Titre : ChĂąteaux Bordeaux, T5 : Le classement
Scénariste : Eric Corbeyran
Dessinateur : Espé
Parution : Septembre 2014
« ChĂąteaux Bordeaux » est une saga familiale nĂ©e de la collaboration dâEric Corbeyran et dâEspĂ©. Elle nous immerge dans le quotidien dâun grand domaine viticole local. EditĂ© chez GlĂ©nat, cette aventure mâa attirĂ© par le nom de son scĂ©nariste plutĂŽt que par sa thĂ©matique. En effet, depuis ma rencontre avec « Le chant des Stryges », je suis avec attention les diffĂ©rentes parutions signĂ©es du cĂ©lĂšbre auteur bordelais. « Uchronie(s) » ou « Le MaĂźtre de jeu », fruits du mĂȘme arbre crĂ©atif, sont deux autres sĂ©ries que je conseille.
Contrairement Ă ces derniĂšres intrigues, « ChĂąteaux Bordeaux » est dĂ©nuĂ© de toute trace de fantastique. Elle dĂ©bute par le dĂ©cĂšs de Monsieur Baudricourt, cĂ©lĂšbre gĂ©rant du « ChĂȘne Courbe ». La rĂ©partition de cet hĂ©ritage devenait donc un enjeu de taille. Les deux fils souhaitent vendre ce patrimoine qui nâa de grand que le nom prestigieux. Mais leur petite sĆur jusquâalors exilĂ©e aux Etats-Unis, se fixe le dĂ©fi impossible de donner Ă nouveau ses lettres de noblesse au domaine. Alexandra devient alors logiquement lâhĂ©roĂŻne de cette aventure.
Le dernier Ă©pisode en date est le cinquiĂšme de la sĂ©rie. Il sâintitule « Le classement » et est apparu dans les librairies il y a quelques mois. Depuis la reprise de lâentreprise familiale par Alex, les Ă©preuves se sont enchainĂ©es. Pour faire simple, chaque tome nous prĂ©sente un souci majeur dans la mission que sâest fixĂ©e la nĂ©o-propriĂ©taire. Ce nouvel opus est centrĂ© autour de lâappartenance du « ChĂȘne Courbe » Ă un prestigieux classement de 1855 des vins du MĂ©doc.
Des enjeux dramatiques assez secondaires.
Les auteurs font lâeffort de greffer sur la trame familiale, une rĂ©elle prĂ©sentation de lâunivers viticole. Je dois vous avouer que ce milieu mâest inconnu et que la lecture de ces albums mâa appris Ă©normĂ©ment de choses dans le domaine. Si je regarde le verre Ă moitiĂ© plein, je dirais que le travail de recherche de Corbeyran est de grande qualitĂ© et remarquablement exploitĂ©. La vision du verre Ă moitiĂ© vide gĂ©nĂšre le sentiment que les enjeux dramatiques sont finalement assez secondaires en comparaison de la dimension documentaire de lâensemble.
Le personnage dâAlexandra est attachant. DĂšs le dĂ©but, le lecteur souhaite sa rĂ©ussite et son bonheur. Les esprits chafouins lui reprocheront dâĂȘtre dĂ©nuĂ© de toute zone dâombre. Personnellement, jâai acceptĂ© sans mal le cĂŽtĂ© parfait de lâhĂ©roĂŻne. Jâai Ă©tĂ© touchĂ© par sa fragilitĂ© et admirĂ© sa force face aux difficultĂ©s. Ce manichĂ©isme est partiellement nuancĂ© par une grande diversitĂ© de personnages secondaires. Certains dâentre eux soulĂšvent des interrogations quant Ă leurs rĂ©els objectifs et alimentent ainsi positivement lâintrigue.
Le regret que je ressens Ă lâĂ©gard de ce bouquin est la faible densitĂ© narrative. Au final, une fois la lecture terminĂ©e, on ne peut pas dire que lâhistoire est beaucoup avancĂ©e. Je comprends bien quâil faut du temps pour faire un bon vin mais pour construire une belle saga, il nâest pas interdit de montrer un peu de rythme et dâintensitĂ© dans le dĂ©roulement des Ă©vĂ©nements. CâĂ©tait dĂ©jĂ le dĂ©faut des tomes prĂ©cĂ©dents et je ne peux pas dire que ce « Le Classement » dĂ©roge aux habitudes. Câest dâailleurs cette fragilitĂ© qui fait disparaĂźtre petit Ă petit lâaspect dramatique au profit du documentaire. Je trouve cela dommage.
Avant de conclure cette critique, je vais Ă©voquer rapidement les dessins dâEspĂ©. Loin de moi lâidĂ©e de nĂ©gliger le travail graphique mais disons que les illustrations offrent un support solide Ă la narration mais ne la subliment pas. Les dĂ©cors sont travaillĂ©s, les personnages sont identifiables sans difficultĂ©. NĂ©anmoins, je ne peux pas dire que les pages soient habitĂ©s par une atmosphĂšre qui transpire et envahit le lecteur. Je pense que le trait dâEspĂ© est trop acadĂ©mique pour sublimer le propos.
Au final, « Le classement » est un album honnĂȘte qui sâinscrit parfaitement dans la sĂ©rie Ă laquelle il appartient. La qualitĂ© de cette saga est constante et câest un aspect apprĂ©ciable car relativement rare. Câest une lecture qui se fait calmement, qui sâavĂšre agrĂ©able mais qui ne remue pas les tripes et ne chatouillent pas les Ă©motions. Câest dommage car je reste persuadĂ© que le terreau scĂ©naristique pourrait donner lieu Ă une lecture plus grave et intense. Peut-ĂȘtre pour au prochain Ă©pisode ?
Note : 12/20