Trois ombres

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Titre : Trois Ombres
Scénariste : Cyril Pedrosa
Dessinateur : Cyril Pedrosa
Parution : Septembre 2007


Après avoir découvert Cyril Pedrosa avec son autobiographique écolo « Autobio » (à laquelle je n’avais pas du tout accroché), je me devais de découvrir d’autres ouvrages de cet auteur afin d’infirmer (ou pas) cette première mauvaise impression. « Trois Ombres » est un roman graphique de 268 pages. Loin de l’humour de son autobiographie, on a affaire ici à un drame familial sur fond de fantastique.

Le livre démarre sur la présentation d’une petite famille parfaite : Louis et Lise ont un fils, Joachim. Tout va bien dans leur petite ferme isolée, rien ne semble pouvoir gêner la vie des trois personnages. Jusqu’au jour où trois ombres apparaissent au loin, des cavaliers. S’ensuit un stress lié à ces spectres. Que sont-ils ? Que veulent-ils ? Pourquoi rôdent-ils autour de la maison ?

Une fuite sans espoir sous fond de lien père-fils.

Après un début sous forme d’utopie familiale, la peur et la colère s’immiscent pour culminer jusqu’à la fuite du père et du fils. Une fuite sans réel espoir comme on le comprend tout de suite. Ainsi, « Trois Ombres » abordent avant tout le lien père-fils. Jusqu’où le père peut-il aller pour sauver son fils ? Jusqu’à son propre sacrifice ?

« Trois Ombres » est avant tout un conte. En effet, on ne croit pas une seconde à l’univers créé par Pedrosa. La famille vit ainsi dans une ferme isolée de tout dans un bonheur parfait et insouciant. De même, les aspects fantastiques sont évidemment totalement inexpliqués. Les dernières pages viennent appuyer d’autant plus la thèse d’une fable. On ne sait trop si l’histoire est une grande métaphore (sur la maladie ?) ou pas. En cela, le scénario manque un peu d’appui, hésitant entre réalisme (lors de la traversée) ou fantastique pur (notamment sur la fin). Cette indécision m’a quelque peu gêné quand j’ai refermé l’ouvrage, ne sachant trop qu’en penser.

Cependant, Pedrosa parvient avant tout à distiller un vrai charme dans « Trois Ombres ». Les ambiances, quelles qu’elles soient, sont remarquablement rendues. Tristesse, joie, colère, désespoir… Cependant, je n’ai pas été ému plus que ça. J’ai été happé par les événements, pris dans le périple des personnages. Mais les parties émotionnelles m’ont laissé un peu froid. Cela vient des procédés narratifs parfois un peu appuyés de l’ouvrage. Cyril Pedrosa en fait parfois un tout petit trop. Je chipote un peu, mais par moment, dans la lecture, je me suis fait la réflexion.

Au niveau du dessin, c’est particulièrement réussi. Le noir et blanc est bien maîtrisé, il y a une vraie texture et du volume qui se dégage des planches. Le style sait se modifier et s’adapter aux situations. Très noir pour certains passages, plus flou pour d’autres. Le travail sur les planches est réellement remarquable et vaut le coup d’œil. En revanche, je ne suis pas fan du trait que Pedrosa donne à ses personnages. C’est une question de goût.

Au final, cet ouvrage est à découvrir. Certes, il y a plusieurs éléments qui m’ont gêné ou fait tiquer pendant la lecture, mais il possède d’indéniables qualités, tant dans le dessin que dans l’ambiance particulière qu’il dégage. Il m’a réconcilié avec Cyril Pedrosa. Et c’est déjà pas mal !

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note3

Chroniques birmanes

ChroniquesBirmanes


Titre : Chroniques birmanes
Scénariste : Guy Delisle
Dessinateur : Guy Delisle
Parution : Octobre 2007


Après « Shenzen » et « Pyongyang », Guy Delisle s’attaque à la Birmanie (ou le Myanmar) dans ces « Chroniques Birmanes ». Voilà donc le troisième opus des reportages si particuliers de l’auteur canadien. Alors qu’il s’était retrouvé en Asie pour superviser des studios d’animation, le voilà désormais dans l’une des pires dictatures du monde afin de suivre sa femme qui travaille chez Médecins Sans Frontières. Exit l’animateur, voilà le père au foyer ! Delisle passe sa journée à faire de la bande-dessinée et, surtout, à s’occuper de Louis, son fils. Nouveau pavé à dévorer, ce livre pèse 263 pages et est publié chez Delcourt, dans la collection Shampooing (et non plus chez L’Association).

Si ses précédents opus possédaient une continuité relative de la narration, ce n’est pas le cas ici. Le titre prend tout son sens. C’est bien de chroniques dont il s’agit, les anecdotes étant empilées les unes aux autres. Alors bien sûr, il y a quand même une certaine chronologie, mais la lecture est ainsi un peu différente. Vu le pavé représenté, cela permet de faire des pauses plus facilement et de picorer dans l’ouvrage. Le fait que l’auteur ait passé un an et demi dans le pays justifie évidemment ce choix.

Ce que l’on pouvait regretter dans « Pyongyang », c’est que Guy Delisle ne pouvait pas atteindre l’envers du décor de la société nord-coréenne. C’est un peu la même chose ici puisque les zones les plus sensibles lui sont interdites. D’ailleurs, il n’hésite pas à le rappeler régulièrement. Cependant, la population est ici plus disserte et ses conversations avec les Birmans lui permettent de mieux saisir leur façon de vivre. On découvre ainsi la vie dans son quartier et les inévitables rencontres d’ONG.

Un rĂ´le de candide

La force de Guy Delisle est de se donner un rôle de candide. Faussement naïf, il aborde un ton léger qui permet à l’ouvrage de se lire avec plaisir. Pas de cynisme, de propos sombres, l’auteur ne cherche pas à politiser son livre. Seuls les passages didactiques (assez rares finalement) apportent un peu sur ce plan-là. Et quand le personnage Guy Delisle décide de devenir militant pour la Dame de Rangoon, c’est pour mieux oublier ses engagements dans la case d’après… Mais derrière ce vernis non-politisé, les messages passent à foison de part les faits.

Beaucoup de personnes n’arrivent pas à se lancer dans un livre de Guy Delisle à cause du dessin. Ce serait une erreur tant le contenu vaut le coup. Surtout que le trait est simple, mais très efficace. Il est parfaitement adapté au propos et lisible. Le tout est rehaussé de gris de façon pertinente. L’auteur utilise un gaufrier de six cases, réservant la première pour le titre de l’anecdote. Il y a une certaine routine qui s’installe, plutôt confortable pour le coup. Bref, si vous n’aimez pas le trait de Guy Delisle, cela vaut le coup d’essayer de passer le cap.

Ces « Chroniques Birmanes » confirment le talent de Guy Delisle pour des récits de voyage tout en légèreté. Même si ses observations sont évidemment limitées par sa vie et qu’il n’est pas au plus près des exactions, on apprend beaucoup de choses dans cet ouvrage et l’on sourit à de multiples reprises. A lire !

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note4

Le feul

LeFeul


Titre : Le feul
T1 : Valnes
T2 : Les Brohms
T3 : L’hĂ©ritage
Scénariste : Jean-Charles Gaudin
Dessinateur : Frédéric Peynet
Parutions : Avril 2005 – Janvier 2007 – Janvier 2009


On m’avait offert le premier tome du « Feul ». À l’époque, je me méfie des séries de fantasy aux démarrages sympathiques qui s’étiolent au fur et à mesure et ne donne pas suite à la série. Quelques occasions dénichées plus tard, me voilà avec les trois tomes en ma possession. C’est donc une série relativement courte (de nos jours) qui nous est proposée par Peynet (au scénario) et Gaudin (au dessin). Le tout est publié chez Soleil.

Des tribus, des coutumes, des conflits…

LeFeul2Dans un village reculé, les gens meurent de plus en plus à cause d’une maladie qu’ils baptisent le feul. Il semble que le mal vienne de la rivière. Et quand ils s’aperçoivent que la tribu en amont est atteinte du même mal, ils décident de s’unir et de remonter la rivière pour trouver l’origine du mal. Une peuplade empoisonnerait-elle à dessein le cours d’eau ?

Si le début de la série laisse présager un univers de fantasy assez classique, ce n’est pas vraiment le cas. Ainsi, si chaque tribu est différente physiquement, ce sont tous des humanoïdes. Et si le monde est peuplé de bestioles et de monstres effrayants, la magie est complètement absente. Ainsi, c’est avant tout un univers de tribus qui nous est proposé. Le monde n’est pas industrialisé et les gens vivent dans des huttes.

L’histoire insiste donc sur les différences de culture des tribus. Cela passe par les croyances, la sexualité ou la façon d’aborder les problèmes. Cet aspect est très réussi et développé, les auteurs cherchant à aborder le thème de la tolérance envers la différence à travers de nombreux dialogues entre les protagonistes. Ainsi, « Le feul » reprend un classique de la fantasy : un groupe de peuplades différentes qui doivent cohabiter.

La grande force du « Feul » tient dans sa case finale qui donne tout le sens à l’ouvrage. C’est particulièrement remarquable et j’ai mis du temps à m’en remettre. En cela, la série est singulière et le traitement par les auteurs incroyable. À la fermeture du troisième tome, il nous prend un irrésistible besoin de reprendre l’ensemble…

Le dessin assuré par Gaudin est de grande qualité. De nature classique, il propose un découpage toujours bien mené qui associe longues discussions et scènes d’action. La narration à la première personne, qui s’intercale dans les moments plus calmes, apporte un plus et permet à Gaudin de laisser parler son dessin. Et la couleur directe, aux tons très doux, sort des codes actuels du genre qui vise plutôt les couleurs vives et tape-à-l’œil. Cela donne un petit côté rétro pas désagréable aux ouvrages. Et vu le thème traité, c’est parfaitement adapté.

LeFeul1

« Le feul » est une série qui se lit aisément, avec des personnages forts et des tribus aux coutumes bien développés. Alors que l’on prend l’acceptation de la différence comme thème principal, les auteurs nous surprennent par une fin qui ajoute une couche supplémentaire de narration. Une belle série en trois tomes, bien pensée et bien réalisée. Du beau travail, à la fois classique et original.

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note4

Panique organique

PaniqueOrganique


Titre : Panique organique
Scénariste : Marion Montaigne
Dessinatrice : Marion Montaigne
Parution : Octobre 2007


Marion Montaigne est une auteure qui s’est créé un nom dans la vulgarisation scientifique. Mêlant bande-dessinée, sciences et humour, elle a su capter l’attention du public avec son blog « Tu mourras moins bête » (parfaitement mis sur papier ensuite). Depuis, elle a sorti « Riche, pourquoi pas toi ? » qui lui permettait de toucher aux sciences sociales. Mais dès 2007, l’auteure sortait déjà un livre intitulé « Panique organique » qui proposait une histoire déjanté dans le corps humain. Publié chez Sarbacane, le tout pesant une petite centaine de pages.

Nous démarrons donc dans le corps d’un enfant qui mange ses céréales. L’une de bactéries de l’estomac, fatigué de cette existence répétitive, décide de s’échapper. En effet, le petit garçon a eu le malheur d’avaler le jouet qui était dans la boîte de céréales. C’est une fusée… C’est parti pour une aventure au plus profond du corps…

Une aventure d’humour didactique

Si le début de l’aventure laisse présager une aventure d’humour didactique (le rein est bien présenté par exemple), le tout devient vraiment barré au fur et à mesure. Alors certes on apprend des choses régulièrement, mais l’aspect didactique laisse souvent la place à l’aventure et à l’action débridée. 

On a clairement affaire ici à un ouvrage plutôt jeunesse. Les explications sont plutôt simples et l’action est non-stop. Le double discours existe quand même (le passage à l’adolescence est vraiment destiné à être drôle pour des adultes me semble-t-il…), mais il n’est pas omniprésent. Les dernières pages, complètement débridées manquent ainsi un peu de consistance. Malgré tout, on sourit à plusieurs reprises. Mais on est tellement habitué à rire devant un livre de Marion Montaigne que l’on en devient très exigeant !

Concernant le dessin, on retrouve un trait simple et dynamique de l’auteure, colorisé à l’informatique. C’est moins relâché et moins personnel que ses dernières productions, mais la lecture est très agréable et lisible. Le découpage est plus classique avec un gaufrier et des cases tracées. Bref, c’est finalement assez différent de ce que peut nous proposer Marion Montaigne actuellement.

« Panique Organique » confirme l’intérêt de Marion Montaigne pour les ouvrages didactiques. Paru en 2007, juste avant « La vie des bêtes » (où clairement elle est plus percutante au niveau de l’humour), c’est un ouvrage jeunesse de bonne qualité. La partie didactique n’est pas lourde et peut même passer derrière l’aspect purement aventure. Et il faut bien avouer que les ados adorent ce livre. Une lecture sympathique. avatar_belz_jol

note3

Droit dans le mĂ»r – Fabcaro

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Titre : Droit dans le mûr
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabcaro
Parution : Décembre 2007


Après un premier ouvrage autobiographique qui mettait à nu ses névroses (« Le steak hâché de Damoclès »), Fabcaro remet le couvert avec « Droit dans le mûr ». Comme il le dit lui-même : « Faut être maso ». C’est donc reparti pour une série d’anecdotes pleine d’autodérision sur les problèmes relationnels de l’auteur. On retrouve notamment son incapacité à dire « non » et, de façon générale, à s’imposer.

Si certaines anecdotes ne font qu’une page (ce sont rarement les plus intéressantes), d’autres sont un poil plus longue, amenant souvent une réflexion plus large (l’achat de la maison, le mec au walkman, etc.). Evidemment, une chute nous attend toujours à la fin. Heureusement, la chute n’est pas le seul moment où l’ont ri. L’humour est omniprésent. Parfois absurde, parfois touchant, Fabcaro a un humour vraiment particulier, une vraie patte. Un bonheur pour les zygomatiques.

Un bilan de l’autobiographie et un bilan autobiographique.

Le début de l’ouvrage démarre sur le bilan de la première autobiographie. En effet, Fabcaro expose les problèmes liés à la publication d’un tel ouvrage… Evidemment, c’est passionnant et le fait que l’auteur n’assume absolument pas le contenu rend le tout encore plus intéressant. Ainsi, « Droit dans le mûr » et « Le steak hâché de Damoclès » fonctionnent clairement comme un diptyque. Assemblés, ils traitent plus ou moins des mêmes thèmes et donnent finalement plus de cohérence à l’ensemble.

Comme son nom l’indique, « Droit dans le mûr » s’attarde sur le vieillissement de l’auteur. Ce dernier, la trentaine passée, doit laisser certaines de ses anciennes convictions au passé. Ainsi, rien ne s’arrange vraiment quand on vieillit (alors qu’il était persuadé du contraire !) et on finit par faire des choses terribles comme devenir propriétaire (ce passage est d’une justesse incroyable) alors qu’on rejetait le concept de propriété à 20 ans. Fabcaro n’hésite d’ailleurs pas à se représenter en conversation avec son alter-ego plus jeune. Si le procédé n’est pas nouveau, il est ici utilisé avec parcimonie, énormément d’humour et se révèle finalement touchant. On a tous en nous quelque chose de Fabcaro.

Le dessin est toujours efficace avec un noir et blanc élégant et maîtrisé. Les expressions des personnages, très travaillées et marquées, renforcent l’humour des situations. Le tout est souvent articulé en planches composées de trois bandes horizontales, apportant de la cohérence à l’ensemble (et un peu de rigidité, il est vrai).

Après un « Steak hâché de Damoclès » réussi, « Droit dans le mûr » est clairement un cran au-dessus de part une certaine cohérence et une patte de l’auteur plus affirmée. Les deux ouvrages tirent un portrait hilarant de Fabcaro, plein d’autodérision. Indispensable pour tous les fans de l’auteur !

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Note : 16/20

De cape et de crocs, T8 : Le maĂ®tre d’armes – Alain Ayroles & Jean-Luc Masbou

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Titre : De cape et de crocs, T8 : Le maĂ®tre d’armes
Scénariste : Alain Ayroles
Dessinateur : Jean-Luc Masbou
Parution : Novembre 2007


« Le maitre d’armes » est le huitième acte de « De Cape et de Crocs ». Sa parution en 2007 nous rapproche de la fin de cette grande saga qui se décline sur dix tomes. Toujours édité chez Delcourt dans la collection Terres de Légendes, cet opus est l’œuvre conjointe d’Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou. Le premier se charge du scénario et le second des dessins. Le prix de cet album avoisine quatorze euros. La couverture est très réussie. Elle nous présente un homme à l’apparence d’un mousquetaire tout de blanc vêtu. Il semble flotter sur un nuage accompagné en second plan d’un splendide palais. Le ciel est étoilé et offre des tons bleu et blanc qui génèrent une illustration à l’atmosphère originale.

La quatrième de couverture nous présente le synopsis suivant : « Explorant les étranges cimes nuageuses de l’immense îlot d’Oxymore, messieurs de Maupertuis et Villalobos retrouvent enfin le mystérieux Maître d’Armes. Mais l’homme a le sang chaud, le verbe haut, la lame prompte… Comment va-t-il réagir aux provocations d’Eusèbe ? Acceptera-t-il de réorganiser la défense du royaume sélénite ? L’heure est grave, car le fourbe prince Jean et l’infâme Mendoza ourdissent de sinistres projets : sur le paisible astre lunaire plane l’ombre de la guerre. »

Cet ouvrage est le meilleur de tous.

decapeetdecrocs8aCette célèbre série du neuvième art touche à sa fin. « Le maître d’armes » est l’antépénultième de ses épisodes et nous mène inexorablement vers son dénouement. Pourtant, la lassitude ne nous guette toujours pas et la qualité est toujours au rendez-vous. Au contraire, cet ouvrage est, à mes yeux, le meilleur de tous. Il possède tant d’atouts qu’on ne saurait tous les lister. Sa densité et sa capacité à gérer les détails offrent une lecture en tout point passionnante. Néanmoins, pour en profiter pleinement, il est indispensable d’avoir lu les tomes précédents. Dans le cas contraire, je pense que vous auriez du mal à saisir les tenants et les aboutissants de cette mythique épopée.

L’album précédent avait laissé nos trois héros sur les nuages à la recherche du mythique Maitre d’Armes, seul apte à protéger la défense du roi de la Lune. Notre lecture démarre donc par une poursuite effrénée sur les nuages. Eusèbe, ce courageux lapin, est poursuivi par celui qu’on devine être le héros tant recherché. Rapidement, ce nouveau protagoniste prend possession de l’histoire. Il possède une personnalité riche qui attise tout de suite notre curiosité. Il s’entend rapidement avec nos amis et permet à ce quatuor de prendre toute sa dimension. La densité des dialogues prend toute son ampleur et met en valeur le talent d’écrivain d’Alain Ayroles. Les discussions et les monologues sont des petits bijoux de littérature qui ravira les adeptes de théâtre et de grandes envolées lyriques.

decapeetdecrocs8bMais notre plaisir ne réside pas uniquement dans l’éloquence des personnages. On se prépare également aussi à une bataille homérique qui doit décider de l’avenir de la Lune. Ce n’est pas rien et les auteurs arrivent à faire monter la sauce avec un dosage parfait. Au fur et à mesure que les pages défilent, l’intensité augmente. La gravité de la situation prend de plus en plus de place. La nuit précédant le grand combat est touchante et nous fait vivre des moments touchants. La cause apparait perdue car déséquilibrée. Les gentils sont bien moins nombreux que les méchants et nos seuls espoirs apparaissent désespérés. On est vraiment possédé par l’intrigue et notre empathie à l’égard des différents héros va en grandissant.

Le travail graphique de Jean-Luc Masbou participe à cette atmosphère envoûtante Les premières pages nous plongent dans un royaume des nuages féeriques. Entre le fait de naviguer sur les nuages, d’y découvrir un palais, d’admirer les chimères ou de voler sur des chevaux ailés, on ne sait plus où donner des yeux. Mais quand le retour sur le sol a lieu, les décors ne baissent pas en qualité. Masbou arrive à nous faire ressentir la montée en puissance des deux camps à l’approche de l’inévitable affrontement.

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En conclusion, « Le maitre d’armes » est un petit chef d’œuvre. Tous les aspects sont poussés à leur paroxysme et font naître une lecture d’une rare intensité. Il est toujours agréable de voir qu’une série arrive encore à surprendre positivement après huit tomes. Il ne me reste plus qu’à m’immerger dans le prochain acte intitulé « Revers de fortune ». Le plaisir devrait une nouvelle fois être au rendez-vous. Mais cela est une autre histoire…

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Note : 18/20

Comme tout le monde – Rudy Spiessert, Denis Lapière & Pierre-Paul Renders

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Titre : Comme tout le monde
Scénaristes : Denis Lapière & Pierre-Paul Renders
Dessinateur : Rudy Spiessert
Parution : Octobre 2007


Au départ, il y a un scénario. De ce scénario originel accoucheront deux œuvres : la première sera un film, la seconde une bande-dessinée. « Comme tout le monde » n’a pas laissé beaucoup de souvenirs aux cinéphiles, qu’en est-il de sa version dessinée qui se veut une « version longue » de son cousin sur grand écran. L’ensemble pèse quand même 140 pages, ce qui laisse aux auteurs le temps de développer les enjeux et les personnages. Publié chez Dupuis, le livre est dessiné par Rudy Spiessert et scénarisé par Denis Lapière et Pierre-Paul Renders.

CommeToutLeMonde2Tout commence par une émission, la bien nommée « comme tout le monde ». Sur le principe de « La famille en or », les participants doivent trouver la réponse la plus souvent citée par un panel de sondés. Or, le grand champion Jalil ne se trompe jamais. Au point qu’il définit la plus pur français moyen. Une aubaine pour les marques qui peuvent l’utiliser comme panel à moindre coût. Mais à son insu…

 Voyeurisme & célébrité

« Comme tout le monde » s’intègre parfaitement dans un monde de voyeurisme et de télé-réalité. La célébrité du français moyen qui exhibe son intimité est traitée ici. Si le sujet de la bande-dessinée n’est simplement jamais crédible, on se prend au jeu de cette histoire qui sait nous dévoiler les secrets petit à petit. Quelques retournements de situation sont bien vus et surprendront le lecteur. En cela, la pagination importante est adaptée, permettant de développer pleinement tous les aspects de l’histoire.

CommeToutLeMonde1C’est peut-être au niveau des personnages que l’ensemble pêche un peu. Jalil, trop moyen, manque vraiment de charisme. C’est son personnage, certes, mais on n’a finalement que très peu de sympathie pour lui, au contraire de sa jeune compagne, à laquelle on s’attache. Mais le tout manque cruellement d’analyse. Claire accepte de se mettre en couple pour de l’argent, sans que la notion de prostitution ne soit relevée. C’est bien un livre de chez Dupuis qui reste bien gentillet. On aurait pu imaginer une critique mordante, ce ne sera pas le cas. Dommage, car le sujet est plutôt intéressant et la narration bien menée.

Au niveau du dessin, Rudy Spiessert est à lui seul un argument pour le bouquin. Clairement influencé par Dupuy et Berberian, il propose un dessin simple en apparence mais très riche, à la mise en scène soignée. Une véritable découverte et un auteur à suivre assurément.

« Comme tout le monde » est un ouvrage qui se lit d’une traite, ménageant son suspense intelligemment. Hélas, on sent qu’avec un sujet pareil, le livre aurait pu être plus intéressant en étant plus sombre ou cynique. Une sympathique découverte.

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Note : 14/20

Les ForĂŞts d’Opale, T5 : Onze Racines – Christophe Arleston & Philippe Pellet

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Titre : Les ForĂŞts d’Opale, T5 : Onze Racines
Scénariste : Christophe Arleston
Dessinateur : Philippe Pellet
Parution : Mai 2007


« Onze racines » est le cinquième tome de « Les forêts d’Opale ». Cette série de fantasy est le fruit de la collaboration de Christophe Arleston et Philippe Pellet. C’est la présence du premier cité qui m’avait attiré vers cette nouvelle aventure il y a une dizaine d’années. Je le connaissais par mes lectures de « Lanfeust de Troy » ou « Les maîtres cartographes ». Depuis, je m’offre chaque nouvelle parution de cette saga. L’apparition de « Onze racines » chez Soleil date de deux mille sept. L’ouvrage est de qualité et nous offre une couverture qui attire l’œil. Elle nous présente le héros en train de tenir une épée à deux mains et s’apprêtant à achever le corps d’une femme allongée à terre. En arrière-plan, apparait des grands éclairs de feu.

Pour ceux qui n’auraient pas lu mes critiques précédentes ou pour qui « Les forêts d’Opale » est une histoire inconnue, je vous cite le texte ornant la quatrième de couverture de l’album : « Opale est le monde des forêts. Le clergé de la Lumière y fait régner un pouvoir assis sur la puissance des Pierres Magiques. Mars Darko est celui qui doit réaliser la Prophétie et faire revenir les Titans pour libérer les Cinq Royaumes… Aidé du barde Urfold, de la jolie jongleuse Sleilo et du monstrueux Ghörg, Darko est plongé dans une aventure où se joue le destin du monde… »

Pour les adeptes du genre, ils retrouveront les codes de la fantasy. La lutte entre le bien et le mal, la notion d’élu, le parcours initiatique, un groupe hétéroclite dans un combat type « David et Goliath »… La recette est un classique. Néanmoins, quand elle est bien exécutée, elle peut offrir un festin de qualité. Les débuts de la série étaient agréables et dynamiques. On prenait plaisir à suivre des personnages sympathiques. La maladresse de l’un, les charmes de l’autre, la roublardise d’un troisième ou la bestialité du dernier rendait notre voyage haut en couleur. Mais l’avancée de la trame avait tendance à ralentir et le quatrième tome était décevant. J’étais donc curieux de savoir si les choses allaient repartir dans le bon sens dans « Onze racines ».

Le scénario possède une épaisseur qu’il avait tendance à perdre.

Mes attentes ont été globalement comblées. Le fil conducteur de la quête principale retrouve une place de choix dans l’histoire. Je ne vais évidemment pas vous conter les différents événements qui accompagnent notre lecture, mais on n’a pas le sentiment de faire du surplace. Le scénario possède une épaisseur qu’il avait tendance à perdre. On rencontre des personnages secondaires qui semblent posséder un rôle qui ne se restreint pas à l’album qu’on est en train de lire. Leur destin devrait se prolonger dans les opus suivants. Cela coupe la sensation que chaque tome était un épisode qui tendait de plus en plus à être indépendant du précédent et du suivant. « Onze racines » redonne un sens à la saga « Les forêts d’Opale ». J’espère que cette ampleur grandira dans les albums suivants et que le soufflet ne retombera pas.

Cette amélioration a pour conséquence que notre attrait pour le devenir des héros voit sa flamme ravivée. Notre curiosité ainsi ranimée découvre donc avec plaisir une évolution importante des relations entre nos héros. Même si cette évolution apparaissait prévisible, c’est avec plaisir qu’on voit certains sentiments se révéler et offrir à la trame un nouvel aspect à développer. Le scénariste arrive à mêler cette apparition à un événement important de l’histoire. Cette toile d’araignée ainsi tissée densifie ainsi l’intrigue et rend la lecture d’autant plus passionnante. Même si l’album se conclue sur quelques pages plutôt calmes et apaisée, cela ne nous empêche d’espérer nous plonger au plus vite dans le sixième tome intitulé « Le sortilège du pontife ».

Les dessins de Pellet suivent également une courbe croissante. Ils ne m’ont jamais gêné, je tiens à être clair. Par contre, longtemps, je trouvais qu’ils servaient essentiellement de support à l’histoire sans réellement la transcender. Je trouve que le retour de flamme de mon attrait pour la série est mis en valeur par le trait du dessinateur. Je trouve que ses personnages apparaissent plus vivants, plus expressifs. Les décors sont très réussis. Les forêts, lieux récurrents de l’histoire, sont mises en valeur et participent à l’atmosphère de la lecture qui se veut dépaysant. Au final, la réussite est au rendez-vous à ce niveau-là.

En conclusion, « Onze racines » est une agréable surprise. J’avais peur de voir « Les forêts d’Opale » devenir, à l’image d’autres séries, une saga à épisode qui négligerait sa trame au profit d’événements gadget. J’ai donc hâte de découvrir « Le sortilège du pontife » en croisant les doigts pour que cette poussée de qualité ne soit pas sans lendemain. Mais cela est une autre histoire…

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Note : 15/20

Pascal Brutal, T2 : Le Mâle Dominant – Riad Sattouf

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Titre : Pascal Brutal, T2 : Le Mâle Dominant
Scénariste : Riad Sattouf
Dessinateur : Riad Sattouf
Parution : Août 2007


Il y a peu de temps, j’ai rédigé un avis portant sur le premier opus de la série de bande dessinée « Pascal Brutal ». Aujourd’hui, je m’attaque au deuxième tome intitulé « Le mâle dominant ». Cet ouvrage paru en août 2007 est vendu au prix de 9,95 euros. Il est édité chez « Fluide Glacial » et se compose d’une petite cinquantaine de pages. Son auteur est Riad Sattouf qui est depuis l’an dernier davantage connu pour avoir réalisé « Les Beaux Gosses » que pour ses œuvres littéraires. C’est dommage dans le sens où sa bibliographie gagne à être découverte.

Le premier tome intitulé « La nouvelle virilité » nous faisait découvrir Pascal Brutal. Ce monstre de muscles et de charisme n’est pas viril. Il est la virilité. Il s’agit d’un homme au physique de déménageur, adepte de la castagne et tombeur de ses dames… Par contre, on ne peut pas dire qu’il soit un monument d’intelligence. Mais on ne peut pas tout avoir… Cet opus nous décrivait le quotidien de Pascal, nous faisait acquérir tous ses codes. C’est vraiment drôle et réussi. C’est pourquoi, j’étais enthousiaste en découvrant ce nouvel album.

Dans « Le mâle dominant », l’auteur part du principe que Pascal ne nous est pas inconnu. La présentation est plus succincte. On rentre directement dans le vif du sujet. On suit notre héros dans ses aventures. Son charisme et son charme animal lui permet de se sortir de situations compliquées. Il a un côté « James Bond ». Il s’en sort toujours et avec classe ! On prend vraiment énormément de plaisir à suivre ce « beauf ». Alors qu’il nous agacerait dans notre quotidien, il nous fait rire ici. La lecture prend un ton différent dans cet album. Maintenant que Pascal nous est familier, cela nous permet d’anticiper ses réactions et ses pensées. Il nous dégage un côté familier qui est très agréable.

La particularitĂ© de cette sĂ©rie est qu’elle se dĂ©roule dans un futur proche dans lequel Alain Madelin fĂŞte son troisième septennat Ă  la prĂ©sidence de la RĂ©publique. Cela permet Ă  l’auteur d’évoquer certains codes actuels comme Ă©tant des repères du passĂ©. Cette vision dĂ©calĂ©e de notre quotidien est intĂ©ressante et donne lieu Ă  beaucoup de gags. Il n’est pas toujours facile d’avoir du recul sur ce qui parait ĂŞtre des Ă©vidences du prĂ©sent. Par exemple, suite Ă  un coup d’état, la monarchie belge a Ă©tĂ© remplacĂ©e par une « gynarchie » extrĂŞme. C’est-Ă -dire que les femmes dirigent tout. L’homme est totalement soumis. On dĂ©couvre Ă©galement une Bretagne autonome… Bref, les repères gĂ©opolitiques sont modifiĂ©es pour notre plus grand plaisir tant Sattouf arrive Ă  exploiter tout cela pour nous faire rire.

Comique de situation et dialogues savoureux

L’humour résidant dans cet opus réside dans plusieurs domaines. D’une part, il s’agit d’un comique de situation. Les aventures qui arrivent à Pascal et les modifications historiques donnent lieu à beaucoup de gags « premier degré ». D’autre part, les dialogues sont savoureux. Que ce soit les phrases sortant tout droit du cerveau de notre cher Pascal ou la narration de la « voix off », on n’arrête pas de rire. La densité des gags est d’une rare intensité. Plusieurs lectures sont nécessaires pour en profiter pleinement. De plus, le fait que l’album se décompose en des histoires indépendantes de quatre ou cinq pages, fait qu’on n’est pas obligé de tout lire d’un coup. On peut le découvrir à tout moment par petite touche pour notre plus grand plaisir.

De plus, les dessins sont facilement accessibles. Le trait est simple, les cases sont très colorĂ©es. Tout cela participe activement au plaisir de notre lecture. MalgrĂ© un style apparemment simple, Sattouf arrive Ă  donner des expressions Ă  ses personnages parfois « cartoonesques ». Bref, « Le mâle dominant » se montre Ă  la hauteur de « La nouvelle virilitĂ© ». C’était loin d’être simple… Avec « Pascal Brutal », c’est une sĂ©rie de grande qualitĂ© qui s’offre Ă  nous. J’ai hâte de me plonge dans le troisième tome qu’on m’a offert Ă  mon anniversaire. Il s’intitule « Plus fort que les plus forts ». Mais cela est une autre histoire… Bonne lecture !

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Note : 17/20

La vie secrète des jeunes – Riad Sattouf

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Titre : La vie secrète des jeunes
Scénariste : Riad Sattouf
Dessinateur : Riad Sattouf
Parution : Octobre  2007


Ce que j’aime avant tout chez Riad Sattouf, c’est sa série « Pascal Brutal » que je qualifierai sans peine de culte. Après cette découverte, je me suis intéressé aux autres travaux de l’auteur. Or, une bonne partie des livres qui ont fait la renommée de ce dernier sont des reportages ou de l’autobiographie. J’avoue que je n’ai jamais été pleinement emballé par cette partie de l’œuvre de Sattouf. Mais il me restait encore « La vie secrète des jeunes » pour revoir mon jugement. Il s’agit ici du premier tome paru à L’Association dans la collection Ciboulette. Le tout fait 160 pages pour 160 saynètes.

A l’origine, « La vie secrète des jeunes » paraît dans Charlie Hebdo. L’auteur raconte en une page des anecdotes sur des passants qu’il a pu rencontrer. Cela se passe dans la rue, le métro, au bistrot, dans le taxi… Les histoires ne sont pas forcément des gags à chute puisqu’ils trahissent une réalité de situation, mais le tout est clairement destiné à faire rire (ou à pleurer ?).

Observer ses contemporains

Dès le départ, on voit que Riad Sattouf possède un vrai sens de l’observation. Clairement, il ne doit pas avoir des écouteurs vissés en permanence à ses oreilles car il profite pleinement des conversations de ses contemporains. Vivre à Paris l’aide forcément beaucoup pour observer les comportements erratiques de la faune locale. En revanche, le titre est plutôt mal choisi, car le livre ne se limite pas forcément aux jeunes. Certes, ils sont très présents car bruyants et faciles à écouter, mais toutes les générations sont représentées.

J’ai un sentiment mitigé sur cet ouvrage. Le sujet en lui-même fait que l’ensemble est assez inégal. Certaines anecdotes sont très croustillantes, d’autres sont assez banales. Cependant, l’auteur fait montre d’une vraie capacité de mise en situation. De même, il retranscrit parfaitement les attitues des jeunes, leur façon de se parler et de se comporter. Et on sent qu’il choisit au mieux le point de vue pour raconter. Si bien qu’il faut avouer que le livre est addictif. Lorsque l’on est lancé, on a du mal à décrocher.

Le trait de Sattouf, simple et expressif, est parfaitement adapté au sujet. Le noir et blanc de l’ouvrage et le découpage au gaufrier rendent la lecture simple et efficace. C’est vraiment dans l’expression des personnages et des phylactères que l’auteur fait passer le rire.

« La vie secrète des jeunes » possède un charme particulier. Observant le même genre de comportements dans mon quotidien, je vois bien que Riad Sattouf n’a pas besoin d’inventer quoique ce soit et qu’il est avant tout un fin observateur de ses contemporains. Une belle découverte, qui donne envie de lire les tomes suivants.

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Note : 15/20