Le troisiĂšme testament, Julius, T4 : Livre IV – Alex Alice & ThimothĂ©e Montaigne

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Titre : Le troisiÚme testament, Julius, T4 : Livre IV
Scénariste : Alex Alice
Dessinateur : Thimothée Montaigne
Parution : Avril 2015


« Le TroisiĂšme Testament » est, Ă  mes yeux, un monument du neuviĂšme art. Sa dimension Ă©sotĂ©rique dĂ©veloppĂ©e dans cette Ă©poque mĂ©diĂ©vale est envoutante. De plus, la richesse du scĂ©nario mis en valeur par un dessin soignĂ© et prĂ©cis fait que chaque nouvelle lecture de cette sĂ©rie est un plaisir. La naissance il y a cinq ans d’une nouvelle branche Ă  ce solide chĂȘne qu’était cette saga m’a ravi. En effet, apparaissait dans les rayons de librairie le premier tome de « Le TroisiĂšme Testament – Julius ». Son intrigue Ă©tait bien antĂ©rieure Ă  celle du Comte de Marbourg. NĂ©anmoins, la perspective de dĂ©couvrir la vie de Julius ne pouvait pas laisser indiffĂ©rent un adepte de l’histoire scĂ©narisĂ©e par Xavier Dorison.

Julius4a« Le TroisiĂšme Testament
 Le livre ultime de la parole de Dieu. Au cƓur des lĂ©gendes mĂ©diĂ©vales qui entourent ce manuscrit, le nom d’un prophĂšte oubliĂ© : Julius de Samarie. Son histoire s’est perdue dans les brumes du temps
 jusqu’à aujourd’hui. » Voici les mots que nous pouvons lire sur la quatriĂšme de couverture. Ce prophĂšte occupe une place non nĂ©gligeable dans la tĂ©tralogie initiale. NĂ©anmoins, cette nouvelle aventure peut se lire de maniĂšre complĂštement indĂ©pendante. Il n’est pas nĂ©cessaire d’avoir suivi les pĂ©rĂ©grinations de Conrad de Marbourg pour profiter pleinement de cette nouvelle histoire. Toute personne attirĂ©e par les intrigues mystiques Ă  l’époque de la toute-puissance romaine devrait se laisser charmer par le destin de Julius


Ma critique d’aujourd’hui porte sur le quatriĂšme Ă©pisode de la sĂ©rie. Il s’agit du dernier en date. Il est paru chez GlĂ©nat en avril dernier. Le scĂ©nario est l’Ɠuvre d’Alex Alice et les dessins comme pour les deux opus prĂ©cĂ©dents sont le fruit du travail de ThimothĂ©e Montaigne. Il est Ă©vident que se plonger dans ce tome sans avoir lu les trois premiers me semble complexe. L’intrigue se construit autour d’un long voyage. Il est dommage de prendre le train en route. Certaines informations primordiales vous auraient Ă©chappĂ©.

Julius4bL’intrigue se construit autour du Sar Ha Sarim. Il est perçu par son peuple comme le Messie. Il entame un voyage vers l’Orient pour ouvrir les portes du Royaume des Cieux. Il entame un long pĂ©riple avec un petit groupe de disciples. Son trajet se clĂŽt Ă  la fin de l’album prĂ©cĂ©dent. Proche du but, il arrĂȘte sa quĂȘte et dĂ©cide de revenir sur ses pas en JudĂ©e. Il se sert de son aura pour unifier les rebelles et libĂ©rer son peuple de l’oppression romaine. Pendant ce temps, Julius, son ami est retournĂ© dans la montagne Ă  la recherche de la rĂ©vĂ©lation


Une rupture d’atmosphĂšre.

Jusqu’alors, toute l’histoire s’était construite autour d’un petit groupe de personnes qui parcourait les routes. La narration Ă©tait assez linĂ©aire. Les embĂ»ches se succĂ©daient. Les moments de doute Ă©taient nombreux. Bref, cette aventure Ă©tait une succession d’épreuves. La construction scĂ©naristique faisait que le lecteur se laissait aisĂ©ment portĂ© par cette mission. En effet, l’empathie dĂ©gagĂ©e par cette communautĂ© permettait Ă  la curiositĂ© d’ĂȘtre entretenue.

Ce « Livre IV » marque une rupture d’atmosphĂšre. Le hĂ©ros n’est plus en recherche divine. Il est retombĂ© dans son costume humain. Il mĂšne une guerre. Il est complĂštement possĂ©dĂ© par sa volontĂ© de vaincre. Il n’est plus un guide spirituel mais un gĂ©nĂ©ral d’armĂ©e. L’évolution est bien montrĂ©e. Le personnage que nous connaissions jusqu’alors semble avoir disparu. Il a laissĂ© place Ă  une machine Ă  tuer. Je trouve intĂ©ressant cette Ă©volution. Elle chamboule la routine agrĂ©able dans laquelle le lecteur Ă©tait blotti. MalgrĂ© tout, l’ouvrage en lui-mĂȘme n’est pas un condensĂ© de rebondissements. Il se dĂ©cline davantage comme une fuite en avant.

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Le personnage de Julius est moins prĂ©sent dans les planches de ce quatriĂšme tome. NĂ©anmoins, l’issue de son voyage est centrale dans l’évolution de la trame. Chacune de ses apparitions est un moment fondamental de la lecture. Les derniĂšres pages sont dans ce domaine un modĂšle du genre. Le lecteur sent l’Histoire en train de s’écrire. La dimension divine de sa quĂȘte prend ici tout son sens. La progression de son personnage depuis le premier Ă©pisode est passionnante. Il s’agit d’une belle rĂ©ussite.

Toute cette aventure est mise en valeur par le trait de ThimothĂ©e Montaigne. Il confirme le talent mis en lumiĂšre prĂ©cĂ©demment. Je trouve vraiment remarquable sa capacitĂ© Ă  faire exister des lieux et les protagonistes qui s’y trouvent. Ils alternent les points de vue et les diffĂ©rents plans pour offrir un dynamisme intĂ©ressant dans la lecture. Ce travail permet une immersion trĂšs forte du lecteur dans un monde et une Ă©poque difficiles. Les couleurs de François La Pierre subliment l’ensemble.

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Au final, ce « Livre IV » offre une suite sĂ©rieuse au destin de Sar Ha Sarim. Je regrette la faible prĂ©sence de Julius tant son rĂŽle est le plus intĂ©ressant de la saga. En tout cas, la lecture a Ă©tĂ© suffisamment plaisante pour que je me plonge Ă  nouveau dans la sĂ©rie initiale. Suivre Ă  nouveau les pas du Comte de Marbourg me permettra de supporter plus aisĂ©ment l’attente de la parution du « Livre V ».

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note4

Le combat ordinaire – Laurent Tuel

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Titre : Le combat ordinaire
RĂ©alisateur : Laurent Tuel
Parution : Juillet 2015


« Le combat ordinaire » est une Ɠuvre majeure de ces derniĂšres annĂ©es. Consacrant Manu Larcenet et inspirant toute une gĂ©nĂ©ration de dessinateurs, il est logique qu’elle soit aujourd’hui adaptĂ©e du grand Ă©cran. Les thĂ©matiques de questionnements existentiels sont parfaitement dans l’air du temps. Étant un grand fan de la bande-dessinĂ©e, c’est donc avant tout un critique comparative que je vais effectuer. Il m’est impossible de dĂ©cloisonner le film du livre, surtout que ces derniers sont trĂšs proches.

C’est Laurent Tuel qui dĂ©cide d’adapter le film en confiant le rĂŽle de Marco Ă  Nicolas Duvauchelle. Les trois premiers opus sont utilisĂ©s comme base de scĂ©nario, le quatriĂšme Ă©tant vaguement citĂ© par petits Ă©lĂ©ments. Ce choix d’adapter trois livres aboutit forcĂ©ment Ă  des coupes dans l’histoire. Celles-ci sont cohĂ©rentes, le rĂ©alisateur se concentrant sur les thĂšmes majeurs des ouvrages, dĂ©jĂ  nombreux (la filiation, la guerre d’AlgĂ©rie, les femmes, les ouvrier, la photographie, etc.).

Une adaptation (trop ?) fidÚle.

Si la force de la bande-dessinĂ©e rĂ©sidait dans un Ă©quilibre entre les moments graves et les moments d’humour, ce n’est pas le cas du film. Ce dernier se fait sombre et les moments de dĂ©tente sont quasiment inexistants. Les quelques rĂ©pliques humoristiques qui persistent sont dites avec gravitĂ© par les acteurs. Cela donne un manque de rythme au film. La bande-dessinĂ©e gĂ©rait parfaitement les cases muettes, donnant beaucoup de force aux silences. Mais Ă©videmment, dans un film, c’est un peu diffĂ©rent. Comme l’action est peu prĂ©sente, on se retrouve avec des scĂšnes de dialogues pleines de silences. Il faut dire que Laurent Tuel est restĂ© trĂšs fidĂšle Ă  la bande-dessinĂ©e. Les textes sont les mĂȘmes la plupart du temps, au mot prĂšs. Du coup, le fan aura bien du mal Ă  se dĂ©tacher de la bande-dessinĂ©e, tant il a imaginĂ© comment ces textes Ă©taient dits. Et il est clair que certains dialogues fonctionnent moins bien Ă  l’écran que sur la page. Une rĂ©Ă©criture n’aurait pas Ă©tĂ© forcĂ©ment un problĂšme.

Globalement, ce « Combat Ordinaire » manque de puissance. S’il est indĂ©niablement touchant, il est relativement pauvre en Ă©nergie. Les passages oĂč les personnages s’énervent sont fades. Personne ne crie, personne n’hurle, personne ne se bouscule. La violence est ici avant tout intĂ©rieure et contenue, et c’est bien dommage. Certaines scĂšnes auraient mĂ©ritĂ© une intensitĂ© plus forte.

Au niveau de la rĂ©alisation en tant que telle, c’est assez inĂ©gal. Certaines scĂšnes sont magnifiques, d’autres choix (notamment sur les gros plans) sont vraiment discutables.

« Le combat ordinaire » est une film honnĂȘte et touchant qui profite d’un scĂ©nario aux petits oignons. Peut-ĂȘtre trop fidĂšle Ă  la bande-dessinĂ©e (du moins aux dialogues), Laurent Tuel est quand bien mĂȘme arrivĂ© Ă  fusionner les trois premiers tomes dans un ensemble cohĂ©rent, gardant l’essence de ce qui fait l’Ɠuvre de Larcenet. Un peu de rythme aurait donnĂ© un vrai plus au film.

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note3

Seule pour toujours – Liz Prince

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Titre : Seule pour toujours
Scénariste : Liz Prince
Dessinateur : Liz Prince
Parution : FĂ©vrier 2015


Publier sous forme papier des blogs est devenu un flĂ©au dans l’édition. Les Ă©diteurs sans servent pour faire paraĂźtre des livres Ă  moindre frais puisque les pages sont dĂ©jĂ  dessinĂ©es. Et si certains blogs s’adaptent parfaitement Ă  l’exercice, la plupart rĂ©vĂšle leur mĂ©diocritĂ© une fois les notes alignĂ©es dans un mĂȘme livre. Liz Prince voit donc une sĂ©rie de notes de blog sortir chez Ça et LĂ , le tout pour douze euros.

Liz Prince n’a pas de chance. Elle est garçon manquĂ©, aime le punk et les hipsters et reste dĂ©sespĂ©rĂ©ment seule. Du coup, elle console avec ses chats. VoilĂ  le pitch de ces notes qui montre combien la jeune femme a du mal Ă  draguer ou, plus original, Ă  se laisser draguer. Il faut dire que son amour de la barbe tend Ă  l’obsession.

Un cÎté blog qui dessert le propos.

SeulePourToujours2Les notes varient de format. Beaucoup de pages uniques, mais Ă©galement des strips, voire mĂȘme trois/quatre pages de suite. Le tout est avant tout construit sur l’idĂ©e d’une chute, qui montre souvent Liz dĂ©sespĂ©rĂ©e et
 seule.

Si l’humour de Liz Prince nous fait sourire, le cĂŽtĂ© recueil de blog le dessert. En effet, les situations et effets comiques se rĂ©pĂštent, entraĂźnant forcĂ©ment une lassitude. Si une petite note publiĂ©e sur un blog fonctionne, sur papier c’est moins le cas. De plus, on Ă©vite mal le remplissage avec des anecdotes sans intĂ©rĂȘt ou dĂ©jĂ -vu. En soit, le livre nous fait dĂ©couvrir une auteure. Mais cela donne avant tout envie de lire son blog plus que de lire ses livres.

Niveau dessin, c’est underground. En noir et blanc, avec un trait trĂšs simple, Liz Prince joue tout sur l’expressivitĂ© des personnages. Cela fait le travail, mais c’est quand mĂȘme un peu lĂ©ger. Des trames sont parfois ajoutĂ©es donnant un peu de volume Ă  l’ensemble.

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« Seule pour toujours » ne fait pas une bonne publicitĂ© Ă  l’auteure. Le dessin n’est pas transcendant et l’aspect rĂ©pĂ©titif cache l’humour plutĂŽt rĂ©ussi. Et aprĂšs avoir lu le livre, je n’avais pas forcĂ©ment envie de me lancer dans les autres ouvrages de Liz Prince. IL faut arrĂȘter de publier pour publier, ça ne sert pas toujours les auteurs. Dommage.

note2

Alvin, T1 : L’hĂ©ritage d’AbĂ©lard – RĂ©gis HautiĂšre & Renaud Dillies

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Titre : Alvin, T1 : L’hĂ©ritage d’AbĂ©lard
Scénariste : Régis HautiÚre
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Juin 2015


« AbĂ©lard » est un diptyque des plus bouleversants qui avait su faire parler de lui. Le personnage d’AbĂ©lard, naĂŻf perdu dans la duretĂ© de la rĂ©alitĂ©, avait su Ă©mouvoir les lecteurs. Et les deux auteurs, RĂ©gis HautiĂšre au scĂ©nario et Renaud Dillies au dessin, s’Ă©taient trouvĂ©s, chacun semblant fait pour travailler avec l’autre. VoilĂ  que cette nouvelle sĂ©rie, « Alvin », reprend les choses lĂ  oĂč elles en Ă©taient restĂ©es. On retrouve donc le compagnon d’infortune d’AbĂ©lard, Gaston, dans sa tentative de survivre aux États-Unis. On est au dĂ©but du vingtiĂšme siĂšcle, la vie est rude.

Alvin1cIl serait dommage de commencer « Alvin » sans avoir lu prĂ©cĂ©demment « AbĂ©lard ». L’histoire est indĂ©pendante mais des rappels sont faits, souvent en sous-entendus qui plus est.

Alvin est un petit garçon, nĂ© d’une prostituĂ©e. Autant dire que son avenir n’est pas rose et que son prĂ©sent est dĂ©jĂ  compliquĂ©. Comme AbĂ©lard dans son temps, il apporte une touche de naĂŻvetĂ© (de par son Ăąge) dans l’histoire par ses questionnements, mĂȘme si la vie l’a dĂ©jĂ  sacrĂ©ment endurci.

L’amitiĂ© comme valeur de survie.

Les auteurs retrouvent sans peine le ton dont ils ont fait leurs histoires. On y rencontre de la grĂące, de la poĂ©sie, des drames, une vie qui vous broie mais que l’amitiĂ© permet de combattre. « Alvin » possĂšde un ton assez unique, typique des auteurs, qui touche profondĂ©ment le lecteur. En instaurant ce chapeau magique qui donne des dictons comme leçons de sagesse du jour, ils apportent un peu de magie dans leur univers. Quant aux silences et aux sous-entendus, ils donnent beaucoup de puissance aux Ă©motions.

Alvin1bLes personnages sont des plus vivants. Chacun a ses cicatrices et essaie d’apprivoiser les autres. Ils sont bougons, rĂąleurs, mais avant tout ils sont seuls et souffrent. L’empathie pour eux est totale et on traverse leurs existences en ne leur souhaitant que du bien. Pour cela, les auteurs ne nous aident pas !

Difficile de ne pas parler du dessin de Renaud Dillies, qui est l’un de mes prĂ©fĂ©rĂ©s, toutes catĂ©gories confondues ! Son dessin animalier, trĂšs enfantin dans l’esprit, est dotĂ© d’un encrage trĂšs personnel. C’est tout bonnement magnifique ! Ses personnages sont simples, mais plein de vie et d’expressivitĂ© ! Et que dire du dĂ©coupage… Une vraie maĂźtrise tant les pages muettes sont parlantes. Chaque case apporte ses informations et ses Ă©motions. Du grand art !

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RĂ©gis HautiĂšre et Renaud Dillies nous enchante une nouvelle fois avec une oeuvre commune. Parfaitement au diapason, ils crĂ©ent une nouvelle fois un livre oĂč leurs valeurs transparaissent. Un univers noir, fait d’exclus qui tentent de survivre en se serrant les coudes. Difficile de rester indiffĂ©rent Ă  ce Alvin. On n’attend plus qu’une chose : la suite.

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note5

Ulysse 1781, T1 : Le Cyclope (1/2) – Xavier Dorison & Éric HĂ©renguel

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Titre : Ulysse 1781 : Le Cyclope (1/2)
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Éric HĂ©renguel
Parution : Janvier 2015


Ulysse, le Cyclope
 Ces quelques mots raisonnent chez tout le monde et indique un voyage dans la mythologie grecque. Un long voyage, un retour Ă  la maison tant espĂ©ré  Les enjeux sont connus et universels. Xavier Dorison dĂ©cide d’immerger cette trame dans les Etats-Unis de la fin du dix-huitiĂšme siĂšcle. « Ulysse 1781 » : un hĂ©ros, une date
 Tout un programme. Je suis un grand fan de ce brillant scĂ©nariste du neuviĂšme art. « Le troisiĂšme testament » a marquĂ© mon Histoire de lecteur. « Long John Silver » a fait rĂȘver l’aficionado de piraterie que je suis. J’étais donc conquis d’avance en tombant sur cette couverture intrigante. Dans un endroit Ă  l’apparence hostile, le trait d’Éric HĂ©renguel nous prĂ©sente un personnage charismatique appuyĂ© sur une large Ă©pĂ©e. Une cascade au second plan semble ĂȘtre la seule maniĂšre de quitter l’obscuritĂ© qui l’entoure. Nous regarde-t-il ou ses yeux fixent-ils le Cyclope annoncĂ© dans le sous-titre de l’album ?

« 1781, Yorktown. La guerre d’IndĂ©pendance amĂ©ricaine vient de finir. Victorieux, le capitaine Ulysse McHendricks s’apprĂȘte Ă  rentrer chez lui avec son fils Mack et ses hommes. Mais le retour se prĂ©cipite lorsqu’il apprend que sa ville, New Itakee, est envahie par les Anglais. Ulysse et ses hommes vont devoir traverser une AmĂ©rique fantastique oĂč les boussoles ne trouvent plus le Nord, oĂč les cartes ont perdu leurs repĂšres, un monde entre rĂ©alitĂ© et mystĂšre
 »

Ulysse1781bLes mots ci-dessus accompagnent la quatriĂšme de couverture. Ils prĂ©sentent clairement les enjeux de l’intrigue. On devine qu’elle se construit autour d’un hĂ©ros Ă  la personnalitĂ© forte. La dimension historique est Ă©galement intĂ©ressante. Quant Ă  la derniĂšre phrase, elle fait naĂźtre la perspective d’un aspect fantastique toujours attrayant. On retrouve bien lĂ  la capacitĂ© de Dorison Ă  offrir un scĂ©nario Ă  la densitĂ© sĂ©duisante. L’album se compose de soixante-deux planches. Cette longueur permet de construire bĂątir un schĂ©ma narratif consistant. Cela laisse le temps d’installer des jalons solides tant sur les plans des lieux, de l’époque et des protagonistes.

La tension monte vite de plusieurs crans.

Pour caricaturer la structure du tome. Le premier tiers est une introduction de l’histoire et des personnages. Le deuxiĂšme tiers prĂ©sente le quotidien du groupe dans sa traversĂ©e du pays. Le derniĂšre tiers voit apparaĂźtre les premiers soucis et voit poindre le mystĂšre une dose de surnaturel. Le talent des auteurs fait que chacune de ces trois parties sont prenantes. Aucune n’est nĂ©gligĂ©e. L’introduction est efficace. Dorison s’interdit de la diluer comme le font bon nombre d’auteurs. Il arrive Ă  installer parallĂšlement les diffĂ©rents aspects de la trame. Ulysse1781cAlors que nous n’avons pas encore quittĂ© Annapolis, notre tension est dĂ©jĂ  montĂ©e de plusieurs crans. Les premiers moments de la traversĂ©e font transpirer un sentiment de fuite en avant vers le danger. La curiositĂ© s’en trouve alors alimentĂ©e de maniĂšre soutenue. Cela fait que nous sommes mĂ»rs Ă  point quand arrivent les premiers soucis dans un canyon dĂ©tenu par des indiens sous une pluie battante.

Cet opus est la premiĂšre partie d’un diptyque. Les derniĂšres pages initient le mystĂšre autour de la prĂ©sence mystique qui semble protĂ©ger les contrĂ©es traversĂ©es. Elles font rĂ©sonnance au court prologue qui introduit l’histoire. Je trouve que les ingrĂ©dients distillĂ©s sont variĂ©s et subtilement dosĂ©s. Il ne reste plus qu’à les laisser mijoter le temps d’attendre la parution de la suite que j’attends avec une certaine impatience.

Sur le plan graphique, je dĂ©couvre ici le travail d’Éric HĂ©renguel. Dorison a l’habitude d’ĂȘtre bien accompagnĂ© dans ses projets. La tradition perdure avec ce nouveau collaborateur. Le dessinateur offre des planches denses dont chaque dĂ©tail apparaĂźt avec application. Les dĂ©cors dĂ©gagent une atmosphĂšre de plus en plus oppressante au fur et Ă  mesure de l’avancĂ©e de la quĂȘte du groupe. Le voyage temporel dans cette AmĂ©rique sortant de la guerre d’IndĂ©pendance passe Ă©galement par les illustrations dĂ©veloppĂ©es par le trait de l’auteur. Les personnages sont Ă©galement rĂ©ussis. Ils possĂšdent une identitĂ© qui leur est propre. Cela permet de se les approprier sans difficultĂ©.Ulysse1781a

Pour conclure, « Le Cyclope » est un beau dĂ©but qui permet Ă  « Ulysse 1781 » d’ĂȘtre considĂ©rĂ©e comme une sĂ©rie de qualitĂ© au potentiel intĂ©ressant. La deuxiĂšme lecture m’a permis de saisir chaque dĂ©tail tant les dialogues, les dessins que l’intrigue. Je la conseille aux lecteurs adeptes de Dorison, ils ne seront pas déçus du voyage. Quant Ă  ceux pour qui le scĂ©nariste est encore inconnu, pourquoi ne pas le dĂ©couvrir en embarquant au cĂŽtĂ© d’Ulysse McHendricks ? 

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note4

Le grand mĂ©chant renard – Benjamin Renner

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Titre : Le grand méchant renard
Scénariste : Benjamin Renner
Dessinateur : Benjamin Renner
Parution : Janvier 2015


 

Sous le nom de Reineke, Benjamin Renner avait publiĂ© un ouvrage des plus sympathiques, « Un bĂ©bĂ© Ă  livrer ». Ce livre faisait intervenir les animaux de basse-cour dans une histoire rocambolesque pleine de rebondissements. À l’occasion de NoĂ«l, l’auteur avait proposĂ© sur son blog une nouvelle histoire oĂč, cette fois, les animaux essayaient de sauver les fĂȘtes de fin d’annĂ©e aprĂšs avoir exĂ©cutĂ© (pensaient-ils
) le PĂšre NoĂ«l
 « Le grand mĂ©chant renard », paru dans la collection Shampooing, reprend les personnages dĂ©jĂ  connus mais peut ĂȘtre lu indĂ©pendamment du reste. Comme son nom l’indique, le personnage principal est ici le renard. Le tout pĂšse quand mĂȘme plus de 180 pages.

Dans cette histoire, le renard ne fait peur Ă  personne, au grand dam de l’intĂ©ressĂ©. Il vient Ă  la ferme tous les jours, essayant de rĂ©cupĂ©rer une poule, mais se fait martyriser en permanence. Si bien que plus personne ne fait vraiment attention Ă  lui. Afin de manger enfin du poulet, il dĂ©cide de voler des Ɠufs. Car, aprĂšs tout, qu’y a-t-il de plus inoffensif qu’un poussin ? Bien Ă©videmment, rien ne va se passer comme prĂ©vu.

Un ouvrage destiné autant aux publics jeunesse et adulte.

LeGrandMechantRenard1Le style de Benjamin Renner se caractĂ©rise par une succession d’actions. Chaque dĂ©cision en amĂšne une autre, enfonçant le personnage de plus en plus dans son trou. Son personnage de renard est complĂštement dĂ©passĂ© par les Ă©vĂ©nements, les subissant en permanence. Cela crĂ©e une empathie Ă©vidente et l’humour de l’auteur fonctionne Ă  plein. On sourit en permanence, l’histoire ne faisant que peu de pauses dans les pĂ©ripĂ©ties de notre goupil.

Benjamin Renner rĂ©ussit la difficile tĂąche de crĂ©er un ouvrage aussi bien destinĂ© aux adultes qu’à un public plus jeunesse. Le tout est bon enfant, jamais vulgaire ou violent. Il joue sur les codes classiques du conte pour enfant (rien que le titre est assez Ă©vocateur !), mais son traitement humoristique touche les adultes sans problĂšme.

Concernant le dessin, difficile de passer Ă  cĂŽtĂ© du dĂ©coupage trĂšs dessin animĂ© (qui explique la forte pagination de l’ouvrage). Venant de l’animation, Benjamin Renner dĂ©compose les mouvements Ă  merveille. MalgrĂ© tout, l’abondance de cases lui permet aussi de caler les nombreux dialogues prĂ©sents. Au niveau du dessin proprement dit, je suis un grand fan. Le trait est vif, lĂąchĂ© avec dynamisme sur le papier et rehaussĂ© d’aquarelle. Une belle maĂźtrise d’un style animalier oĂč chaque animal est bien identifiĂ© avec peu de traits. Symbole de cette clartĂ© dans la simplicité : cette case oĂč le renard imite les mimiques du loup avec brio !

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« Le grand mĂ©chant renard » est un ouvrage bon enfant qui vous fera sourire et rire tout au long de ses pages. On est pris dans l’histoire, plein d’empathie pour ce pauvre renard qui voudrait ĂȘtre craint mais qui apprendra finalement qu’il vaut peut-ĂȘtre mieux ĂȘtre aimé 

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Note : 16/20

L’arabe du futur, T2 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985) – Riad Sattouf

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Titre : L’arabe du futur, T2 : Une jeunesse au Moyen-Orient (1984-1985)
Scénariste : Riad Sattouf
Dessinateur : Riad Sattouf
Parution : Juin 2015


Riad Sattouf s’est lancĂ© dans une importante autobiographie de jeunesse avec « L’arabe du futur ». Le premier tome Ă©tant reparti du festival d’AngoulĂȘme avec le Fauve d’Or, ce deuxiĂšme opus Ă©tait attendu au tournant. Se concentrant sur une annĂ©e de Riad en Syrie (contre 5-6 ans dans le tome prĂ©cĂ©dent), il prend le temps de dĂ©velopper le propos. Il faut dire que Riad vieillit et les souvenirs se font aussi plus prĂ©cis. Le tout est toujours volumineux (140 pages) et publiĂ© chez Allary Editions.

LArabeDuFutur2bOn avait quittĂ© Riad en Bretagne alors qu’il devait retourner en Syrie et commencer l’école. Cette derniĂšre prend une place non-nĂ©gligeable dans l’ouvrage et les Ăąmes sensibles sont priĂ©es de rester fortes : brimades et violences physiques sont de la partie dans les classes surpeuplĂ©es. L’auteur n’hĂ©site pas non plus Ă  questionner l’enseignement qui est fourni aux Ă©lĂšves (apprendre une sourate du Coran, certes, mais pourquoi ne pas en expliquer le sens ?). Il apprend donc aussi l’arabe en classe et, parallĂšlement, le français avec sa mĂšre.

Un pÚre lùche et menteur, une mÚre passive qui se réveille un peu.

CĂŽtĂ© famille, le petit frĂšre de Riad semble inexistant. Choix Ă©trange de la part de l’auteur qui n’en parle presque jamais. Quand il est mentionnĂ©, on se surprend Ă  se rappeler son existence. Le pĂšre, adulĂ© dans le premier tome par le petit Riad, est moins apprĂ©ciĂ© par son fils. Il paraĂźt toujours aussi lĂąche et menteur. Il passe son temps Ă  annoncer plein de choses et rien ne se concrĂ©tise. Ainsi, il est censĂ© devoir construire une grande villa pour sa famille qui continue Ă  vivre dans un appartement Ă  moitiĂ© vide et dĂ©labré  On est presque rassurĂ© de voir sa mĂšre, trĂšs passive auparavant, perdre patience, exigeant une cuisiniĂšre par exemple
 Cependant, elle protĂšge Riad de bien loin, empĂȘchant quand mĂȘme son pĂšre d’utiliser Ă  tout escient l’adage « c’était comme ça pour moi et, regarde, je suis docteur. »

L’ouvrage dĂ©crit donc de maniĂšre consciencieuse, par les yeux d’un petit garçon, la sociĂ©tĂ© syrienne des annĂ©es 80. On sent que le piston et les trafics en tous genres sont les seuls moyens de s’en sortir. Son pĂšre essaye bien de copiner, mais il ne fait pas partie du beau monde et n’arrive pas Ă  monter dans l’échelle sociale. AprĂšs des dĂ©buts de vie un peu mouvementĂ©s, la famille s’installe durablement en Syrie et on sent poindre les tensions. Ce deuxiĂšme livre dĂ©veloppe donc plus en longueur les relations entre les personnages.

Le dessin de Riad est toujours adaptĂ© au propos, les expressions des personnages faisant des merveilles. Le choix de la bichromie est pertinent. L’ouvrage est rose, teintĂ© de vert et de rouge. Seul le passage en France (qui paraĂźt du coup complĂštement dĂ©calĂ© dans ses atmosphĂšres !) est bleu afin d’accentuer les contrastes entre les deux pays.

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Riad Sattouf confirme tout le bien que l’on pouvait penser de son autobiographie. Si on retrouve la noirceur, l’humour et l’aspect documentaire de son premier tome, cet opus possĂšde sa propre identitĂ© en se concentrant plus longuement sur la Syrie.

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Note : 15/20

Barracuda, T5 : Cannibales – Jean Dufaux & JĂ©rĂ©my

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Titre : Barracuda, T5 : Cannibales
Scénariste : Jean Dufaux
Dessinateur : Jérémy
Parution : Juin 2015


DĂ©jĂ  le cinquiĂšme tome pour « Barracuda ». ScĂ©narisĂ© par le vĂ©tĂ©ran Jean Dufaux et dessinĂ© par le novice JĂ©rĂ©my, cette sĂ©rie de pirates a crĂ©Ă© la sensation dĂšs le dĂ©part avec son dessin splendide et son scĂ©nario impitoyable. Mais une fois quatre tomes derriĂšre, comment Ă©viter que le tout s’enlise inĂ©luctablement ? Car on sait bien qu’une sĂ©rie qui fonctionne bien est souvent rallongĂ©e. Est-ce le cas ici ? Le tout est publiĂ© chez Dargaud sous la forme d’un album classique.

Le titre de l’ouvrage spoile un peu l’histoire en s’intitulant « Cannibales »  Toujours est-il qu’on plonge rĂ©ellement dans l’histoire de base autour du capitaine Blackdog et du diamant du Kashar. Jean Dufaux nous avait habituĂ©s Ă  donner Ă  chaque tome son unitĂ©. C’est le cas ici. MalgrĂ© quelques Ă©vĂ©nements sur l’üle de Puerto Blanco, l’essentiel de l’ouvrage se passe sur une Ăźle perdue peuplĂ©e de cannibales.

Des codes classiques de la piraterie.

Barracuda5bEncore une fois, les auteurs utilisent les codes classiques de la piraterie pour nous sĂ©duire. Île perdue, cannibales, maladies, recherche de trĂ©sor, trahisons
 Le tout se lit avec plaisir, Jean Dufaux n’oubliant pas d’ajouter une bonne dose de barbarie pour nous Ă©mouvoir. MalgrĂ© tout, le propos est moins fort que dans les tomes prĂ©cĂ©dents.  Certes, il y a des cannibales, mais on ne sent jamais vraiment les personnages en danger. Ces derniers évoluent dĂ©sormais moins et on se retrouve dans une action/aventure plus classique. On pense Ă  Barbe-Rouge par moments. La premiĂšre partie de la sĂ©rie, qui construisaient les (jeunes) personnages Ă©tait plus intĂ©ressante que la seconde, plutĂŽt basĂ©e sur l’action.

AprĂšs avoir passĂ© beaucoup de temps sur Puerto Blanco (ce qui semblait finalement le thĂšme de la sĂ©rie malgrĂ© la rĂ©fĂ©rence au navire Barracuda), on s’en Ă©loigne donc. MalgrĂ© tout, la fin du livre donne l’idĂ©e d’un final sur l’üle (le tome 6 doit clore le rĂ©cit). Nous avons donc ici un tome de transition.

C’est Blackdog qui donne ici de la puissance au rĂ©cit. Sa gueule, son caractĂšre, son obsession en font un personnage fort. TrĂšs peu prĂ©sent aprĂšs le premier tome, il revient pour mieux terroriser tous les autres protagonistes. VĂ©ritable fantĂŽme, il est le facteur X de l’histoire : incontrĂŽlable et dangereux.

Au niveau du dessin, JĂ©rĂ©my continue de nous enchanter avec des planches de toute beautĂ©. Il n’hĂ©site pas Ă  jouer des couleurs, mettant en valeur les rouges de façon obsessionnelle. Ses ambiances sont rĂ©ussies et ses personnages ont tous des gueules bien identifiĂ©s. Cependant, je l’ai trouvĂ© un peu moins marquant, mais peut-ĂȘtre est-ce seulement que je me suis habituĂ© Ă  son style. Un auteur qui s’est rĂ©vĂ©lĂ© dĂšs le premier tome et qu’on aura le plaisir de retrouver dans d’autres sĂ©ries plus tard.

Barracuda5a

Ce tome 5 m’a laissĂ© un peu sur ma faim. « Barracuda » commençait Ă  s’essouffler et le sixiĂšme et dernier tome arrivera Ă  point nommĂ©. Tout est dĂ©sormais bien posĂ© pour un final en apothĂ©ose. En espĂ©rant que les auteurs arriveront Ă  refermer les nombreuses histoires secondaires qu’ils ont dĂ©veloppĂ©es. Quant aux personnages, on se demande bien qui arrivera Ă  survivre Ă  la boucherie qui s’annonce !

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Note : 14/20

Manuel de la jungle – Nicoby & Joub

ManuelDeLaJungle


Titre : Manuel de la jungle
Scénaristes : Nicoby & Joub
Dessinateurs : Nicoby & Joub
Parution : Mai 2015


Joub et Nicoby avait plutĂŽt bien rĂ©ussi leur biographie « Dans l’atelier de Fournier ». Ils s’y prĂ©sentaient, interviewant l’auteur sur son passĂ©. Cela est en train de devenir une de leur spĂ©cialitĂ©. Au point qu’ils partent rĂ©aliser un livre sur la jungle, en Guyane. Joub vivant Ă  Cayenne, ils ont l’idĂ©e de retrouver deux instituteurs baroudeurs et de partir quelques jours dans l’Enfer vert afin de voir combien ce terme est galvaudĂ©. Le tout est donc scĂ©narisĂ© par Nicoby et Joub. Le premier dessine, le second colorise le tout. C’est paru chez Dupuis pour 140 pages de bande-dessinĂ©es au prix de 19 euros.

ManuelDeLaJungle1Le rĂ©cit prĂ©sente donc deux citadins emportĂ©s par deux baroudeurs. Évidemment, les premiers ont trĂšs peur des bestioles : serpent, araignĂ©es, crocodiles, etc. MĂȘme si cette menace n’est pas la plus importante
 Le livre dĂ©marre donc par un vĂ©ritable manuel, les expĂ©rimentĂ©s expliquant aux nouveaux le fonctionnement de la survie dans ce milieu, entre chasse et binouze.

Un titre trompeur.

Mais l’histoire finit par tourner vers autre chose : la dĂ©nonciation des orpailleurs clandestins. Du coup, le livre est un peu scindĂ© en deux et manque de cohĂ©rence. De mĂȘme, les anecdotes nombreuses abondent dans le livre et coupent le rythme. On sent une forme de fourre-tout, intĂ©ressant certes, mais qui manque de travail de fond pour en faire un bouquin en tant que tel. Ainsi, le titre « Manuel de la jungle » est trompeur, mais c’est ce que devait ĂȘtre le livre au dĂ©part.

MalgrĂ© tout, la vie dans la jungle a un intĂ©rĂȘt rĂ©el et on apprend beaucoup de choses. La deuxiĂšme partie, plus militante, donne aussi Ă  rĂ©flĂ©chir. Le tout se dĂ©vore d’une traite, l’humour est prĂ©sent et on apprend Ă©normĂ©ment sur la jungle. Dommage que les auteurs se reprĂ©sentent toujours comme apeurĂ©s, voulant mettre fin Ă  l’expĂ©rience au plus vite. Finalement, on se dit que ce voyage de quelques jours ne les aura pas changĂ©s. Surtout, ils paraissent encore plus terrorisĂ©s Ă  la fin. Peut-ĂȘtre est-ce la rĂ©alitĂ©, mais le tout ne va pas trĂšs loin dans l’analyse. Joub et Nicoby ont choisi un rĂ©cit de voyage sans trop chercher Ă  approfondir le propos en aval.

Concernant le dessin, j’aime beaucoup le trait de Nicoby, sublimĂ© par les aquarelles de Joub. Les ambiances sont posĂ©es, aussi bien dans la jungle, sur la pirogue, la nuit
 Une vraie rĂ©ussite. En revanche, on ressent relativement peu le cĂŽtĂ© « paradis des sens » vantĂ© par la quatriĂšme de couverture. Ce n’est pas Ă©vident avec du dessin de faire ressentir cela, mais dans les faits, la jungle est jolie mais on ne la ressent pas.

ManuelDeLaJungle2

« Manuel de la jungle » est un ouvrage qui dĂ©vie de son intention premiĂšre. HĂ©sitant entre un apprentissage par des citadins de la jungle et une dĂ©nonciation des clandestins du lac, il manque un peu de cohĂ©rence. De mĂȘme, il cĂšde Ă  la mode actuel en prĂ©sentant une pagination excessive. Ainsi, la scĂšne du restaurant, au dĂ©part, n’a aucun intĂ©rĂȘt et rallonge artificiellement l’ouvrage. Mais si vous ĂȘtes un amateur des livres de Joub et Nicoby, ne boudez pas votre plaisir, on retrouve l’humour des deux compĂšres et ce trait rond qui va si bien avec.

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Note : 13/20

Roi ours – Mobidic

RoiOurs


Titre : Roi ours
Scénario : Mobidic
Dessinateur : Mobidic
Parution : Mai 2015


Une premiĂšre bande-dessinĂ©e est toujours une Ă©preuve pour un auteur en devenir. Mobidic (au pseudo Ă©vocateur !) se lance dans le bain chez Delcourt avec un one-shot qu’il scĂ©narise et dessine, « Roi ours ». AncrĂ© dans les croyances amĂ©rindiennes, il prĂ©sente l’histoire d’une jeune fille, Xipil, destinĂ©e Ă  ĂȘtre sacrifiĂ©e Ă  la dĂ©esse caĂŻman. Elle est alors sauvĂ©e par le Roi Ours et se voit contrainte de se marier avec lui. Le tout pĂšse 110 pages pour un format A4.

Le scĂ©nario se base sur la dĂ©couverte du monde des dieux par une mortelle (mĂȘme si les dieux y sont mortels Ă©galement). Les entourloupes, les nĂ©gociations, les humiliations
 Xipil a bien du mal Ă  s’intĂ©grer, alors que son espĂšce est considĂ©rĂ©e comme en bas de la chaĂźne alimentaire. Heureusement, elle y trouve le soutien de son mari et de la mĂšre des singes, qui fait un peu partie de la famille.

Une fable un peu Ă©cologique.

RoiOurs2Si le dĂ©but de l’histoire est plutĂŽt bien menĂ©, on reste un peu sur notre faim. Les dĂ©veloppements amenĂ©s trouvent une fin un peu brutale. MĂȘme si le sens de l’ouvrage prend son sens Ă  sa fermeture, il y a, dans la narration, une impression que l’on partait vers ailleurs. Qu’importe, « Roi ours » possĂšde un univers, une ambiance, une personnalitĂ© qui transparaĂźt dĂšs les premiĂšres pages. Le sujet abordĂ© est original et, finalement, bien dĂ©veloppĂ©. Mais alors qu’on imaginait en dĂ©but de livre une histoire complexe, on est plutĂŽt du cĂŽtĂ© de la fable. Pris ainsi, « Roi ours » remplit son contrat.

Pour mener son histoire, Mobidic maĂźtrise pleinement son dĂ©coupage. Aussi Ă  l’aise dans les scĂšnes d’action ou les scĂšnes intimistes, il alterne Ă©galement les pages de dialogue avec les pages muettes. Le tout avec autant de pertinence.

Le dessin est un gros point fort de l’album. Mobidic possĂšde un trait qui rappelle immanquablement le dessin animĂ©, tant par ses animaux que par sa façon de dessiner les humains. Et si quelques rares cases sont maladroites, l’ensemble est assez remarquable. La beautĂ© des images saute aux yeux, les personnages sont expressifs et les cadrages sont parfaitement maĂźtrisĂ©s. Et que dire des couleurs, au diapason du trait ? Elles embellissent le dessin et renforcent les ambiances avec talent. On pourra cependant regretter un encrage et un lettrage un peu trop gros pour le format. Un livre au format comics aurait Ă©tĂ© certainement un meilleur choix pour l’Ă©dition. Un mauvais choix de l’Ă©diteur pour le coup.

RoiOurs1

Mobidic, pour son premier album, s’est occupĂ© de tout. Et si ce « Roi ours » possĂšde quelques imperfections, il reste un livre d’une vraie beautĂ©, dotĂ© d’un scĂ©nario original, sorte de fable fantastique et (un peu) Ă©cologique. Un auteur Ă  suivre, tant sa maĂźtrise du sujet est Ă©vidente.

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Note : 15/20