiéval, exotique et sombre.

Autre facteur de rĂ©ussite : les personnages. Comme dans toute saga de fantasy, « Okko » est avant tout l’histoire d’un groupe. On y trouve Okko, samouraĂŻ dĂ©chu, Noburo, guerrier gĂ©ant cachĂ© derriĂšre un masque, Noshin, moine alcoolique et Tikku, jeune apprenti du moine. La galerie est pittoresque mais moins caricaturale qu’elle n’y paraĂźt. Les relations entre les personnages sont souvent conflictuelles et les problĂšmes viennent souvent de l’une des personnes du groupe. Le vrai lien est Okko, qui n’hĂ©site pas Ă  se mettre en danger (voire Ă  se sacrifier) pour dĂ©fendre l’un de ses compagnons. C’est une vraie force dans cette BD car Okko est parfois Ă  la limite de l’antipathique. Aigri et agressif avec le moine, Hub ne lui fait pas non plus de cadeau. Mais son personnage prĂ©fĂšre ses amis Ă  son honneur. L’auteur en fait donc une version nouvelle du samouraĂŻ, trĂšs intĂ©ressante.

Comme d’habitude, l’histoire se passe sur une Ăźle. Cycle du feu oblige, elle est volcanique ! Dans ce premier tome du cycle, Hub distille son atmosphĂšre lentement sans dĂ©voiler les vrais tenants de l’intrigue. Et Ă  la fin du tome, un Ă©vĂšnement avive un suspense insoutenable. L’auteur maĂźtrise rĂ©ellement la construction en deux tomes et c’est sans doute ce qui fait tout le charme de cette Ɠuvre. PlutĂŽt que d’écrire une longue Ă©popĂ©e de 8 tomes, Hub Ă©crit des histoires denses Ă  l’identitĂ© fortement marquĂ©e. RĂ©sultat : on a l’impression que « Okko » s’amĂ©liore de tomes en tomes.

A force de passer les tomes, on en apprend un peu plus sur les personnages. Hub nous prĂ©sente un Okko en apparence vieilli et affaibli. Bien que pouvant ĂȘtre lu indĂ©pendamment des autres tomes, je conseille tout de mĂȘme une lecture prĂ©alable des ouvrages prĂ©cĂ©dents. De mĂȘme, le jeune Tikku, si timide et effrayĂ© au dĂ©part, vieillit et prend de plus en plus d’initiatives. On a vraiment l’impression de voir Ă©voluer les personnages. Mais comme toujours, c’est trĂšs lĂ©ger et subtil. Hub mĂ©nage ses informations, ses Ă©volutions afin de crĂ©er une Ɠuvre des plus intĂ©ressantes.

Et que dire du dessin ? Il est simplement magnifique. DĂ©taillĂ© et expressif, il sait se faire dynamique dans les combats. La faune et la flore sont parfaitement retranscrits et donnent de la chaleur Ă  ce cycle ardent. De mĂȘme, tous les apparats du japon mĂ©diĂ©val donnent vraiment l’impression d’y ĂȘtre, facilitant notre plongĂ©e dans l’univers. Sans en faire trop, Hub sait crĂ©er des moments forts dans ses planches. Une grande rĂ©ussite comme toujours ! De plus, chaque cycle a une vraie identitĂ©, que ce soit dans les tons, les couleurs et les ambiances.

« Okko » est une vraiment une Ɠuvre majeure de la bande-dessinĂ©e. Construite selon des cycles de deux tomes, tout y est rĂ©ussi. Un dessin virtuose reconnaissable immĂ©diatement, des intrigues teintĂ©es de fantastique, un univers original et cohĂ©rent, des personnages complexes et attachants
 Je ne peux que vivement la conseiller Ă  ceux qui ne l’auraient pas encore dĂ©couverte. Chaque tome est un grand moment, simplement.

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

note5

 

De profundis

deprofundis


Titre : De Profundis
Scénariste : Chanouga
Dessinateur : Chanouga
Parution : Avril 2011


« Quelque part entre Ceylan et BornĂ©o, des pĂȘcheurs racontent avoir autrefois ramenĂ© dans leurs filets un drĂŽle de naufragĂ©, une Ă©trange crĂ©ature chassĂ© du pays des sirĂšnes ». VoilĂ  ce que l’on peut lire en quatriĂšme de couverture de « De profundis », premiĂšre bande-dessinĂ©e scĂ©narisĂ©e et dessinĂ©e par Chanouga. Sous-titrĂ© « l’étrange voyage de Jonathan Melville », elle raconte l’histoire incroyable de ce marin.

Jonathan Melville est marin. Alors qu’il navigue sur une mer paisible, un typhon gigantesque et imprĂ©visible fait son apparition. Pris en pleine tempĂȘte, il va passer par-dessus bord et se retrouver sur une Ăźle non-rĂ©pertoriĂ©, sauvĂ© par deux jeunes filles Ă  l’air faussement innocent.

deprofundis2Ce roman graphique d’une centaine de pages est construit selon un procĂ©dĂ© de narration bien connu : Jonathan Ă©crit une lettre Ă  sa belle dans laquelle il raconte ses pĂ©ripĂ©ties. Le tout est donc articulĂ© autour de flashbacks, bien que la chronologie reste respectĂ©e dans l’ensemble. On n’a aucun problĂšme Ă  suivre les Ă©vĂšnements.

Une fable noire, Ă  l’onirisme perpĂ©tuel.

« De profundis » est avant tout une fable bien noire. Son onirisme perpĂ©tuel nous plonge dans une ambiance sombre et malsaine. A force de douter du rĂ©el en permanence, on finit par se demander si, finalement, le rĂȘve n’est pas complĂštement absent de ce rĂ©cit fantastique. Ainsi, cet ouvrage tient avant tout par son ambiance particuliĂšre, qui la renvoie aux contes les plus glauques de notre enfance. Une forme de retour aux sources en quelque sorte.

deprofundis4L’omniprĂ©sence de la narration donne un aspect trĂšs littĂ©raire Ă  cette bande-dessinĂ©e. Chanouga possĂšde une belle plume, ce qui renforce l’impression que le personnage nous Ă©crit sa lettre. Un peu comme si nous avions trouvĂ© une bouteille lancĂ©e Ă  la mer et que nous dĂ©couvrions son contenu. Nous nous retrouvons dans la peau de sa femme, rĂ©alisant ce qui est arrivĂ© Ă  son mari.

En marge des textes, la contemplation est trĂšs prĂ©sente. Les dialogues restent limitĂ©s et l’observation des paysages et des personnages se taille une part importante du gĂąteau. L’équilibre entre action, dialogues, narration et contemplation est vraiment bien dosĂ©, et ce sur les 100 pages. Le rythme de l’ouvrage s’en retrouve trĂšs bien Ă©quilibrĂ©.

Difficile de passer Ă  cĂŽtĂ© du travail graphique de « De Profundis ». C’est simplement magnifique. L’auteur garde son crayonnĂ©, sans l’encrer. Cela donne un aspect « dessin » Ă  l’ensemble, d’une grande richesse. Les couleurs sont splendides et s’accordent parfaitement Ă  cette technique. D’ailleurs,deprofundis3 la couleur participe grandement aux ambiances du livre, changeant souvent de tonalitĂ© selon les scĂšnes. Les paysages sont parfois de vĂ©ritables tableaux.

Les personnages ne sont pas en reste. Outre les deux « sirĂšnes », aux airs faussement innocents (et terriblement sensuel !), la petite sirĂšne est parfaitement rĂ©ussie Ă©galement. Sans en rĂ©vĂ©ler trop sur l’histoire, le travail sur les personnages par Chanouga se rĂ©vĂšle trĂšs subtil. Une seule particularitĂ©, dessinĂ©e sans excĂšs, entraĂźne un malaise immĂ©diat. Un peu comme si le lecteur s’apercevait d’une anomalie comme le personnage, se demandant s’il a bien vu ce qu’il a cru voir.

deprofundis1

Pour une premiĂšre bande-dessinĂ©e, « De Profundis » est un coup de maĂźtre ! Ambiance glauque, suspense haletant, narration de haute volĂ©e, dessin splendide et personnel
 Ce roman graphique est un bijou plein de poĂ©sie. Certes, cela ne plaira pas Ă  tout le monde tant l’ambiance est particuliĂšre, mais cette fable marine mĂ©rite le coup d’Ɠil. Et plutĂŽt deux fois qu’une !

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

note5

Doomboy

doomboy


Titre : Doomboy
Scénariste : Tony Sandoval
Dessinateur : Tony Sandoval
Parution : Septembre 2011


Tony Sandoval est un auteur mexicain de bande-dessinĂ©e. Ayant vu l’une de ses expos, j’avais Ă©tĂ© marquĂ© par son graphisme particulier et par son univers trĂšs personnel. Je me suis donc procurĂ© « Doomboy », dont les critiques Ă©taient particuliĂšrement Ă©logieuses. « Doomboy » se prĂ©sente sous la forme d’un livre A4 au format paysage. Il compte pas moins de 128 pages et est Ă©ditĂ© aux Editions Paquet. Continuer la lecture de « Doomboy »

Une vie sans Barjot

UneVieSansBarjot


Titre : Une vie sans Barjot
Scénariste : Appollo
Dessinateur : Stéphane Oiry
Parution : Mars 2011


La fin de l’adolescence et le passage Ă  l’ñge adulte est un grand classique de la bande-dessinĂ©e. À croire que les auteurs sont de grands ados qui ont toujours eu beaucoup de mal Ă  faire leur deuil de cette Ă©poque. « Une vie sans Barjot » raconte la derniĂšre nuit de Mathieu dans sa ville natale avant son dĂ©part pour les Ă©tudes Ă  la capitale. Le tout pĂšse une soixantaine de pages et est paru chez Futuropolis.

La soirĂ©e commence par un concert dans un bar. Tout le monde semble plus ou moins se connaĂźtre. Bienvenue en province, symbole de la banlieue dans le livre. En effet, Mathieu vient d’avoir son bac et son passage Ă  l’ñge adulte sera la montĂ©e Ă  la capitale. Il va donc perdre ses amis et
 NoĂ©mie, la fille dont il est secrĂštement amoureux depuis des annĂ©es.

La fin de l’adolescence en une soirĂ©e.

UneVieSansBarjot1C’est un rĂ©cit sur l’adolescence qui nous est proposĂ©. Mathieu et ses copains sont suffisamment attachants pour nous tenir en haleine, eux qui Ă©cument les fins de soirĂ©e pour retrouver NoĂ©mie. Au final, « Une vie sans Barjot » ne raconte pas grand-chose et fait fonctionner pas mal de clichĂ©s. Mais cette ambiance de dĂ©ambulation nocturne ne laisse pas indiffĂ©rent. La fin casse d’ailleurs un peu cette sensation de fin d’époque. Dommage.

La narration est ainsi purement chronologique et son rythme adopte celui des hĂ©ros. Peu d’ellipses, tout se suit et forme un tout. Le dĂ©coupage en quatre bandes des planches renforce cette impression de temporalitĂ©. On marche avec les personnages, on attend avec eux
 En cela, « Une vie sans Barjot » forme un tout parfaitement cohĂ©rent avec son sujet !

Le dessin de StĂ©phane Oiry est vraiment adaptĂ© au rĂ©cit. Je ne connaissais pas ce dessinateur, mais son trait m’a conquis. Son dessin tout en noirs est parfaitement mis en valeur par une colorisation en bichromie qui permet un dĂ©coupage des scĂšnes. Beaucoup sont bleues (pour l’extĂ©rieur) et les changements vers le jaune ou le rouge apportent un contraste intĂ©ressant.

UneVieSansBarjot2

« Une vie sans Barjot » est une bande-dessinĂ©e sympa. Loin d’ĂȘtre rĂ©volutionnaire dans son propos ou dans son ambition, elle fait le travail. Elle rappellera certains souvenirs aux nostalgiques qui regrettent encore cette fille Ă  qui ils n’ont pas su dĂ©clarer leur flamme


avatar_belz_jol

note3

Leo Loden, T20 : Lagoustines Breizhées

leoloden20


Titre : Léo Loden, T20 : Langoustines Breizhées
Scénaristes : Christophe Arleston & Loïc Nicoloff
Dessinateur : Serge CarrĂšre
Parution : Août 2011


« Leo Loden » est une sĂ©rie qui fait son petit bonhomme de chemin. En effet, cet Ă©tĂ© a vu la parution de son vingtiĂšme tome. Depuis le dĂ©but, le scĂ©nario est l’Ɠuvre du cĂ©lĂšbre Christophe Arleston. Les dessins sont nĂ©s de la plume de Carrere. En cours de route, ils se sont associĂ©s Ă  Nicoloff. Le dernier opus s’intitule « Langoustines breizhĂ©es ». Toujours Ă©ditĂ© chez Soleil, il est d’un format classique. Son prix est d’environ dix euros.

Cette sĂ©rie est construite autour du personnage de Leo Loden. Ancien inspecteur de la police Ă  Marseille, il a montĂ© son cabinet de dĂ©tective privĂ©. Il mĂšne ses enquĂȘtes accompagnĂ© de son oncle Loco, ancien marin haut en couleur. Leo file le parfait amour avec une splendide femme pleine de caractĂšre qui s’avĂšre ĂȘtre commissaire. La particularitĂ© de cette sĂ©rie est que chaque enquĂȘte nous emmĂšne dans une rĂ©gion de France diffĂ©rente et nous permet de dĂ©couvrir les spĂ©cificitĂ©s locales.

Un mĂ©lange de polar et d’humour en Bretagne

Le titre de cet album est sans Ă©quivoque. Nos hĂ©ros vont dĂ©couvrir les charmes de la Bretagne. Nos deux dĂ©tectives partent dans le FinistĂšre rendre service Ă  un ami qui est sur une affaire. Une journaliste a disparu. Elle enquĂȘtait depuis des mois sur des passeurs d’hommes entre l’Afrique et l’Europe. Il apparait donc Ă©vident que tout cela est liĂ©. VoilĂ  donc la mission confiĂ©e Ă  nos hĂ©ros : retrouver la disparues et mettre en mal ce rĂ©seau


Cet album, Ă  l’image de la sĂ©rie, a deux objectifs. Le premier est de nous offrir une enquĂȘte rythmĂ©e et pleine de rebondissements. Le second est de nous divertir et de nous faire rire grĂące Ă  ses personnages et leurs caractĂšres. Cela fait de cet opus une lecture lĂ©gĂšre qui s’adresse Ă  toute la famille. Tout le monde peut thĂ©oriquement y trouver quelque chose. NĂ©anmoins, la question qu’il restait Ă  se poser Ă©tait de savoir si ses deux finalitĂ©s Ă©taient atteintes.

Concernant l’enquĂȘte, on ne trouve rien de rĂ©volutionnaire. D’ailleurs, c’est l’évolution de la sĂ©rie qui va dans un sens moins travaillĂ© dans ce domaine. En effet, concernant l’histoire, les auteurs privilĂ©gient les scĂšnes d’action au dĂ©triment d’une intrigue plus dense et originale. Les poursuites et les bagarres sont frĂ©quentes et laissent donc peu de place Ă  des retournements de situation. Je trouve cela un petit peu dommage car la richesse des premiers tomes de la sĂ©rie rĂ©side en grande partie dans l’attrait de l’histoire en elle-mĂȘme. Dans « Langoustines breizhĂ©es », elle n’est pas trĂšs Ă©paisse et sans rĂ©elle surprise.

CĂŽtĂ© humour, Loco nous offre encore beaucoup de bons moments de rigolade. Ce marin aux maniĂšres un petit peu rustres et Ă  l’appĂ©tit sans limite est la vraie star de la sĂ©rie. Dans cet opus, il ne déçoit pas. Chacune de ses apparitions ou de ses remarques est rĂ©ussie et gĂ©nĂšre une atmosphĂšre divertissante Ă  notre lecture. Le bĂ©mol vient des autres personnages qui apparaissent bien fades par rapport au vieux loup de mer. En effet, Leo est en retrait. Le fait de ne pas intĂ©grer sa conjointe dans l’histoire met de cĂŽtĂ© tous les gags dĂ©coulant de leurs disputes. C’est dommage. De plus, leur copain breton n’est pas assez travaillĂ©. C’est donc parce qu’il possĂ©dait un vrai potentiel comique.

Les dessins sont de leur cĂŽtĂ© dans la lignĂ©e des tomes prĂ©cĂ©dents. Ils se prĂȘtent parfaitement Ă  l’ambiance de l’album et Ă  sa nature. Il est relativement arrondi et s’assimile facilement. Les couleurs sont vives. Bref, un feuilletage rapide des pages nous laissent une impression colorĂ©e et dynamique. A dĂ©faut de nous prĂ©senter des planches mĂ©morables, Carrere nous offre un dessin agrĂ©able dans lequel on se plonge avec plaisir et aisance. L’auteur nous offre des personnages qui peuvent avoir certaines rĂ©actions et comportements assez  « cartonnesque ». Les colĂšres peuvent ĂȘtre hautes en couleur !

En conclusion, « Langoustines breizhĂ©es » est un album moyen. Il est loin de faire partie des meilleurs de la sĂ©rie. Il nous offre quelques bons moments et manque de densitĂ© pour qu’on soit rĂ©ellement captivĂ© du dĂ©but Ă  la fin. Disons que si il s’agissait du premier opus de « Leo Loden », je ne suis pas sĂ»r qu’aprĂšs sa lecture, je me plonge rapidement dans les autres tomes. Par contre, je n’ai pas regrettĂ© de l’acheter pour complĂ©ter ma collection. J’ai pris plaisir Ă  retrouver les personnages et me suis montrĂ© complaisant avec leurs aventures du fait de la sympathie qu’il m’inspire. Pour ceux qui ne connaissent pas cette sĂ©rie, je vous conseille davantage les premiers bouquins parus. Vous ne regretterez pas le voyage. Vos zygomatiques seront sollicitĂ©es.

gravatar_eric

note2

Canardo, T20 : Une Bavure Bien Baveuse

canardo20


Titre : Canardo, T20 : Une bavure bien baveuse
Scénariste : Sokal
Dessinateur : Sokal
Parution : Octobre 2011


Canardo est un de mes hĂ©ros de bandes dessinĂ©es prĂ©fĂ©rĂ©s. Je l’ai dĂ©couvert il y a des annĂ©es dans la bibliothĂšque de mes parents et ai continuĂ© Ă  suivre ses aventures une fois le cocon familial quittĂ©. Chaque nouvelle parution est un Ă©vĂ©nement et je m’empresse bien souvent de complĂ©ter ma collection sans trop tarder. Ce mois-ci est apparue dans les bacs des librairies « Une bavure bien baveuse » Ă©ditĂ© chez Casterman. Pour les non adeptes de cette sĂ©rie, elle est le fruit de l’imagination et du trait de Sokal. Sur la couverture, on dĂ©couvre notre hĂ©ros, de face. Il est avec la clope au bec, le regard inexpressif en train de jouer aux cartes. Au second plan, on dĂ©couvre une ravissante femme au dĂ©colletĂ© qui ne laisse pas indiffĂ©rent.

Pour ceux qui ne le connaissent pas encore, Canardo est un dĂ©tective privĂ©. Il a les traits d’un canard mais a toute l’apparence d’un Columbo qui abuserait un peu de la bouteille et ne frĂ©quenterait pas rĂ©guliĂšrement la salle de bain. Il a pour habitude de se voir confier des affaires sans grande envergure. Ses enquĂȘtes le mĂšnent souvent dans les bas-fonds de la ville et dans des endroits plutĂŽt glauques.

La disparition de l’inspecteur de police ne fait pas que des malheureux…

Dans cet album, Canardo se voit confier une mission toute particuliĂšre. Le commissaire Garenni, avec trois grammes d’alcool dans le sang, est accusĂ© d’avoir tirĂ© sur un inspecteur de police au cours d’une fusillade. C’est une Ă©norme bavure qui met l’accusĂ© dans de sales draps. Il en est tellement dĂ©sespĂ©rĂ© qu’il fait appel Ă  ce cher Canardo pour connaitre la vĂ©ritĂ© sur cette affaire. Rapidement, notre hĂ©ros se rend compte que la disparition de cet inspecteur de police ne fait pas que des malheureux dans certains milieux obscurs


Cet opus est dans la lignĂ©e des prĂ©cĂ©dentes aventures de notre canard prĂ©fĂ©rĂ©. L’histoire est indĂ©pendante et ne nĂ©cessite aucun prĂ©requis particulier. La trame utilise les codes du polar noir. L’intrigue et l’atmosphĂšre sont travaillĂ©es. Certains moments sont lĂ©gers, d’autres plus lourds. Les Ă©motions sont variĂ©es. Les plus jeunes lecteurs n’y trouveront pas grand-chose. Par contre, les adeptes de romans policiers et de films Ă  ambiance seront ravis du voyage.

Le scĂ©nario est construit de maniĂšre classique. Les premiĂšres pages posent les jalons. Une bavure policiĂšre lors d’une attaque de banque marque le dĂ©but de notre lecture. On voit poindre l’erreur judiciaire. C’est Ă  ce moment-lĂ  qu’apparait notre hĂ©ros qui entame son enquĂȘte qui va l’amener Ă  remuer des milieux qui ne demandaient qu’à ĂȘtre oubliĂ©s. La narration ne souffre pas de temps morts. Aucune case n’est inutile. Chacune apporte son information ou son changement d’angle de vue qui attise notre curiositĂ©. Les rebondissements sont frĂ©quents. Ils sont d’ailleurs un peu trop nombreux dans la derniĂšre partie. Il en dĂ©coule un dĂ©nouement que je trouve quelque peu brouillon.

Comme souvent, Sokal nous offre une galerie de personnages variĂ©e. Je passe rapidement sur Canardo qui est fidĂšle Ă  lui-mĂȘme. La moindre des choses qu’on puisse dire est qu’il ne paie pas de mine. L’autre personnage central prend les traits du commissaire Garenni. Ce looser alcoolique attire rapidement notre sympathie. A dĂ©faut d’ĂȘtre un policier ne serait-ce que correct, il ne mĂ©rite pas pour autant d’ĂȘtre un innocent condamnĂ©. La traditionnelle femme fatale de cet album prend les traits de l’inspecteur Manta. Cette mante religieuse ne laisse indiffĂ©rent la gente masculine tout en dĂ©gageant un lĂ©ger sentiment de malaise. A ce trio principal, s’ajoute un bon nombre de malfrats dignes de tout bon film noir. On les trouve dans des bars mal famĂ©s dont j’aurais personnellement du mal Ă  franchir le seuil de la porte.

A mes yeux, le principal attrait de cette sĂ©rie est son atmosphĂšre. Les pages de Sokal dĂ©gagement une ambiance particuliĂšre. Les deux tiers de l’album rĂ©pondent Ă  mes attentes. L’immersion de Canardo dans les arcanes glauques de son enquĂȘte dĂ©gage un vrai quelque chose. Par contre, je trouve la derniĂšre partie de l’histoire plus confuse. Cela a eu pour consĂ©quence de me sortir quelque peu de ma lecture. Je redeviens spectateur de Canardo alors que le dĂ©but me laissait sentir que je lui emboitais le pas. Le cĂŽtĂ© brouillon du dĂ©nouement fait que l’atmosphĂšre dĂ©gagĂ©e est moins intense. C’est dommage. 

CĂŽtĂ© dessins, la qualitĂ© est identique Ă  celle qui accompagnait la lecture des prĂ©cĂ©dents tomes. J’ai donc une nouvelle fois apprĂ©ciĂ© le trait de l’auteur. Le fait que les personnages possĂšdent des traits animaliers est assez rĂ©ussi et participe Ă  l’identification de la sĂ©rie. MalgrĂ© un style simple et facile d’accĂšs, les cases sont fournies et pleines de petits dĂ©tails. Les dĂ©cors sont travaillĂ©s et cela participe activement Ă  la qualitĂ© de l’ambiance qui transpire des pages.

En conclusion, ma lecture s’est avĂ©rĂ©e agrĂ©able. J’ai pris beaucoup de plaisir Ă  dĂ©couvrir cette nouvelle aventure de Canardo. Le seul bĂ©mol, Ă©voquĂ© prĂ©cĂ©demment, concerne le dĂ©nouement que je trouve trop brouillon. Il y a trop d’évĂ©nements dans les derniĂšres pages. Cela a eu pour consĂ©quence de me sortir un petit peu de l’histoire, la fin arrivant finalement de maniĂšre assez abrupte. Je trouve dommage que la sortie ne soit pas davantage dosĂ©e. Cela aurait fait de cet album un des bons opus de la sĂ©rie tant son thĂšme et son message ne laissent pas indiffĂ©rents


gravatar_eric

note3

Atar Gull, ou le destin d’un esclave modĂšle – Fabien Nury & BrĂŒno

atargull


Titre : Atar Gull, ou le destin d’un esclave modĂšle
Scénariste : Fabien Nury
Dessinateur : BrĂŒno
Parution : Octobre 2011


J’ai eu le plaisir que l’on m’offre derniĂšrement la bande-dessinĂ©e « Atar Gull, ou le destin d’un esclave modĂšle ». Non seulement le scĂ©nario est tenu par Fabien Nury, qui m’a dĂ©jĂ  convaincu avec ses sĂ©ries « Je suis lĂ©gion » et « Il Ă©tait une fois en France », mais le dessin est rĂ©alisĂ© par BrĂŒno, dont le travail m’a Ă©tĂ© louĂ© de nombreuses fois. Avec cet ouvrage, j’espĂ©rais dĂ©couvrir le travail de cet auteur en vogue. Ce livre est un one-shot d’un peu plus de 80 pages et est inspirĂ© d’un roman d’EugĂšne Sue. N’ayant pas lu ce roman, j’éviterai toute comparaison entre l’Ɠuvre originale et son interprĂ©tation en BD.

Atar Gull est fils de chef de la tribu des petits Namaquas en Afrique. La guerre avec les grands Namaquas fait rage et des hommes sont faits prisonniers. Toute la tribu pleure sauf lui. Atar Gull dĂ©clare alors que jamais il ne pleurera
 La BD est articulĂ©e selon deux livres : « La traversĂ©e » et « La plantation » auxquels s’ajoutent un prologue et un Ă©pilogue. Comme on parle ici d’un esclave, il va sans dire Atar Gull va se faire capturer par les grands Namaquas. Au lieu de manger leurs prisonniers, ils ont depuis appris Ă  les vendre aux blancs


Aucun manichĂ©isme : chaque personnage a ses raisons d’agir.

Le propos dĂ©veloppĂ© ici est particuliĂšrement sombre. L’esclavage n’est pas un sujet facile et Nury le traite ici sans manichĂ©isme. L’armateur qui procĂšde au commerce du bois d’ébĂšne est animĂ© par des intentions simples : pouvoir gagner assez d’argent pour rejoindre sa femme. C’est une des caractĂ©ristiques fortes de Fabien Nury : ses personnages ont souvent des bonnes raisons d’agir. Le tout commence donc par la traversĂ©e de l’Atlantique oĂč les auteurs dĂ©veloppent une vraie histoire de pirates. Le rĂŽle d’Atar Gull est ainsi trĂšs mineur. Il est seulement la plus belle piĂšce de la marchandise, un « Mandingo ».

L’arrivĂ©e aux AmĂ©riques change le tout. Atar Gull est vendu et travaille dans une plantation aux ordres du maĂźtre Wil. C’est vraiment Ă  ce moment-lĂ  que l’on perçoit toute la force du scĂ©nario. En effet, les Ă©vĂšnements avancent, souvent terribles, et les motivations d’Atar Gull nous sont toujours inconnues. On ne le comprend pas vraiment. Cependant, derriĂšre toute cette cruautĂ©, prĂ©sente Ă  tous les instants, on arrive Ă  ĂȘtre Ă©mu. Du grand art


Au niveau du dessin, j’avoue que le style de BrĂŒno m’a un peu gĂȘnĂ© au dĂ©part. Son trait est Ă©pais, sans concession, avec des aplats noirs importants, notamment dans ses visages. D’apparence simple, son dessin se rĂ©vĂšle bien plus complexe et intĂ©ressant une fois que l’on est habituĂ©. « Atar Gull » est aussi une bande-dessinĂ©e marquante graphiquement. Dans les moments forts, BrĂŒno sait donner Ă  son dessin la construction et le style qui fera rĂ©agir le lecteur. Un trĂšs bon dosage dans l’intensitĂ©. Le tout est colorisĂ© par aplats trĂšs simples, sans ombre. Le tout renforce le style de BrĂŒno, trĂšs brut. Les couleurs sont bien utilisĂ©es, renforçant l’atmosphĂšre de chaque lieu ou moment.

« Atar Gull » est clairement dans le haut du panier de la bande-dessinĂ©e actuelle. Avec un scĂ©nario original et surprenant, des personnages hauts en couleur et un dessin exigeant et marquant, on sent qu’aucune concession n’a Ă©tĂ© faite. Les auteurs accouchent d’un ouvrage avec une personnalitĂ© forte. A dĂ©couvrir absolument.

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

note5

AbĂ©lard, T2 : Une BrĂšve Histoire de PoussiĂšre et de Cendre – RĂ©gis HautiĂšre & Renaud Dillies

abelard2


Titre : Abélard, T2 : Une brÚve histoire de poussiÚre et de cendre
Scénariste : Régis HautiÚre
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Septembre 2011


« AbĂ©lard » est un diptyque scĂ©narisĂ© par RĂ©gis HautiĂšre et dessinĂ© par Renaud Dillies. Trois mois seulement aprĂšs la sortie du premier tome, voilĂ  que se clĂŽt dĂ©jĂ  l’ensemble avec « Une brĂšve histoire de poussiĂšre et de cendre ». Nous avions laissĂ© AbĂ©lard le petit volatil en partance pour l’AmĂ©rique avec l’ours taciturne Gaston. Nous les retrouvons donc sur le chemin de la ville et du port, espĂ©rant se faire embarquer au plus vite. En effet, AbĂ©lard a entendu dire qu’il y a des machines volantes en AmĂ©rique. Il pourra ainsi dĂ©crocher la Lune pour Epilie, la jeune fille dont il est Ă©pris.

Dans le premier tome, AbĂ©lard faisait un peu office de personnage totalement innocent. N’ayant jamais connu autre chose que le marais, il en sort dĂ©sormais et va aller de surprises en surprises. La mer, la ville et surtout les gens
 Le petit volatil est totalement Ă©tranger Ă  tout. C’est une Ăąme pleine d’innocence lĂąchĂ©e dans un monde brutal. A la fin du premier tome dĂ©jĂ  se dessinait cette Ă©volution, on y entre ici de plein pied. La poĂ©sie fait rapidement place Ă  une noirceur terrible et finalement assez inattendue. En effet, le premier tome Ă©tait plutĂŽt lĂ©ger dans son propos. Le revirement est assez violent.

Un second tome pour les désillusions.

AbĂ©lard n’est en effet pas fait pour vivre dans le monde de la ville. Il n’est pas Ă©merveillĂ© par cet univers nouveau, il s’y retrouve en dĂ©calage total. Comment donc peut-il y trouver sa place ? Seule son amitiĂ© avec Gaston (le rayon de soleil de cet album ?) donne un peu d’espoir en l’humanitĂ©. Car sans Gaston, nul doute qu’AbĂ©lard ne serait pas allĂ© beaucoup plus loin que les abords du marais. D’ailleurs, le personnage de Gaston est assez central ici. Au premier abord violent, intolĂ©rant voire misanthrope, son Ă©volution lui donne le vrai premier rĂŽle de deuxiĂšme volet. 

A la lecture de ce tome, l’intĂ©rĂȘt du diptyque paraĂźt Ă©vident. Alors que le premier tome traitait des illusions (sur l’extĂ©rieur, la ville, l’AmĂ©rique, Epilie
), le deuxiĂšme tome est celui des dĂ©sillusions (sur les mĂȘmes sujets). MalgrĂ© sa poĂ©sie, « AbĂ©lard » est une sĂ©rie au propos bien noir.

Le dessin de Dillies est une fois de plus de haute volĂ©e. L’osmose entre HautiĂšre et Dillies est vraiment une grande rĂ©ussite. L’univers entre innocence, poĂ©sie et noirceur et parfaitement rendu par le trait faussement naĂŻf de Dillies. Son trait Ă©pais et indistinct, trĂšs dynamique, dessine des animaux Ă  l’apparence enfantine. Cet album, plus noir, est colorisĂ© de façon plus sombre globalement et installe par moment un vrai sentiment de malaise.

Tout ce que j’ai dit auparavant ne peut rĂ©ellement rĂ©sumer ce que j’ai ressenti Ă  la lecture de cet album. J’en ai eu des frissons. Il m’a simplement transportĂ© et m’a isolĂ© du monde le temps d’aller de la premiĂšre Ă  la derniĂšre page. C’est simplement un voyage dont on ne peut pas revenir indemne. Un chef d’Ɠuvre ?

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

note5

AbĂ©lard, T1 : La Danse des Petits Papiers – RĂ©gis HautiĂšre & Renaud Dillies

abelard1


Titre : Abélard, T1 : La Danse des Petits Papiers
Scénariste : Régis HautiÚre
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Juin 2011


Renaud Dillies m’avait beaucoup marquĂ© de son trait avec « Betty Blues » et « Bulles et Nacelles » oĂč il dĂ©veloppait un univers plein de poĂ©sie. A la suite d’une rencontre lors d’un festival, j’ai pu dĂ©couvrir son nouvel ouvrage, « AbĂ©lard » (premier tome d’un diptyque) en avant-premiĂšre, oĂč il assure le dessin pendant que RĂ©gis HautiĂšre s’occupe du scĂ©nario. Ce n’est pas la premiĂšre collaboration des deux hommes, qui ont dĂ©jĂ  signĂ©s « Mister Plumb » ensemble.

L’histoire fait intervenir AbĂ©lard, un poussin qui vit dans les marais, entre jeu de cartes et parties de pĂȘche. Ayant toujours vĂ©cu Ă  cet endroit, il ne peut s’empĂȘcher de s’interroger sur l’ailleurs, si inconnu Ă  ses yeux. Une rencontre avec une femme, Epilie, va changer sa vie. Pour elle, il va dĂ©cider de voyager, jusqu’à vouloir partir en AmĂ©rique.

Un road trip sous forme d’initiation.

« AbĂ©lard », aprĂšs une introduction dans les marais, ressemble fort Ă  un road trip sous forme d’initiation. N’ayant vĂ©cu que dans les marais, AbĂ©lard a Ă©tĂ© protĂ©gĂ© du vaste monde et est particuliĂšrement naĂŻf. Cette naĂŻvetĂ© est Ă  la fois trĂšs touchante et drĂŽle. Sa mĂ©connaissance du monde et des gens est vraiment amusante. Ainsi, il se retrouve Ă  voyager avec des gitans sans mĂȘme savoir qu’ils sont trĂšs mal acceptĂ©s par la population. Lui prend les gens comme ils sont, sans trop se poser de questions.

Au-delĂ  de l’apparence parfois simple de l’histoire se dessine une trame qui paraĂźt plus complexe. Ainsi, tout le monde semble connaĂźtre Epilie, lui donnant une image de dangerositĂ© que l’on ne comprend pas. Nul doute que le deuxiĂšme tome explicitera tout ça, mais tout cela participe Ă  une ambiance des plus Ă©tranges. Autre particularitĂ© d’AbĂ©lard : son chapeau lui donne chaque jour un message sous forme de proverbe ou citation. Ces messages, venus dont ne sait oĂč vont avoir une vraie influence sur l’histoire. Une petite curiositĂ© qui donne de la poĂ©sie Ă  l’ensemble.

Car « AbĂ©lard » a une poĂ©sie certaine, Ă  l’image du hĂ©ros qui monte dans un arbre pour « dĂ©crocher la Lune » Ă  sa dulcinĂ©e. Le graphisme surannĂ© fait mouche. Le choix de la palette de couleur met parfaitement en valeur le trait de Dillies. Celui-ci est toujours aussi indistinct et naĂŻf Ă  la fois. Les diffĂ©rents personnages, tous des animaux, sont tous trĂšs rĂ©ussis graphiquement. AbĂ©lard, en poussin naĂźf, est simplement adorable.

Dillies abandonne ici le gaufrier de six cases qu’il affectionne pour un dĂ©coupage plus variĂ©. C’est une rĂ©ussite et le tout tĂ©moigne d’une grande maĂźtrise. Le dessinateur n’hĂ©site pas Ă  prendre une page pour une case (voire mĂȘme deux avec cette incroyable carte de voyage pleine d’humour).

J’ai Ă©tĂ© particuliĂšrement sĂ©duit par « AbĂ©lard » tout au long des 64 pages de ce premier tome. Il me tarde dĂ©jĂ  d’en lire la suite. Son personnage, si naĂŻf, est particuliĂšrement attachant. Le scĂ©nario d’HautiĂšre est taillĂ© pour le style de Dillies. Une petite perle, simplement, rĂ©servĂ©e aux grands enfants. 

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

note5