Le goût du chlore

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Titre : Le goût du chlore
Scénariste : Bastien Vivès
Dessinateur : Bastien Vivès
Parution : Mai 2008


« Le goût du chlore » est l’une des premières bande-dessinées de Bastien Vivès. Parue en 2008, elle a permis à l’auteur de prendre son envol depuis avec de nombreux projets couronnés de succès. Dans cet ouvrage paru chez KSTR, on retrouve deux jeunes gens qui se rencontrent à la piscine. Le tout pèse pas moins de 135 planches.

Dans la BD, on suit un jeune homme qui a un problème de dos. Son kiné le pousse alors à aller nager, ce qu’il n’a pas vraiment envie. Il faut dire qu’il ne nage pas bien et qu’il a bien du mal à motiver des amis pour l’accompagner. Il découvre alors le « milieu » de la piscine municipale, avec des hommes en représentation, des vieilles femmes et… Une fille.

LeGoutDuChlore1« Le goût du chlore » est une romance. Si pudique qu’elle en perd un peu d’intérêt. Il y a très peu de dialogues dans l’ouvrage et une grande partie concerne la natation. En effet, la jeune fille enseigne au garçon comment mieux nager. L’intérêt de l’un pour l’une est évident, l’inverse semble plus long à se déterminer.

Si on enlève les scènes chez le kinĂ©, plutĂ´t anecdotiques, tout se passe dans la piscine municipale. Les personnages sont presque tout le temps en train de nager ou de barboter. Cela permet Ă  Bastien Vivès de laisser parler son obsession des corps (que l’on retrouvera plus tard dans « Polina »). Un corps sportif et attirant d’un cĂ´tĂ©, plus ingrat et chĂ©tif de l’autre. L’auteur dĂ©cide d’adopter le rythme rĂ©el du lieu. Ainsi, on nage plus qu’on parle dans l’ouvrage. Et au bout d’un moment, la lassitude nous atteint Ă  force de voir chaque mouvement dĂ©composĂ©, que ce soit pour la nage ou toute autre chose. Mais on n’est pas loin de l’exercice de style. Bastien Vivès fournit donc un travail intĂ©ressant qui ne plaira pas Ă  tout le monde.

Au niveau dessin, on retrouve le trait dynamique de Bastien Vivès. J’ai trouvé l’ensemble assez inégal. Certaines cases sont très réussies et puissantes. D’autres sont vraiment limites, même si elles sont liées au parti pris de l’auteur. Ce dernier écrit en fin d’ouvrage avoir réalisé l’album à l’été 2007, ce qui expliquerait ce côté inégal. La colorisation en vert/bleu de les décors mais en valeur les corps couleur chair des protagonistes. Mais l’ensemble reste assez froid.

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On peut souvent lire que « Le goût du chlore » retranscrit parfaitement l’ambiance d’une piscine municipale où des gens très différents vont nager et où le temps est rythmé par les longueurs. Mais c’est bien là le problème. Quand on va nager, le temps est souvent long et on s’ennuie un peu. Voilà l’effet que m’a fait cet ouvrage.

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Blankets – Craig Thomson

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Titre : Blankets
Scénariste : Craig Thomson
Dessinateur : Craig Thomson
Parution : Mars 2004


Une fois lu « Habibi », j’avais bien envie de continuer de découvrir Craig Thomson. Après une incursion (dispensable) en carnet de voyage, je récupérais enfin « Blankets », proclamé chef d’œuvre par de nombreuses critiques. « Blankets » est un ouvrage autobiographique sur la jeunesse de l’auteur. On y trouve un peu de son enfance et beaucoup de son adolescence. Au centre de cet épais bouquin (pas loin de 600 pages quand même…), sa première relation amoureuse. Le tout est publié chez Casterman dans la collection écritures.

Blankets1Craig Thomson nous met tout de suite dans un certain misérabilisme. Enfant, il dort avec son petit frère et ils ont froid quand bien même. Quelques anecdotes se succèdent, montrant une éducation à la dure où mieux valait filer droit. Hélas, la plupart des pages traitant de l’enfance n’ont pas vraiment d’intérêt pour la suite. On pourrait bien sûr penser que cela forge le caractère de Craig, mais tout cela est quand même bien décousu. On rentre réellement dans le vif du sujet quand il rencontre son premier amour.

Peu d’empathie pour le personnage.

Les amourettes, quand on est a vécues, c’est très touchant. Mais ici, l’histoire entre Craig et Raina n’a pas beaucoup d’intérêt. Tout cela est très plat et manque cruellement de recul. Et pourtant il y aurait de quoi dire : Raina a pour frère et sœur deux enfants handicapés et adoptés. Il ne reste plus qu’à ajouter des parents en plein divorce pour parfaire le tout. Du coup, les pistes de développement se multiplient (on peut ajouter la religion qui saupoudre le tout en permanence) sans vraiment nous intéresser. Et au fur et à mesure de la lecture, on se fatigue un peu de tout ça. Le personnage de Craig est très passif, peureux et on n’a finalement que peu d’empathie pour lui.

Au niveau du dessin, j’aime le trait de Craig Thomson. Dessiné au pinceau, il a beaucoup de force. C’est vraiment le point fort du livre. Le noir et blanc permet de bien traiter la neige (le livre n’est-il pas sous-titré « manteau de neige » après tout ?) et convient au propos. Malgré tout, il n’y a pas l’incroyable force des planches de « Habibi ». Le sujet s’y prête moins, certes.

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Quelle déception que ce « Blankets ». C’est long, lent, peu passionnant et pas touchant pour un sou. On sent l’intention derrière de traiter de nombreux sujets « graves », mais c’est finalement une amourette banale à laquelle on a droit. Les thèmes annexes, survolés, auraient peut-être mérité plus d’attention et non pas quelques pages rapides entre deux coups de téléphone à sa chérie.

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Note : 10/20

Chateaux Bordeaux, T5 : Le classement – Eric Corbeyran & EspĂ©

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Titre : Châteaux Bordeaux, T5 : Le classement
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Espé
Parution : Septembre 2014


« Châteaux Bordeaux » est une saga familiale née de la collaboration d’Eric Corbeyran et d’Espé. Elle nous immerge dans le quotidien d’un grand domaine viticole local. Edité chez Glénat, cette aventure m’a attiré par le nom de son scénariste plutôt que par sa thématique. En effet, depuis ma rencontre avec « Le chant des Stryges », je suis avec attention les différentes parutions signées du célèbre auteur bordelais. « Uchronie(s) » ou « Le Maître de jeu », fruits du même arbre créatif, sont deux autres séries que je conseille.

Contrairement à ces dernières intrigues, « Châteaux Bordeaux » est dénué de toute trace de fantastique. Elle débute par le décès de Monsieur Baudricourt, célèbre gérant du « Chêne Courbe ». La répartition de cet héritage devenait donc un enjeu de taille. Les deux fils souhaitent vendre ce patrimoine qui n’a de grand que le nom prestigieux. Mais leur petite sœur jusqu’alors exilée aux Etats-Unis, se fixe le défi impossible de donner à nouveau ses lettres de noblesse au domaine. Alexandra devient alors logiquement l’héroïne de cette aventure.

ChateauxBordeaux5bLe dernier épisode en date est le cinquième de la série. Il s’intitule « Le classement » et est apparu dans les librairies il y a quelques mois. Depuis la reprise de l’entreprise familiale par Alex, les épreuves se sont enchainées. Pour faire simple, chaque tome nous présente un souci majeur dans la mission que s’est fixée la néo-propriétaire. Ce nouvel opus est centré autour de l’appartenance du « Chêne Courbe » à un prestigieux classement de 1855 des vins du Médoc.

Des enjeux dramatiques assez secondaires.

Les auteurs font l’effort de greffer sur la trame familiale, une réelle présentation de l’univers viticole. Je dois vous avouer que ce milieu m’est inconnu et que la lecture de ces albums m’a appris énormément de choses dans le domaine. Si je regarde le verre à moitié plein, je dirais que le travail de recherche de Corbeyran est de grande qualité et remarquablement exploité. La vision du verre à moitié vide génère le sentiment que les enjeux dramatiques sont finalement assez secondaires en comparaison de la dimension documentaire de l’ensemble.

Le personnage d’Alexandra est attachant. Dès le début, le lecteur souhaite sa réussite et son bonheur. Les esprits chafouins lui reprocheront d’être dénué de toute zone d’ombre. Personnellement, j’ai accepté sans mal le côté parfait de l’héroïne. J’ai été touché par sa fragilité et admiré sa force face aux difficultés. Ce manichéisme est partiellement nuancé par une grande diversité de personnages secondaires. Certains d’entre eux soulèvent des interrogations quant à leurs réels objectifs et alimentent ainsi positivement l’intrigue.

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Le regret que je ressens à l’égard de ce bouquin est la faible densité narrative. Au final, une fois la lecture terminée, on ne peut pas dire que l’histoire est beaucoup avancée. Je comprends bien qu’il faut du temps pour faire un bon vin mais pour construire une belle saga, il n’est pas interdit de montrer un peu de rythme et d’intensité dans le déroulement des événements. C’était déjà le défaut des tomes précédents et je ne peux pas dire que ce « Le Classement » déroge aux habitudes. C’est d’ailleurs cette fragilité qui fait disparaître petit à petit l’aspect dramatique au profit du documentaire. Je trouve cela dommage.

Avant de conclure cette critique, je vais évoquer rapidement les dessins d’Espé. Loin de moi l’idée de négliger le travail graphique mais disons que les illustrations offrent un support solide à la narration mais ne la subliment pas. Les décors sont travaillés, les personnages sont identifiables sans difficulté. Néanmoins, je ne peux pas dire que les pages soient habités par une atmosphère qui transpire et envahit le lecteur. Je pense que le trait d’Espé est trop académique pour sublimer le propos.

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Au final, « Le classement » est un album honnête qui s’inscrit parfaitement dans la série à laquelle il appartient. La qualité de cette saga est constante et c’est un aspect appréciable car relativement rare. C’est une lecture qui se fait calmement, qui s’avère agréable mais qui ne remue pas les tripes et ne chatouillent pas les émotions. C’est dommage car je reste persuadé que le terreau scénaristique pourrait donner lieu à une lecture plus grave et intense. Peut-être pour au prochain épisode ?

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Note : 12/20

 

Châteaux Bordeaux, T4 : Les millĂ©simes – Eric Corbeyran & EspĂ©

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Titre : Châteaux Bordeaux, T4 : Les millésimes
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Espé
Parution : Septembre 2013


Eric Corbeyran est un de mes auteurs de bandes dessinées préférées. Il est particulièrement productif et possède une forte capacité à faire exister des univers très différents. Châteaux Bordeaux est une saga qui s’inscrit dans l’univers viticole. Il y fait exister le destin d’une jeune femme, Alexandra, qui cherche à faire exister à nouveau le domaine familial. Le quatrième tome est apparu le 4 septembre dernier dans les librairies. Edité dans la collection Grafica chez Glénat, il s’intitule Les millésimes. D’un format classique, il coûte 14 euros. Comme pour les précédents opus, la couverture est habitée par l’héroïne. On la découvre  ici dans une cave, un verre la main. Elle donne l’impression de vouloir trinquer avec le lecteur. Tout un programme…

La quatrième de couverture offre la mise en bouche suivante : « Alexandra Beaudricourt a repris en main l’exploitation familiale après la mort de son père, malgré la réticence de ses frères et surtout en dépit de son absence totale de connaissances en matière de viticulture. Une énergie et un enthousiasme hors du commun additionnés à un amour immodéré pour le bon vin sont ses principaux atouts. Suffiront-ils à lui permettre de surmonter les coups tordus du milieu et les vicissitudes du marché ? »

ChateauxBordeaux4aChâteaux Bordeaux s’inscrit dans la lignée de grandes sagas familiales telles que Les Maîtres de l’orgepar exemple. La différence est qu’elle ne traverse pas les générations et se concentre sur le destin d’un seul protagoniste. Néanmoins, à travers l’histoire, l’auteur arrive à nous faire découvrir le passé du domaine viticole et de la famille Beaudricourt. La structure narrative fait qu’il est indispensable d’avoir lu les trois premiers épisodes pour ne pas se sentir perdu en découvrant Les millésimes. L’intrigue se déroule de manière classique et s’adresse à un public large.

Un véritable panier de crabe

Quand elle décide de prendre en main l’entreprise familiale, Alexandra revient de plusieurs années aux Etats-Unis. Elle n’est pas du tout familier des us et coutumes locaux et découvre que l’univers viticole est un véritable panier de crabes. Cet aspect est habilement décrit par Corbeyran. J’ai eu le sentiment qu’un petit groupe de personnes font la pluie et le beau temps quant à la côte des crus locaux. En tant qu’étrangère au milieu, Alexandra souffre. Chaque nouvel espoir est souvent suivi par une désillusion imprévue et souvent douloureuse. Corbeyran utilise également de manière pertinente les arcanes administratives que sont la gestion d’un domaine. A aucun moment, il décide de rendre les choses plus simples pour laisser uniquement la place à une jeune fille qui arrive à faire un vin merveilleux. En ne négligeant pas les contraintes juridiques, financières et humaines, il rend la trame crédible et offre une tension dramatique plutôt réussie.

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Le tome précédent s’était conclu par une vision positive. Alors que l’héroïne était au fond du trou, elle se voit aider par son frère qui lui recrute une équipe compétente pour faire naître de ses vignes un vin de grande qualité. La conséquence est que ce nouvel opus nous fait découvrir entre autre le travail de cette nouvelle équipe et apporte au lecteur un vrai cours de viticulture et d’œnologie. Une scène de dégustation nous permet de comprendre tous les aspects qui influencent la qualité d’un vin. Il nous est listé les différentes erreurs qui ont fait des dernières cuvées des échecs. Ce moment est envoutant. Bien que personnellement je ne boive pas de vin, j’étais fasciné par le cours déroulé dans cette cave.

Cette série a nécessité une forte et dense recherche documentaire. Le monde du vin et de l’œnologie n’est pas aisé à comprendre et à maîtriser. Les auteurs se sont investis de manière sérieuse et appliquée pour offrir une narration crédible. Certes, à certains moments, cela offre des scènes au contenu magistral. Néanmoins, l’intérêt l’emporte bien souvent sur ce léger défaut de forme. A aucun moment, je n’ai eu le sentiment que Châteaux Bordeaux se contentait d’être un cours universitaire sur le vin, sa conception et son environnement. Comme toute saga, la série offre son lot de trahisons, de drames et de secrets. Tout cela reste classique mais est plutôt bien amené. L’empathie générée par l’héroïne fait que je me suis laissé prendre sans mal par cette vieille recette sérieusement cuisinée.

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Par contre, je ne suis pas totalement sous le charme du trait d’Espé. Les planches sont travaillées. Le travail sur les décors est évident. C’est important quand une histoire s’implique dans l’univers local. Les personnages sont suffisamment bien dessinés pour que le lecteur n’ait aucun mal à les différencier et à se les approprier. Néanmoins, je trouve qu’ils manquent de personnalité et que les dessins sont froids. Je trouve que les illustrations se contentent de servir de support au texte et à la narration. Je regrette que qu’ils ne subliment pas la trame. La thématique et l’héroïne se prêtent à des envolées sensorielles et émotionnelles. Hélas, le travail d’Espé reste en retrait dans le domaine.

Pour conclure, Les millésimes poursuit avec qualité les aventures d’Alexandra. L’héroïne est attachante et génère une réelle curiosité chez le lecteur quant à la réussite de son entreprise. Les personnages nous sont désormais familiers et c’est donc avec un vrai plaisir que je les ai retrouvés. La dernière page fait naître un vrai suspense pourtant imprévisible. Tout est donc fait que je sois attentif à la sortie du cinquième tome dans les mois à venir. Mais cela est une autre histoire…

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Note : 14/20

Châteaux Bordeaux, T3 : L’amateur – Eric Corbeyran & EspĂ©

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Titre : Châteaux Bordeaux, T3 : L’amateur
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Espé
Parution : Mars 2013


« Châteaux Bordeaux » est une série née il y a deux ans de la collaboration d’Eric Corbeyran et Espé. Son objectif était de faire naître une histoire dans l’univers du vin et de ses vignobles. Le premier tome m’avait plu. La dimension familiale de l’intrigue couplée à son immersion dans un milieu qui m’était inconnu avait fini de me conquérir. Ma critique d’aujourd’hui évoque le dernier épisode en date. Paru chez Glénat le treize mars dernier, « L’amateur » est le troisième opus de la saga. Sa couverture nous présente son héroïne, Alexandra, dans une cave habitée de nombreuses bouteilles qu’on suppose pleines de secrets.

La quatrième de couverture de l’album présente plutôt bien les enjeux de la trame : « Suite à la mort de son père, Alexandra Baudricourt est déterminée à reprendre en main le « Chêne Courbe », vaste propriété viti-vinicole que sa famille possède au cœur du Médoc. La belle héritière avait bien conscience de l’humilité dont il lui faudrait faire preuve pour apprendre le métier de vigneron, car la fabrication d’un grand cru ne s’improvise pas, mais elle n’imaginait pas que son domaine allait faire tant de convoitises, de jeu de dupes et de manipulations… »

L’intrigue fait du surplace.

Le premier tome nous présentait la situation. Les lieux et les personnages nous étaient décrits. La construction était rigoureuse, la curiosité attisée. Le deuxième se centrait davantage encore sur le personnage d’Alexandra qui se lançait pleinement dans son aventure entrepreneuriale. On suivait ses pas avec plaisir. Le dénouement faisait attendre avec impatience le troisième volet. J’étais donc optimiste en découvrant les premières pages de « L’amateur ».

ChateauxBordeaux3bL’histoire démarre par l’apparition d’un nouveau personnage. Il prend les traits d’un américain prénommé Logan. Il se présente comme étant photographe et rencontre l’héroïne au cours de son travail artistique. Il est intrigant. On se doute que le Bostonien ne nous dit pas tout et possède quelques secrets. Cet apport est attrayant et amène une nouvelle corde à l’arc narratif. Le nouveau venu apparaît tout au long de l’album et s’avère être un fil conducteur des pérégrinations d’Alexandra.

Si on met de côté l’arrivée de ce protagoniste, l’intrigue a tendance à faire du surplace. Le scénario distille beaucoup d’informations mais de manière, à mes yeux, trop brouillonne. On a droit à des flashbacks historiques, à des discussions familiales, à des problèmes techniques ou encore à des cadavres dans les placards. Bref, les ingrédients sont nombreux. Mais l’assaisonnement est mal dosé. C’est dommage. Au final, quand j’ai refermé le bouquin, j’ai pensé très fort : « Tout ça pour ça ! ». La conclusion de cet acte aurait pu arriver bien plus tôt dans l’histoire et cela aurait offert une lecture plus dense et prenante.

L’histoire se déroule dans le vignoble bordelais. Le fait d’être inscrit dans une réalité impose une certaine rigueur dans le travail de documentation. Le travail d’Espé sur les décors est sérieux. On n’a aucun mal à se sentir dans les rues bordelaises ou dans les vignes locales. Le dépaysement n’est pas envoutant mais il existe. Ce n’est déjà pas si mal. Les personnages sont dessinés avec précision. Je ne peux pas dire qu’ils soient attachants graphiquement mais je n’ai aucun à les différencier et me les approprier malgré leur nombre important.

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En conclusion, mon impression est un petit peu mitigée. Ce troisième tome est de mon point de vue le moins abouti de la série. Je n’irai pas jusqu’à dire qu’il est mauvais. Ce n’est pas le cas. Par contre, je n’ai pas retrouvé l’attrait qui se dégageait de la lecture des deux premiers opus. Cela ne m’empêchera pas d’attendre la suite avec curiosité en espérant que l’intrigue trouvera un second souffle et offrira une lecture pleine de plaisir…

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Note : 13/20

Châteaux Bordeaux, T2 : L’oenologue – Eric Corbeyran & EspĂ©

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Titre : Châteaux Bordeaux, T2 : L’œnologue
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Espé
Parution : Mars 2012


« L’œnologue » est le deuxième tome de la série « Châteaux Bordeaux » née il y a peu de temps. Le premier album m’avait beaucoup plu. Je m’étais laissé prendre par cette histoire. Je n’ai donc eu aucun mal à m’offrir rapidement la suite apparue dans les librairies il y a un petit peu plus de deux mois. Edité chez Glénat, cet ouvrage de format classique est vendu pour environ quatorze euros. La couverture nous présente une jeune femme entrant dans une cave remplie de tonneaux. La thématique viticole présentée par le titre se confirme par l’image. Les tons marron et jaunes génèrent une atmosphère envoutante. Le travail d’Espé est donc dans la lignée de ses travaux habituels. Mais, malgré ses talents, ce n’est pas le nom du dessinateur qui m’avait attiré vers cet ouvrage. C’est le nom d’Eric Corbeyran comme scénariste qui m’avait incité à découvrir cette nouvelle histoire. Depuis « Le chant des stryges », « Uchronies » ou encore « Black Stone » plus récemment je suis très attentif aux différentes parutions nées de la plume de cet auteur prolifique…

La quatrième de couverture de l’album nous offre les mots suivants : « Déterminée à reprendre en main le « Chêne Courbe », un vaste domaine viticole situé au cœur du Médoc, Alexandra Baudricourt se retrouve rapidement au pied du mur. D’un côté, elle doit affronter l’hostilité de son entourage de l’autre, elle sait que pour réussir elle va devoir tout apprendre car la production d’un grand cru ne s’improvise pas. Tandis qu’elle tente de percer les secrets de la propriété familiale, la jeune femme s’initie à la dégustation aux côtés d’un œnologue réputé afin de pouvoir se consacrer pleinement à sa nouvelle passion… »

Une grande saga familiale.

chateaubordeaux2a« Châteaux Bordeaux » entre la catégorie de ces grandes sagas familiales. Bon nombre de séries de bandes dessinées nous ont immergés à travers les méandres de célèbres familles sur plusieurs générations. On peut citer « Les maitres de l’orge » en est un célèbre exemple. Néanmoins, la série que j’évoque aujourd’hui n’a pas fait tout à fait le même choix. On retrouve l’unité de lieu et la notion de domaine familial. Par contre, on ne navigue à travers les époques. Le premier tome démarrait par le décès du patriarche et se concluait par le choix de sa fille de reprendre le domaine malgré sa non connaissance de cet univers. Cet opus reprend donc où le précédent nous avait laissé. On retrouve donc avec plaisir cette chère Alexandra pour qui on avait ressenti très vite de l’empathie.

Cette empathie envers l’héroïne était née très vite dans l’opus précédent. Elle arrivait des Etats-Unis pour les obsèques de son père. Ses frères l’incitent à vendre le domaine qui est un gouffre financier. Mais Alexandra, dans un élan de romantisme, décide de refuser cet état de fait et se met en tête de redonner au « Chêne Courbe » son lustre d’antan. Elle n’y connait rien mais ses compétences économiques et son envie doivent être ses outils. De plus, elles comptent sur ses frères pour l’accompagner. Mais ces derniers la lâchent et la mettent devant un ultimatum. Elle souffre mais ne renonce pas. Dans ce deuxième opus, comme son nom l’indique, elle profite des conseils dans un des plus grands œnologues du monde. Ce dernier l’accompagne dans son immersion dans cet univers. Ce parcours initiatique est assez passionnant. On s’implique pleinement en suivant les pas de notre jolie néophyte. Cet aspect de sa personnalité fait que le lecteur n’est pas uniquement spectateur et a une aisance à se mettre à la place du héros. C’est un choix scénaristique très intéressant à ce niveau-là.

Ce voyage dans le monde du vin permet de mettre en valeur la qualité et l’ampleur du travail de recherche de l’auteur. Sans tomber dans la tentation d’un cours magistral, Corbeyran arrive à nous faire découvrir ce monde sous tous ses aspects. Les rencontres entre Alexandra et l’œnologue nous présentent l’axe du vin pur, de sa qualité, de ses goûts. Je suis totalement inculte dans le domaine et j’ai pris énormément de plaisir à lire leurs différentes rencontres. Mais la dimension gustative est loin d’être la seule pour maitriser ce monde. Gérer un domaine a une dimension économique évidente mais également un aspect politique certain. Tout cela offre tous les ingrédients pour offrir une intrigue dans laquelle les coups bas sont légions et dans lesquels la confiance est une valeur toute relative. Les liens sont avant tout axés sur le pouvoir de nuisance. En tant que lecteur, notre attention est ainsi totalement sollicitée. Nos repères sont remis en cause en permanence. On n’arrive pas à statuer sur le camp de chacun des protagonistes. Qui est vraiment gentil ? A quoi pense untel ? Tel autre est-il si méchant ? Bref, cela nous offre une histoire prenante dans laquelle on souhaite de tout cœur la réussite d’Alexandra.

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Les dessins d’Espé accompagnent parfaitement notre lecture. Ils participent activement à notre immersion dans le monde du Médoc. Que ce soit les domaines viticoles, les châteaux ou encore les rues de la ville, tout participe à créer à ce monde dans lequel se construit cette histoire et dans lequel gravitent les différents protagonistes. Je pense que le travail de documentation mis en œuvre pour l’écriture du scénario est également mis à profit dans la création des décors. Espé n’a pas un style révolutionnaire ou qui marquent de manière indélébile le lecteur. Par contre, son style classique correspond parfaitement à cette saga familiale. Le travail de Dimitri Gofolin sur les couleurs accompagne parfaitement cet univers graphique.

En conclusion, « L’œnologue » est dans la lignée de la qualité du premier ouvrage. On se trouve dans une série classique mais agréable. Il s’agit d’un bon cru dans le genre. J’ai pris vraiment beaucoup de plaisir à m’immerger à nouveau dans les pas d’Alexandra. J’espère que le prochain tome sera de la même trempe mais cela est une autre histoire… 

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Note : 14/20

Châteaux Bordeaux, T1 : Le Domaine – Eric Corbeyran & EspĂ©

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Titre : Châteaux Bordeaux, T1 : Le Domaine
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Espé
Parution : Mars 2011


 « Châteaux Bordeaux » est une nouvelle série de bandes dessinées née de l’imagination d’Eric Corbeyran. Ce dernier est un scénariste particulièrement prolifique. Il faut être en effet perpétuellement aux aguets pour guetter chacune de ses nouvelles parutions. Néanmoins, l’apparition de « Le domaine », premier opus de cette nouvelle saga n’est pas passée inaperçue. Nombreux ont été les articles l’évoquant dans la presse généraliste. Il va sans dire que les médias plus habitués du neuvième art ne l’ont pas passée sous silence non plus. Etant un grand adepte de Corbeyran depuis ma découverte de « Le chant des stryges », je me suis donc empressé de m’offrir ce nouvel ouvrage. Paru le mois dernier, il est édité chez Glénat dans un format classique d’une cinquantaine de pages. Son prix est également sans grande surprise. Il est possible de se le procurer pour un petit peu plus de treize euros. Le scénariste s’est associé à un dessinateur que je ne connaissais que de nom jusqu’à maintenant nommé Espé. Cette lecture était donc l’occasion de découvrir son style. Le premier contact eu lieu en regardant la couverture nous présentant une ravissante jeune femme appréciant un verre de vin au beau milieu des vignes, le tout sous un ciel orangé.

chateauxbordeaux1a« Le domaine » étant le premier tome de la série, il ne nécessite donc aucun pré-requis avant de s’y plonger. Comme on pouvait s’en douter, l’histoire nous immerge dans la région bordelaise. On y suit les pas d’Alexandra, venue assister à l’enterrement de son père. Mais à peine la cérémonie terminée, les guerres de succession se déclenchent. Ses deux frères veulent vendre le domaine viticole dont ils héritent. La propriété est criblée de dettes et un acheteur est intéressé. Le souci apparaît quand Alexandra, pas œnologue pour deux sous, décide de reprendre en main l’affaire et de lui donner à nouveau le prestige qu’elle possédait jadis. Mais tout n’est pas si simple et beaucoup de gens ne semblent pas se satisfaire de sa décision…

Une dĂ©couverte de l’univers viticole.

L’attrait premier de l’album réside dans la découverte de l’univers viticole qu’il nous offre. Tout au long de la lecture, on navigue dans les vignes mais également dans les bureaux qui régulent cet univers a priori particuliers. En plus de cet aspect documentaire, « Le domaine » nous fait découvrir une histoire familiale avec les secrets, les non dits et les manipulations qui l’accompagnent nécessairement. On rencontre des personnages ambigus et on se doute que chacun n’est pas forcément celui qu’il parait être. Ensuite, on suit la mission que se fixe une jeune femme à la mort de son père. Novice en la manière, elle se fixe comme quête de redonner ses lettres de noblesse au domaine familiale. Tout cela rend la lecture de cet album intéressante et offre une lecture s’adressant à un public large.

Comme je le sous-entends précédemment, j’ai trouvé le scénario plutôt réussi. Bien qu’introductif, cet album nous amène un certain nombre d’informations. Quelques retournements de situation apparaissent, les personnages prennent place. Les dialogues sont riches. Etant personnellement étranger à l’univers du Bordelais, je goûte avec plaisir les informations sur ce milieu qui parsèment notre lecture. Elles concernent autant la fabrication pure et simple du breuvage que ses aspects économiques. Sans être magistral, l’auteur arrive à mettre en avant le côté documenté de son travail. Cela donne une dimension très réaliste à l’ensemble.

chateauxbordeaux1bDu fait de la trame scénaristique, on découvre une grande galerie de personnages. Le protagoniste principal est donc Alexandra. Exilée jusqu’alors aux Etats-Unis, elle décide changer de vie en s’installant au domaine. Très rapidement, on ressent de l’empathie pour elle. On sent une jeune femme accompagnée d’un idéal se plonger dans un milieu difficile dans lequel les règles paraissent rares et obscures. Son côté « chevalier blanc » et « seule contre tous » déclenche forcément la sympathie du lecteur. Je ne vais pas lister les autres intervenants de la trame car ce serait alors bien trop vous la divulguer. Mais sachez qu’ils sont nombreux et plutôt bien amenés.

La lecture est prenante. Dès les premières pages, on prend plaisir à naviguer dans les pas d’Alexandra. Sur ce plan-là, l’ambiance est très réussie. Notre lecture n’est pas neutre. On n’est pas indifférent à ce que l’on découvre. La narration n’est pas monotone. Bien au contraire, notre curiosité est souvent alimentée par une nouvelle information ou un nouvel événement. Le dépaysement est certain est c’est une avec une légère frustration qu’on découvre la dernière page et que notre voyage doit s’arrêter là.

Il va sans dire que l’apport des dessins est certain. Dans un premier temps, je trouve que les décors et les paysages sont très réussis. Qu’ils soient champêtres ou urbains, on n’a aucun mal à ressentir ou reconnaître les endroits dans lesquels on se trouve. Qu’on se balade dans des vignes ou sur une barque, qu’on découvre des caves ou des bureaux d’avocats, tout est réaliste et tout participe à développer le plaisir de la lecture. De plus, je trouve les personnages bien dessinés. On n’a aucune difficulté ni à les reconnaître ni à sentir les caractères. Chacun dégage une impression personnelle qui densifie l’histoire.

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Pour conclure, cette dĂ©couverte de « Le domaine » a Ă©tĂ© un moment très agrĂ©able. Je me suis très vite passionnĂ© pour l’histoire et je ne vous cache pas que je guetterai l’apparition de la suite avec une grande attention. J’espère que cette saga familiale prendra l’ampleur que semble lui offrir son premier opus et qu’elle ne tombera pas Ă  la manière d’un soufflet. C’est toujours la crainte que je ressens après un tome initial rĂ©ussi et prometteur. De plus, le fait que l’intrigue se dĂ©roule dans le milieu viticole est quelque chose qui m’a beaucoup plu, il est toujours intĂ©ressant de dĂ©couvrir un univers jusqu’alors inconnu. Il ne me reste plus qu’à vous conseiller d’aller Ă  sa rencontre Ă  votre tour.

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Note : 16/20

Breakfast after noon

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Titre : Breakfast after noon
Scénariste : Andi Watson
Dessinateur : Andi Watson
Parution : Septembre 2002


Les romans graphiques ont explosĂ© dans les annĂ©es 2000, rĂ©vĂ©lant Ă  la fois des pĂ©pites comme des Ĺ“uvres sans grand intĂ©rĂŞt. L’allongement de la pagination a permis aux auteurs de s’exprimer plus longuement et de travailler Ă  la psychologie de leurs personnages plus en profondeur. Atteignant près de 200 pages, « Breakfast after noon » d’Andi Watson saura-t-il titiller l’intĂ©rĂŞt jusqu’au bout de la lecture ? Surtout que c’est le trait au pinceau de l’auteur qui m’a au premier abord attirĂ©. Le tout est publiĂ© chez Casterman dans la collection Ă©critures. Continuer la lecture de « Breakfast after noon »

Blast, T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T4 : Pourvu que les bouddhistes se trompent
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Mars 2014


« Blast » est un OVNI du neuvième art. Depuis la sortie de son premier tome il y a presque quatre ans, cette série est amenée à marquer profondément ses lecteurs. Ce roman graphique né de l’imagination et de la plume de Manu Larcenet est un uppercut permanent. Cette saga est une tétralogie. Le sept mars dernier est apparu l’épisode ultime du parcours de Polza Mancini, ce personnage pas comme les autres. Ce dernier opus s’intitule « Pourvu que les bouddhistes se trompent ». Edité chez Dargaud, cet ouvrage se compose de cent quatre-vingt-quinze pages. Il coûte vingt-trois euros. La couverture se partage en deux plans. Le premier nous présente Polza, revenu à l’état sauvage. Le second nous présente Carole assise un révolver dans la main. Le dénouement approche et nous pouvons légitimement l’appréhender.

La quatrième de couverture fait parler Mancini qui s’adresse à nous : « Un vent lourd, puant suie et cadavre, gronde sur la route et me glace. L’orage approche. Je ne cherche aucun abri, il n’en existe pas à ma taille. Je claudique au bord du chemin, ivre comme toujours, dans l’espoir que la distance entre nous se réduise que nos peaux se touchent enfin. Sali, battu, hagard, je repousse le moment où, le souffle court et les pieds meurtris par de mauvaises chaussures, je devrai m’arrêter. Serai-je encore assez vivant pour repartir ? »

Tour Ă  tour Ă©mu, touchĂ©, Ă©nervĂ©, choquĂ©, compatissant, dĂ©goĂ»tĂ©, horrifiĂ©…

Polza Mancini est un personnage riche qui ne peut pas laisser indifférent. Pire que cela, il arrive à générer tous les spectres des sentiments possibles. Tour à tour j’ai été ému, touché, énervé, choqué, compatissant, dégoûté, horrifié et j’en passe. D’une page à l’autre, nos émotions sont chamboulées. La vie de Polza est celle d’un clochard comme il l’affirme. Elle alterne donc entre des moments de poésie dans la forêt ou près d’une rivière avec des moments durs inhérents à la vie dehors. Tous les marginaux ne sont pas stables et bienveillants, loin s’en faut. D’ailleurs le Mancini n’est pas dénué de défaut : il est alcoolique, drogué, instable, sale. A cela s’ajoute un physique difforme qui incite à détourner le regard. Bref, il fait partie des gens qu’on n’oublie mais qu’on ne souhaite pas croiser à nouveau.

Mais Polza ne nous conte pas son histoire au coin du feu. Il est en garde à vue. Il est accusé du meurtre de Carole, une jeune femme que les premiers tomes ont petit à petit fait apparaître dans la vie de Mancini. L’album précédent se concluait par une rude révélation : Carole aurait tué son propre père. C’est donc ici que reprend la trame pour ce dernier acte.

A la suite de son évasion de l’hôpital, Polza est hébergé chez un des anciens pensionnaires prénommé Roland. Ce dernier vit dans une ferme reculée avec sa fille Carole. Mancini ne quittera plus cette ferme jusqu’à son interpellation par la police. Pour la première fois, Polza est sédentaire. Bien qu’il affirme être irrémédiablement attiré par un départ dans la forêt, il ne franchit jamais le pas. Il semble attaché à sa nouvelle famille. L’équilibre qui régit la vie de cette petite communauté est remarquable décrit par Larcenet. Alors qu’on pourrait y voir une fille aimante et dévouée qui s’occupe de son père malade et qui accueille un sans-abri en quête d’affection. Mais tout cela est bien plus compliqué, malsain et inquiétant. Chaque rayon de soleil précède une longue période sombre sans lumière. L’issue nous est connue. Elle est triste et fatale. Le moins que nous puissions dire est que le chemin qui y mène n’est pas plus joyeux.

Côté dessin, le voyage est intense. Le travail graphique de Larcenet est impressionnant. Son œuvre est quasiment entièrement en noir et blanc. Il fait naître une grande galerie d’atmosphère. Que les scènes soient intimes ou que ce soient des paysages, que les moments soient légers ou horribles, tout nous pénètre profondément. Je n’ai pas le vocabulaire suffisamment riche pour vous transcrire les sentiments ressentis devant les planches ou les termes précis et techniques qui permettraient d’expliquer la qualité du travail. Je ne peux donc que vous inciter à ouvrir aux hasards ce tome et en lire quelques pages. Ce sera la meilleure manière de vous imprégner et de savourer les remarquables illustrations qui accompagnent cette histoire qui l’est tout autant.

« Pourvu que les bouddhistes se trompent » conclue avec maestria cette grande saga. La dernière partie de l’ouvrage est une invitation à la redécouvrir avec un regard neuf. Cette série est une œuvre majeure de ma bibliothèque. Je pense que je m’y plongerai régulièrement quitte à prendre du plaisir de lecteur à souffrir. « Blast », c’est une expérience qui ne laisse pas indemne…

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Note : 19/20

Blast, T3 : La tĂŞte la première – Manu Larcenet

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Titre : Blast, T3 : La tête la première
Scénariste : Manu Larcenet
Dessinateur : Manu Larcenet
Parution : Octobre 2012


« Blast » est incontestablement un OVNI dans la bibliographie de Manu Larcenet. Sa célébrité est née du succès de séries telles que « Le retour à la Terre », « Donjon Parade », « Le combat ordinaire » ou encore « Chez Francisque ». J’ai toujours suivi son travail. Il a su me faire rire souvent et m’émouvoir de temps à autre. Bref, cet auteur est incontestablement un des écrivains en vogue du neuvième art. Son aura prend une toute autre ampleur lorsqu’apparait « Grasse carcasse » dans les librairies. Premier épisode de sa nouvelle saga, cet album se démarque. Le format est plus carré, il se compose de deux cents pages et l’identité graphique est noire et blanche. Une fois la lecture entamée, l’atmosphère glauque, triste et dépressive nous envahit et ne nous laisse pas indemne une fois terminée. Bref, « Blast » organise un voyage unique qui ne peut pas laisser indifférent. C’est donc avec un plaisir intense que j’ai découvert la parution en octobre dernier du dernier acte des aventures de Polza Mancini.

Son héros est accusé d’avoir agressé une femme. Il est en garde à vue, écouté par des policiers. Ces derniers cherchent à savoir comment cet acte a pu avoir lieu. Mais Polza veut tout expliquer. Cela part de son enfance, de la mort de son frère et de son père. Et surtout il évoque son premier Blast, état d’extase profonde qu’il obtient en abusant d’alcool ou de substances illicites. Sa vie de clochard, en dehors des sentiers battus, se résument donc à des rencontres hasardeuses et la quête du blast. Son physique ingrat fait de lui un paria volontaire de la société. Dans l’opus précédent, il croisait Jacky qui s’avérait être un serial killer. Ce nouvel acte présente de nouvelles rencontres qui ne laissent pas indemne à la fois le héros et ses lecteurs…

Un hĂ©ros malade Ă  l’intelligence particulière et alambiquĂ©e.

Cet ouvrage se démarque des deux précédents par la narration de l’internement de Polza. Suite à une tentative de suicide difficile à soutenir, Mancini se trouve enfermé dans une structure hospitalière qui lui impose une thérapie psychanalytique. On n’a jamais douté du fait que le héros est malade et nécessite des soins. Mais c’est la première fois depuis le début de l’histoire qu’on le découvre dans les mains du corps médical. Son intelligence particulière, inquiétante et alambiquée prend une autre ampleur quand elle se confronte à la réalité. Son refus de se soigner, sa manière de manipuler et de mépriser les codes font que tout espoir à son égard disparaît. Il ne veut pas saisir la main qu’on lui tend. On s’en doutait mais on souffre de voir cela se confirmer.

En dehors de la période médicale de l’intrigue, Larcenet nous offre des scènes particulièrement dures qui mettent mal à l’aise et qui font souffrir. L’auteur n’utilise aucun filtre pour décrire la vie de cet homme errant. On sent particulièrement bien l’angoisse de la nuit. Toutes les bêtes féroces sortent de leur tanière et l’animalité de l’homme prend une toute autre ampleur qui est loin de laisser indifférent. Le talent de l’auteur pour alterner des moments bavards et des moments complètement silencieux participe activement à cette atmosphère oppressante. La capacité que possède l’écrivain à dessiner des paysages nocturnes ou diurnes fait que nos émotions sont en permanence sollicitées.

Je ne voudrais trop vous en dévoiler. En effet, le plaisir réside également dans les nombreuses interrogations qui se posent à nous quant au devenir de Polza. Le suspense est stressant tant la descente aux enfers du héros est permanente. Cet ouvrage est donc dans la lignée des deux premiers opus. Il s’agit là d’un vrai compliment tant je suis adepte de cette saga qui est unique dans son genre et qui ne laissera personne indemne une fois le bouquin refermé. Mancini continue à nous hanter…

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Note : 17/20