Titre : Le Petit Christian
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Mars 2003
 AprĂšs avoir marquĂ© de son empreinte la bande-dessinĂ©e avec des Ćuvres telles que « Blotch » ou « Peplum », Blutch sâattaque Ă lâautobiographie avec « Le Petit Christian ». Ou plutĂŽt, câest ce que lâon est en droit de croire. Car Blutch nie lâaspect autobiographique de cet ouvrage bien que le personnage ait le mĂȘme prĂ©nom et soit alsacien⊠Quoiquâil en soit, on suit Christian, un jeune garçon, dans sa vie dâenfant.
La BD enfantine nâest pas nouvelle. On peut citer « Le petit Spirou »,« CĂ©dric », « Boule et Bill » ou plus rĂ©cemment « Titeuf » pour sâen convaincre. Difficile alors de se dĂ©marquer. Blutch le fait sans peine en adoptant un ton rĂ©solument rĂ©tro qui ne pourra simplement pas parler Ă des enfants. En sâadressant clairement Ă des adultes (ne serait-ce que par lâabsence de couleurs), Blutch Ă©vite lâĂ©cueil de faire une nouvelle BD de plus sur lâenfance.
Télévision & bande-dessinée
La vision de lâenfance de Blutch est toujours liĂ© Ă deux mĂ©dias essentiels Ă lâĂ©poque : la tĂ©lĂ©vision et la bande-dessinĂ©e. Le tout se passant il y a quelques dĂ©cennies en arriĂšre (on retrouve des rĂ©fĂ©rences Ă Steve Mac Queen, Rahan ou Placid et Muzo !), ces deux Ă©lĂ©ments sont traitĂ©s de façon complĂštement diffĂ©rents et contribue Ă la nostalgie du lecteur (ou lâĂ©tonnement pour les plus jeunes dâentre nous). En effet, on parle dâune Ă©poque oĂč les enfants sont obligĂ©s dâaller se coucher tĂŽt (sans regarder la tĂ©lé !), ou les BD paraissaient avant tout sur magazine et Ă©taient censurĂ©es par les parents. Ainsi, son personnage passe son temps Ă se projeter sur ses personnages. La plupart du temps, il se transforme en eux, soit il converse avec eux. Si le procĂ©dĂ© nâest pas nouveau, il est trĂšs rĂ©ussi ici.
La grande rĂ©ussite de Blutch est sans conteste lâĂ©cart quâil crĂ©e entre les adultes et les enfants. Quand les enfants parlent entre eux, ils sont enthousiastes, bavards, ça gueule, ça crie⊠Mais dans leurs rapports aux adultes, câest trĂšs diffĂ©rents. Les parents, les profs, le curĂ© sont tout puissants, souvent durs et sĂ©vĂšres et font partie dâun autre monde. Ce temps est clairement rĂ©volu car de nous jours lâenfant est roi. En cela, lâouvrage prend dâautant plus de sens. Cette distanciation est accentuĂ©e par le dessin. LĂ oĂč les adultes sont reprĂ©sentĂ©s de façon rĂ©aliste (et grave), les enfants sont dessinĂ©es dans un style naĂŻf. LâĂ©cart paraĂźt ainsi encore plus grand. Le dessin est tout en hachures et en noir et blanc. Le dessin des acteurs est particuliĂšrement soignĂ© et toujours en situation (John Wayne en militaire, Steve Mac Queen en cowboyâŠ), ce qui ajoute au cĂŽtĂ© dĂ©calĂ© de lâenfance.
« Le Petit Christian » est une ode Ă lâenfance et Ă son imaginaire. Son cĂŽtĂ© dĂ©suet renforce dâautant plus son propos. A cette Ă©poque, lire « Rahan » Ă©tait interdit par les parents (parce quâil y a des morts et des amazones peu habillĂ©es). On est bien loin de la pornographie et des images violentes auxquelles sont tĂ©moins les enfants aujourdâhui. En adoptant clairement une vision adulte et tendre de lâenfance, Blutch tape juste. A lire dâurgence !
Note : 17/20