AbĂ©lard, T2 : Une Brève Histoire de Poussière et de Cendre – RĂ©gis Hautière & Renaud Dillies

abelard2


Titre : Abélard, T2 : Une brève histoire de poussière et de cendre
Scénariste : Régis Hautière
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Septembre 2011


« Abélard » est un diptyque scénarisé par Régis Hautière et dessiné par Renaud Dillies. Trois mois seulement après la sortie du premier tome, voilà que se clôt déjà l’ensemble avec « Une brève histoire de poussière et de cendre ». Nous avions laissé Abélard le petit volatil en partance pour l’Amérique avec l’ours taciturne Gaston. Nous les retrouvons donc sur le chemin de la ville et du port, espérant se faire embarquer au plus vite. En effet, Abélard a entendu dire qu’il y a des machines volantes en Amérique. Il pourra ainsi décrocher la Lune pour Epilie, la jeune fille dont il est épris.

Dans le premier tome, Abélard faisait un peu office de personnage totalement innocent. N’ayant jamais connu autre chose que le marais, il en sort désormais et va aller de surprises en surprises. La mer, la ville et surtout les gens… Le petit volatil est totalement étranger à tout. C’est une âme pleine d’innocence lâchée dans un monde brutal. A la fin du premier tome déjà se dessinait cette évolution, on y entre ici de plein pied. La poésie fait rapidement place à une noirceur terrible et finalement assez inattendue. En effet, le premier tome était plutôt léger dans son propos. Le revirement est assez violent.

Un second tome pour les désillusions.

Abélard n’est en effet pas fait pour vivre dans le monde de la ville. Il n’est pas émerveillé par cet univers nouveau, il s’y retrouve en décalage total. Comment donc peut-il y trouver sa place ? Seule son amitié avec Gaston (le rayon de soleil de cet album ?) donne un peu d’espoir en l’humanité. Car sans Gaston, nul doute qu’Abélard ne serait pas allé beaucoup plus loin que les abords du marais. D’ailleurs, le personnage de Gaston est assez central ici. Au premier abord violent, intolérant voire misanthrope, son évolution lui donne le vrai premier rôle de deuxième volet. 

A la lecture de ce tome, l’intérêt du diptyque paraît évident. Alors que le premier tome traitait des illusions (sur l’extérieur, la ville, l’Amérique, Epilie…), le deuxième tome est celui des désillusions (sur les mêmes sujets). Malgré sa poésie, « Abélard » est une série au propos bien noir.

Le dessin de Dillies est une fois de plus de haute volée. L’osmose entre Hautière et Dillies est vraiment une grande réussite. L’univers entre innocence, poésie et noirceur et parfaitement rendu par le trait faussement naïf de Dillies. Son trait épais et indistinct, très dynamique, dessine des animaux à l’apparence enfantine. Cet album, plus noir, est colorisé de façon plus sombre globalement et installe par moment un vrai sentiment de malaise.

Tout ce que j’ai dit auparavant ne peut réellement résumer ce que j’ai ressenti à la lecture de cet album. J’en ai eu des frissons. Il m’a simplement transporté et m’a isolé du monde le temps d’aller de la première à la dernière page. C’est simplement un voyage dont on ne peut pas revenir indemne. Un chef d’œuvre ?

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

note5

AbĂ©lard, T1 : La Danse des Petits Papiers – RĂ©gis Hautière & Renaud Dillies

abelard1


Titre : Abélard, T1 : La Danse des Petits Papiers
Scénariste : Régis Hautière
Dessinateur : Renaud Dillies
Parution : Juin 2011


Renaud Dillies m’avait beaucoup marqué de son trait avec « Betty Blues » et « Bulles et Nacelles » où il développait un univers plein de poésie. A la suite d’une rencontre lors d’un festival, j’ai pu découvrir son nouvel ouvrage, « Abélard » (premier tome d’un diptyque) en avant-première, où il assure le dessin pendant que Régis Hautière s’occupe du scénario. Ce n’est pas la première collaboration des deux hommes, qui ont déjà signés « Mister Plumb » ensemble.

L’histoire fait intervenir Abélard, un poussin qui vit dans les marais, entre jeu de cartes et parties de pêche. Ayant toujours vécu à cet endroit, il ne peut s’empêcher de s’interroger sur l’ailleurs, si inconnu à ses yeux. Une rencontre avec une femme, Epilie, va changer sa vie. Pour elle, il va décider de voyager, jusqu’à vouloir partir en Amérique.

Un road trip sous forme d’initiation.

« Abélard », après une introduction dans les marais, ressemble fort à un road trip sous forme d’initiation. N’ayant vécu que dans les marais, Abélard a été protégé du vaste monde et est particulièrement naïf. Cette naïveté est à la fois très touchante et drôle. Sa méconnaissance du monde et des gens est vraiment amusante. Ainsi, il se retrouve à voyager avec des gitans sans même savoir qu’ils sont très mal acceptés par la population. Lui prend les gens comme ils sont, sans trop se poser de questions.

Au-delà de l’apparence parfois simple de l’histoire se dessine une trame qui paraît plus complexe. Ainsi, tout le monde semble connaître Epilie, lui donnant une image de dangerosité que l’on ne comprend pas. Nul doute que le deuxième tome explicitera tout ça, mais tout cela participe à une ambiance des plus étranges. Autre particularité d’Abélard : son chapeau lui donne chaque jour un message sous forme de proverbe ou citation. Ces messages, venus dont ne sait où vont avoir une vraie influence sur l’histoire. Une petite curiosité qui donne de la poésie à l’ensemble.

Car « Abélard » a une poésie certaine, à l’image du héros qui monte dans un arbre pour « décrocher la Lune » à sa dulcinée. Le graphisme suranné fait mouche. Le choix de la palette de couleur met parfaitement en valeur le trait de Dillies. Celui-ci est toujours aussi indistinct et naïf à la fois. Les différents personnages, tous des animaux, sont tous très réussis graphiquement. Abélard, en poussin naîf, est simplement adorable.

Dillies abandonne ici le gaufrier de six cases qu’il affectionne pour un découpage plus varié. C’est une réussite et le tout témoigne d’une grande maîtrise. Le dessinateur n’hésite pas à prendre une page pour une case (voire même deux avec cette incroyable carte de voyage pleine d’humour).

J’ai été particulièrement séduit par « Abélard » tout au long des 64 pages de ce premier tome. Il me tarde déjà d’en lire la suite. Son personnage, si naïf, est particulièrement attachant. Le scénario d’Hautière est taillé pour le style de Dillies. Une petite perle, simplement, réservée aux grands enfants. 

coupdecoeur_new

avatar_belz_jol

note5

 

Barracuda, T3 : Duel – Jean Dufaux & JĂ©rĂ©my

barracuda3


Titre : Barracuda, T3 : Duel
Scénariste : Jean Dufaux
Dessinateur : Jérémy
Parution : Novembre 2012


Les pirates ont un côté fascinant qui attire irrémédiablement mes espoirs d’aventures bédéphiles. Même si les outils construisant la narration sont souvent les mêmes, je prends toujours plaisir à suivre ses histoires de chasse au trésor, de voyages au bout du monde et de pérégrinations de flibustiers. « Barracuda », par la couverture de son premier opus, a immédiatement attiré mon regard. Une fois l’ouvrage découvert, j’ai irrémédiablement conquis. Le deuxième acte avait confirmé la qualité de la saga. C’était donc avec joie que je me suis offert en novembre dernier le troisième tome récemment paru et intitulé « Duel ». On y découvre Emilio, habillé tel un gentilhomme, tête baissée, sous une nuit orageuse. Le travail sur les couleurs est remarquable, l’immersion instantanée. Nous voilà de nouveau plongé sur l’île de Puerto Blanco.

Le scénario est le fruit du travail de Jean Dufaux dont j’avais apprécié « Murena ». La particularité de sa saga est qu’on est quasiment jamais en mer. Plus des trois quarts de l’intrigue se déroule sur l’île précédemment évoquée. Elle est régie par les lois de la piraterie et nous fait rencontrer une communauté aux personnalités tranchées et souvent inquiétantes. L’unité de lieu offre de fortes interactions entre les différents protagonistes et fait de la trame une toile d’araignée aux nombreuses ramifications. Cela a pour conséquence également de partager le quotidien de tout ce beau monde et rend chacun familier. Les personnages possèdent une réelle identité tant sur le plan graphique que scénaristique. Aucun ne nous laisse indifférent. Je me garderai de vous faire le listing des différents habitants. Ce serait vous gâcher le plaisir de les rencontrer et les découvrir. Evidemment, chacun ne génère pas chez le lecteur les mêmes sentiments. On s’attache à certains, d’autres font naitre de la compassion. On ressent parfois de la peur ou on rit de certaines mésaventures. Au final, on n’est pleinement impliqué dans le quotidien conté dans cet ouvrage.

Luttes de pouvoir & jalousie

Les deux premiers albums étaient séparés par une vraie rupture chronologique. Les enfants qu’on avait quittés étaient devenus des jeunes hommes et jeunes femmes. Cela donnait le sentiment que le deuxième acte marquait un nouveau départ pour la série. « Duel » est dans la continuité de l’opus précédent. On retrouve les personnages à l’endroit où on les avait plus ou moins laissés. Chacun a trouvé sa place. On découvre ici de nouvelles tensions, de nouveaux drames à venir. L’intrigue principale avance relativement peu. J’ai souvent tendance à le reprocher à ces sagas au long cours. Je ne le ferai pas ici tant les événements vécus sur l’île sont prenants et envoutants. L’amour caché entre Raffy et Maria est lourd de conséquence. Le désir de vengeance d’Emilio est intense et offrira des combats homériques. Comme toute société, les luttes de pouvoir et les jalousies sont les rouages du quotidien. Quant au Barracuda, on le voit accoster sur une île des plus angoissantes dans sa quête du trésor maudit. Bref, il y a de quoi s’occuper et la lecture s’avère intense et saisissante.

Les dessins sont l’œuvre de Jérémy. J’ai découvert cet auteur en même temps que cette série. Mon premier contact avec son trait a été relativement neutre. Je trouvais les personnages relativement froids au niveau de leurs expressions. Mais l’impression initiale a vite été noyée par le plaisir que j’ai pris à le voir faire naitre des scènes à l’ampleur forte. Son travail sur les corps et les volumes, sa capacité à créer des décors, sa manière à jouer avec les couleurs pour faire naitre des ambiances fortes font que le dépaysement est total. Il s’agit d’une condition indispensable à une lecture agréable. Jérémy la remplit aisément. Le combat entre Emilia et Morkat est épique. On sent la violence du combat. On sent l’humidité de la pluie. On perçoit l’atmosphère orageuse qui abrite ce duel sur la plage.

En conclusion, ce troisième tome consolide l’affection que je porte à cette série. Je l’ai lu avec un plaisir fort et j’ai senti une frustration en refermant le bouquin, une fois terminé. Il  ne me reste plus qu’à attendre la sortie du quatrième tome. L’intrigue est suffisamment vague et dense pour qu’on devine difficilement où veulent nous mener les auteurs. Dans le cas présent, le sentiment d’avancer à l’aveugle et d’être perdu n’est pas désagréable, bien au contraire. Je ne peux donc que conseiller aux adeptes de pirates de partir à la rencontre de cette série. Elle vaut largement le détour et ravira les adeptes du genre. Et ils sont nombreux…

coupdecoeur_new

gravatar_eric

Note : 17/20

Barracuda, T4 : RĂ©voltes – Jean Dufaux & JĂ©rĂ©my

barracuda4


Titre : Barracuda, T4 : Révoltes
Scénariste : Jean Dufaux
Dessinateur : Jérémy
Parution : Novembre 2013


Les pirates m’ont toujours fasciné. Ils sont hors-la-loi et aventuriers. Ils ont des looks inégalables et leur code d’honneur est légendaire. Bref, tous les ingrédients sont réunis pour en mettre plein les mirettes. « Long John Silver » de Dorison et Jauffray a ouvert récemment une renaissance pour le genre dans le neuvième art. « Barracuda » né de la plume de Jean Dufaux et Jérémy s’inscrit dans cette lignée. Ma critique d’aujourd’hui porte sur quatrième de tome de cette saga intitulé « Révoltes ». Edité chez Dargaud, cet ouvrage de cinquante-six pages coûte quatorze euros. Il nous offre une couverture splendide. Le personnage représenté affronte notre regard de face. Il semble émerger de l’eau, prêt à en découdre. Les tons chromatiques bleus nuit font naître une atmosphère envoûtante de cette illustration. La quatrième de couverture nous annonce : « Pas de pitié. Pour personne. Jamais. » Tout un programme…

Le début de la narration est précédé par un résumé du tome précédent : « Puerto Blanco révèle ses secrets… La liaison entre Maria et Raffy est dévoilée. Ferrango fait payer cher ses années d’humiliation : le corps du jeune homme est marqué à vie et Marie est vendue à Morkam. Mais celui-ci n’en profitera pas. Emilio l’achève sans pitié, comme Mr Flynn l’a été. Dans une ambiance feutrée, les découvertes ne sont pas moindres : la gouverneure était la maîtresse du Faucon Rouge ! … et le danger guette. Tandis que le Barracuda se rapproche des côtes, porteur de la malédiction du diamant du Kashar, le capitaine de La Loya et ses deux galions espagnols attaquent l’île ! »

Une intrigue terrienne

Beaucoup de trames narratives mettant en œuvre des pirates se construisent autour d’épopée maritime vers des terres inconnues en quête de trésors légendaires. « Barracuda » se démarque de ces codes en déroulant une intrigue quasiment uniquement terrienne. Sur les trois premiers tomes, très peu de planches se déroulent en mer. Cet angle de vue sur ce fascinant univers de flibustiers est intéressant et offre une identité originale à la série de Dufaux et Jérémy. « Révoltes » ne déroge pas à la règle. Seules les trois dernières pages se déroulent sur l’eau et à aucun moment nous ne nous éloignons des rives de Puerto Blanco.

La localisation de l’histoire s’inscrit dans la continuité des épisodes précédents. Par contre, l’ambiance change. L’équilibre qui semblait régir la vie sur l’île est complètement chamboulé. La révolution est en marche. Elle se construit sur plusieurs plans. Les statuts des uns et des autres sont chamboulés. Les rapports sociaux hiérarchiques sont amenés à être bouleversés. Le scénario dégage avec talent cette atmosphère de chaos qui accompagne la lecture. Le lecteur ressent avec intensité ce sentiment d’angoisse qui existe à chaque coin de rue. Il est compliqué de savoir de quoi sera fait le lendemain tant les batailles se multiplient et les camps sont nombreux. Cet ouvrage est vraiment une belle réussite en arrivant à maintenir son rythme effréné et oppressant du début à la fin.

Le plaisir dégagé par cette série découle en partie de l’empathie générée par son trio de personnages principaux. Ils sont tout justes sortis de l’adolescence. L’un est fils de pirate, le second est une fille de noble espagnol et le dernier est à l’identité sexuelle indéfinie. Ils sont liés par leurs trajectoires et leurs destins. Chacun possède une identité et une aura qui touche le lecteur. De plus, le fait qu’ils soient trois densifie ainsi l’intensité dramatique et émotionnelle de l’histoire. « Révoltes » ne déçoit pas sur cet aspect. En effet, les révoltes en cours ne prêchent pas forcément pour la survie paisible de nos héros. La lecture est donc intense tant l’inquiétude pour le devenir de tout ce beau monde est forte.

Pour conclure, cet album est un bon cru. Il s’inscrit parfaitement dans la continuité des trois précédents épisodes tout en changeant le rythme et le ton de la narration. Comme à son habitude, Dufaux arrive à faire naître de vraies interrogations de sa dernière planche et attise ardemment la curiosité de son lecture dans l’attente du tome suivant. Mais cela est une autre histoire…

gravatar_eric

Note : 16/20

Barracuda, T5 : Cannibales – Jean Dufaux & JĂ©rĂ©my

Barracuda5


Titre : Barracuda, T5 : Cannibales
Scénariste : Jean Dufaux
Dessinateur : Jérémy
Parution : Juin 2015


Déjà le cinquième tome pour « Barracuda ». Scénarisé par le vétéran Jean Dufaux et dessiné par le novice Jérémy, cette série de pirates a créé la sensation dès le départ avec son dessin splendide et son scénario impitoyable. Mais une fois quatre tomes derrière, comment éviter que le tout s’enlise inéluctablement ? Car on sait bien qu’une série qui fonctionne bien est souvent rallongée. Est-ce le cas ici ? Le tout est publié chez Dargaud sous la forme d’un album classique.

Le titre de l’ouvrage spoile un peu l’histoire en s’intitulant « Cannibales »… Toujours est-il qu’on plonge réellement dans l’histoire de base autour du capitaine Blackdog et du diamant du Kashar. Jean Dufaux nous avait habitués à donner à chaque tome son unité. C’est le cas ici. Malgré quelques événements sur l’île de Puerto Blanco, l’essentiel de l’ouvrage se passe sur une île perdue peuplée de cannibales.

Des codes classiques de la piraterie.

Barracuda5bEncore une fois, les auteurs utilisent les codes classiques de la piraterie pour nous sĂ©duire. ĂŽle perdue, cannibales, maladies, recherche de trĂ©sor, trahisons… Le tout se lit avec plaisir, Jean Dufaux n’oubliant pas d’ajouter une bonne dose de barbarie pour nous Ă©mouvoir. MalgrĂ© tout, le propos est moins fort que dans les tomes prĂ©cĂ©dents.  Certes, il y a des cannibales, mais on ne sent jamais vraiment les personnages en danger. Ces derniers évoluent dĂ©sormais moins et on se retrouve dans une action/aventure plus classique. On pense Ă  Barbe-Rouge par moments. La première partie de la sĂ©rie, qui construisaient les (jeunes) personnages Ă©tait plus intĂ©ressante que la seconde, plutĂ´t basĂ©e sur l’action.

Après avoir passé beaucoup de temps sur Puerto Blanco (ce qui semblait finalement le thème de la série malgré la référence au navire Barracuda), on s’en éloigne donc. Malgré tout, la fin du livre donne l’idée d’un final sur l’île (le tome 6 doit clore le récit). Nous avons donc ici un tome de transition.

C’est Blackdog qui donne ici de la puissance au récit. Sa gueule, son caractère, son obsession en font un personnage fort. Très peu présent après le premier tome, il revient pour mieux terroriser tous les autres protagonistes. Véritable fantôme, il est le facteur X de l’histoire : incontrôlable et dangereux.

Au niveau du dessin, Jérémy continue de nous enchanter avec des planches de toute beauté. Il n’hésite pas à jouer des couleurs, mettant en valeur les rouges de façon obsessionnelle. Ses ambiances sont réussies et ses personnages ont tous des gueules bien identifiés. Cependant, je l’ai trouvé un peu moins marquant, mais peut-être est-ce seulement que je me suis habitué à son style. Un auteur qui s’est révélé dès le premier tome et qu’on aura le plaisir de retrouver dans d’autres séries plus tard.

Barracuda5a

Ce tome 5 m’a laissé un peu sur ma faim. « Barracuda » commençait à s’essouffler et le sixième et dernier tome arrivera à point nommé. Tout est désormais bien posé pour un final en apothéose. En espérant que les auteurs arriveront à refermer les nombreuses histoires secondaires qu’ils ont développées. Quant aux personnages, on se demande bien qui arrivera à survivre à la boucherie qui s’annonce !

avatar_belz_jol

Note : 14/20

Manuel de la jungle – Nicoby & Joub

ManuelDeLaJungle


Titre : Manuel de la jungle
Scénaristes : Nicoby & Joub
Dessinateurs : Nicoby & Joub
Parution : Mai 2015


Joub et Nicoby avait plutôt bien réussi leur biographie « Dans l’atelier de Fournier ». Ils s’y présentaient, interviewant l’auteur sur son passé. Cela est en train de devenir une de leur spécialité. Au point qu’ils partent réaliser un livre sur la jungle, en Guyane. Joub vivant à Cayenne, ils ont l’idée de retrouver deux instituteurs baroudeurs et de partir quelques jours dans l’Enfer vert afin de voir combien ce terme est galvaudé. Le tout est donc scénarisé par Nicoby et Joub. Le premier dessine, le second colorise le tout. C’est paru chez Dupuis pour 140 pages de bande-dessinées au prix de 19 euros.

ManuelDeLaJungle1Le récit présente donc deux citadins emportés par deux baroudeurs. Évidemment, les premiers ont très peur des bestioles : serpent, araignées, crocodiles, etc. Même si cette menace n’est pas la plus importante… Le livre démarre donc par un véritable manuel, les expérimentés expliquant aux nouveaux le fonctionnement de la survie dans ce milieu, entre chasse et binouze.

Un titre trompeur.

Mais l’histoire finit par tourner vers autre chose : la dénonciation des orpailleurs clandestins. Du coup, le livre est un peu scindé en deux et manque de cohérence. De même, les anecdotes nombreuses abondent dans le livre et coupent le rythme. On sent une forme de fourre-tout, intéressant certes, mais qui manque de travail de fond pour en faire un bouquin en tant que tel. Ainsi, le titre « Manuel de la jungle » est trompeur, mais c’est ce que devait être le livre au départ.

Malgré tout, la vie dans la jungle a un intérêt réel et on apprend beaucoup de choses. La deuxième partie, plus militante, donne aussi à réfléchir. Le tout se dévore d’une traite, l’humour est présent et on apprend énormément sur la jungle. Dommage que les auteurs se représentent toujours comme apeurés, voulant mettre fin à l’expérience au plus vite. Finalement, on se dit que ce voyage de quelques jours ne les aura pas changés. Surtout, ils paraissent encore plus terrorisés à la fin. Peut-être est-ce la réalité, mais le tout ne va pas très loin dans l’analyse. Joub et Nicoby ont choisi un récit de voyage sans trop chercher à approfondir le propos en aval.

Concernant le dessin, j’aime beaucoup le trait de Nicoby, sublimé par les aquarelles de Joub. Les ambiances sont posées, aussi bien dans la jungle, sur la pirogue, la nuit… Une vraie réussite. En revanche, on ressent relativement peu le côté « paradis des sens » vanté par la quatrième de couverture. Ce n’est pas évident avec du dessin de faire ressentir cela, mais dans les faits, la jungle est jolie mais on ne la ressent pas.

ManuelDeLaJungle2

« Manuel de la jungle » est un ouvrage qui dévie de son intention première. Hésitant entre un apprentissage par des citadins de la jungle et une dénonciation des clandestins du lac, il manque un peu de cohérence. De même, il cède à la mode actuel en présentant une pagination excessive. Ainsi, la scène du restaurant, au départ, n’a aucun intérêt et rallonge artificiellement l’ouvrage. Mais si vous êtes un amateur des livres de Joub et Nicoby, ne boudez pas votre plaisir, on retrouve l’humour des deux compères et ce trait rond qui va si bien avec.

avatar_belz_jol

Note : 13/20

Barracuda, T2 : Cicatrices – Jean Dufaux & JĂ©rĂ©my

barracuda2


Titre : Barracuda, T2 : Cicatrices
Scénariste : Jean Dufaux
Dessinateur : Jérémy
Parution : Octobre 2011


Le deuxième tome de « Barracuda » s’intitule « Cicatrices ». Je l’attendais avec une certaine impatience  tant le premier opus m’avait plu et intrigué. Cette série est née de l’association de Jean Dufaux et Jérémy. Le premier se charge du scénario et est la principale raison pour laquelle je me suis plongé dans cette saga. En effet, depuis ma lecture de « Murena », je voue un attrait certain pour les œuvres de cet auteur. Quant à Jérémy, je l’avais découvert en lisant le premier tome de l’histoire intitulé « Esclaves ». Cet ouvrage de bonne qualité est édité chez Dargaud et son prix avoisine les quatorze euros. La couverture du bouquin est très réussie. Elle nous présente un pirate au visage recousu générant une certaine appréhension chez le lecteur. Notre curiosité est fortement attisée car ce personnage n’apparaissait pas dans le livre précédent.

Avant de plonger pleinement dans cet album, je vous cite le résumé qui précède la premier page de « Cicatrices ». « Lors de l’attaque de leur vaisseau par les pirates du capitaine Blackdog, une aristocrate espagnole, Dona Emilia Del Scuebo, sa fille Maria et leur serviteur Emilio sont faits prisonniers. Tous les trois sont emmenés sur l’île de Puerto Blanco, dans les mers des Caraïbes, pour y être vendus. Ferrango, le riche marchand d’esclaves, achète Maria et lui fait subir les pires traitements. La mère de celle-ci, secourue par des moines de l’île, mourra peu de temps après. Emilio qui se fait passer pour une fille, évitant ainsi de se faire tuer, est acheté par l’étrange Mister Flynn. Le fils de Blackdog, Raffy, gravement blessé par Maria, doit lui aussi rester sur l’île pour y être soigné. Parti à la recherche du plus gros diamant du monde, son père a repris la mer sans lui… faisant fi de la malédiction du Kashar ! »

Comme ce résumé le montre, le premier tome était plutôt dense. Il faisait intervenir un nombre assez fourni de personnages. De plus, l’histoire est suffisamment rythmée pour que de nombreux événements accompagnent notre lecture. La conséquence était qu’on avait une hâte certaine de découvrir la suite. Les premières phrases de « Cicatrices » nous annoncent que trois années sont passées depuis la dernière page de « Esclavages ». Cet album se déroule quasiment intégralement à Puerto Blanco. Il est original d’être dans une histoire de pirates qui ne quittent finalement pas la terre ferme.

Comme dans l’opus précédent, la trame se construit autour des trois adolescents Emilio, Maria et Raffy. Chacun a fait son petit bout de chemin en gré de son caractère. Leur statut a évolué. Les deux esclaves ne le sont plus. Maria est la maitresse dominatrice de Ferrango, ce qui fait d’elle une femme de pouvoir à l’échelle de l’île. Emilio, toujours grimé sous les traits d’Emilia, est une espèce de pupille de Mister Flynn en formation. Quant à Raffy, il contient désespérément sa colère et sa haine à l’idée de voir son père être parti sans lui dans sa quête quasiment légendaire.

Ce saut temporel oblige finalement l’histoire à nous faire une nouvelle fois les présentations. Alors qu’on pouvait penser cette étape avait eu lieu précédemment, les auteurs s’y replongent dans cet opus. Cela donne même l’impression que le premier tome n’était qu’un préambule. Cela pourrait paraitre dommageable car cela repousse quelque peu la montée en puissance de l’intrigue. Ce n’est finalement pas tant le cas que cela du fait de la richesse du scénario. Je trouve que l’ensemble est dense et se construit comme une toile d’araignée. La variété des personnages est toujours aussi savamment menée et leurs interactions sont passionnantes. On est tenu en haleine de la première à la dernière page. Le fait de construire l’histoire en suivant celles de trois « héros » fait que la lecture ne souffre d’aucun temps mort.

J’ai retrouvé avec plaisir les dessins de Jérémy. Je trouve qu’il accompagne parfaitement la narration. Ses décors créent parfaitement l’univers de Puerto Blanco qui est criant de réalisme. On a vraiment l’impression d’errer dans les rues de cette île régie par les lois de la piraterie. De plus, les personnages sont plutôt réussis. Ils sont de caractère très différent et le trait du dessinateur arrive à nous offrir le grand spectre d’expressions qui en découle. La fragilité et la douceur d’Emilio diverge fortement de la peur que génère la froideur dominatrice de Marie ou de la fureur de Raffy. Son trait nous offre une lecture agréable.

En conclusion, « Cicatrices » est un album très réussi. La qualité habille chacune de ses pages. L’histoire est passionnante et on s’y plonge avec appétit. Néanmoins, j’ai impatience de découvrir le prochain opus pour savoir si l’intrigue va changer de braquet et ce qu’est devenu Blackdog dans sa quête du Kashar. En effet, cette dernière n’est absolument pas traité dans cet ouvrage. En tout cas, « Barracuda » peut espérer devenir une œuvre qui compte dans la longue histoire des pirates dans la bande dessinée. Les adeptes en seront ravis…

gravatar_eric

Note : 17/20

Barracuda, T1 : Esclaves – Jean Dufaux & JĂ©rĂ©my

barracuda1


Titre : Barracuda, T1 : Esclaves
Scénariste : Jean Dufaux
Dessinateur : Jérémy
Parution : Octobre 2010


« Esclaves » est le titre du premier tome d’une des dernières séries scénarisées par Jean Dufaux. Cette dernière s’intitule « Barracuda ». Avant même de lire le nom de son auteur, cet album avait attiré mon regard par sa couverture. On y découvrait un pirate particulièrement réaliste qui ne peut pas laisser indifférent celui qui le regarde dans les yeux. Cet album est édité chez Dargaud, il coûte environ quatorze euros. Jean Dufaux est un auteur célèbre du neuvième grâce à des séries comme « Murena », « Djinn », « Croisade », « Jessica Blandy » ou encore « Complaintes des Landes perdues ».Cela offrait le gage d’une certaine qualité pour cette nouvelle saga née l’année dernière. Par contre, les dessins sont l’œuvre d’un inconnu à mes yeux nommé Jérémy.

L’histoire débute par l’attaque d’un navire par des pirates. Leur chef est Blackdog et sa devise est la suivante : « Pas de pitié, pour personne, jamais ». Il est secondé par son fils Raffy. Les seuls à être épargnés sont une noble espagnole et deux adolescents et un prêtre. Elle prétend posséder la carte pour mener au diamant du Kashar. La jeune fille est amenée à être vendue comme esclave. Le jeune garçon déguisé en fille suivra le même trajet. C’est ainsi qu’ils accostent à Puerto Blanco où leurs destins vont se séparer et se décider au cours d’enchères sur un marché…

Une aventure de pirates

Le principal attrait de cette série est d’être une aventure de pirate. La couverture laisse présager que le personnage principal à du charisme. On n’est pas déçu sur ce plan-là. On prend plaisir à naviguer sur son navire et on est curieux d’accoster sur ses îles régulées par les lois de la piraterie. L’immersion dans cet univers est incontestablement une grande réussite. La grande galerie de personnages est crédible. De plus, les décors apparaissent réalistes. On n’a aucun mal à se croire au milieu de ses flibustiers sur une terre aux lois peu orthodoxes et aux codes sociaux plutôt inquiétants. 

Au-delà de ce dépaysement, « Esclaves » nous offre une intrigue intéressante. La trame se construit autour du trio d’adolescents que sont Raffy, Emilia et Maria. Le premier est le fils de Blackdog. Il semble dépourvu de sentiments sorti de la haine et de la colère. Le second, Emilia, est en fait Emilio. Déguisé en femme pour sa survie, il mène donc une double vie qui ne le laisse pas indifférent. Enfin, Maria, fille de noble est la plus charismatique à mes yeux. Elle a le regard dur et malgré son jeune âge et sa condition génère le malaise auprès de ceux qui s’approchent d’elle. La richesse de ses trois personnages apparait remarquable. Voir leurs destins s’entremêler rend la lecture passionnante. On suit trois personnages aux personnalités complexes évoluer dans un milieu dur et compliqué. Tous les ingrédients sont présents pour nous ravir.

Le décor est bon, les protagonistes sont envoûtants, il ne restait plus qu’à se voir offrir une trame réussie. C’est le cas. Le fait que l’histoire commence par un abordage nous met tout de suite dans le bain. Le rythme ne diminue jamais. On se trouve au beau milieu d’un marché aux esclaves. Puis la première nuit passée sur l’île est d’une grande intensité dramatique. La lecture est assez intense. Au cours des pages qui défilent, on voit apparaître des informations mais également les jalons de la trame qui construira le tome suivant. Cela fait qu’une fois l’ouvrage terminé, on a une vraie envie de se plonger dans le second opus.

Comme je l’ai précisé précédemment, la couverture m’a ébloui. J’avais donc une impatience certaine de partir à la rencontre de cet univers né de la plume de Jérémy. Les premières pages m’ont apparu froides par rapport à l’impression que m’avait laissée le visage de Blackdog lors de notre première « rencontre ». Mais ce sentiment s’est atténué au fur et à mesure des pages et au fur et à mesure de mes relectures de l’album. Le dessinateur possède un vrai talent pour traduire la dureté. Que ce soit par les visages, les couleurs ou les attitudes, on comprend à tout moment qu’on ne se trouve pas au pays des Bisounours. Je trouve que Jérémy fait en sorte qu’on n’oublie jamais l’endroit où on se trouve et la communauté qui y habite.

Au final, « Esclaves » est un ouvrage passionnant qui nous offre une histoire assez envoûtante. La lecture est très prenante et on prend énormément de plaisir à découvrir les événements se déroulant à Puerto Blanco. Cette série a un vrai potentiel comparable à celui de « Murena » dans un univers différent. Je suis donc curieux de me plonger dans le deuxième album paru récemment intitulé « Cicatrices ». Mais cela est une autre histoire…

gravatar_eric

Note : 17/20

Les Sentinelles, T1 : Juillet-AoĂ»t 1914, Les Moissons de l’Acier – Xavier Dorison & Enrique Breccia

sentinelles1


Titre : Les Sentinelles, T1 : Juillet-AoĂ»t 1914, Les Moissons de l’Acier
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Enrique Breccia
Parution : Mai 2009


C’est en regardant la très sympathique émission « Un monde de bulles » que j’ai découvert avec plaisir Xavier Dorison évoquer la série « Les sentinelles ». Etant un grand fan de ce scénariste depuis que j’ai découvert « Le troisième testament » ou « Sanctuaires », j’ai écouté avec curiosité ce dernier nous conter la construction de cette saga dont je n’avais jamais entendu parler. Une fois son interview terminée, je me suis engagé à m’immerger dans cette série au plus vite. Ma découverte a débuté hier soir avec la lecture du premier chapitre intitulé « Juillet-Août 1914 – Les moissons d’acier ». Edité chez Delcourt, cet album de bonne qualité est composé d’une soixantaine de pages. Il est vendu à un prix tout juste inférieur à quinze euros. La couverture nous présente un soldat déployant un drapeau français. Son visage est couvert par un casque. Je la trouve très réussie. Elle est l’œuvre de Enrique Breccia, que je découvre à l’occasion de cette lecture.

Malgré le titre, l’histoire débute en 1911 au Maroc sur un champ de bataille. On découvre un soldat, le visage masqué qui avance d’un pas régulier sans sembler tenir compte des balles qui fusent et des cadavres qui tombent autour de lui. Mais tout à coup, il s’effondre. On le croit mort, ce n’est pas le cas. Il explique à un de ses acolytes qu’il n’a plus de batterie, qu’il ne peut donc plus échapper à son destin. Alors que les ennemis s’apprêtent à arriver sur les lieux, il demande à être exécuté par son ami qui s’exécute. On croit comprendre que ce soldat est le fruit d’une expérimentation scientifique mis au point par un colonel de l’Armée française. Ce projet connaitra un second souffle trois ans plus tard quand le fondateur des Sentinelles découvre la découverte révolutionnaire d’un petit lieutenant de réserve…

Des super héros « made in France ».

« Les Sentinelles » est une série intéressante car elle nous offre un des premiers super héros « made in France ». Suite à des expériences menées dans des laboratoires secrets, un colonel et un savant à sa botte ont pour objectif de créer une espèce de super soldat. Le fait de l’intégrer dans la grande Histoire à travers la période de la première guerre mondiale développe un attrait certain. L’histoire s’adresse à un public sensible à ce genre de grande trame historique et dense dans laquelle s’insère parfaitement une dimension fictionnelle travaillée. Il est évident que l’humour et la légèreté ne sont pas de sortie. On est en temps de guerre et le dessinateur fait en sorte qu’on ne l’oublie jamais.

Le scénario est de grande qualité. Les premières pages qui jouent le rôle de prologue sont intenses. A travers les dessins et l’atmosphère qui transpire de la lecture, on est tout de suite dans le vif du sujet. Notre intérêt est happé. Notre curiosité ne cessera jamais d’être séduite tout au long du défilement des pages. La grande toile se met en place. Les personnages apparaissent, les enjeux se découvrent. La densité est grande. La narration ne souffre d’aucun temps mort bien au contraire. On est immergé dans une histoire passionnante. La finalité de cet opus est de nous présenter Taillefer, le nouveau super soldat. Le rythme de la découverte est bien dosé et la dernière page nous laisse sur un sentiment de frustration de ne pas pouvoir en profiter davantage.

Comme je l’ai sous-entendu précédemment, les dessins sont remarquables. Dès la première case, on est bouleversé. Il se dégage réellement quelque chose des pages. La crasse et la violence qui s’en dégage sont intenses et ne laissent pas indemnes. La dimension « boucherie » est vraiment très réussie. Rien n’apparaît surréaliste ou excessif. Bien au contraire, c’est une gifle de réalisme qu’on prend de plein fouet. Je trouve également les personnages très réussis. On n’a aucun mal à se les approprier. Les dessins leur donnent une vraie épaisseur. Je pense que je vais me pencher de plus près sur les parutions nées de la plume d’Enrique Breccia.

En conclusion, j’ai trouvé ce premier opus remarquable. Il s’agit à mes yeux d’un petit chef d’œuvre. Le scénario, les dessins, le thème, les personnages… Tout est bien construit, intense et travaillé. A l’heure actuelle, trois tomes sont parus. Je ne pense pas que je vais tarder à dévorer les deux qu’il me reste à lire. Pour ceux qui découvrent l’univers de Xavier Dorison à travers cet album, je ne peux que conseiller de découvrir « Le troisième testament » qui vous immergera dans le Moyen-âge pour une tétralogie qui est un chef d’œuvre du neuvième art…

coupdecoeur_new

gravatar_eric

Note : 18/20

Les sentinelles, T4 : Avril 1915 : Les Dardanelles – Xavier Dorison & Enrique Breccia

LesSentinelles4


Titre : Les sentinelles, T4 : Avril 1915 : Les Dardanelles
Scénariste : Xavier Dorison
Dessinateur : Enrique Breccia
Parution : Octobre 2014


« Les Sentinelles » marque l’entrée des superhéros à la française dans la Grande Guerre. Xavier Dorison confirme l’ampleur de son imagination. D’une part, il n’hésite pas à s’approprier les codes de ses surhommes d’habitude associés à la culture américaine. D’autre part, ils les insèrent au beau milieu de la Première Guerre Mondiale, concept jusqu’alors improbable. Les trois premiers épisodes de cette série ont transformé l’essai et fait naître une saga de grande qualité. Chaque opus est un petit bijou et se lit avec appétit. Chacun délivre une grande variété de saveurs pour la plus grande joie de ses lecteurs.

LesSentinelles4bCela faisait trois ans et demi que la parution d’une nouvelle mission des Sentinelles étaient attendue. L’espoir était assouvi en octobre dernier avec la sortie du quatrième chapitre intitulé « Avril 1915 Les Dardanelles ». Wikipedia m’a appris que les Dardanelles fut un « affrontement […] qui opposa l’Empire Ottoman aux troupes britanniques et françaises dans la péninsule de Gallipoli dans l’actuelle Turquie du 25 avril 1915 au 9 janvier 1916 ». Cela confirme la volonté de Dorison d’intégrer ses héros dans la réalité du conflit.

Intégrer les héros dans la réalité du conflit.

« Cette bataille-là devait être gagnée d’avance… Le débarquement du Commonwealth sur les plages truques des Dardanelles devait assurer une victoire aussi rapide qu’indiscutable. Face aux Ottomans, la France n’avait-elle pas déployé ses plus glorieux soldats ? Les Sentinelles ! C’était sans compter l’aide des allemands à leur allié turc, sans compter la chaleur, les fièvres, les maladies et les falaises imprenables… Sans compter la nouvelle arme du génie germanique : Cimeterre. Cette fois-ci, les plus grands héros français vont devoir renoncer à la victoire pour apprendre la dure leçon de la défaite… » Voilà le synopsis présenté par la quatrième de couverture de l’album. Je dois vous dire que j’y ai perçu un menu appétissant.

LesSentinelles4a

La première force du bouquin est la profondeur de ses personnages. Que ce soit Taillefer, le Merle ou Djibouti, chacune des trois Sentinelles possède une personnalité passionnante. Le réalisme de chacun d’entre eux est remarquable. Ils sont attachants. Leurs faiblesses sont centrales malgré leurs superpouvoirs. Leur sens des valeurs ne laisse pas indifférent. Une bonne histoire est avant un bon héros. « Les Sentinelles » ont la chance d’en avoir trois.

Les Dardanelles imposent une unité de lieu. Nous ne quittons pas cette plage turque qui ressemble au fur et à mesure des pages à un cimetière en plein développement. Cette sensation d’attente, cette disparition de tout espoir, ce fatalisme grandissant… Tout est sublimé par la narration de Dorison. Il arrive à faire évoluer ses personnages au gré des événements sans marquer de rupture trop forte. La réalité de la guerre transpire des planches. Elle ne nous laisse pas indemne. Le travail graphique d’Enrique Breccia sublime le désespoir de cette bataille qui ne peut pas être gagnée mais que les autorités refusent de perdre…

L’intrigue en elle-même est habilement construite. Les enjeux sont rapidement posés. Tout ce petit monde est réuni pour gagner plus qu’une bataille : une guerre. Dorison ne fait pas uniquement exister ses Sentinelles. Il laisse une place intéressante aux soldats britanniques ou australiens. L’immersion dans l’époque apparaît crédible. Nous sommes touchés par bon nombre de protagonistes. L’auteur ne choisit pas son camp. Il nous fait découvrir des horreurs. Certains passages sont quasiment muets pour laisse totalement la place au trait de Breccia. Il peut ainsi faire passer des sentiments forts par ses seules illustrations. Cet album marque un équilibre entre le texte et le dessin d’une rare finesse.

LesSentinelles4c

Vous l’aurez compris, cet ouvrage m’a conquis. Je le trouve d’une grande qualité. Avant de m’y plonger, j’ai relu ses trois prédécesseurs. J’ai été impressionné par la force et l’intensité qui s’en dégage. « Avril 1915 Les Dardanelles » ne déroge pas à cette règle. Il confirme que « Les Sentinelles » est une série unique dans son genre qui arrive à sublimer un concept de départ original et novateur. Il ne reste plus maintenant qu’à attendre la suite. Mais cela est une autre histoire…

coupdecoeur_new

gravatar_eric

Note : 18/20