Blotch, Oeuvres Complètes – Blutch

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Titre : Blotch, Oeuvres Complètes
Scénariste : Blutch
Dessinateur : Blutch
Parution : Janvier 2009
Parution tome 1 : Septembre 1999
Parution tome 2 : Octobre 2000


 Je me suis offert récemment les œuvres complètes de « Blotch », série dessinée et scénarisée par Blutch. Cet ouvrage comprend les deux tomes qui étaient parus alors. « Blotch » est le nom du personnage principal, dessinateur dans Fluide Glacial dans le Paris des années 30… Oui, vous avez bien lu !

Il n’est pas rare de voir les auteurs de Fluide Glacial parler de leur rédaction (tout comme on trouvait ce genre de thème dans Gaston qui travaillait chez Dupuis…). Mais rarement on aura vu une telle créativité. En transposant l’histoire dans l’entre deux guerres, Blutch impose une ambiance désuète incroyable. De même, les dessinateurs d’humour deviennent des artistes pédants, buvant dans les cafés du beau Paris. Ce décalage entre ce que l’on peut imaginer de Fluide Glacial (grosses blagues et pinard) et cette attitude pincée d’artistes arrogants est vraiment incroyable.

Un fluide glacial des annĂ©es 30…

 Blotch est le meilleur mais aussi le pire d’entre eux. Il se dit génial (et l’est a priori), mais est aussi rampant, prêt à écraser les autres par des manœuvres plus fourbes les unes que les autres. Le personnage est détestable. Arrogant, prétentieux, raciste, arriviste… Et éminemment grotesque ! Ainsi, en écrasant son propre alter-ego, Blutch crée une complicité avec son lecteur. 

Evidemment, tout le monde en prend pour son grade. On passera sur ses collègues (on reconnaîtra Gaudelette, Larcenet…), le rédacteur en chef (dont l’avis décide de tout) et les investisseurs (les pires de tous). Seules les personnes extérieures à Fluide Glacial paraissent alors sympathiques, comme son concurrent de toujours, Jean Bonnot ! Le tout est construit autour de petites histoires de quelques pages entraînant une chute. Ce rythme vient de la parution préalable dans le magazine Fluide Glacial. Evidemment, l’auteur développe certains fils rouges (comme sa concurrence avec Jean Bonnot).

L’aspect désuet des années 30 est parfaitement retranscrit. Les dialogues sont savoureux et adaptés à l’époque. De même, lorsque l’on voit les dessins d’humour dessinés par Blutch, ils correspondent à l’humour de l’époque. Une véritable plongée presque un siècle en arrière ! Qui plus est, cette utilisation de l’entre deux guerres sert vraiment les gags. Il y a une vraie exploitation de l’époque en tant que telle.

Le dessin est évidemment au diapason du sujet. Le choix d’un noir et blanc élégant retranscrit parfaitement l’atmosphère surannée de l’ouvrage. Le trait de Blutch est toujours aussi dynamique et expressif. A n’en pas douter, un des grands dessinateurs actuels.

Si « Blotch » tient de la parodie, la direction que prend l’ouvrage en fait un œuvre à part. En utilisant une caricature décalée dans le temps, Blutch crée une bande-dessinée beaucoup plus subtile et complexe. Un album dont on ne peut que se délecter.

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Note : 19/20

L’atelier mastodonte, T2 : Alfred, Guillaume Bianco, BenoĂ®t Feroumont, Keramidas, Julien Neel, Nob, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann

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Titre : L’atelier Mastodonte, T2
Scénaristes : Alfred, Guillaume Bianco, Benoît Feroumont, Keramidas, Julien Neel, Nob, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Dessinateurs : Alfred, Guillaume Bianco, Benoît Feroumont, Keramidas, Julien Neel, Nob, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Parution : Juin 2014


« L’atelier Mastodonte » est un projet original né dans les pages de Spirou. Il est l’œuvre conjointe de neuf auteurs : Alfred, Bianco, Feroumont, Keramidas, Neel, Nob, Tebo, Trondheim et Yoann. Certains me sont familiers depuis longtemps, d’autres sont entrés récemment dans mon univers. Chaque planche de cet ouvrage au format à l’italienne est dessiné avec un trait différent, le tout format un ensemble cohérent et drôle.

Une diversité des personnalités.

L'atelierMastodonte2bLe bouquin se compose de cent vingt-six planches. Chacune peut être lue indépendamment tout en étant liée à la précédente ou à la suivante. L’originalité de la structure du propos possède un réel potentiel. La diversité des personnalités doit relancer en permanence l’attrait du lecteur. De plus, le principe du strip booste l’intensité de la lecture. A l’opposé, il faut veiller à ne pas diffuser une impression de fouillis brouillon.

Le point de départ de l’histoire est le suivant : Trondheim crée un atelier regroupant ses collègues précédemment cités. Cet album nous plonge dans le quotidien créatif de cette troupe de joyeux lurons. La dimension despotique de Lewis est moins mise en avant que dans le premier tome. Malgré tout, cela reste un fil conducteur efficace sur le plan humoristique. Chaque apparition du chef  fait sourire sans difficulté ! Certains lecteurs reprochaient à l’opus précédent les blagues trop systématiquement scatologiques mettant en scène Tebo. Cet aspect est toujours présent mais peut-être disséminé avec davantage de parcimonie.

Mais cette suite ne se résume pas à une redondance des mécanismes comiques déjà utilisés. Les protagonistes décident de déplacer leur lieu de travail dans un superbe château. Cela donne lieu à des histoires de chevaliers, de fantômes et de siestes en forêt. Cela offre un second souffle intéressant à l’histoire et chatouille aisément les zygomatiques. Les auteurs alternent ces vacances studieuses à la campagne avec d’autres scènes dans l’atelier parisien. Elles mettent en scène deux auteurs qui se font passer pour Trondheim. Cela permet à la narration de ne pas ronronner.

La grande diversité d’auteurs est une force narrative importante. Chacun possède son trait, son ton et sa corde humoristique. L’ensemble s’harmonise plutôt bien et offre une lecture pleine de surprises et de rebondissements. Je connaissais la majorité d’entre eux de noms mais j’ai pris plaisir à découvrir leur style et une petite partie de leur univers. Tous réunis opèrent sur un spectre suffisamment large pour attiser notre curiosité de manière constante.

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Le bilan est très positif. Ce second opus donne la banane. Il peut se lire d’une traite dans son lit ou se feuilleter dans les transports en commun. Sa construction scénaristique couplée à sa petite taille en fait un compagnon en toute circonstance. Le dénouement laisse croire qu’il n’y aura pas de suite. J’espère l’avoir mal compris et m’être trompé car je regretterai de ne pas suivre les nouvelles aventures de ces joyeux lurons…

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Note : 14/20

L’atelier Mastodonte – Lewis Trondheim, Yoann, Cyril Pedrosa, Alfred, Julien Neel, TĂ©bo & Guillaume Bianco

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Titre : L’atelier Mastodonte
Scénaristes : Alfred, Guillaume Bianco, Julien Neel, Cyril Pedrosa, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Dessinateurs : Alfred, Guillaume Bianco, Julien Neel, Cyril Pedrosa, Tebo, Lewis Trondheim & Yoann
Parution : Juin 2013


Lorsque je tombe sur un ouvrage de Lewis Trondheim, je suis bien incapable de résister à la pulsion de l’achat. Alors lorsqu’il s’associe à d’autres auteurs que j’apprécie (Neel, Bianco, Yoann, Alfred…), il m’est impossible de ne pas passer à la caisse… « L’atelier Mastodonte » raconte le quotidien de quelques auteurs de bande-dessinée réunis en atelier. Ils dessinent tous des strips sur les anecdotes de l’atelier. Ainsi, il n’est pas rare qu’ils se répondent… Publiés dans le journal de Spirou, ceux-ci se voient regroupés dans un ouvrage au format paysage de belle facture. L’écrin est même dessiné par Bilal… Mais alors que donne cet ouvrage réunissant une véritable dream team de la BD ?

Tout démarre par la volonté de Trondheim d’ouvrir un atelier. Les premiers strips font donc part de cette envie et nous présente les auteurs. Ainsi, Guillaume Bianco est intimidé par Lewis Trondheim, Julien Neel se balade avec une marionnette, Cyril Pedrosa souhaite que les auteurs se syndiquent… Et rapidement s’instaure ce qui fera la force de l’ouvrage : la réponse du berger à la bergère ! Ainsi, lorsqu’un auteur se moque d’un autre dans son strip, celui-ci lui répond dans le strip suivant. Cela instaure une vraie dynamique. Il me semble d’ailleurs que dans le journal de Spirou, les strips étaient publiés par deux sur une page. Ceux-ci font chacun une demi-page de huit cases.

Une vraie diversité dans les humours.

La diversité des humours fait la force de l’ouvrage. Même si chacun sera plus ou moins sensible à tel ou tel auteur, globalement il y a une ligne directrice qui se dégage. Comme les auteurs se répondent, on reste souvent dans les mêmes humours au final. Et après des débuts plus classiques, les délires se développent et chaque personnage prend une ampleur intéressante, car son caractère est vu par différents auteurs. Et l’atelier parvient à dégager de vrais délires collectifs (on pense au collectionneur par exemple) qui donne l’impression d’une vraie cohésion de groupe.

L’autre intérêt est évidemment la diversité des graphismes. Tout est assez différent puisque l’on passe de dessins d’humains à de l’animalier… Là encore, c’est un plaisir de découvrir les différentes visions de chacun. Pour ma part, j’aime beaucoup les styles graphiques de beaucoup d’auteurs de cet ouvrage. On notera que de nombreux guests viennent enrichir l’ensemble et pas des moindres : Bouzard, Buchet, Delaf, Feroumont, Frantico, Keramidas, Libon, Nob, Plessix, Sapin, Stan & Vince et Vivès. Rien que ça !

Cet « Atelier Mastodonte » est une véritable réussite. Voilà un exemple à suivre en termes d’ouvrage collectif. Tout est entremêlé et c’est cela qui fait toute la force de ce livre. Plein d’humours différents, du scatologique au plus subtil, il est aussi une source de blagues sur les auteurs et leurs différences. A lire absolument.

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Note : 16/20

Charly 9 – Richard GuĂ©rineau

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Titre : Charly 9
Scénariste : Richard Guérineau
Dessinateur : Richard Guérineau
Parution : Novembre 2013


 Avec « Charly 9 », Jean Teulé a écrit l’un de ses best-sellers. Relatant la culpabilité de Charles IX après avoir ordonné le massacre de la Saint Barthélémy, il permettait de découvrir un roi soumis à sa mère Catherine de Médicis qui se ne remettra jamais de sa décision. Lourde tâche donc pour Richard Guérineau de reprendre le flambeau en adaptant ce livre en bande-dessinée. Le tout est publié chez Delcourt dans la collection Mirages pour 128 pages de lecture.

Charly9aLe tout démarre par une scène qui pose le personnage. Acculé par sa mère, son frère et tous leurs conseillers, Charles IX ordonne le massacre de la Saint Barthélémy. Mais c’est avant tout pour qu’on le laisse tranquille. Car tout est fait pour le manipuler. D’abord choqué par l’idée que l’on assassine une personne, la discussion grandit et le nombre de victimes pressenties également… Lui ne veut pas, toute la cour le veut. Mais il est le Roi et il faut sa signature. Il l’appose et le voilà condamné à la culpabilité.

Des anecdotes à la pelle pour une seule année.

Le livre est construit selon des chapitres qui montrent le Roi peu à peu sombrer dans la folie. Même si l’ensemble manque un peu de fluidité, la pertinence est évidente. Car ce sont les anecdotes qui montrent Charles IX devenir fou et malade. Richard Guérineau va à l’essentiel et malgré les 128 pages, on ne s’ennuie à aucun moment. Chaque planche est nécessaire. On retrouve aussi le sel de l’ouvrage de Teulé avec beaucoup d’anecdotes historiques à ressortir en soirée : l’origine du 1er avril et du 1er mai par exemple sont un délice.

Charly9bAu-delà de l’anecdote, le livre propose une galerie de personnages des plus connus. Outre la cour royale (Catherine de Médicis, la future reine Margot, Charles IX…), on retrouve des artistes (Ronsard) ou des personnalités autres (Ambroise Paré). Il n’en est pas trop fait là-dessus. Cela permet surtout de voir quels liens avaient ces personnes avec le Roi. Plus étonnant, le langage parlé par les personnages est à la fois modernisé et conservé comme à l’époque. Le tout est pourtant très fluide et agréable.

Concernant le dessin, c’est peu de dire que le trait de Richard Guérineau m’a séduit dans cet ouvrage. Je l’avais connu dans un registre plus réaliste et son passage à un dessin plus caricatural est une vraie réussite. Les gueules sont expressives, les décors nous replongent dans la France d’antan et les choix graphiques sont pertinents. On a même droit à un hommage à « Johan et Pirlouit » de Peyo ou à « Lucky Luke » de Morris… Malgré tout, les changements de style (notamment dans la colorisation) sont un peu perturbants. S’ils sont parfois parfaitement cohérents (comme pour la scène finale), d’autres sont moins clairs dans leur intention. Visiblement, Richard Guérineau avait décidé de se faire plaisir ! Mais qu’il nous propose de nouveau des bande-dessinées réalisées dans ce style plus relâché, cela lui va très bien ! On retrouve cependant un vrai talent dans la mise en scène et le découpage. On sent qu’il y a du métier derrière !

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« Charly 9 » est une belle adaptation. Reprenant très bien le principe des œuvres de Jean Teulé, le lecteur restera difficilement indifférent au cynisme et à la violence de l’ensemble. Et bien que Charles IX nous paraisse torturé et plus de culpabilité, il est aussi complètement inconscient et devient fou. Richard Guérineau parvient à nous dresser le portrait complet d’un homme qui mourra de culpabilité. Et pourtant, on ne ressent pas forcément d’empathie pour le personnage.

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Note : 15/20

Anatomie de l’Ă©ponge – Guillaume Long

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Titre : Anatomie de l’Ă©ponge
Scénariste : Guillaume Long
Dessinateur : Guillaume Long
Parution : Juillet 2006


J’ai connu Guillaume Long avec « À boire et à manger ». C’est ici une œuvre parue bien plus tôt, en 2006, dont il est question : « Anatomie de l’éponge ». C’est un recueil d’histoires courtes qui expliquent (entre autres), les influences de l’auteur. On a donc affaire à une autobiographie où l’autodérision est le maître mot. Le tout pèse 115 pages et est paru chez Vertige Graphic.

Guillaume Long nous propose une série d’histoires courtes aux thèmes variés. Dès la première, on sent l’influence (l’hommage ?) à Blutch. Mais c’est surtout Lewis Trondheim (sous le pseudonyme Luis Troën) qui sera au centre des attentions. Adulé par l’auteur, sa passion pour l’auteur devient un running gag très efficace au fil des pages.

Un auteur qui se cherche et se trouve.

Au-delà des histoires sur la bande-dessinée, Guillaume Long diverge et parle aussi de son enfance. On sent un auteur qui se cherche. Graphiquement, on voit une tentative de faire des bande-dessinées avec un dessin et le texte en-dessous, puis on tâtonne vers un entre-deux. Cette façon dont l’auteur se cherche dans la narration (et aussi dans l’humour) est des plus intéressantes. Et on le voit progresser, puisque les dernières histoires font mouche. Plus le livre avance et plus on rit. L’auteur parvient à trouver un ton et un humour qui nous font beaucoup sourire et même rire par moment. Au point qu’après cet ouvrage, il me paraissait essentiel de m’intéresser à la suite de la production de l’auteur.

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Hélas, qui dit recueil dit souvent qualité inégale. C’est le cas ici. Certaines histoires laissent un peu froid, là où d’autres nous transportent. Que dire que cette formidable histoire où Guillaume Long se perd en voiture et va dormir dans un domaine perdu ? L’autodérision marche à plein régime. Si ce n’est pas forcément original, Guillaume Long se l’approprie pleinement.

Graphiquement, Guillaume Long a un style qui se reconnaît vite, mais il se cherche ici. Le noir et blanc est de rigueur, bien que parfois relevé de niveaux de gris. On sent des modifications, des essais… Et le tout est plutôt réussi. La maturité de son style se sent une nouvelle fois et sa façon de dessiner en noir et blanc hachuré est dynamique et vivante. Le trait est simple, mais la gestion des noirs et des volumes est réfléchie et réussie. Bref, un dessin qui paraît simple au tout venant, mais qui vaut le coup d’œil.

Cette « Anatomie de l’éponge » a les défauts du recueil. Son côté inégal gênera à coup sûr. Mais il y a de vraies qualité tant dans la narration que dans le dessin chez Guillaume Long qui suffisent à lui donner de l’intérêt. Quand on voit le nombre d’autobiographies insipides qui peuvent fleurirent sur les rayons, ce n’est pas le cas ici. Le livre montre un auteur qui se cherche et, surtout, qui se trouve !

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Note : 14/20

Z comme Don Diego, T1 : Coup de foudre Ă  l’hacienda – Fabcaro & Fabrice Erre

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Titre : Z comme Don Diego, T1 : Coup de foudre Ă  l’hacienda
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabrice Erre
Parution : Avril 2012


« Z comme Diego » est une nouvelle série née en avril dernier. Son premier tome s’intitule « Coup de foudre à l’hacienda ». Edité chez Dargaud, cet ouvrage se compose d’une quarantaine de pages. Son prix avoisine onze euros. Le nom de son scénariste a attiré mon regard vers cet album. Il s’agit de Fabcaro dont j’avais apprécié « Jean-Louis et son encyclopédie » ou « Steve Lumour, l’art de la winne ». J’avais trouvé ses opus très drôles. Dans « Coup de foudre à l’hacienda », il ne se charge pas des dessins. Cette tâche est confiée à Fabrice Erre dont je découvre le travail à cette occasion. Les couleurs naissent de la plume de Sandrine Greff. La couverture nous présente un Don Diego désabusé. Il est entouré de Zorro qu’on suppose être des usurpateurs. En effet, qui ne sait pas que Don Diego est à Zorro, ce qu’est Peter Parker à Spiderman…

La quatrième de couverture nous présente le synopsis suivant : « Don Diego, alias Zorro, avait déjà bien du mal à gérer sa double personnalité : l’arrivée de la belle senora Sexoualidad n’allait certainement pas arranger les choses… Une parodie avec de l’action, du rire, de l’émotion, des chevaux, des épées, des combinaisons, de la paella, de la bière et des hommes invisibles. »

zcommedondiego1bEn me plongeant dans « Coup de foudre à l’hacienda », deux sentiments contradictoires se mêlaient. J’étais curieux de découvrir cette parodie de Zorro qui est vraiment le héros de mon enfance. J’ai toujours gardé une tendresse pour la série télévisée en noir et blanc datant des années cinquante. Le petit monde de Don Diego, Bernardo, le sergent Garcia et des autres m’ont toujours passionnée et fait rire. Parallèlement, j’appréhende de ce type de série qui prétend jouer avec les codes d’un univers établi et connu. Souvent, le soufflé retombe très vite et la dimension commerciale de ce choix scénariste prend rapidement le pas sur l’imagination de l’auteur. J’étais donc curieux de voir si Fabcaro allait arriver à manipuler avec talent tous les aspects de cette célèbre communauté.

Des vannes variées à aucun moment répétitives.

L’ouvrage nous présente deux gags par page. Chacun se décompose en six cases carrées de taille identique. Cela impose à la trame de chaque scène d’être dense et bien construite parce que l’auteur n’a pas non plus trop de temps pour les digressions. Je vous avoue que les premiers gags m’apparaissent prévisibles et presque décevants. Mais rapidement une atmosphère agréable se dégage de la lecture et notre immersion dans l’univers créé par les auteurs se fait plus intense. La densité de qualité est plutôt bonne et chaque page fait naitre un sourire ou un rire franc. Fabcaro arrive à offrir des vannes variées qui ne s’avèrent à aucun moment répétitive. C’est une performance parce le défaut de la redite est souvent irrémédiable dans ce genre d’ouvrage.

Le scénariste arrive à construire sa parodie en exploitant parfaitement les codes de la série originale. Tous les personnages avec leurs caractéristiques propres sont exploités. L’aspect humoristique est l’atout principal de cet ouvrage qui chatouillent nos zygomatiques aisément. A défaut de nous faire pleurer de rire, la bonne humeur dégagée par la lecture est des plus agréables. De plus, le fait que Fabcaro utilise tous les aspects de « Zorro » m’offre une plongée en enfance que je savoure avec appétit. Je n’ai pas envie de vous donner des exemples qui vous gâcheraient la découverte. Mais sachez qu’on rigole avec plaisir des maladresses de tous les protagonistes.

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Le dessin  de Fabrice Erre correspond parfaitement au public visé par cet ouvrage. Tous les membres de la famille peuvent trouver quelque chose dans cet opus. Néanmoins, j’ai eu du mal à être conquis par son trait au début. Je le trouvais un peu brouillon et trop excessif. Mais une fois envahi par l’atmosphère de la série, son trait quasi caricatural correspond parfaitement au propose tenu par Fabcaro. Je pense donc qu’à défaut de marquer les esprits, les illustrations nées du trait de Fabrice Erre accompagne parfaitement le moment divertissant de lecture offert par cet ouvrage.

En conclusion, « Coup de foudre à l’hacienda » est une réussite. Il s’agit d’un ouvrage de qualité qui génère de la bonne humeur. Tout n’est pas homérique et l’ensemble n’est pas un chef d’œuvre. Malgré tout, dans la thématique de la parodie, il s’agit à mes yeux d’un des meilleurs du genre. Il est difficile de s’approprier un univers et de le tourner en dérision. Fabcaro s’en sort vraiment bien. Je pense donc que je lirai avec joie le second tome qui devrait paraitre dans quelques mois. Mais cela est une autre histoire… 

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Note : 13/20

Une annĂ©e au lycĂ©e – Fabrice Erre

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Titre : Une année au lycée
Scénariste : Fabrice Erre
Dessinateur : Fabrice Erre
Parution : Avril 2014


Fabrice Erre est dessinateur de bande-dessinée. Mais comme nombre de ses collègues, il possède un « vrai » métier lui permettant de vivre dignement : enseignant d’histoire-géographie en lycée. Forcément, la tentation de raconter son quotidien face aux élèves était trop tentant. Voilà qu’il nous propose un ouvrage autobiographique, « Une année au lycée ». Le tout est publié chez Dargaud et pèse pas moins de 153 pages !

L’auteur démarre donc l’année avec la fin des vacances et termine le tout avec le début des vacances. On retrouve donc les premiers contacts avec la classe jusqu’au bac. Fabrice Erre a l’avantage d’avoir des secondes, des terminales (qui préparent le bac) et d’être professeur principal. Cela permet de balayer un large spectre de situations. Dès le départ, l’auteur nous prévient : oui, tout est romancé (heureusement d’ailleurs). Chaque scène est donc un condensé de vécu, clairement concentré pour en améliorer l’aspect comique.

On sent le vécu !

Fabrice Erre joue la carte de l’autodérision dès le départ. Il se dessine bien plus vieux qu’il ne l’est et n’hésite pas à se montrer sous un jour peu reluisant. Et c’est là où la bande-dessinée est réussie. Erre est un professeur normal : aussi bien il peut avoir des fulgurances pour adapter son cours à ses élèves (et même faire preuve d’ouverture dans les discussions), aussi bien il merdouille bien par moments ! L’humour fonctionne très bien et il n’est pas rare de rire devant les gags et remarques lues. C’est là où « Une année au lycée » supplante des BDs comme « Les profs ». On sent le vécu, l’absurde des remarques, les situations qui dérapent…

L’auteur nous propose deux types de scènes. Les premières sont classiques et montrent le prof avec ses collègues ou les élèves. Les deuxièmes sont des purs délires où Erre fait des parallèles entre un univers (la guerre par exemple) et l’enseignement. Elles sont globalement aussi réussie et cela permet de rythmer l’album qui pourrait paraître répétitif si les scènes de classe s’enchaînaient méthodiquement.

Au niveau du dessin, c’est quand même un peu léger. Les délires sont plus travaillés graphiquement mais les scènes de classe sont peu ouvertes à l’expérimentation graphique. L’auteur se contente de dessiner les personnages, qu’il fait très expressifs. En soit, ce choix est pertinent car l’auteur se focalise sur les réactions et les dialogues, qui font l’essence d’une classe. Le tout est colorisé en bichromie (sauf des exceptions lors des délires de l’auteur).

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« Une année au lycée » est un ouvrage réussi. En utilisant parfaitement les absurdités du monde du lycée, Fabrice Erre lui donne de la force par son trait. Quand on voit la tête du prof, très satisfait de voir les élèves grévistes ne pas arriver à faire se calmer une classe, tout est dit ! Un bel ouvrage, forcément un peu réservé à ceux pour qui l’éducation nationale n’est pas qu’un souvenir de jeunesse.

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Note : 16/20

Et pour poursuivre l’expĂ©rience : http://uneanneeaulycee.blog.lemonde.fr/

Mars ! – Fabrice Erre & Fabcaro

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Titre : Mars !
Scénariste : Fabcaro
Dessinateur : Fabrice Erre
Parution : Août 2014


J’ai découvert le duo formé par Fabrice Erre et Fabcaro en lisant les deux chapitres de « Z comme Diego », digression humoristique dans l’univers du célèbre héros masqué. J’avais beaucoup ri en suivant les maladresses de l’incompétent Diego dans son rôle de Zorro. Récemment, j’ai retrouvé avec plaisir Fabrice Erre quand il décrit son quotidien d’enseignant dans le sympathique et divertissant « Une année au lycée ». C’est donc avec plaisir que j’ai vu par hasard dans les rayons d’une librairie « Mars ! ». Cet ouvrage coécrit par les deux auteurs est de format carré et se compose de soixante-quatre planches. Edité chez « Fluide Glacial », il coûte quinze euros.

L’histoire est simple. Elle nous conte l’envol d’une navette française vers Mars. Nous suivons donc le point de vue des astronautes, du président de la République, des ingénieurs au sol et du français lambda qui vit l’événement devant sa télévision. Je ne vous dévoilerai pas tout ce qui se passe mais sachez que tout ce beau monde ne sort pas grandi de cette aventure spatiale !

La désacralisation de la conquête spatiale est hilarante.

Mars1De la même manière que dans « Z comme Diego », les pages se décomposent en scénette de trois cases contant chacune une anecdote délurée et décalée autour de ce projet d’ampleur. L’aéronautique n’en sort pas grandi mais par contre nos zygomatiques adorent ! La densité humoristique du propos est forte et la qualité constante du début à la fin. Les rebondissements et les surprises sont nombreux ! La désacralisation de la conquête spatiale est hilarante.

Cette lecture s’adresse à un public très large. Les vannes utilisent une grande variété d’ingrédients pour faire rire. L’immense majorité des chutes sont surprenantes. Chaque nouvelle scène alimente la curiosité du fait de sa qualité comique. L’attrait constant facilite l’immersion dans l’univers de cette aventure spatiale pas comme les autres. L’humour alimente l’humour et les rires se succèdent au rythme de défilement des pages.

Mars3Comme que je l’évoquais précédemment, les auteurs ne se contentent pas de nous faire le quotidien du cockpit de la station et du poste de commandement au sol. Nous découvrons également les arcanes de la gestion politique pour le moins originale de nos dirigeants. Nous ne passons pas non plus à côté des sentiments vécus par le français moyen qui voit devant sa télévision l’Histoire s’écrire. Cette diversité de points de vue alimente le concentré de drôleries qui compose ce  « Mars ! ».

Le dessin de Fabrice Erre est aisément reconnaissable. Je sais que certains lecteurs le trouvent bâclé et s’avèrent assez hermétique à son style. Je peux le comprendre aisément. Néanmoins, personnellement, je trouve que le trait coïncide parfaitement à avec le ton déluré et décalé de l’album. En tout cas, les couleurs vives qui accompagnent la lecture sont appréciables et participent à la bonne humeur dégagée.

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Pour conclure, « Mars ! » est une belle réussite. J’ai passé un très bon moment en le lisant et n’hésiterai pas à m’y plonger à nouveau pour redécouvrir les pérégrinations de ce groupe de bras cassés. Je ne peux donc que vous inciter à partir à la rencontre de cette aventure pas comme les autres…

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Note : 16/20

La Capote qui Tue – Ralf König

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Titre : La Capote qui Tue
Scénariste : Ralf König
Dessinateur : Ralf König
Parution : Mai 1999


Ralf König est un auteur de bandes-dessinées humoristiques allemand dont les protagonistes sont pour la plupart homosexuels. Dans le recueil « La capote qui tue », on trouve deux histoires : « La capote qui tue » et « le retour de la capote qui tue ». Tout de suite on comprend combien il va falloir faire preuve de second degré pour avaler la pilule ! Je connaissais déjà Ralf König par « Les nouveaux mecs » qui tenait plus de l’analyse sociologique des rapports hétéro/homo.

Car ici, c’est de série B qu’il s’agit (voire de série Z). C’est complètement barré mais parfaitement assumé. Le tout est présenté comme un film, avec nom d’acteurs, de réalisateur… Rapidement, on voit que c’est les milieux les plus mal famés de l’homosexualité que l’on va explorer. Hôtels de passe avec travestis, milieu du cuir… König ne fait pas dans la dentelle.

On suit l’histoire de Mécaroni, un inspecteur homosexuel et un peu rustre sur les bords. Sa particularité est d’avoir un sexe énorme (40 cm) et d’arriver à se taper à chaque histoire un bel étalon. Son côté blasé et homo le met en complet décalage avec ses collègues qui lui reprochent sa vie de débauche. Essentiellement, Mécaroni est l’homme qui permet de montrer la vision du monde consensuel sur l’homosexualité.

Concernant l’histoire, cette capote tueuse apporte un vrai suspense : Mécaroni va-t-il se faire manger le sexe après s’être fait mangé une première couille ? La tension est palpable de bout en bout. La première histoire fait appel aux hôtels de passe, la seconde (qui voit le retour de la capote) est encore plus barrée et part dans des histoires de savants fous. Elle a le mérite d’expliquer l’existence de cette fameuse capote.

Homo refoulé, bars gay et vie d’hétéro chiante à mourir

Remise dans le contexte, il faut signaler que ces histoires sont parues en pleine campagne de prévention contre le SIDA (première publication en 1988 et 1990). C’est donc en pleine peur du sexe et apprentissage du préservatif que se situe l’intrigue. Il y a donc une forme de message dans cette histoire. Ainsi, un flic déclare : « Cette putain de campagne anti-SIDA coûte au gouvernement des millions de dollars, rien que pour que les gens mettent des capotes avant de baiser. Maintenant, ils ont tous peur que ces trucs les bouffent !!! » Cela n’est évidemment pas anodin et permet de voir plus loin que la simple série B dans cet ouvrage. On retrouve également des thèmes récurrents dans les ouvrages de König : l’homosexuel refoulé, les bars gay, la vie de l’hétéro chiante à mourir…

Le graphisme de König, très reconnaissable avec ses gros nez, fait mouche. Un soin particulier a été apporté aux ambiances pour coller à l’esprit cinématographique. Les premières pages sont simplement magnifiques. Les scènes de nuit et de bars sont également très réussies. Le tout est dessiné dans un noir et blanc très maîtrisé.

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Je préfère prévenir que König n’hésite pas à montrer des scènes d’accouplement entre hommes à de multiples reprises. Si certains sont gênés par ce genre de choses, mieux vaut éviter « La capote qui tue »qui a tendance à être bien plus explicite que dans d’autres des ouvrages de l’auteur. Si je ne trouve pas ça particulièrement choquant (ce n’est pas trash en soit), cela dépend de la sensibilité de chacun.

« La capote qui tue » est donc une BD complètement déjantée et menée avec brio. Il y a un vrai suspense, des personnages secondaires réussis, un humour omniprésent… Le tout se lit avec plaisir, même s’il vaut mieux ne pas lire les deux histoires à la suite, à cause d’une certaine redondance entre elles. A lire d’urgence pour les moins coincés d’entre vous !

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Note : 15/20

Prototype – Ralf König

Prototype


Titre : Prototype
Scénariste : Ralf König
Dessinateur : Ralf König
Parution : Septembre 2011


Ralf König est un auteur que j’aime beaucoup. Spécialisé dans la description du milieu gay, l’allemand produit ici « Prototype », sortant de son sujet habituel. Le prototype est Adam, le premier homme. Alors, que donne ce livre hors des sentiers battus ? Ralf König est-il aussi pertinent et drôle lorsqu’il aborde des sujets théologiques ?

Le livre s’articule essentiellement sur les dialogues entre Dieu et le serpent Lucky (alias Lucifer). Dieu crée sa nouvelle créature, mais Lucky est plutôt critique dessus, poussant Dieu a de nombreux changements. La suite, on la connaît : Eve, la pomme, l’exil, etc.

Un relecture du mythe sympathique.

prototype2Dans « Prototype », König se moque donc de la création de l’Homme en la prenant au pied de la lettre. Dieu ajoute et supprime des fonctionnalités au fur et à mesure. Capricieux et visiblement irascible, notre Père en prend pour son grade… Comme dans tout livre un tant soit plus blasphématoire qui se respecte, l’esprit malin paraît bien plus sympathique et plein de bon sens ! Ainsi, la relecture du mythe est finalement assez légère, malgré une grosse entorse à l’histoire officielle sur le fruit défendu !

Ralf König base tout son livre sur les dialogues, souvent absurdes au vue de la situation. C’est son point fort et l’ironie inonde les pages de l’ouvrage. Si on sourit souvent, on ne peut constater que le manque d’originalité de l’ensemble. Les ouvrages reprenant la Génèse sont très nombreux et force et de constater que celui-ci n’apporte rien de neuf. Reste des dialogues sympathiques et quelques passages bien sentis ! La thèse du livre en soit est plus originale, bien qu’un peu tirée par les cheveux.

Au niveau du dessin, on retrouve le trait tout en rondeur de l’auteur. Le sujet n’apporte pas forcément un maestria graphique, mais les expressions des personnages restent un vrai délice. On notera des couleurs assez criardes. Est-ce l’impression ou un choix esthétique ? Difficile de le savoir. En tout cas, Ralf König possède un trait parfaitement adapté à son propos.

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« Prototype » ne révolutionne rien. Malgré tout, la lecture est plaisante et l’humour fait mouche. Une lecture sympathique pour les amateurs de relecture biblique. Ni plus, ni moins.

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Note : 13/20